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25/07/2011

Terrorisme, représentations sociales et monstre doux

Depuis samedi les « nouvelles » donnent en boucle des infos sur le carnage qui a eu lieu en Norvège. Quelques impressions,  non politiquement correctes,  non sur le massacre lui-même, sur lequel je ne dispose d’aucune information spécifique, mais sur la manière dont il a été rendu, surtout  à la radio et à la télévision.

Pour la télévision j’ai zappé entre chaines publiques et TF1, pour la radio, c’est essentiellement France Inter. Les journalistes de cette station sont certainement aussi intelligents et consciencieux que les autres, et il n’est pas dans mes intentions de mettre personnellement en cause tel ou tel, simplement de travailler sur les représentations, dont les conséquences sociales ne sont pas minces, bien qu’il soit difficile de les analyser.

D’abord, on s’est tout de suite demandé s’il ne s’agissait pas d’un « attentat islamiste ». Réflexe conditionné. Bien sûr, on sait qu’un terrorisme se réclamant de l’islamisme existe, mais pourquoi démarrer ainsi au quart de tour ? La majorité des victimes du terrorisme en France depuis 10, 20 ans n’a pas été victime « d’attentats islamistes ».

 Mais on effectue presque  une synonymie.

Ensuite,  on a parlé « de Norvégien de type norvégien ». Expression révélatrice de la difficulté française à dire ces choses-là. On ne veut pas faire dans « l’ethnique », et pourtant. ..  notamment pour les questions de sécurité, on n’échappe pas à ce genre de classification.

Comme le Norvégien était de « type norvégien » (la télé et la presse vont nous le montrer en boucle d’ailleurs, et c’est grand doute ce qu’il souhaitait obtenir !) et que le carnage s’avérait « islamophobe », on a quand même mis la religion dans le coup. Et, notamment dans les divers bulletins d’information de France-Inter, on nous a parlé d’un Norvégien « fondamentaliste chrétien ».  

Cela aurait pu être, naturellement. Il aurait fallu d’ailleurs préciser, dans ce cas : « fondamentaliste luthérien ». Mais… Bizarre car, en même temps, la télévision nous le montrait en tenue de franc-maçon. Les journalistes de France-Inter ne regardent pas la télé ? (et la télé elle-même d'ailleurs, tout en nous passant en boucle le tueur dans sa tenue maçonnique, n'a pas  donné la moindre précision sur la signification de cette photographie),

Et, cette appellation de « fondamentaliste chrétien » a permis un sentencieux commentaire style : ce fondamentaliste est « islamophobe »,  mais il use de la même rhétorique et des mêmes méthodes que les mouvements islamistes. Banco, c’est gagné deux fois :

-d’abord, voilà un attentat «  islamophobe », mais hop, on en remet une couche sur « l’islamisme », même s’il n’est absolument pour rien dans l’affaire ;

-ensuite, suivez mon regard, c’est : braves gens, soyez bien au centre du centre, soumis au monstre doux, ne contestant rien ni personne, tous les extrémismes sont dangereux et se ressemblent. Etc.

Ce n’est pas faux, bien sûr, mais à force de répéter à l’infini un propos aussi stéréotypé (où il n’y a pas besoin de penser) on pousse les gens à croire qu’il est mauvais d’avoir des convictions personnelles, qu’on ne doit suivre que les routes balisées. Bref, sus aux hérétiques de tous poils et vive le fait que des spécialistes pensent pour vous !

Il est d’ailleurs à remarquer que quand vous n’êtes pas extrémiste, que vous refusez d’avoir une pensée-bloc, que vous tentez d’être dialectique, nuancé, vous n’intéressez pas les médias et vous n’avez de chance d’avoir la parole.

Bref, un docte commentaire de café du commerce digne Monsieur/Madame Michou. En revanche, dans les bulletins d’info que j’ai écouté, il a été signalé une fois (et une seule) qu’il s’agissait d’un adepte de jeux vidéo, sans que cela conduise à dénoncer les jeux vidéo.  Bizarre.

Et pourquoi ne pas indiquer que l’auteur des 2 attentats, Anders Behring Brelvik, était franc-maçon ? Cela n’implique en rien, mais vraiment en rien la maçonnerie. Mais dire cela n’est pas médiatique. Voyons pourquoi .

Comme il est impensable que ces journalistes aient ignoré l’appartenance maçonne d’ Anders Behring Brelvik , il est probable qu’ils se sont dits : « si l’on indique qu’il est maçon, cela mettra en cause la maçonnerie. Pour ne pas la mettre en cause, ne mentionnons pas qu’il est maçon ».

Cela signifie qu' à leurs propres yeux, soit ils ne disent rien et cachent leur info, soit ils disent les choses de telle manière que cela induit l’amalgame, la généralisation. Cela signifie qu’ils sont incapables de trouver comment parler de l’appartenance de quelqu’un sans mettre implicitement en cause tout le groupe auquel ce quelqu’un appartient. Voila la FORME habituelle du discours médiatique dominant. Et ses effets persers sont infinis,

Autrement dit, cela ne les gêne pas de prétendre que le tueur soit « fondamentaliste chrétien », alors que cela est pourtant improbable, et donc de « mouiller » tous les dits « fondamentalistes chrétiens », même les plus tranquilles.  Mais, alors qu’ils savent qu’il est franc-maçon, ils ne vont pas le dire car, étant donné la façon dont ils pensent (si j’ose, très audacieusement, utiliser ce verbe à leur propos !), dire qu’il est UN franc-maçon serait impliquer plus ou moins l’ensemble des francs-maçons !

Très significatif de la façon dont l’info est conçue, construite, diffusée… et des stéréotypes qu’elle produit.

De tout ce que j’ai entendu, vu et lu, la meilleure info, jusqu’à plus ample informé, est ce que j’ai lu dans La Croix (25 juillet 2011) :

« Il (=A B. B.) affirme son appartenance à une loge maçonnique, la loge Saint-Jean, dont les membres doivent être chrétiens, comme c’est le cas de toute la maçonnerie des pays scandinaves (connue sous le nom de « rite suédois »). Cette maçonnerie, qui se situe dans l’héritage de l’esprit des Lumières, est à l’opposé du fondamentalisme religieux.

