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28/03/2008

LA PLURALITE CULTURELLE A L'ECOLE

En attendant, dés demain, une nouvelle Note,

voici une annonce:

PARI(S) DU VIVRE ENSEMBLE - Édition 2008

à l'initiative d'Esther Benbassa & Jean-Christophe Attias,
avec Stéphanie Laithier, Sébastien Ledoux et Vincent Vilmain

LE MERCREDI 2 AVRIL,

À LA SORBONNE

Comment écrire

et enseigner

la pluralité culturelle

à l’école ?

le mercredi 2 avril, à partir de 9h15, à la Sorbonne, amphithéâtre Liard, 17 rue de la Sorbonne, 75005 Paris (Métro Odéon ou Cluny-Sorbonne).

Cette rencontre s'achèvera par un concert

09:05 Publié dans ACTUALITE | Lien permanent | Commentaires (0)

22/03/2008

DE J-P BRARD à A. ROUTIER: LE CLERICALISME DECHAINE

CHAMPAGNE POUR DOMINIQUE VOYNET, MAIRE DE MONTREUIL

HONTE A CECILE DUFLOT QUI CONFOND NEO-STALINISME ET GAUCHE

CONSEILS GENERAUX : BRAVO LA PARITE

 

AIRY ROUTIER, CLERICAL DE LA PIRE ESPECE

 

ESPRIT DE MAI, ES-TU LA ?

IL NE FAUT PAS ABANDONNER L’ANTICLERICALISME, MAIS L’ELARGIR

 

Dans une actualité où l'on ne trouve pas tellement de sujet de réjouissances, où la situation est même tellement bloquée qu’un parti peut gagner des élections sans avoir fait le moindre effort pour sortir du caca épistémologique dans lequel est embourbé, voila une nouvelle fort agréable :

La victoire de Dominique Voynet à Montreuil contre Jean-Pierre Brard « qui gère Montreuil en autocrate, dézinguant tous ceux qui présentent une menace pour son pouvoir » (Le Nouvel Observateur, 21/2/2008), qui se comporte en « potentat local » (Le Monde, 22 mars 2008) et qui est un ex soutien de l'invasion de l'Afganistan par l'Union soviétique.

La radio aujourd’hui même raconte la violence de la passation du pouvoir, et comment Brard s'avère un très mauvais perdant. Et dire que, si le PS ne l’avait pas sauvé, il ne serait plus député non plus.

Bon courage, Dominique, il va sans doute tout faire pour vous rendre la vie impossible.

 

 

J.-P. Brard a été communiste au temps où le parti était stalinien. Il joue actuellement un jeu de proximité et de distance en étant un député et, jusqu’à aujourd’hui, un maire apparenté communiste.

On pourrait penser à un réel changement. Mais les citations que nous venons de faire et tout ce que nous savons de sa pratique (cf ci après) montre qu’elle n’a pas changé. Beaucoup moins que celle de certains communistes qui sont restés membres de leur parti.

Etre apparenté communiste lui permet de cumuler deux avantages: d'une part se prétendre extérieur au PCF, un brin rénovateur, en fait, d’en être un représentant influent, qui bénéficie des accords au sommet que cette appartenance permet (pas à tous cependant. Alors pourquoi le PS le ménage-t-il autant? Pourquoi en a-t-il peur?).

Rappelons, en effet, que les socialistes, à cause de l’appareil de leur parti, ont fait alliance avec lui contre Dominique Voynet, ce qui, merde à la fin, décrédibilise beaucoup leurs critiques de Sarkozy.

Ce qui montre qu’un sérieux coup de torchon est nécessaire pour que ce parti redevienne de gauche.

 

 

Je l’écris d’autant plus volontiers que des fabusiens, et même Claude Bartolone d’après Le Monde, ont donné un coup de main à Voynet.

Les fabiusiens, ce n’est pas ma cup of tea.

Ils ont fait échoué le referendum sur l’Europe en nous promettant un plan B. Je n’ai pas vu apparaitre le moindre plan B, excepté une division néfaste pour le PS et la victoire de Sarkozy.

Ceci écrit, pas de dogmatisme. Bartolone, je l’avais apprécié quand j’étais au Cabinet de Ségolène Royal et qu’il était ministre de la ville et j’avais travaillé de façon intéressante avec son propre Cabinet. Et là,  pour une fois, je dis très sincèrement « Bravo » aux fabusiens qui ont aidé à libérer Montreuil.

 

 

Pour ce qui concerne le domaine de ce blog : la laïcité, Monsieur Brard m'apparait comme le type même du faux laïque.

Non pas qu’il soit un militant antireligieux. Pas du tout et c’est là qu’il trompe celles et ceux qui veulent bien être trompés. A l’Assemblée Nationale, il a fait adopter (par exemple) un amendement sur l’enseignement laïque du fait religieux à l’école.

Mais, on peut se poser des questions sur la manière dont il conçoit cet enseignement, car à la MIVILUDES (Mission Interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires), il a combattu les efforts qui étaient fait pour une approche plus rationnelle du phénomène des dites sectes, il a rendu la vie impossible à la sociologue qui était membre de cet organisme.

Il n’a pas supporté que l’on puisse envisager d’avoir recours à des démarches de type scientifique, universitaire, académique.

 

 

Et c’est, bien sûr, cet obscurantisme, cette impossibilité d’admettre qu’il existe une approche scientifique qui crée problème.

Une démarche scientifique qu'est-ce à dire?

Il ne s'agit pas d'une démarche infaillible, donnant des résultats sûrs à 100%, définitivement vrais, mais d'une démarche prenant ses distances avec les affects, les émotions primaires, les descriptions au 1er degré, s'appuyant sur les acquis de disciplines scientifiques et les complétant par des enquêtes vérifiées, bref dune démarche objectivante.

C'est ce refus d'une telle démarche qui montre, pour moi, qu’il s’agit d’un faux laïque.

Il n’existe pas de "richesse absolue". On ne va pas narguer un SDF, pour autant, en lui déclarant que, puisque la richesse absolue n’existe pas, il n’existe aucune différence entre un patron du CAC 40 et lui, qu'il n'a donc aucune raison de se plaindre!

Pourquoi alors, tellement d’imbéciles, même pas heureux, colportent l’idée qui traîne dans toutes les poubelles partisanes que puisque l’objectivité n’est jamais absolue, l’objectivité n’existe pas ?

 

 

J.-P. Brard aime la religion, style prêtres ouvriers. La religion progressiste. La religion qui est compagnon de route de la gauche. C’est son droit. Les religions un peu effervescentes lui sortent par les trous de nez. C’est son droit encore. Il déteste tout ce qu’il appelle « secte ». C’est son droit toujours. Je ne lui reproche absolument rien de tout cela.

Ce que je lui reproche, en revanche, c’est de se montrer incapable, quand il agit comme homme politique, de prendre la moindre distance avec lui-même, avec ses opinions et ses affects, voire ses fantasmes. C’est d’être incapable de la moindre gymnastique intellectuelle. Du coup, de déraper grave !

Et en toute logique, il s’est montré un maire fort peu démocratique.

(C’est exactement le même reproche que j’ai fait à l'encontre de Nicolas Sarkozy, lors de ces 2 discours au Latran et à Riyad : il a le droit d’avoir ses opinions et ses croyances : comme Président il doit s’adonner à la gymnastique intellectuelle pour pouvoir être un arbitre)

 

 

Bruno Rebelle, qui a moult efforts à faire pour mériter son nom,  a déclaré : « On a mal mesuré l’ampleur du rejet de la personnalité de Brard. » (Le Monde, idem) Mais il suffisait d’avoir un peu de conviction (de gauche), un brin d’éthique, un poil de sens démocratique pour le mesurer.

D'ailleurs les jeunes des cités proposaient un slogan simple à D. Voynet lors de sa campagne électorale: "Brard, y en a marre!" (Le Nouvel Obs, idem). Alors, M. le Pseudorebelle, un peu de démocratie participative,...

Car ce n’est vraiment pas glorieux, M. Rebelle, de vous être planté aussi lamentablement.

 

 

Monsieur Brard a déjà eu les honneurs du Blog.

Le 19 février 2005, il était élu, à l’unanimité de moi-même (beau score !), « Médaille d’or du Grand Bêtisier de la laïcité », pour avoir péter les plombs et interrompu des cultes de communautés protestantes haïtiennes (qui ont du quitter leur lieu de culte) sous le lamentable prétexte de vérifier les normes de sécurité.

Quand j’étais président de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes, il y a eu une vérification des normes de sécurité de l’escalier E de la Sorbonne où nous donnons nos cours. Le responsable de la vérification a pris contact avec moi pour me dire : « Naturellement, elle aura lieu hors des heures de cours »

Or il y avait des cours du lundi matin au samedi midi. Et là, il y a juste un culte le dimanche matin. Et c’est juste à ce moment là que l’on a rien de plus pressé que de troubler une assemblée en prière !