En réalité, on serait ici plutôt en présence d’une idéologie fortement nationaliste, marquée par une islamophobie violente et un curieux mélange de peur de l’étranger et d’ésotérisme, se réclamant d’une « identité chrétienne » mais sans connotation religieuse forte ».

Eh bien, vous savez quoi : France-Inter, comme la télé d’ailleurs,  s’avère incapable de nous donner une telle info ?

Structurellement incapable. Pourquoi ? Pour une raison très simple. Vous ne devinez pas ? Ce n’est pourtant pas sorcier : lisez à haute voix le passage cité et chronométrez.

Top chrono : 35 secondes : une éternité !

La radio et la télé, au XXIe siècle (cela n’a pas toujours été le cas) sont devenues incapables de passer 35 secondes pour nous dire l’identité d’une personne, avec quelques nuances et complexité. Il faut trouver une catégorisation qui prenne 2 secondes. Fut-ce-t-elle caricaturale, ou fausse.

Et pourquoi, faut-il trouver une catégorisation de 2 secondes ? Pour pouvoir vous la passer en boucle toute la journée. Pour pouvoir redire 100 fois la même chose, jusqu’à gaver votre « partie de cerveau disponible ». La radio et la télé sont devenues incapables de vous expliquer une bonne fois les choses, et de vous laisser réfléchir ensuite.

C’est cela le MONSTRE DOUX dont parle R. Simone (cf. le compte-rendu que le Blog en a fait le 26 novembre 2010).

Ce que j’appelle la douceur totalitaire. Le monstre doux, et face à lui… des tueurs fous.

 

 PS : Je suis d’accord avec les commentaires faits par Marc Andrault (auteur d’un très intéressant ouvrage sur Sarkozy et Dieu, de l’usage politique des monothéismes, Berg International) sur ma dernière Note concernant le Conseil d’Etat

2ème PS: autre exemple de journaliste qui diffuse une info fausse: Willy Le Devin dans Libé du 25 juillet. Il prétend que jusqu'à l'arret de la cour Européenne des droits de l'homme, le rapport parlementaire de 1995 "avait valeur de jurisprudence". Doublement faux, car:

-d'une part, ce rapport (comme tout rapport parlementaire) n'a jamais eu aucune "valeur de jurisprudence" et ne peut en avoir. Il s'agit là d'un principe essentiel: la séparation des pouvoirs qui, depuis Montesquieu, est au fondement de la démocratie?

-d'autre part, la secrétaire générale de la MIVILUDES, Amélie Cladière, a reconnu publiquement (ce que l'on savait dééjà par ailleurs), dans un colloque, que  (même administrativement) la liste établie par ce rapport était à "proscrire" (cf. Quelles régulations pour les nouveaux mouvements religieux et les dérives sectaires dans l'union européenne? N. Luca (éd.), Presses Universitaires d'Aix-Marseille, 2011, p. 64 et 177). Le seul c'est que, officiellement proscrite, la liste continue cependant de faire des ravages.

 Réponse au commentaire de Misafir : Peut-être, mais justement cela est significatif :  il suffit donc qu'un policier, dans l'urgence et sans avoir vérifié, indique une information fausse pour qu'elle soit répercutée en boucle à l'ensemble de la planète! Et le plus intéressant dans l'affaire, c'est que la "Revue de presse" de france-Inter a diffusé un extrait de La Croix sans que pour autant il soit cessé de qualifier l'auteur de la tuerie de "fondamentaliste chrétien". Divergence interne ou manque de communication à l'intérieur de la rédaction?

 

 

29/06/2011

Laïcité, et ""anormalité"", pour Mathilde et les autres

Je réagis au Commentaire fait par Mathilde à la Note du 21 juin.

Non Mathilde, vous n’êtes pas du tout « hors sujet », comme vous le pensez. Vous êtes au contraire en plein dans le mille.

Si je n’ai pas commenté plus tôt votre propos, c’est qu’il a plein de commentaires très intéressants après les Notes, que je "cours après le temps" et ne peux donc pas réagir à la plupart d’entre eux.

Je choisis de le faire à la fois suivant le moment où cela tombe : je lis le commentaire, j’ai un chouia de temps : hop, j’en profite. Mais si je n’ai malheureusement pas de temps, cela passe à l’as.

Il existe, en fait, un critère supplémentaire : je ne parle que des sujets pour lesquels j’ai quelques compétences. Et, à priori, l’autisme, je n’en sais rien de plus que tout un chacun.

 

Mais j’ai bien compris que le problème n’est pas l’autisme en lui-même, c’est le regard d’autrui sur un enfant autiste, c’est le comportement de la société face à un enfant autiste qui est insupportable.

Et là, bien sûr, le blog est totalement concerné: ce n’est pas pour rien qu’il s’intitule :

«LAÏCITE ET REGARD CRITIQUE SUR LA SOCIETE »

Convaincu qu’il est que l’un ne va pas sans l’autre (et inversement).

 

Oui, vous êtes victime du même regard (et comportement) normalisant, réducteur, et qui ne supporte pas l’altérité.

Oui, ce comportement (et ce regard) sont appauvrissants car, pour ce qu’en sais, l’autisme est souvent lié à une hyper sensibilité intelligente, à une forme de lucidité qui n’arrive pas à trouver sa place dans le monde tel qu’il est

Et le monde tel qu’il est s’appauvrit en rejetant l’autisme. Mais comme il a la bêtise satisfaite, arrogante, il n’est même pas capable de le comprendre.

 

Alors, 2 aspects sont présents dans votre propos

L’un c’est que, tendanciellement, dans toutes les sociétés, il existe une séparation -très culturelle et qui n’est pas la même suivant les époques et les cultures- entre ce qui est considéré comme « normal » et ce qui est considéré comme ne l’étant pas.

L’autre c’est que vous avez raison de dire que la tolérance à l’être humain autiste est moins bonne en France que dans d’autres pays démocratiques.

 

Ces 2 aspects concernent directement le Blog.

Voici le premier :

Ni son rédacteur, ni les internautes qui surfent et l’apprécient ne sont en dehors des préjugés, des stéréotypes. Ils peuvent, nous pouvons, avoir des réactions immédiates de rejet, d’exclusion, etc : à chacun ses boucs-émissaires !

Mais la règle du jeu de celles et ceux qui ont compris l’esprit de ce blog, c’est de se jurer à soi-même que l’on ne restera pas dans le premier degré, dans la réaction immédiate.

C’est, ne voulant pas mourir idiot, d’être dans la réflexivité(c’est un gros mot, mais finalement parce qu’il est trop peu utilisé) .

 

 Il s'agit donc de se méfier de ses réactions immédiates.

Car, sur tous les sujets que l’on n’a pas travaillés, décryptés, on court toujours le risque d’être imprégné de la médiocrité sociale.

Personne n’est à l‘abri, personne n’en est indemne.

Il faut simplement le savoir, et être dans la vigilance à l’égard de soi-même.

C’est ce que Claude Nicolet appelait : « la laïcité intérieure » : se méfier du « petit clerc  qui sommeille en soi-même ».

 

Et le second :

C’est que la situation actuelle, où l’on marche de plus en plus sur la tête, est notamment le résultat d’une imbécilité terrible :

A force d’opposer République (française) et démocratie (anglo-saxonne), on s’est éloigné de la démocratie tout court.

Jules Ferry disait que 2 dangers majeurs menacent la République : le bonapartisme et le jacobinisme.

En fait quand on oppose République et démocratie, ce sont à la fois le bonapartisme (césarisme bonapartiste) et le jacobinisme que l’on exalte, que l’on promeut implicitement.

Et pour ne rien voir et ne rien comprendre on baptise « laïcité » ce césaro-jacobinisme !

On change complètement le sens de ce terme, pour mieux étouffer la laïcité, celle qui rassemble dans la diversité.

 

A force de se gargariser d’une « pseudo exception français », d’un « chez nous cela ne passe pas comme ailleurs »

A force de croire que ces pôvres z’étrangers, ils ne comprennent rien à la laïcité, ils ne peuvent pas comprendre (la laïcité serait donc une caractéristique ethnique, réservée aux français !)

A force de répéter des bêtises, des absurdités

(non que l’on soit bête soi-même, mais on se laisse simplement prendre dans les filets de l’idéologie dominante, qui prend caractère d’évidence par la méthode Coué)

On aboutit à ce carcan normatif.

 

On aboutit à ce que Marine Le Pen puisse se proclamer championne de la loi de 1905.

Impossibilité culturelle il y a 10 ans

Réalité sociale et politique d’aujourd’hui.

 

C’est pourquoi, votre combat rejoint celui de « Mamans toute égales »

Votre combat rejoint le combat du blog

Le combat de toutes celles, de tous ceux qui veulent vivre libres

Et qui pour cela RESISTENT, résistent au carcan de ce monde de brutes ET de paillettes.

 

 

 

 

 

 

 

   

 

22/05/2011

Douceur totalitaire : ce que la « série DSK » nous apprend

Porter un regard critique sur la société peut consister, et cela se fait, à contester ses structures socio-économiques ou attirer l’attention sur la manière dont certains pays épuisent les ressources de la planète, au détriment d’autres, et hypothèquent l’avenir au détriment des générations futures.

Dans ces domaines, je n’ai aucune compétence particulière. En revanche, je travaille sur les représentations sociale set c’est à partir de là que je peux proposer un regard critique sur la société dans laquelle on vit.

 

(Je donne aussi l'adresse où on peut visionner la dénonciation par des féministes de l'aspect très sexiste du traitement médiatico-politique de cette affaire:

 http://videos.leparisien.fr/video/iLyROoafz-s9.html?xtor=... )

1°) La série « DSK », est non seulement une série télévisée mais, peut-on dire, une série « médiatique globale » : presse, radio, télé, internet.

Ceci dit, internet passait déjà divers épisodes, et (en 2007), la télé en avait même passé un épisode (avec le témoignage d’une jeune femme).

Mais, contrairement à ce que certains disent, internet (pour le moment du moins) n’a nullement détrôné la télé.

Il y a 10 milliards de choses sur internet et tant que la télé n’en fait pas ses choux gras, cela ne produit pas vraiment des représentations sociales.

 

Les représentations sociales dominantes, envahissantes, c’est quand la télé passe quelque chose en boucle.

Quand, elle vous dit cette chose paradoxale (et foncièrement hypocrite) :

 la justice américaine a infligé un « traitement dégradant » à DSK, d’ailleurs je vais vous le montrer, vous le remontrer, vous le montrer une 3ème, 4ème, 5ème …, 12ème  … fois, puisque c’est bien dégradant.

Ainsi, nous tous Français, nous pourrons communier dans l’indignation vertueuseenvers la justice yankee et nous réjouir que la justice c’est tellement mieux en France !

La preuve : ils ont arrêté DSK sans même qu’Obama soit au courant. Ce n’est pas chez nous que nous verrions chose pareille.

Et leurs prisons : dégueulasses, alors que les nôtres sont tellement bien que nous avons été plusieurs fois condamnés par la Cour Européenne des droits de l’homme à ce sujet.


Ça c’est la version française  de la série, mais la version américaine est différente, et celles d’autres pays encore différentes : la série « DSK », c’est comme le MC Do, à partir d’un concept unique, on intègre la tambouille locale.

 

Cette série médiatique globale est assez extraordinaire et, si j’avais le temps, cela vaudrait le coup d’enregistrer les émissions télé et radio, d’imprimer ce qui se dit sur les sites internet, de recueillir un dossier de presse le plus complet possible.

 

Faute de pouvoir faire cela, voici quelques impressions sur la façon dont elle est représentée et donc, en partie, vécue.

Car la série « DSK » nous en dit beaucoup sur ce que R. Simone appelle « le monstre doux », à partir de la domination de l’image, et sur ce que je nomme, pour ma part, la « douceur totalitaire ».

 

2°) Cette douceur totalitaire fonctionne à plein : depuis une semaine, on s’assoit sur son canapé, avec sa bière, et on a, gratis, une série télévisée, radio, presse, internet qui fait un tabac dans le monde entier (génial, pour une fois, elle n’est pas américaine, mais américano-française : Cocorico !).

Une série dont personne n’a pu télécharger l’épisode suivant sur internet, et dont aucun magazine ne vous gâche le plaisir en vous résumant le scénario du jour.

 

Comme le génial Henri Salvador nous l’avait prédit, avec sa chanson « Zorro est arrivé », le même feuilleton passe sur toutes les chaînes.