Je ne devrais pas avoir à raconter mes aventures à l’EPHE. Je le fais car il y a des ignobles qui ont fait semblant de croire au prétexte de la nécessité des règles de sécurité.

 

 

J’avais écris dans mon Blog que c’était la 1ère fois depuis le Maréchal Mac Mahon que des cultes protestants étaient ainsi troublés par un représentant de la puissance publique. Un dirigeant du protestantisme m’a alors reproché d’avoir oublié une interruption de culte en 1943 par la gestapo !

Bien sûr, c’est un précédent historique, pas forcément une comparaison. Mais le fait d’interrompre un office religieux, condamné par l’article 32 de la loi de 1905, est un fait grave.

Et même une grave « dérive sectaire » que la MIVILUDES aurait du s’empresser de condamner si elle se montrait un minimum fidèle à son titre.

Et il est très significatif de l’état de la société française qu’aucun parti politique n’ait, à ma connaissance, condamné ce coup de force. Ah si cela avait été un islamiste, que n’aurions nous pas entendu !

Bref, à bon entendeur salut : désormais tremblez, faux culs pseudo laïques, car si vous obtenez la Médaille d’or du Grand Bêtisier de la Laïcité, il est clair que vous ne l’emporterez pas au paradis !

Morales de l’histoire :

1°La présidente des Verts, Céline Duflot a déclaré sur TF1 : « Dommage qu’elle (=Dominique Voynet) ait gagné contre un autre élu de gauche ». De gauche « un autocrate, dézinguant tous ceux qui présente une menace pour son pouvoir » ?

Madame Duflot, nous n’avons vraiment, mais vraiment pas les mêmes valeurs. Vous êtes une stal. en herbe, ou quoi ?

Vous avez en tout cas perdu une belle occasion, non pas de vous taire, mais de saluer le courage de Dominique Voynet qui a du affronter une campagne électorale extrêmement éprouvante.

Le courage politique, peut-être ne savez vous pas (encore ?) ce que c’est.

 

Mais peut-être faites vous la fine gueule parce que vous pensiez que Dominique était out et que la voila élue de façon très brillante ; c’est l’interprétation du Monde. Déjà apparatchik à votre âge, cela promet !

Vous soupçonnez aussi que certaines « voix de droite » se soient portées sur Dominique Voynet ?

Figurez vous que les gens de droite sont aussi des êtres humains. Ils ont même le droit de vote. Et même le droit de ne pas subir ad aeternam un autocrate. Etonnant, non?

Décidément, il vous faut apprendre la différence entre la pire politique politicienne et le politique.

 

Pourquoi ai-je l’air de m’acharner sur vous, alors que j’en veux autant au PS ?

Parce que si les Verts, sous votre direction aussi peu éclairée, deviennent aussi combinards, voire ripoux, que le PS en certaines occasions, alors c’est vraiment à désespérer de la gauche.

2 Seconde morale de l'histoire: Le cléricalisme n’est pas seulement religieux, il est aussi politique.

Le cléricalisme est là dés qu’un élu est incapable de faire la différence entre ses opinions, ses affects, ses fantasmes et quelque chose d’un peu objectivé, d’un peu rationnel, d’un peu de l’ordre du savoir.

Il faut porter haut et fort cette exigence de gymnastique intellectuelle (qui est beaucoup plus dynamique et va plus loin que le « devoir de réserve »).

Dans tous les domaines. Celui de la religion : c’est cela que l’on peut exiger laïquement des croyants. Non pas qu’ils soient d’un « islam modéré », ou d’un « christianisme modéré » : nous allons reprendre cet aspect la semaine prochaine, avec la suite du feuilleton: "Agnostique et croyant".

Disons tout de suite que de tels slogans (sur la nécessité d'une religion "modérée") m’apparaissent particulièrement absurdes.

Mais pour que les « croyants » ne soient pas des cléricaux qui veuillent imposer leurs croyances aux autres, pour qu’ils puissent comprendre que les autres peuvent être différents, en ont le droit, il faut qu'ils effectuent de la gymnastique intellectuelle.

L’exigence anticléricale face à la religion ne porte pas sur le contenu des croyances mais sur la manière de se comporter quand on est croyant.

 Dans le domaine politique, il faut avoir la même exigence anticléricale. Et notamment en matière de laïcité, où tellement d’élus se trouvent dans le 1er degré le plus primaire, et non presque aucun savoir sur la chose. Il faut dire que ce n'est pas du côté de la direction de leur parti politique qu'ils vont trouver de l'aide.

Un dernier mot sur le politique : 101 président de Conseils généraux viennent d’être élus…DONT 4 FEMMES. Les politiques sont très féministes face à l’islam. Conséquents avec eux même, ils font beaucoup d’efforts pour promouvoir la parité.

On comptait 3 femmes présidentes de Conseils généraux. Hourrah, nous en avons 4 désormais.

Mais attention, un féminisme aussi débridé peut s’avérer menaçant pour l’égalité des sexes elle-même. Rendez-vous compte : si l’on continue la progression des femmes présidentes à un rythme aussi échevelé, en 2149, c’est à dire dans moins d’un siècle et demi, et le temps passe si vite !, nous aurons 51 présidentes de Conseils généraux contre… seulement 50 présidents.

Notre belle Marianne y survivra-t-elle ? Il n’est nullement trop tôt pour se poser la question. Mobilisons nous, que diable : objectif : le retour à 3 présidentes de conseils généraux dans 3 ans. 2 dans six ans, une dans neuf. Et dans 12, entre hommes!

 

Enfin, dernier objectif visé par mon armoire à poison de cette semaine : Airy Routier. Vous savez ce journaleux qui a publié le fameux (ou pseudo) SMS, qu’il n’a jamais lu, mais dont une source sûre dont il ne veut pas révéler la provenance, mais dont il est sûr que…

(Moi je ne connais pas ce Routier là, mais une source extérieure absolument sûre, dont naturellement je ne peux donner la provenance, m’a révélé qu’il ne s’agissait que qu’un sinistre crétin. D’autant plus que, moi, on m’a donné l’info gratis et je ne fais pas cela pour réaliser un scoop nul  et me faire de la pub!).

Routier s’est fait remonter les bretelles par l’intelligente et belle Carla (tribune du Monde, 20 mars) et il a osé dire sur le 13 Heures de France Inter que de toute façon, elle n’avait pas à le juger. Il ne pouvait être jugé que par des journalistes, et non par « des gens extérieurs » (sic) (à la profession).

Voila là, le propos typique du clérical : circulez profanes, vulgum pecus, vous n’avez rien à dire. Vous n’avez surtout pas le droit de nous contester, nous les clercs, qui vous dominons légitimement !

Certains ont été impressionnés par l’assurance avec laquelle Routier prétend que le SMS est vrai.

Mais il ne peut pas dire autre chose, sinon il se coule complètement. Et comme la plainte a été retirée après ses excuses, il peut prétendre cela sans risque.

En tout cas, ce n’est vraiment pas propre de présenter ses excuses parce qu’on mouille dans sa culotte. Et ensuite, quand il n’y a plus de plainte, de les retirer de fait en jouant le fier à bras en toute impunité.

Nicolas, tu vois, une bonne leçon de « morale de l’instituteur » ne ferait pas de mal à un tel malotru.

Dire que son comportement est inélégant est une sacré litote !

 

Et puis, que le SMS soit vrai ou faux, on s’en fout. De toute façon, c’est vraiment dégueulasse, ce que vous avez fait, Airy Routier. Bien sûr, Carla, elle, est obligé de dire : c’est dégueu parce que c’est faux. Mais vrai ou faux, selon moi, c’est tout autant dégueu !

Vous me donnez l’envie de payer un détective privé pour aller dénicher les cadavres qui existent dans les placards bien fermés de votre vie privée, les exhiber au grand jour et, surtout, vous mettre dans la mouise par rapport à votre dulcinée actuelle, en lui révélant toutes vos turpitudes réelles ou supposées!

Vous l’auriez dix mille fois mérité, vous et tous les fouille-merde de votre espèce.

Bon, je n’ai pas de fric à dépenser pour cela, recevez alors simplement l’expression de mon plus profond mépris.

 

 

Car, de toute façon, votre information est complètement fausse au sens du Nouvel Observateur.

Il faut, précise la Charte que vous avez signée, "présenter les faits avec la plus grande rigueur et la plus grande honnêteté. Tout information doit être recoupée et vérifiée. La rumeur doit être bannie, la citation ananyme évitée et la source indiquée aussi précisément que possible."

UN TEL TRAVAIL PERMET AU JOURNALISTE DE NE PAS ETRE CLERICAL.

Nous retrouvons là, précisément, la démarche d'objectivation dont il été question au début de cette Note.

Mais vous, je vous ai soigneusement écouté, vous n'avez pas dit un mot prouvant que vous avez suivi cette démarche. Il est clair que vous avez fait tout le contraire.

Et le journaliste de France Inter s'est montré bien complaisant car il ne vous a rien demandé dans ce sens.