Vous pouvez zapper comme un malade, passer de « Ce soir ou jamais » à « C’est dans l’air », de la télé à la radio, d’internet à votre quotidien ou hebdo… Avec d’infinies nuances dans le script, c’est la même série, avec les mêmes acteurs, et les mêmes décors.

Mais, de toute façon, les gens ne semblent pas se lasser (du moins c’est le sentiment des producteurs de programme) de voir pour la 25ème fois la porte de la suite 2806

(28/06 : date de la déclaration de candidature à la primaire que devait faire DSK, 1ère marche vers le triomphe présidentiel : décidément l’auteur du scénario est extraordinaire)

Ou d’entendre pour la 32ème fois que la caution est d’un million de $ cash et 5 million de garantie.

Comme moi, vous avez dû lire ou entendre dans plusieurs émissions un commentaire du style :

 « génial, la réalité ressemble à une série télé » et les comparaisons avec New-York-unité spéciale, Les Experts Manhattan,...

(En fait, le couple DSK-Anne Sinclair comporte de très frappantes similitudes avec celui de The good wife, très bonne série moins connue qui est passée sur M6 et dont je vous recommande le DVD, sauf que dans la fiction c’est la femme du coupable présumé qui a le 1er rôle)

 

C’est exactement cela, cette réalité-fiction, pendant des fictions-réalité, la « douceur totalitaire » : les 2 termes (douceur et totalitaire) ont une égale importance, on peut évacuer l’un des 2. Juste remarquer que c’est la douceur, pour les 10% de gens les + riches du monde

(Mais vu ce qu’il faut avoir  pour être dans ces 10%, rassurez-vous, ou inquiétez-vous, vous en êtes).

 

3°) La société du monstre doux n’est pas sans réfléchir, mais elle ne réfléchit qu’à partir de « l’actu » et surtout de « l’actu sexy ».

Vous pouvez vous évertuer à tenter de décrypter un problème permanent comme les fausses évidences contenues dans les mots « public » et « privé », trouver des trucs que personne n’a encore dit à ce sujet, vous n’avez pratiquement aucune chance d’avoir accès aux rares tribunes de débat qui subsistent encore dans quelques organes de presse, si l’actualité ne vous offre pas un boulevard.

 

Et, quand elle vous l’offre il faut

- d’une part avoir un nom déjà connu (ce qui tend à ce que ce soit toujours les mêmes, et pas forcément les meilleurs),

- d’autre part mettre femme(s), homme(s), enfants à la consigne de la gare la plus proche, pour écrire très vite votre papier et ne pas vous laisser prendre de vitesse.

 

Ne faisons pas trop la fine bouche : toute réflexion est bonne à prendre. Mais constatons :

 

-l’aspect non seulement limité, mais encore aléatoire du passage à la visibilité sociale :

petit exemple perso, j’ai écrit une tribune pour Libé, en réponse à un aspect des 4 pages de Pena-Ruiz dans le Libé du 23-24 avril. Sa publication a été retardée par l’affaire Ben Laden, et elle a été publiée dans le n° du vendredi 13 mai.

(et dans la Note du 14 mai sur le Blog)

Chance extraordinaire : elle aurait été programmée par Libé pour le début de la semaine suivante, avec la série « DSK », omniprésente… (Et après, cela aurait été vraiment du réchauffé)

Bref, la présentation de l'actualité a sa logique.

d'ailleurs, vous vous en êtes aperçu, il ne se passe pratiquement rien dans le monde entier depuis une semaine....

 

-Le fait que « l’actu » commande la réflexion fait que celle-ci couvre principalement les réalités susceptibles de faire événement, laissant plus ou moins dans l’ombre (quand on en parle, cela ne devient pas vraiment une représentation sociale) des pans entiers, et très importants de la réalité :

la réalité tend à se réduire à l’actualité, et les gens sont formatés pour confondre actualité et réalité. Ils résistent dans les domaines où ils peuvent avoir une expérience ou une connaissance personnelles. Mais ces domaines sont limités.

Et pour le reste, comme le dit un proverbe allemand c’est : « oiseau mange ou meurt » !

 

-Les journalistes, le nez sur l’actualité, ne sont pas « armés »  conceptuellement pour analyser la réalité, même quand l’actualité leur tend la perche pour traiter un pan de la réalité.

 

Deux exemples :

Primo, on a beaucoup utilisé l’expression « affaire de mœurs » pour la série « DSK », or « l’affaire de mœurs » peut signifier 2 choses complètement différentes : celle de Bill Clinton où, là, les 2 adultes étaient consentants. Donc, même si ce n’est pas glorieux,… et l’affaire actuelle où sont en cause une agression sexuelle, une tentative de viol, ce qui est structurellement bien différent.

 

Secundo : la version française de la série « DSK » nous bassine avec la « puritaine Amérique ».

Mais aucun journaliste de mes deux n’a lu l’ouvrage fondamental de l’historien E. Leites : La passion du bonheur. Conscience puritaine et sexualité moderne (trad. fçaise Paris, 1985). Sinon, ils diraient moins de bêtises, de lieux communs stéréotypés et affligeants d’inculture.

Eh oui, ce sont les puritains qui ont inventé une sexualité conjugale épanouie. Pas les Gaulois !

Le plus drôle dans l’affaire c’est que, si les Puritains du XVIIe siècle se sont également montrés stricts en matière de mœurs, c’est que les seigneurs engrossaient à qui mieux mieux des servantes non consentantes, devenant ensuite fille-mères et rejetées par la société.

Leur « austérité » avait un sens très politique.

Naturellement, tout rapprochement de cela avec l’actualité serait le fait d’un pur hasard !

 

4°) Parler d’ « affaire de mœurs », c’est n’avoir rien compris au schmilblick.

En 50 ans la société a beaucoup évolué dans la représentation de la sexualité : elle est devenue explicitement libérale.

Je mets une nuance en écrivant « explicitement ». En effet, c’est ma génération (Nous sommes les meilleurs, c’est dit !) qui a fait ce que l’on a appelé la « révolution sexuelle »

C’était les glorieuses sixties. Et ce que nous disaient les « adultes », c’est : « Vous nous faites bien rigoler ! Si vous croyez que nous aussi, nous n’avons pas fait des vertes et des pas mûres, à votre âge ! Mais nous, nous ne l’avons pas crié sur les toits ! »

Ce à quoi nous répondions : « Justement, nous voulons libérer la parole pour pouvoir penser ce que nous tentons de vivre ».

 

D’ailleurs, il y avait quand même un changement important en ceci que, via la « pudibonde » (n’est-ce pas !) Albion, des contraceptifs arrivaient dans la France laïque où ils étaient interdits (et certains médecins enguirlandaient les jeunes filles qui commandaient des contraceptifs sans être mariées).

 

Bref, une société plus libérale en matière de mœurs a émergé.

Mais la sexualité, ce n’est pas « tout le monde, il est beau, tout le monde, il est gentil » ! C’est une force explosive, explosive de bonheur comme de dévastation.

Et la société a dû réinventer aussi des limites en la matière, et être d’autant plus exigeante à l’extérieur de ces limites qu’elle était libérale à l’intérieur.

 

Ces limites ont été de deux ordres : le refus de la pédophilie et le refus du viol, de l’acte non consenti.

Et dans la merveilleuse France laïque et républicaine, où l’égalité femme-homme est une valeur tellement fondamentale que l’on fait la chasse aux filles à foulard, le viol, en revanche n’est pas vraiment intégré, dans les représentations sociales, comme une limite à ne pas franchir.

Et quand les phénomènes de caste s'ajoutent au sexisme...

Eh oui, « lutiner les servantes », cela provoque des gloussements chez les professionnels de l'indignation au nom des "valeurs rrrépublicaines".

 C’est pourquoi, tout étonnés, nos journaleux découvrent « qu’en Amérique, on ne plaisante pas avec ces choses là » !

 

5°) La saison 1 de la série « DSK » est (espérons le du moins!) en train de finir, mais dans la banlieue où j’habite, non seulement on la commente toujours autant, en buvant un petit rouge, mais on postule les épisodes de la saison 2, qui ne sont pourtant pas encore téléchargeables sur internet.

 

Les commentaires de la saison 1, témoignent d’une très légère distance entre l’opinion des dites « élites » et celle des pseudo pôvres ploucs.

Les dites élites avaient annoncé que l’on verrait des images « insoutenables ». Ici, on a trouvé que c’était limite publicité mensongère.

Que cela était plutôt moins insoutanable que certaines arrestations répétées au faciès pour vérification d’identité. Idem pour la prison.

 

Et, pour la saison 2, l’actrice inconnue semble susciter plus de sympathie que l’acteur célèbre (si,si, si,… coupable il serait : bien sûr, je précautionneoratoire à tout va!) : on tremble déjà pour elle : les avocats vont passer tous les détails de sa vie au peigne fin.

Et si elle n’a pas été une sainte 7 jours sur 7, 24 h sur 24h, 366 jours sur 365, la terre entière va être au courant de toutes ses, petites ou grandes, turpitudes (supposées elles-aussi !).

Il y en a même un, qui a dit craindre une sorte de « second viol » par l’étalage « indécent » qui sera fait de sa vie.

Rien que des ploucs, vous dis-je !!!

 

 PS: Vous trouverez dans Métro  de demain lundi 23, les résultats d'un sondage sur "les préjugés" en France, que votre Blog favori commentera très bientôt

 

 

 

 

10/12/2010

De Noir Désir à Lady Gaga en passant par La France juive de Drumont: la construction sociale de la réalité

 

Bien sûr, je m’en doutais et je l’avais d’ailleurs annoncé (relisez ma dernière Note) : indiquer que, malheureusement, un massacre de toute façon inacceptable, s’inscrit dans un contexte socio-historique, ne peux que susciter un refus de compréhension.

Pourquoi, parce qu’il ne s’agit pas d’excuser ou d’atténuer si peu que ce soit le crime commis, mais, en revanche d’interroger une indignation  unilatérale (ce qui est complètement différent) :  j’ai souvent entendu dire que Saddam Hussein était « laïque », or il a massacré des chiites irakiens à plusieurs reprises. Il y a des gens qui sont incapables de se poser la moindre question sur leurs propres opinions et leurs points aveugles. Ils préfèrent donc lire ce qui n’est pas écrit, cela les rassure à bon compte.

Pour en finir avec une polémique absurde : j’ai la même indignation aujourd’hui face au massacre de chrétiens irakiens avec un gouvernement incapable de leur assurer la sécurité à laquelle ils ont droit, que hier face aux massacres de chiites, perpétués par le gouvernement dictatorial de Saddam Hussein.

De même quand des femme sont violentées, j’ai la même souffrance quelles que soient les origines ou les croyances (ou non croyances) de celui, de ceux qui commettent les violences. Que ce soit en Iran ou ailleurs. Je remarque seulement que l’on applique un double discours.

Rappelez-vous, le chanteur très populaire de Noir Désir, Bertrand Cantat a battu à mort, la nuit du 26 au 27 juillet 2003, sa compagne, Marie Trintignant, actrice de cinéma, qu’il avait accompagné alors qu’elle tournait un film. Cela parce qu’il ne supportait pas certaines scènes où elle tournait. Il n’a fait que quelques années de prison (de 2004 à 2007) et lors de sa libération Nadine Trintignant a dénoncée le « signal négatif » envoyé concernant les violences faites aux femmes. En vain….

Cantat, on le sait, est remonté sur scène, acclamé par ses fans. J’ai écouté, il y a peu, un débat télévisé qui était censé mettre aux prises un pro-Cantat et une féministe dite anti-Cantat. Cela selon les règles télévisuelles qui confond le débat d’idées et le match de catch. Eh bien ce soir là, il n’y a pas eu match : la dite féministe a eu un discours cauteleux, finalement assez favorable à Canta. La seule chose qu’elle lui demandait était de verser de l’argent  aux associations qui combattent les femmes battues. Et elle précisait que cela serait bon pour son image de marque. J’ai trouvé cela scandaleux.

Supposez que Bertrand Cantat ait été par ailleurs arabo-musulman, que n’aurions nous pas entendu : au moment de son crime, ensuite, et maintenant. Il aurait été le symbole de « l’homme arabo-musulman violent », et dénoncé en boucle comme tel. Sa sortie de prison (si elle avait eu lieu !) aurait été considérée comme un vrai scandale, et les campagnes médiatiques des « chevaliers (et chevalières) du bien » auraient été nombreuses, indignées, virulentes.