 

Puisqu’on commence la célébration de Mai 68, Dany le Rouge, qui savait causer, parlait alors de « crapule stalinienne » ; il faudrait utiliser aujourd’hui l'expression de « crapule cléricale ».

Car Mai 68, il faudrait moins le célébrer, et plus pratiquer son esprit dans ce qu’il avait de meilleurs

Avant de céder moi-même sans doute à cette complaisante célébration et de vous raconter (peut-être) en quoi j’ai été un acteur de Mai, je lance ce mot d’ordre : « célébrer moins pour pratiquer plus ! »

Le meilleur de l’esprit de Mai est, à mon sens, d’avoir étendu la lutte anticléricale contre tous les cléricalismes. Aujourd’hui il ne faut pas abandonner la lutte anticléricale, mais la pratiquer que le cléricalisme soit religieux, politique, médiatique, médical, enseignant, universitaire,… La liste n’est pas close.

Allez, Dominique Voynet a gagné, contre tous les sectaires qui l’ont combattue. C’est chouette, alors champagne….

 PS : Je n’ai jamais le temps de faire des Notes sur tous les sujets intéressants. Ainsi j’aurais voulu aborder la question de l’occupation chinoise au Tibet. Faute de l’avoir fait, je vous recommande l’ouvrage de Raphaël Liogier : A la rencontre du Dalaï-Lama, qui vient de praître chez Flammarion.

14:05 Publié dans ACTUALITE | Lien permanent | Commentaires (6)

15/03/2008

PEUT ON ETRE AGNOSTIQUE ET CROYANT ?

I  QU’EST-CE QUE LE SYMBOLIQUE ?

Je reviens de Varsovie, où j’ai parlé de la laïcité devant un public qui allait de la présidente de l’Union Rationaliste à des catholiques traditionalistes. Et, à peine revenu, j’ai été interviewé hier soir, pendant deux heures, sur le « phénomène religieux », par une philosophe et un médecin, à Radio Libertaire (89.4), dans le cadre de l’émission « Raison présente » que l’Union Rationaliste a à cette radio, tous les second vendredi du mois.

Ces deux interventions m’ont amené à préciser certaines choses, dont je voudrais reparler ici.

 Je partirai de la réflexion critique que m’a faite un professeur polonais. En substance, il a déclaré ceci : « vous parlez beaucoup de liberté de conscience et de choix personnel. Fort bien. Mais ce n’est pas ainsi que les choses se passent : un bébé né à Dresde à 25% de chances d’être catholique et un autre né à Cracovie, 90% de chances d’être catholique. »

Fort intéressante objection. Elle n’existe pas dans le seul domaine de la religion d’ailleurs : un couple habitant le Limousin a 2 fois moins de chance de divorcer qu’un couple habitant l’Ile de France. Et on ne peut pas, pour autant conclure que les habitants du Limousin savent mieux aimer que les Franciliens !

Effectivement, un sociologue sait bien qu’au départ existent des déterminations sociales, socio-historiques : le pourcentage de chances d’être catholique n’était sans doute pas le même à Dresde il y a 50 ans. Mais s’il a fallu inventer la laïcité, c’est aussi parce que des individus n’ont pas été le reflet de leurs déterminations sociales.

Ils ont transgressé ces déterminations, se sont convertis d’une religion à une autre, ou sont devenus « mécréants »,… L’obtention de la liberté de conscience, n’a pas été une décision de philosophes enfermés dans une tour d’ivoire. Elle est de résultat de durs combats historiques, de réclamations (parfois au prix de sa vie) du droit à l’individualité, au choix personnel.

Quand on né, on trouve du déjà là. Nous allons en reparler.

Dans l’émission « Raison Présente », beaucoup de questions passionnantes m’ont été posées, dont celle-ci, au début de l’émission :

« Ce besoin de rites et de sacré décelé dés la préhistoire, peut-on dire qu’il persiste aujourd’hui parce qu’il appartient à la nature humaine, ou en d’autres termes, l’homme est-il en son essence un animal religieux ?

« Régis Debray, dans son rapport de 2002 sur L’enseignement du fait religieux dans l’école laïque, a-t-il raison d’écrire : « Tournent les idoles, mais l’axe du manège, l’incurable croyant, reste toujours disponible pour un nouveau tour de foi » ? Ou est-ce plus banalement qu’une question de crédulité, c'est-à-dire de manque d’esprit critique qui doit s’amender avec l’avance de la civilisation ? »

Et plus tard dans l’émission, de nombreuses autres questions, dont celles-ci :

« Partie de rites collectifs très stéréotypés et externalisés qui s’imposent aux individus, la religion s’intériorise et s’adresse à l’individu plus qu’au groupe. Vous dites vous-même dans (votrelivre) Les laïcités dans le monde que la religion tend moins à être un système de normes, qu’un systèmes de ressources. Qu’entendez-vous par là ?

« Vous ne faites pas mystère de votre appartenance à l’Eglise protestante, quelle assistance vous apporte la pratique religieuse dans votre vie d’homme moderne ? 

« Les religions ont-elles fait plus de bien ou plus de mal dans l’histoire des hommes ? »

Je voudrais relier ces questions à la réflexion critique du prof. de Varsovie.

Je partirai de la demande : l’homme est-il un animal religieux ? Je répondrais que, pour moi, l’être humain est fondamentalement un animal symbolique et qu’un des grands problèmes des sociétés modernes consiste à avoir oublié, rejeté dans l’impensé, cet élément essentiel de l’humain.

La religion est un concentré de symbolique, mais le symbolique ne se réduit pas au religieux.

L’importance des structures symboliques est le point aveugle de nos sociétés. Mais que faut-il entendre par « symbolique » ?

Dans sa signification originelle, le symbole était un bout de bois coupé en deux, dont ayant des aspérités (en Grèce, une pièce de monnaie coupée en 2 a ajouté la philosophe). Lorsque 2 tribus se croisaient, elles vérifiaient si le bout de bâton que possédait chacune d’entre elles pouvait se raccorder à l’autre.

Si les 2 bouts de bâtons s’emboîtaient, cela signifiait que les 2 tribus provenaient de la même origine. Cette origine commune en faisait des alliées, elles pouvaient collaborer pacifiquement, se partager le territoire.

Si ce n’était pas le cas, ces tribus se considéraient comme étrangères l’une à l’autre. Tout pouvait alors advenir, y compris la guerre.

Le symbole montre donc que nous ne vivons pas dans un monde ex nihilo, dans un univers historiquement et socialement vide que nous inventerions chaque jour. Il existe de l’antériorité, du déjà là qu’il faut décrypter.

Le symbole en effet possède une certaine matérialité : dans le cas présent : être un bout de bois, avec des aspérités. Mais un ignare ne trouvera aucune valeur à ce bout de bois. Il en existe des milliers d’autres dans la forêt. Il le jettera donc sans se rendre compte de la portée de son acte. Car l’important dans le symbole, ce n’est pas sa matérialité, mais sa signification.

C’est pourquoi, quand on jette le bout de bois – symbole, il vous revient en pleine figure, tel un boomerang !

Mais aucun membre de la tribu ne jettera un tel bout de bois, car chacun d’entre eux sait que s’il ressemble à mille autres, en fait il est unique et essentiel au devenir du groupe.

Le symbole connote donc l’antériorité, d’historicité de notre présent : J’ai déjà recommandé, aux Internautes de ce blog, l’ouvrage de l’excellent sociologue Henri Hatzfeld : Naissance des dieux, devenir de l’homme[1].

Hatzfeld indique l’enfant voit, entend des « objets symboliques », des gestes, des chants, des paroles qui composent tout un univers, avant de commencer à les comprendre : « Les symboles forment une demeure ou un milieu au sein duquel l’enfant se développe, et sa formation progressive, celle de sa  pensée et de sa sensibilité, s’effectue à l’intérieur de ce cocon nourricier. (….) Ces objets pleins de sens sont du reste mélangés aux objets naturels et, également, à ces objets techniques que l’homme se forme lui-même, comme des objets symboliques, pour son usage. »

 

 

Et Hatzfeld poursuit : « Ainsi la pensée n’est-elle nullement une affaire individuelle. Elle ne l’est pas, parce qu’elle ne pourrait pas se produire sans ces objets symboliques dont nous sommes dotés par la tradition et grâce auxquels nous pouvons penser. Le langage est assurément le plus remarquable de ces objets et systèmes d’objets » (pages 16-17).

 

Il me semble que nous avons, là, avancé dans la réflexion sur l’enfant qui naît à Dresde et celui qui naît à Cracovie. Par ailleurs, nous avons des éléments de réponse à la 1ère question de l’émission de «Radio Libertaire.

Loin d’avoir « avancé » dans une connaissance rationnelle de la croyance, la « civilisation moderne », de manière dominante, a développé l’analphabétisme social concernant le symbolique.

 

 Nous avons confondu rationnel et fonctionnel.

Poursuivons notre métaphore : nous avons pensé que les aspérités de chaque bâton n’avaient rien de fonctionnel. Nous avons donc effectué une production industrielle massive, rentable, à faible coût, de beaux bâtons bien lisses. Cela s’est avéré efficace et, sur beaucoup de plans (ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain !) cela a permis d’indéniables progrès.