Et je m’imagine dans cette situation, tenter à la fois de désavouer totalement le crime et d’indiquer que, malheureusement, la domination violente, la jalousie extrême se retrouve chez des personnes de différentes cultures et croyances. Quel volet de bois vert n’aurais-je pas reçu ! Quelles indignations outragées ne se seraient-elles pas fait entendre !

Un fait divers d’un côté, une généralisation à une collectivité de l’autre.

Or, pourtant, quel symbole prémonitoire d’avoir appelé ce groupe : Noir désir :  Vérité anthropologique que le désir est ambivalent, que la jalousie, cela existe même on fait semblant du contraire, l’agressivité aussi. Et personne n’est à l’abri d’un dérapage tragique.

Un fait divers pour lequel la société dominante, y compris celles et ceux qui se veulent très féministes, a été, est d’une indulgence qui, personnellement, me choque, que je trouve d’une certaine manière coupable.

Et je suis persuadé qu’il y a plein de personnes comme moi. Mais ce ne soit pas celles que vous verrez parader régulièrement à la télé. Car pour être un « chevalier du bien » télévisuel, il faut ne pas aller contre les conformismes ambiants. Ne pas déroger à la mentalité dominante qui fixe les règles du jeu ;

Il faut être « courageux mais pas téméraire » : c'est-à-dire « courageux »…. Face aux minoritaires, aux personnes qui ne sont pas en position favorable dans le rapport de force discursif ; mais pas « téméraire » au point de prendre ses distances avec l’establishment et ce qui apparaît socialement légitime. Cantat fait partie de la famille médiatiquement au pouvoir, il est un homme blanc, agnostique et célèbre. Donc il a eu droit à un traitement correspondant à cette position.

Cette hypocrisie structurelle, il faut, chaque jour, inlassablement, la décrypter.  Elle me fait penser au livre antisémite : La France juive d’Edouard Drumont, paru en 1886, pas au niveau du contenu bien sûr, mais à celui de la structure de discours. Cet ouvrage a été à l’époque un best-seller. C’est  peut-être le premier livre « médiatique » de l’histoire de France.  Il se voulait, a prétendu son auteur, « l’expression des préoccupations du moment » (préface de la 115ème édition).  La légitimité venait du nombre d’exemplaires vendus, de la symbiose avec la demande sociale…. Mais cette demande sociale n’avait rien de spontanée.

 Drumont raconte mille anecdotes où, selon lui, des « juifs » (car ces personnes sont réduites par lui à cette unique caractéristique) auraient été compromis. Ainsi, en 1883, l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres décerne son prix à un certain Paul Meyer. Meyer ! Pour Drumont à n’en pas douter, il s’agit un juif ; et le voilà qui se met en chasse pour découvrir les turpitudes que le dénommé Meyer n’a pas manqué de commettre. Qui cherche trouve, et Drumont constitue un dossier à charge : « on m’a offert des documents qui permettraient de dire des choses désagréables » indique-t-il.

Là-dessus : patatras, rien ne va plus. Non que les vilenies (réelles ou supposées) de Meyer s’avèrent fausses. Non, c’est que malgré son nom, Meyer n’est pas juif. C’est un Dupond-Durand quelconque. Dès lors écrit Drumont « l’incident est vidé », le dossier mis à la poubelle. Un Meyer-Durand a bien le droit de ne pas être irréprochable ! Si  ce Meyer n’est pas juif, il n’y a plus rien à en dire !

Drumont dit les choses si explicitement que son antisémitisme nous apparaît clairement. Le problème c’est qu’à l’époque, cela ne l’a pas disqualifié. Au contraire Drumont a été un des artisans du climat de l’affaire Dreyfus. Et il apparaissait à beaucoup comme le pourfendeur d’une République corrompu ; le défenseur des « honnêtes gens » contre des minorités dangereuses (juive, maçonne, protestante).

Le procédé mis en œuvre systématiquement par Drumont se retrouve de façon latente, hier comme aujourd’hui : innocenter les univers culturels et sociaux auxquels appartiennent ses lecteurs (aujourd’hui les « sympathiques téléspectateurs » !) pour rendre une (ou plusieurs minorité(s) responsable(s) de tout ce qui suscite de l’indignation, de la peur ou de la rancœur.

Les stéréotypes ont la vie dure, même si les gens qui en sont les victimes peuvent changer. Pour moi, Drumont illustre à l’extrême une attitude plus générale et cette attitude est typique de ce que l’on pourrait appeler un « regard communautariste ». Cela fonctionne aujourd’hui aussi. Ainsi, il a des gens qui croient qu’une femme avec un foulard = une femme battue. Et c’est ainsi que l’on fabrique des stéréotypes, et finalement de la haine

Au « selon que vous serez puissant ou misérable » on peut ajouter « selon que vous serez dans le système symbolique majoritaire ou dans un système minoritaire »… on ne vous traitera pas de la même manière.

Ce que je voudrais faire comprendre, c’est que même quand les choses ne prennent pas ces proportions, nous sommes tous englobés par un système de communication de masse, par une société du spectacle, qui induit et obère notre rapport à la réalité.

C’est beaucoup plus global que des désinformations ou des manipulations de l’information.

On parle de liberté d’expression, et de défense de la liberté d’expression, notamment contre les religions. Effectivement, le problème existe : les institutions (et pas seulement les institutions religieuses) cherchent à limiter le droit à les critiquer. Et je ne confonds certes pas une société démocratique, où on peut s’opposer sans aller en prison et une société non-démocratique.

Mais cela n’est qu’une partie du problème. Car c’est en amont de la répression ou de la non répression qu’il faut le poser. On fait comme si, de manière générale, régnait au départ la liberté et qu’après il y avait des atteintes à cette liberté. Or, au départ, la liberté est encadrée, enserrée dans les mailles d’un filet très puissant, d’un pouvoir où le socio-économique et le socio-symbolique sont en interaction. Et tout le monde est concerné.

La liberté c’est d’apprendre (et cela demande un effort permanent) à être dans une situation de proximité et de distance par rapport à cette société là. Ne pas s’endormir à l’ombre du Monstre doux. Etre un veilleur et, parfois, un résistant. La liberté, c’est une conquête de chaque jour où il ne faut jamais baisser la garde, être dans le premier degré.

On prétend être « surinformé ». Que nenni : les 9/10 de la « réalité » ne sont pas sujet à information et le 10ème restant est biaisé. Le journaliste doit, le plus souvent, fournir une information « sexy », ou donner une structure « sexy » à l’information qu’il fournit, pour que son rédac’chef la passe. Et plus c’est « sexy » (ce terme à l’emploi générique est très significatif)  plus cela a une chance d’être en bonne place. Il faut vendre. Mais cela signifie que, vous et moi, effectivement, on  lira ou regardera plus volontiers l’information dite « sexy » qu’une info. qui ne le serait pas. Dans la masse énorme d’informations, c’est plutôt elle que l’on retiendra, dont on parlera avec des amis. Etc.

Mais, bien sûr, d’autres secteurs sont concernés : Le n° de Télérama du 4 au 10 décembre comporte une enquête (p. 46 à 50) sur la façon dont, de façon dominante, on fabrique des livres qui se vendent, d’autres qui vont se vendre moins bien.... et d’autres que l’on tue dans l’œuf en refusant les manuscrits. La fin de l’article se veut rassurante, pour « ne pas désespérer le lecteur » (tout comme Sartre ne voulait pas « désespérer Billancourt »).

Mais l’enquête elle-même apprendra à celles et ceux qui l’ignorent comment les commerciaux ont pris de plus en plus de pouvoir dans les maisons d’édition et comme on préformate les goûts et la pensée… en prévoyant à l’avance ce qui intéressera et ce qui n’intéressera pas. Ceci indiqué, il ne s'agit nullement de faire des "commerciaux" de nouveaux boucs-émissaires. Ils font le travail qu'on leur demande de faire: vendre des livres dans un contexte où le seuil de rentabilité a doublé en 20 ans, et avec une durée de mise en vente dans les librairies de plus en plus courte.  Ce sont les contraintes du système que je mets en cause. Et nous les subissons tous. 

Les illustrations de cette enquête (dues à M. Chabane) sont fort parlantes, notamment celle où un jeune cadre devant son ordinateur dit à ses 2 interlocuteurs : « Messieurs D’Alembert et Diderot, j’ai bien peur que les chiffres de vente du premier tome ne remettent en cause la suite de ce projet d’Encyclopédie. » Effectivement ! Et ceux qui se réclament très fort des Lumières ne dénoncent pas, bien sûr, cette situation : ils sont au cœur du système et en prospèrent. On pourrait multiplier les exemples dans divers domaines. Ainsi on dit de l’Oréal : « c’est 10% de chimie et 90% de marketing ».

Voilà la société du spectacle, et j’aime bien le spectacle, je suis même un fan, hier de Claudia Schiffer, aujourd’hui de Lady Gaga. Je me moque d’ailleurs gentiment des intellos qui vivent dans leur bulle, et veulent ignorer tout cela comme si c’était dérisoire. Mais cela ne m’empêche pas  de chercher à ne pas être dupe.

Je trouve Claudia éblouissante (et j’ai eu un petit battement de cœur quand, invité dans un grand restaurant parisien, j’ai cru la reconnaître,… elle ou son sosie). Mais d’une part, je sais que je suis « drivé » à aimer ce type de beauté ; je sais que les femmes qui voudraient être mannequin et qui ne sont pas assez minces, pas assez grandes, pas assez jeunes, ne peuvent l’être… Ségrégation, alors que pourtant, à ma connaissance, des femmes de toute silhouette,  de toute taille et de tous âge… s’habillent. Là aussi pourquoi les féministes bien bourgeoises, bien conformistes, bref les féministes à la ELLE (femmes ou hommes), ne s’indignent pas ou s’indignent moins ?

(idem pour les hommes, bien sûr, mais, comme par hasard, dans la société du spectacle les jeunes et belles femmes, selon les canons dominantes, sont plus en avant que les hommes. Alors que pour ce qui reste de « sérieux » c’est l’inverse. Cherchez l’erreur !)

Je trouve Lady Gaga fort divertissante, et j’ai trouvé son clip spectacle inventif à sa manière. Elle a tiré profit aussi bien de la tradition du burlesque, que des tenues extravagantes de jeunes Japonaises. Elle a réussi à détrôner Madonna : Bravo. Et, en même temps, cela va loin dans la déstructuration complète du sens.

Les politiques ont cru que Lady Gaga, cela ne les concernait pas. Or un soldat arrivait dans la salle informatique, avec son innocent CD de la dite Lady. Et là… cela a donné Wilileaks, puisque les documents ont été retranscrits sur le dit CD. Wilileaks, autre  partie  de cette société de la communication de masse et du spectacle, ce qui prouve que le système actuel de domination n’abolit nullement les conflits, il crée le cadre à partir duquel il se déroule, et là, les contestataires ad intra semblent avoir une longueur d’avance.

 

PS : Ne croyez pas que tout cela ne concerne pas la laïcité, au contraire. Mais la semaine prochaine on va revenir à un sujet plus « classiquement » laïque.

 

 

 

 

 

26/11/2010

Le Monstre doux de R. Simone, un grand livre

 

Je vous l’ai déjà promise plusieurs fois, cette Note ! Je me retrouve donc tout bête face à mon ordinateur :

Cela fait plus d’un mois que j’ai lu Le Monstre doux Pourquoi l’Occident vire à droite de Raphaele Simone (Gallimard), et depuis j’ai lu d’autres ouvrages dont je voudrais aussi vous parler.

Vais-je écrire une Note par « devoir » ? Cela serait contraire à l’esprit du Blog qui, comme la morale d’Henri Bergson est « sans obligation ni sanction » !

En fait, il suffit que je me remette un peu dans le « bain » du livre. Car il est passionnant (très) et énervant (un peu).

Bref, il vaut encore plus une Note que Paris ne valait une messe !

La perspective de Simone consiste à  analyser les conséquences du développement d’une culture globale de masse « despotique », désormais au pouvoir dans les démocraties occidentales.

Il lui applique la prévision faite par Tocqueville :

« Si le despotisme venait à s’établir chez les nations démocratiques (…), il serait plus étendu et plus doux, et il dégraderait les hommes sans les tourmenter. »

Pour Simone, on y est : nous nous enfonçons de plus en plus dans les mailles du filet d’un « despotisme culturel moderne » où la politique, l’économie et la guerre s’effectuent  à travers une « culture de masse, gouvernant les goûts, les consommations, les plaisirs, les désirs et les passe-temps, les concepts et les représentations, les passions et le mode d’imagination des gens

Le Monstre doux est un nouveau souverain absolu ne dominant plus les humains de façon sacrale, verticale, mais capable de se placer «à côté de chacun d’eux  pour le régenter et le conduire » (Tocqueville).