Mais (et il en a déjà été question dans ce blog) la conjonction des progrès (des progrès scientifique, technique, social, moral), du bien être et du bien vivre ne s’est pas produite. Et actuellement, on nous bassine du « devoir de mémoire », d’ « héritage », de « racines », comme s’il fallait retrouver quelque chose d’irrémédiablement perdu.

 

Avec nos innombrables bâtons bien lisses, nous vivons une crise de la réussite. Sans le savoir (en refusant même de le comprendre), nous avons socialement perdu le sens du symbolique, la compréhension du lien qui existe entre la réalité que nous pouvons voir et entendre (où dont les médias nous parlent à tout bout de champs) et celle qui nous échappe.

 

Nous avons délibérément voulu ignorer que nos bouts de bois bien lisses perdaient la signification essentielle que donnaient les aspérités. Qu’un bout de bois – symbole n’était pas un bout de bois ordinaire et dont l’usage se réduisait au prosaïque.

Ce symbole possède un sens qui déborde la réalité actuelle, empirique, renvoie à une autre réalité, à une autre signification que sa matérialité immédiatement constatable par tout un chacun.

Nous avons perdu notre capacité herméneutique, notre capacité d’interpréter et de comprendre. Nous avons construit un vaste univers social fruste, primaire ou les actions et réactions se situent au premier degré.

 

Avec nos bâtons rabotés, tous formatés à l’identique, et dont nous ne savons plus que faire tant ils transforment notre planète en vaste poubelle, nous somme un peu comme quelqu’un frappé par une idiotie profonde, incapable d’utiliser les objets qu’il a autour de lui. Un amnésique qui n’a plus prise sur la réalité qui l’entoure.

La réussite matérielle des sociétés modernes se double d’une faillite symbolique.

Cette faillite…..

(à suivre)



[1] Presses Universitaires de Strasbourg,  2007.

11/03/2008

Le PARI(S) DU VIVRE-ENSEMBLE

EN ATTENDANT UNE NOTE PLUS CLASSIQUE, en fin de semaine

Voici, pour les Internautes parisiens et franciliens:

LE PARI(S) DU VIVRE ENSEMBLE - Edition 2008

À l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale

L’ÉCOLE À LA RENCONTRE DE LA PLURALITÉ CULTURELLE

19 mars et 2 avril 2008

L’École, qui se voulait creuset de l’intégration, est en panne.

Comment faire aujourd’hui de la diversité à l’École, souvent présentée comme un problème, un véritable tremplin éducatif et de mobilité sociale ? Comment concilier les exigences de la mémoire et de l’Histoire, affirmations identitaires et intégration républicaine ? Quelles expériences concrètes ont-elles déjà été menées avec succès, en France et à l’étranger ? Comment parents, éducateurs, chercheurs, éditeurs, membres de la société civile peuvent-ils conjuguer leurs efforts pour mettre en œuvre une pratique pédagogique de la pluralité culturelle équilibrée et épanouissante pour tous les élèves ?

Ce sont là les questions auxquelles tentera de répondre cette deuxième édition du Pari(s) du Vivre-Ensemble, initiée par Esther Benbassa et Jean-Christophe Attias, directeurs d’études à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes et lauréats 2006 du Prix Françoise Seligmann contre le racisme, et organisée par un groupe d’enseignants du secondaire et de jeunes chercheurs, Stéphanie Laithier, Sébastien Ledoux et Vincent Vilmain, avec la collaboration de Laurence De Cock, Sophie Ernst et Renaud Farella.

Les deux journées programmées donneront la parole à une cinquantaine de personnalités et acteurs de terrain issus de tous les horizons et allieront, comme c’était déjà le cas en 2006, débat citoyen et offre culturelle (film, exposition, concert) :

- Le 19 mars, à 17h30, à l’UNESCO, salle XI, 7 place de Fontenoy, 75007 Paris (Métro Ségur, Cambronne ou Ecole militaire): L’École et l’immigration.

- Le 2 avril, à 9h15, à la Sorbonne, amphithéâtre Liard, 17 rue de la Sorbonne, 75005 Paris (Métro Odéon ou Cluny-Sorbonne): Comment écrire et enseigner la pluralité culturelle à l’école ? Grande journée de débats, suivie d’un concert.

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Entrée libre et gratuite sur les deux journées

Programme complet sur www.parisduvivreensemble.org

Organisé avec le soutien de Ville de Paris, Région Île-de-France, UNESCO, Cité nationale de l’histoire de l’immigration, Ligue de l’enseignement, Historiens et géographes, Fondation Seligmann, Après-Demain, Services culturels de l’Ambassade des Etats-Unis, EPHE, Centre Alberto Benveniste, IRIS,

et en partenariat avec Libération, France Culture, France Ô, Le Monde de l’Éducation, Rue89, Respect, Beur FM, Bondy Blog.

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07/03/2008

PLUS QUE DEUX MOIS....

DANS DEUX MOIS, L'EVENEMENT DE L'ANNEE...

ET MEME DU QUINQUENAT:

L'EVENEMENT QUI VA COMPLETEMENT CHANGER

LA VISION SARKOZYENNE

DE LA LAÏCITE ET DES RELIGIONS.

QU'ON SE LE DISE.

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05/03/2008

OUTRE-MER ET LAÏCITE. UN LIVRE ROMPT LE SILENCE

La laïcité, un principe à géométrie variable dans l'Outre-mer français

A propos de l’ouvrage qui vient d’être publié sous ma direction et celle de Jean-Marc Reynault RELATIONS EGLISES ET AUTORITES OUTRE-MER DE 1945 A NOS JOURS aux Indes savantes (22, rue de l’Arcade, 75008 Paris, mail : contact@lesindessavantes com ; site http:/.www.lesindessavantes.com).

Cet ouvrage est issu d’un colloque qui s’est tenu à Paris, en avril 2005, à l’occasion du centenaire de la loi de 1905. A ma connaissance, c’est le seul colloque qui s’est intéressé à la laïcité outre-mer. D’une manière générale, je trouve que l’hexagone néglige beaucoup trop l’outre-mer. Il faudra y revenir.

Je Vous donne d’abord le compte rendu qu’en a fait un des contributeurs Y. Fer sur son site (yannickfer.hautetfort.com). Comme il est spécialiste de la Polynésie française, c’est surtout cet aspect là qu’il développe. Il est d’autant plus intéressant qu’il se trouve lié présentement à une actualité politique (retour de Gaston Flosse au pouvoir, dans une alliance paradoxale avec le parti indépendantiste qui le combattait depuis fort longtemps). Mais j’ajoute ensuite un petit complément, ainsi qu’un exemple concret sur ce que peut nous apprendre la Martinique, quant à « l’intégration ».

Voila d’abord le texte de Y. FER :

C'est l'article 1er de la Constitution qui l'affirme: "La France est une république indivisible, laïque, démocratique et sociale". La laïcité, principe fondateur de la république française, suppose à la fois la neutralité de l'État à l'égard des religions et le cantonnement - au moins relatif - de la religion dans la sphère privée.

Autrement dit, selon l'excellente formule de Khaled Benchir, "Il faut que la loi puisse préserver la foi aussi longtemps que la foi ne prétend pas dire la loi" (1).

Alors que les relations entre églises et autorités politiques en France font à nouveau débat depuis les déclarations, disons déconcertantes, de N. Sarkozy, notamment lors des discours prononcés au Vatican le 20 décembre 2007 et devant le Conseil consultatif de Riyad (Arabie Saoudite) le 14 janvier 2008, le détour par l'Outre-mer français sème encore plus le trouble: saviez-vous que la loi de 1905 de séparation de l'église et de l'État n'a jamais été appliquée en Polynésie française? Qu'il existe à Mayotte un statut civil de droit musulman? Et jusqu'à quel point les relations entre coutume, État et Église catholique à Wallis et Futuna sont-elles compatibles avec l'article 1er de la Constitution? Autant d'excellentes questions explorées par le livre collectif édité par Jean Baubérot et Jean-Marc Regnault, qui vient de sortir aux éditions Les Indes Savantes.

Ces articles, rassemblés à la suite d'un colloque organisé en avril 2005 à l'IESR (Institut européen en sciences des religions), couvrent l'ensemble des départements, territoires, pays et autres collectivités de l'Outre-mer français à l'exception de Saint Pierre et Miquelon. Ils analysent, au-delà des relations entre institutions religieuses et politiques, les pratiques politiques et les perceptions de la laïcité des Français d'Outre-mer.

La Polynésie française a droit à un chapitre particulièrement étoffé, avec cinq articles. J.-M. Regnault revient d'abord en détail sur l'état quasiment inextricable de la législation en vigueur en Polynésie française, où le tribunal administratif a souvent été amené à trancher entre les interprétations divergentes du représentant de l'État (haut-commissaire de la république), du gouvernement local et des églises.

Une législation qui, telle qu'elle est appliquée, autorise par exemple le gouvernement local à subventionner les activités des églises ou encore oblige l'église protestante à soumettre la composition de son conseil d'administration à l'agrément du haut-commissaire...

Daniel Margueron, dans l'article suivant, apporte un éclairage intéressant sur la manière dont la notion de laïcité est comprise au sein du protestantisme en Polynésie française. Les responsables d'église interrogés soulignent que, même s'il est désormais admis qu'il y a des domaines de la vie sociale où la religion n'a pas sa place (l'école laïque, en particulier), il n'y a toujours pas de mot dans la langue tahitienne pour traduire "laïcité".

 "En Polynésie", dit le président de l'église protestante ma'ohi (EPM), Taarii Maraea, "nous n'avons pas connu l'histoire, le contexte qui a créé cette notion de laïcité, apparue en Europe au cours du 19ème siècle.

Bien au contraire, c'est une notion étrangère au vécu polynésien, mais c'est quand même une notion importante pour la Polynésie, une notion sur laquelle le protestantisme doit amener sa réflexion car la Réforme a porté les germes de la laïcité. Nous devons donc être porteurs d'une laïcité à la polynésienne et la faire vivre car notre pays a besoin de tolérance, de cette conscience de liberté." (p. 131-132)

Ce point de vue a conduit T. Maraea, en 2004, à prendre position contre la présence d'un crucifix dans l'enceinte de l'assemblée de Polynésie française, un crucifix alors accroché (et finalement décroché devant les réactions qu'il a suscitées) par le nouveau président de l'assemblée Tony Geros (ci-contre), indépendantiste et catholique. Une position de l'EPM que Bruno Saura, dans son article sur les interactions des espaces politique et religieux en Polynésie française, analyse aussi comme une réaction face à la progression du catholicisme à Tahiti.

En tout cas, la laïcité a bien été invoquée au cours de ces controverses, parfois par  des hommes politiques qui y ont vu une façon habile de s'opposer aux indépendantistes en se parant des habits de la "modernité" pour mieux les renvoyer à un supposé archaïsme, mais aussi par des responsables politiques sincèrement convaincus, comme Nicole Bouteau ou Heiura-les verts.

Gwendoline Malogne-Fer revient justement, dans un autre article de ce chapitre polynésien, sur les difficultés rencontrées par l'église protestante dans ses tentatives de redéfinition des relations entre église et politique, à travers la décision prise en 1996 (et appliquée pour la première fois lors des élections municipales de mai 2001) d'interdire aux diacres, évangélistes et pasteurs d'être candidats à un mandat politique.

Elle montre à quel point cette décision a été mal vécue et combattue par beaucoup de paroissiens, notamment dans les petites îles où la conception traditionnelle selon laquelle les diacres sont des autorités morales utiles à la gestion des affaires publiques est encore très forte.

Mais cette conception a aussi servi d'appui aux partis politiques, notamment le Tahoeraa Huiraatira de Gaston Flosse, pour enfermer les responsables d'église dans des rapports d'allégeance et de clientélisme dont l'église a souhaité s'extirper. Dans le même temps, elle apparaît toujours plus politique par ses prises de position sur l'indépendance, le nucléaire, etc.

Il faut donc se désengager d'un côté pour pouvoir espérer jouer de l'autre un rôle de "sentinelle vigilante" capable d'interpeller la société et les autorités politiques.

Enfin, j'ai (= Y. Fer) participé à ce livre en analysant les relations entre pentecôtisme et politique en Polynésie française, en montrant notamment comment les assemblées de Dieu, si elles ont été à leur début étroitement contrôlées, voire freinées par les dispositifs de régulation étatique du religieux (en particulier le refus de visas aux missionnaires étrangers), sont finalement apparues à un moment donné au gouvernement local comme un partenaire utile pour mettre en place des politiques explicitement chrétiennes à destination des jeunes.

Le ministre de la jeunesse et des sports du gouvernement Flosse, Reynald Temarii (élu en 2007 vice-président de la FIFA), déclarait ainsi en 2002, à propos de la subvention accordé par son ministère au concert de rock évangélique du chanteur canadien Luc Dumont:

 "Contrairement à la métropole où la laïcité empêche ce genre d'initiative, nous pensons que la foi peut aider au développement de l'enfant et des jeunes".

(J.B. : laissons naturellement à L. Dumont la responsabilité de cette prise de position)

Fin du compte-rendu de Yannick Fer)

Mon petit complément

Donc, tous les TOM-DOM sont étudiés dans cet ouvrage, à part St-Pierre et Miquelon. Faute de pouvoir citer tous les articles j’en retiendrai 3

-Celui d’Emile Poulat qui donne une vue d’ensemble sur l’application et la non application de la loi de 1905 à ce qui était à l’époque l’Empire colonial français. Poulat nous donne donc de très précieuses informations, y compris sur les nombreux territoires qui ne se sont séparés de la France.

Poulat effectue ensuite un zoom sur le département la Guyane qui reste régie par une ordonnance de Charles X, de 1828 : le catholicisme y est (et lui seul) officiellement un « culte reconnu ».

-Celui de Prosper Eve sur la Réunion. Il porte sur la situation de 1945 à 1975 de ce département français) et montre qu’à cette époque (l’évêque actuel a un état d’esprit très différent ; il a notamment proposé une diversification des jours fériés religieux.) l’Eglise catholique renonçait difficilement à ne pas contrôler la société civile.

A noter que le département de la Réunion compte environ 600000 hindouistes, ce qui fait que cette communauté est, en France, aussi nombreuse que les bouddhistes et presque aussi nombreuse que les juifs.

Celui d’Hugues Béringer sur Mayotte : « un statut civil de droit musulman dans la République : legs colonial ou modernité du droit à la différence ? ». le titre est ,à lui seul éloquent. Je vous laisse donc le découvrir.

On fait silence sur Mayotte. Dernièrement, j’ai demandé au documentaliste d’une société de production qui avait fait un film assez ‘scénario catastrophe’ sur la « charia », pourquoi il n’avait pas été question de Mayotte : réponse : « j’y avais pensé, mais on m’avais demandé de faire du sensationnalisme, et il n’y avait pas là matière à sensationnalisme. » Donc Mayotte fait partie de cette réalité invisible ; sa faute : le calme !

Et, pour terminer, un exemple concret concernant le département français de La Martinique.

Dimanche prochain il y aura, là comme ailleurs, le élections municipales (et cantonales). A la télévision, il y a eu un débat rassemblant les candidats d’une commune nommée Les trois îlets. Et c’était très intéressant car les différentes têtes de listes parlaient des « métro » (c'est-à-dire des métropolitains qui sont installés de façon temporaire ou plus stable à La Martinique) un peu à la manière dont on parle des Maghrébins en France : c’est bien qu’ils soient là, cela fait partie de la « diversité », mais « ils forment des ghettos », ils « doivent s’intégrer »… et ne le font pas assez. Pour un peu il aurait été question de « communautarisme » !

La différence étant que les « métro » sont plus aisés (voire riches) que la moyenne des martiniquais et que leurs « ghettos » sont volontaires, ce sont des quartiers de belles villas qui surplombent la mer.

  

 

       (1) Déclaration faite lors de son audition par la commission "Les socialistes et l'individu", 3ème forum de la rénovation du parti socialiste français (20 janvier 2008).).

23/02/2008

POUR UN AUDIO VISUEL SANS PUB, CONTRE LE CLERICALISME MEDIATIQUE

Au dessus des partis, des groupes de pression, des intérêts partisans qu’il est, votre Baubérot favori. Même que depuis de Gaulle, nul n’avait vu un zigoto de cette stature. Et encore, sur de Gaulle, il y aurait beaucoup à dire. Mais ce n’est pas le sujet de cette Note.

Nulle gêne donc, après avoir décrypté les frasques du président avec les princes de « l’Eglise » (elle se nomme ainsi, pourtant il en existe de multiples) et les princes d’Arabie (s’est où, dites ?), de lui donner raison, à ce président ravissant, quand il propose de supprimer la publicité dans l’audiovisuel public.

Tenez, il est tellement vertueux, intègre et tout le Baubérot, que quand il a reçu un télégramme indiquant : « Naturellement, nous ferons une exception pour votre Blog. Ce sera la seule pub. licite. » Une seule direction : la poubelle…

Et puisque la proposition est bonne, l’accueil très réservé qu’elle a reçu est profondément décevant.

Ou plutôt significatif. Un directeur de la MIVILUDES (vous savez, le machin antisectes, qui a été sous les feux de l’actualité cette semaine, et sur lequel j’ai déjà pris position : prière de s’y référer) m’avait affirmé, quand il m’avait reçu à sa demande : « je trouve beaucoup plus préoccupant la l’abrutissement répétitif, à haute dose, chaque jour, dans chaque foyer, par les publicités qui imprègnent à leur insu l’esprit des gens de façon indélébile, que l’activité des  (dites) sectes. »

Si c’est lui qui le proclame !

Il faut croire que la gauche et la quasi-totalité des journalistes sont nettement plus royalistes que le roi. On a eu la grève la plus suivie, depuis Mathusalem, dans le service public. Et les objections présentées m’ont souvent paru tirer à côté de la plaque (exprès ?).

Tout se passe comme si les faiseurs d’opinions étaient eux-mêmes tellement intoxiqués par la drogue publicitaire, qu’ils ne pouvaient plus vivre sans.

Reprenons en quelques unes (cela n’a rien de limitatif, les internautes peuvent, naturellement, en ajouter):

D’abord, le sempiternel fait du prince : Sarko qui annonce cela tout de go, et (s’indigne-t-on), le directeur de France-Télévision n’était même pas au courant. Sans parler de Machin Truc Muche et de Dupont La Joie.

Et on ajoute que le principe est posé alors que l’on ne sait pas encore comment le réaliser.

Eh bien, pourtant, je crie « bravo », 2 fois bravo. Car c’est la seule manière d’avancer.

Je vous ai déjà expliqué à quel point des rouages administratifs, bureaucratiques (j’aurais pu ajouter : politiques) sont capables de briser la moindre réforme, s’entendent pour ne jamais rien changer, pour s’encroûter de plus en plus.

Prévenir qui que ce soit, c’est s’exposer sûrement à des fuite et à voir le projet torpillé avant même d’être lancé.

Si moi, à partir de ma petite expérience du politique, je le sais, alors vous pensez bien que les journalistes ne l’ignorent nullement. Ils font seulement semblant. Faux culs !

Il ne fallait pas que la moindre personne du service public soit au parfum, c’est la seule chance de réussite.

J’ai été, il y a quelques années membre de la Commission sur la violence à la télévision. Nous avons auditionné les membres des différentes chaînes de télé. J’en ai gardé un sacré souvenir.

Les représentants de TF1 se sont faits tout gentils, tout humbles, tout petits. Style : « Oui, on le sait, on a des efforts à faire. Mais on a commencé à les faire. Et on va les poursuivre. Mieux, les augmenter. »  Etc.

Ne s’y laissait prendre que ceux qui le voulaient bien. Mais, au moins, ils admettaient être un peu merdeux.

Telle ne fut pas l’attitude des représentants des chaînes publique. Là, c’était un tout autre style, genre : « nous on est la télé propre, la télé sans tâche et sans reproche, la télé quasiment parfaite,… »

Plus que le contenu même de ce qu’ils ont dit, il y avait l’attitude, la posture, le roulement des mécaniques.

Et quand certains d’entre les membres de la Commission ont donné des exemples précis de trucs craignos, le même refrain reprenait.

Bref, ces représentants de la télé publique m’ont fait très mauvaise impression. Ils se comportaient comme si cette télé publique était différente, par essence, de la télé commerciale.

Alors, tant mieux qu’ils n’aient pas été au courant du projet de suppression de la pub.

Ma réflexion est la même quant au fait de poser publiquement (donc irréversiblement) le principe avant d’examiner les moyens pour le réaliser.

J’ai tellement entendu des ronds de cuir m’exposer que, certes, cette proposition était excellente, que d’ailleurs, si la ministre l’avait visée, il n’y avait pas à discuter, seulement à appliquer. Oui, mais, malheureusement, c’était totalement impossible pour telle et telle raison.

Et au début, je m’y suis laissé prendre. J’ai travaillé pour pouvoir résoudre les problèmes pratiques que l’on me posait.

Tout guilleret, je retourne voir mes ronds de cuir et leur expliquer comment résoudre les difficultés qu’ils avaient soulevées.

Alors là, ils me regardent d’un air très très malheureux, et leurs yeux me disent : mais enfin, pourquoi nous persécutez-vous ainsi ! Pour un peu, ils seraient allés se plaindre à la Ligue des droits de l’homme.

Oui c’était les yeux de victimes envers leur tortionnaire. Rassurez-vous, je ne parle pas d’expérience. Sauf que, une fois, j’ai tué un lapin. Et que, manque d’habitude, j’ai du m’y prendre à deux fois et le lapin m’a regardé, d’un air de gros reproche, à peu près comme mes ronds de cuir.

Sauf que lui, il avait une bonne raison !

Bref, je n’ai pas tardé à comprendre qu’existe une sorte de gens qui haïssent les solutions et adorent les problèmes. Et dont toute l’intelligence subtile s’aiguise à effectuer de très brillantes démonstrations prouvant que les problèmes sont insolubles.

Ce n’est pas très difficile, car il y a un truc. De même que des journalistes vous disent que l’objectivité n’étant jamais absolue, l’objectivité n’existe pas (on ne la rencontre pas chez eux, effectivement,…). De même, il suffit de vouloir des solutions parfaites, pour pouvoir prétendre qu’il n’existe aucune solution.

Elles sont toutes critiquables, contestables. Donc, ne bougeons pas notre petit doigt.

Ce que je trouve d’ailleurs admirable dans la question précise de la suppression de la télévision dans l’audiovisuel, c’est que tout le monde dit : la gauche en rêvait depuis 20 ans. Et tout le monde trouve normal que la gauche n’ait aucune idée pour réaliser la chose.

Comme si le rêve devait surtout rester tel, ne jamais se réaliser.

On a de la chance : avoir à la fois un président bling-bling et une gauche complètement zin-zin ! C’est sans doute cela la fameuse « exception française » que le monde entier, que dis-je, le système interplanétaire, nous envie.

Ah, comme c’est chouette d’être français.

Vous comme moi, nous payons une redevance. Et nous avons eu Ardisson et Fogiel. D’accord on a trouvé un prétexte pour les balancer. C’est déjà ça. Mais on nous a imposé Stéphane Bern et tant que les recettes publicitaires sont indispensables, elles font plus ou moins la loi.

Alors, il n’est pas tombé de la dernière pluie, votre Baubérot bien aimé. Il ne s’imagine surtout pas que la fin de la pub soit une solution miracle. Ce n’est certes pas suffisant. Mais c’est nécessaire.

Et arrêtons les questions stupides

Style : mais avec quoi on va remplir les moments jusqu’à présent occupés par la pub ? Celle-ci nous rapporte 850 millions d’€. Il nous en faut 1 milliard 2, avec les trous dus à l’absence de pub.

N’importe quoi, pourquoi pas 4 milliards 9 que la Société Générale se ferait un plaisir de vous avancer !

Avec quoi, vous allez remplir les moments où vous ne livrerez pas des parcelles de cerveau disponible?[1] Ben, peut-être en faisant passer à 22h30 les rares émissions intéressantes qui sont actuellement à 23H30 – minuit, Ducon (comme dirait Bigard, vous voyez, moi aussi je sais être bling-bling !).

Eh puis, il y a les archives de l’INA. Des milliers et des milliers d’heures. Vous savez, du temps où la télé était intelligente. Ou elle n’avait pas de pub ! Ou Lévi-Strauss, Raymond Aron et d’autres s’y exprimer. Du temps heureux où BHL ne sévissait pas encore.

Rassurez vous, il y avait aussi de très bons divertissements : Jean-Christophe Averti, cela valait bien la Star’Ac ! Je suis sur que bien des jeunes adoreront. Et pour les… moins jeunes[2], cela aura un délicieux côté, madeleine de Proust.

Et soi jamais la loi vous interdisait de puiser dans les archives de l’INA (je n’en sais rien), eh bien modifions la loi que diable. La télé publique c’est notre télé, et on a le droit, nous et nos représentants, d’en faire ce que nous voulons.

Que mille fleurs s’épanouissent, que mille projets fleurissent. Que l’inventivité, la créativité se libère. Il y a, dans ce spectacle affligeant, une initiative heureuse : celle de Télérama qui dit : chiche et propose à ses lecteurs d’imaginer une télé sans pub.

Tant que nous y sommes, une première idée : que les journalistes de cette nouvelle télé ne parlent plus jamais de nous comme des « anonymes » : nous sommes des « personnes », à la rigueur des « gens », pas des êtres sans nom et sans visage, Messieurs-dames, les nouveaux cléricaux.

Quand certains voulaient un monopole de l’Etat sur l’enseignement, Jules Ferry, ce grand laïque devant l’Eternel, avait opposé un net et clair refus. L’enseignement privé était indispensable à un Etat démocratique. Pour 2 raisons:

-d’abord parce l’Etat risquait toujours d’imposer certaines doctrines. Un enseignement qui échappe à l’Etat était la garantie d’un véritable pluralisme des idées. Ce pluralisme supposait la coexistence de systèmes d’enseignements réellement différents.

-ensuite parce que l’enseignement privé pouvait effectuer des « expérimentations » que l’enseignement public, aux contraintes plus lourdes, ne pouvait pas forcément se permettre.

Nous ne sommes plus à la fin du XIX, mais au début du XXIe

L’influence de la télé, dans l’éducation (des enfants comme des adultes) est dominante.

Le risque de dictature provient moins de l’Etat-nation, beaucoup plus du règne sans partage du marché

C’est pourquoi, le même idéal laïque qui voulait, il y a 125 ans, un enseignement privé libre et expérimental doit lutter aujourd’hui pour une télé publique non commerciale, libre et expérimentale.



[1] Vous avez remarqué l’hypocrisie complète : tout le monde est tombé à bras raccourcis sur TF1 quand son directeur a parlé des « morceaux de cerveau disponibles », liés à la pub. Et quand on propose de supprimer la pub sur le service public,…

[2] Vous l’avez remarqué : on ne dit pas « vieux », mais « moins jeune », pas « aveugle » mais « mal voyant ». Etc. Seule exception : on ne dit pas « mal comprenant », on dit encore « journaliste ».

16/02/2008

LA RECTIFICATION DE SARKOZY AU CRIF, C'EST PIPEAU

   Bon, comme l’écrit Le Monde, on n’a pas élu un président, mais un sujet de conversation ! Au dîner du CRIF, il a voulu rectifier le tir, il a voulu soigner le mal par le mal, en lançant une autre énorme bêtise : faire porter à des enfants de 10-12 ans le fardeau de la Shoah. Et Hollande, en train de lire, comme d’hab’, L’Histoire de France pour les Nuls, a approuvé !

   Sur ce sujet, heureusement, beaucoup de gens ont réagi très vite, et ont dit des choses très justes, ce qui me dispense de long propos.

   J’indiquerai simplement mon espoir que les absurdités auxquelles conduisent l’invocation du « devoir de mémoire » entraînent une réflexion sur cette expression elle-même. Elle n’a jamais été intellectuellement travaillée par ceux qui la prônent. Elle permet de dire tout et n’importe quoi. Elle est le cache-sexe de redoutables amnésies.

   Bref s’il existe un « devoir » en matière de passé, c’est d’abord un devoir d’histoire. Un devoir de reconstituer ce passé le plus scientifiquement possible, et sans tricherie. C’est ensuite, d’affronter son passé récent, celui que l’on veut oublier. Pour la France, ce serait de se confronter enfin, à la guerre d’Algérie. C’est, enfin, de construire un avenir qui, autant que faire ce peut tienne compte des erreurs, des fautes du passé pour ne pas infliger, dans un siècle, un autre pseudo devoir de mémoires, par rapport à nos conneries d’aujourd’hui !

 

   Revenons aux propos sur la laïcité, le sujet de ce blog. Au CRIF, le président a d’abord utilisé  la stratégie qui consiste à prétendre ne pas avoir dit ce que l’on a dit. D’après lui, il aurait dit « tout simplement que l’expérience religieuse reste une question importante pour l’humanité ». Si cela avait été son seul propos, seuls quelques dinosaures auraient protesté, bien sûr.

   Puis, il a tenté de rectifier le tir sans véritablement y parvenir.

   En effet, Sarkozy met toujours en scène deux personnages, celui qui enseigne une morale laïque et celui qui enseigne une morale religieuse.

   A Latran, il a effectué la dépréciation du premier et  l’exaltation de l’autre. Peut-être inspiratrice du propos,  Madame Mignon (la dir’cab’), a reconnu, a posteriori, qu’il était « limite »[1] (j’ajouterai : comportait un petit air de revanche du curé sur l’instituteur). Au CRIF, le président a voulu mettre sur le même plan les deux morales : « Quand il est difficile de discerner le bien et le mal, a-t-il précisé, il est bon de s’inspirer de l’une comme de l’autre. »

   Or cette association étroite est précisément celle qui se trouvait réalisée avant 1882, et l’instauration de la morale laïque, quand le cours de morale religieuse faisait partie du programme de l’école publique.

   A l’époque, tous les enseignements se trouvaient imprégnés par une tonalité morale. Les exemples de grammaire, les dictées, même parfois les problèmes de mathématique.

L’instituteur était donc déjà maître de morale. Mais son enseignement avait besoin du complément d’une morale (à prétention) « transcendante ». Et celle là, c’était « le curé » qui la donnait,  à quelques endroits aussi le « pasteur ». Je reprends les mots du discours du Latran.

   C’est d’ailleurs vraiment drôle : alors que partout ailleurs, le discours chanoinesque confond complètement christianisme et catholicisme, là, le « pasteur » est mentionné, comme si la source était un livre d’histoire décrivant l’école publique avant sa laïcisation.

   Donc il fallait « adosser » alors la morale à une morale transcendante. Cela, pour des raisons proches de celles énoncées au Latran : si on ne met pas une « transcendance » au bout du système, il reste quelque chose d’inachevé, une non réponse à « l’aspiration profonde des femmes et des hommes à une dimension qui les dépassent », à quelque chose qui « comble l’aspiration à l’infini ». Il faut « expliquer ce qui se passe avant la vie et ce qui se passe après la mort » pour boucler la boucle, que le système moral proposé soit bien fermé, clôt sur lui-même.

   Président moderne, Sarko Ier utilise des mots, qui connotent l’existentiel, et même une angoisse existentielle, qui est peut être sienne, blottie derrière son côté ‘super actif’.

   Il vaut la peine de citer assez longuement ses propos : « fonder une famille, contribuer à la recherche scientifique, enseigner, se battre pour des idées, en particulier si ce sont celles de la dignité humaine, diriger un pays, cela peut donner du sens à une vie. Ce sont ces petites et ces grandes espérances « qui, au jour le jour, nous maintiennent en chemin » pour reprendre les termes même de l’encyclique du Saint Père. Mais elles ne répondent pas pour autant aux questions fondamentales de l’être humain sur le sens de la vie et sur le mystère de la mort. Elles ne savent pas expliquer ce qui se passe avant la vie et ce qui se passe après la mort. »

 

   Au XIXe siècle on racontait cela de façon plus moraliste, on s’aventurait davantage dans l’au-delà. Ce qui se passait après la mort, je l’ai trouvé raconté dans un cahier d’écolier de l’année 1878-1879, juste avant la laïcisation de l’école publique donc.

   Une âme « parfaitement pure », est-il écrit dans ce cahier, peut aller goûter des félicités paradisiaques. Une âme encore « souillée de quelques fautes », la voilà au purgatoire (mais, rassurez-vous elle finira, elle aussi, au paradis). Une âme surprise « en état de péché mortel » et c’est l’enfer assuré, avec des supplices proportionnels au mal qu’elle a pu commettre : elle souffrira d’« autant de tourments et d’angoisses qu’elle a trouvé de délices dans son iniquité. »

   Bigre ! Et il n’est pas impossible que certains « tourments », comme des brûlures des doigts de pied par d’hideux diablotins, ou des morsures sadiques de belles diablesses, soient réservés aux deux fois divorcés.

Mais je taquine mon Président bien aimé, en truquant un peu les cartes. Car, ce même cahier spiritualise les croyances populaires en précisant que le ciel et l’enfer ne sont pas « deux endroits », mais « deux situations de l’âme » ; le ciel indique « la communion de l’âme avec Dieu », l’enfer «les souffrances et les remords de la séparation avec Dieu ». Quant au purgatoire, il a disparu dans le cours du raisonnement.

    Tout cela peut faire sourire, mais avait un sens.

   Un penseur spiritualiste de l’époque, Henri Marion, l’expose en affirmant : « Notre raison exige que l’accomplissement du devoir trouve sa récompense, que la violation de la loi morale soit châtiée. » Or, « cela n’est pas de ce monde » : « l’insuffisance manifeste des châtiments et récompenses de la vie présente est, au contraire, choquante ». Il faut donc que, « dans une vie ultérieure et par la volonté toute puissante d’un juge infaillible, chacun de nous obtienne enfin le sort qu’il mérite. »

Raisonnement redoutable car, partant de la raison, Marion reconnaît qu’il mène aux « croyances dogmatiques ». C’est pourquoi certains pédagogues républicains tel Gabriel Compayré, atténuent la chose. Ce dernier estime que «face aux injustices de la vie présente, il faut en appeler « à l’espoir d’une autre vie ».[2]. Tiens, nous retrouvons « l’espérance » qui est au cœur du propos présidentiel au Latran.

   Tout cela fleure bon nos « racines chrétiennes » : il s’agit de la perspective séculaire de ce que l’on appelait, en théologie, la ‘théodicée’, à la fois justification de Dieu (l’après vie comme réponse au triomphe apparent du mal sur la terre) et justification par Dieu (fondement ultime d’un ordre moral juste).

   Mais précisément, Jules Ferry a demandé de larguer de telles amarres, a voulu couper le cordon ombilical avec ces fameuses « racines », sans les nier pour autant. Cela au profit, non de l’athéisme, mais d’un agnosticisme arbitral, laissant chaque acteur jouer ses propres options métaphysiques.

A tort ou à raison (peu importe) il projette cette coupure dans la pensée de Bouddha : « Dans le bouddhisme, il n’y a pas de peines ni de récompenses. C’est une moralité qui se tient debout toute seule. »[3]. La morale laïque va donc progressivement devenir une morale trouée, structurellement trouée. C’est comme le gruyère, cela fait partie de son être propre.

   Le postulat, qui est au cœur de l’option démocratique, c’est que l’être humain doit être libre et responsable. Il doit opérer lui-même la clôture, la boucle du cercle. Trouver son propre chemin. Il doit faire profession personnelle de foi ou d’athéisme. Si l’Etat, si l’institution école ferme le système moral à sa place, alors on se situe dans un engrenage au bout duquel le risque de totalitarisme n’est pas absent.

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   Et c’est cela, la véritable séparation, Roger Williams (un pasteur baptiste, le premier qui a réalisé durablement la séparation des Eglises et de l’Etat sur un territoire : c’était le Rhodes Island, futur Etat fédéré américain, au milieu du XVIIe siècle) utilisait une métaphore : celle d’un vaisseau où des voyageurs qui prendront des directions différentes, quand ils arriveront au port, sont embarqués ensemble et doivent accomplir des tâches communes, vivre en bonne intelligence pendant le temps de la traversée.

   Il me faudrait pouvoir raconter cela au moyen d’un petit croquis à trois dimensions. A l’école publique du XIXe siècle, où deux dimensions suffisent et où l’instituteur et le curé (quelquefois le pasteur) se serrent les coudes (le curé bénéficiant, cependant, d’un piédestal), succède l’école publique laïcisée où les trois dimensions s’avèrent nécessaires.

   En effet, et c’est là que l’affaire se corse, le trou de la morale laïque, l’espace que l’instituteur laisse vide, n’est pas rempli sur le même plan. Il faut un autre plan, à distance du précédent.

 

Et là, dans cet autre plan, nous rencontrons tous les personnages qui sont, de façon heureuse cette fois, introduits dans le discours de Riyad : « juif, catholique, protestant, musulman, athée, franc-maçon ou rationaliste ». La liste déborde bien la religion cette fois. Et c’est obligatoire.

   Un plan le public, un plan le privé. Non que par ‘privé’, il faille entendre quelque chose qui n’aurait pas le droit de sortir de la maison. Non, privé cela signifie socialement facultatif, volontaire, libre. Cela veut dire : livré au choix personnel.

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   Toute cette affaire renvoie au problème de la religion civile, concept façonné par Jean-Marie Bigard (qui était au Latran), non par Jean-Jacques Rousseau. Et, significativement, un des « dogmes » de la religion civile rousseauiste est « la vie à venir, le bonheur des justes et le châtiment des méchants ».

   Que dit ce cher Jean-Jacques à la fin du Contrat social ?[4] Que la religion est nécessaire au bon fonctionnement d’une société, à la morale publique, à la paix civile, tout en réfutant le christianisme comme religion d’Etat. Pour Rousseau, et c’est cela la religion civile, « il importe à l’Etat que chaque Citoyen ait une religion qui lui fasse aimer ses devoirs », et il précise : « les devoirs que [chacun] est tenu de remplir envers autrui. »

   Nous ne sommes pas très loin des déclarations chanoinesques : « un homme qui croit, c’est un homme qui espère. Et l’intérêt de la République, c’est qu’il y ait beaucoup d’hommes et de femmes qui espèrent. La désaffection progressive des paroisses rurales, le désert spirituel des banlieues, la disparition des patronages, la pénurie de prêtres, n’ont pas rendu les Français plus heureux. C’est une évidence. » Et, tout de suite après, cet ajout « s’il existe incontestablement une morale humaine indépendante de la morale religieuse, la République a intérêt à ce qu’il existe aussi une réflexion morale inspirée de convictions religieuses. »

   Et ensuite, une citation laudative des propos pontificaux : « Il paraît évident que l’homme a besoin d’une espérance qui va au-delà. Il paraît évident que seul peut lui suffire quelque chose d’infini, quelque chose qui sera toujours ce qu’il ne peut jamais atteindre » puis« Comme l’écrivait Joseph Ratzinger [= le futur Benoît XVI] dans son ouvrage sur l‘Europe, « le principe qui a cours maintenant est que la capacité de l’homme soit la mesure de son action. Ce que l’on sait faire, on peut également le faire ». A terme, le danger est que le critère de l’éthique ne soit plus d’essayer de faire ce que l’on doit faire, mais de faire ce que l’on peut faire. »

   Certes, le président-chanoine ne va pas jusqu’à chasser de la République les hommes qui espèrent peu et les ménagères désespérées[5] , alors que Jean-Jacques, lui, proposait, carrément, de « bannir de l’Etat quiconque ne croit pas [aux dogmes de la religion civile], non comme impie, mais comme insociable. »

   Mais il établit un continuum entre l’intérêt de la République, donc la ‘sociabilité’, et la croyance. Il fait de l’homme « qui croit (…et) qui espère » en une transcendance, un citoyen plus intéressant pour la République qu’un autre. Etant protestant, je suis inclus dans ceux qui croient et espèrent. Pourtant, si les douteurs sont des citoyens de seconde zone, je refuse ce qui devient un privilège indu.

 

    A Riyad, entraîné par Maître Guaino, son conseiller spécial, le président est allé encore plus loin. Après avoir décrété que « Musulmans, Juifs et Chrétiens (…) C’est bien le même besoin de croire et d’espérer qui leur fait tourner leurs regards et leurs mains vers le Ciel pour implorer la miséricorde de Dieu, le Dieu de la Bible, des Evangiles et du Coran. », il a conclu : « Dieu transcendant qui est dans la pensée et le cœur de chaque homme ».

   Non seulement personne ne l’a élu pour trancher entre un Dieu exclusif d’une religion et un Dieu syncrétique des religions du Livre, mais ce Dieu est bien transformé en un Dieu de religion civile, qui doit se trouver « dans la pensée et le cœur » de chaque citoyen normalement constitué.

   Comment concilier cela avec l’existence d’athées ou de personnes totalement indifférentes en matière de religion, aussi citoyens que les autres dans une République laïque ? (je rougis de honte d’avoir à le rappeler !).

   Le discours du Latran répond : « Même celui qui affirme ne pas croire ne peut soutenir en même temps qu’il ne s’interroge pas sur l’essentiel. Le fait spirituel, c’est la tendance naturelle de tous les hommes à rechercher une transcendance. Le fait religieux, c’est la réponse des religions à cette aspiration fondamentale. »

Notre président Lucky Luke, tire plus vite que son ombre : trois idées en trois phrases. On ne lui en demande pas tant. Mais il faudrait mettre un peu d’ordre dans ces idées là.

   Mentionner que celui qui n’a pas d’appartenance religieuse (comme on dit) s’interroge à sa manière sur l’essentiel, fort bien. Mais pourquoi le dire de façon aussi dépréciative ? Comme si cette personne ne le faisait que malgré lui, en dépit de son non croire religieux ? Et d’un.

   La définition du fait spirituel, je veux bien (quoique le « naturel » me gène). Mais à la condition de comprendre la transcendance de façon beaucoup plus large que l’approche guaino-restrictive. Il faut intégrer ce que les amis que Sarko compte dans le show biz’ appellent la ‘transcendance intériorisée’ ou la ‘transcendance horizontale’, et… ‘le dépassement de l’opposition immanence – transcendance’. La star’Ac est finie. Nicos a donc du temps pour affranchir notre président bien aimé là-dessus.

   Enfin le « fait religieux » comme réponse à l’ « aspiration fondamentale du fait spirituel », peut-être mais à condition de préciser que ce n’est pas la seule et unique réponse. Et c’est parce que cela est loupé (déjà dans La République, les religions, l’espérance) que se trouve emprunté le chemin de la religion civile, qu’elle soit catho-laïque, oecuménico-laïque ou syncrético-laïque, peu importe.

 

   Il faut donc vite faire marche arrière pour pouvoir laïquement redémarrer. La morale publique, dans une démocratie laïque, met à égalité «celui croit au ciel et celui qui n’y croit pas ». Tiens, c’est un poème écrit à propos de la Résistance. Décidément la mémoire de Sarkozy lui joue de sacrés tours !

Moralité : la rectification du CRIF, c’est pipeau !

 

PS: la fréquentation du Blog continue de croître, quand les sondages sur la popularité de notre sublime président continuent de baisser. Je viens de recevoir un SMS, malheureusement non signé, et indiquant: "Dommage que tu sois déjà marié. Cela m'aurait bien plus de devenir la Première dame du Blog" Mes oeuvres complètes à celle ou celui qui trouvera l'auteure.


[1] Propos rapporté par H. Tincq, Le Monde, 15 février 2008.

[2] Les extraits du cahier et le propos des philosophes-pédagogues proviennent de mon ouvrage : La Morale laïque contre l’ordre moral, Le Seuil, 1997

[3] Cité par J. Chevallier, La séparation de l’Eglise et de l’Ecole, Paris, Fayard, 1981, 438.

[4] Chapitre VIII, « De la religion civile » (à des pages différentes selon les éditions du Contrat social !)

[5] Fine et subtile allusion aux Desperate Housewives, célèbre série télévisée américaine. Je me ferai un plaisir de vous offrir les cd, si jamais il vous en manquait.

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