Ce souverain absolu, précise Simone, est une « entité immatérielle et invisible » constituée « par tout ce qui gouverne la culture de masse de la planète. »

Il dégrade les humains sans les faire souffrir et « ne brise pas les volontés mais les amollit, les plie et les dirige » (Tocqueville, toujours).

Actuellement en Occident, nous dit Simone, « d’énormes masses dirigées de façon [politiquement] diverse sont conduites à une consommation incessante (…), à la bonne humeur et au fun forcé (…), à la soumission parfaite plutôt qu’à la pratique de la liberté. »

A part la « soumission parfaite » (j’y reviendrai), je pense que ce diagnostic est pertinent. Simone est loin d’être le seul à le faire mais, nous allons le voir, il le systématise.

Surtout, au lieu de relier cela très vite  (comme le font des analyses de gôche classiques) à une domination économique capitaliste, sans nier le lien, Simone explore la consistance propre de cette domination culturelle.

Il ne la traite pas en superstructure, mais en structure aussi importante que le politique et l’économique et dans une relation d’interaction avec eux.

Retenons, pour le moment une originalité : se situant dans la filiation de Tocqueville et de  la philosophie politique libérale, il envisage cela comme un pouvoir absolu (donc indu), une sorte de nouveau totalitarisme.

Car il ne faut pas se tromper d’époque : certes il existe des hiérarchies verticales, des dominations dues à des traditions, des institutions, des leaders charismatiques, mais ces dominations sont de plus en plus surdéterminées par une domination d’un nouveau type et que beaucoup ne veulent pas vraiment voir : le « mimétisme social ».

Prolongeant et articulant ensemble des études plus spécialisées, l’analyse de Simone comporte différents paramètres

Indiquons en deux :

Le «temps  libre » comme « temps captif » où il n’existe plus guère (Simone écrit « aucun ») d’espace « qui ne soit pénétré par un facteur de fun spectaculaire qui peut être représenté par une variété d’objets, typiquement par un écran. »

Différents lieux (villes, sites naturels, réserves, pays même) se trouvent transformés de façon à accueillir des touristes et des « non-lieux » sont créés  comme espaces de sociabilité-consommation. Il est fait violence à la nature, « au nom du fitness et du fun. »

Un autre paramètre est l’affaiblissement entre la « réalité » et la « fiction » : ainsi guerres et catastrophes peuvent être vues comme des spectacles.

Elles tuent ceux qui s’y trouvent, mais « ne font pas de mal à celui qui les regarde », sauf… une transformation insidieuse de sa personne.

Dans son ouvrage sur La société du spectacle (écrit en 1967 !) Guy Debord  avait déjà émit l’idée que l’ubiquité des images transforme les choses en ‘choses-à-voir’ :« La réalité surgit dans le spectacle, et le spectacle est réel (…). Dans le monde réellement renversé, le vrai est un moment du faux. »

Et Debord de conclure par une hypothèse dont on a pas finit de percevoir la pertinence : «Le spectacle est l’idéologie par excellence. »

Simone actualise le propos : « la propension à se faire-voir, à se-faire-regarder (…) augmente démesurément avec le développement du paradigme de la caméra  ubiquiste. »

L’exacerbation du voir, la multiplication des écrans, qui de plus en plus peuvent nous accompagner partout, la « spectaculaire dilatation de la vision » et « l’inondation de technologies de la vision » induit une modification de l’éthologie et de l’écologie modernes.

Au passage, Simone montre qu’Hannah Arendt s’est trompée quand elle a écrit que la vision « instaure une distance de sécurité entre sujet et objet. »

Il se développe maintenant une « techno-vision » qui annihile tout « effort  d’interprétation » et aboutit à une « herméneutique de degré zéro ».

Des événements et des faits sont produits « à la seule fin de les faire voir »

On aboutit à des « communateurs ontologiques ».

C’est dans ce contexte que la gauche occidentale « s’édulcore avant de fondre » (cf ; le sous titre « L’Occident vire à droite »).

Elle a considéré la culture de masse « comme marginale » par rapport à ce qu’elle a présupposé être le « vrai pouvoir » : le pouvoir politique et le pouvoir économique.

De plus en plus aujourd’hui, elle doit passer sous les fourches caudines de ce « despotisme culturel ».

Tout cela est passionnant. Je ne peux, pour ma part, que boire du petit lait car Simone analyse  magnifiquement ce que j’avait tenté de dire, malhabilement, à Claude Lefort, en 1996, et que celui-ci, tout bon philosophe qu’il était, avait, abruptement, refusé d’entendre (cf. la Note du 7 octobre sur la mort de Claude Lefort).

Ce n’est pas pour rien qu’une catégorie du Blog depuis sa création s’intitule « La douceur totalitaire », c’est donc une perspective dans laquelle je m’inscris.

Pourtant j’ai trouvé aussi cet ouvrage quelque peu énervant pour une raison de forme et une autre de fond.

La raison de forme peut décourager la lecture : il faut attendre 80 pages pour que le livre prenne vraiment son envol : les 1érs chapitres sont consacrés à une évaluation du déclin de la gauche et de la montée d’une nouvelle droite.

Certes, les considérations sur l’Italie sont bienvenues : Berlusconi  et l’évolution de la situation italiennes sont effectivement typiques des aspects politiques du « Monstre doux » ;

Mais il y a aussi des généralisations hasardeuses et parfois carrément hors sujet.

La raison de fond est plus intéressante. Un livre qui vous donnerait entière satisfaction serait dangereux, tel un cobra qui vous fascine.

Un léger énervement est au contraire productif, puisqu’on se dit : pourquoi ne suis-je pas complètement d’accord ?

Comme toujours quand on construit une problématique neuve, quand on décrypte et dénonce à la fois, Simone accentue parfois le trait, se montre quelque peu unilatéral.

Dialectisons, camarades, dialectisons !

Nous allons envisager 2 points : le conflit, la réalité.

Simone ne parle pas du conflit, le prend-il en compte ?

Il ne l’ignore pas, au niveau de la planète et a quelques pages fortes sur l’enjeu que représente la représentation du corps des femmes.

« Le corps féminin, en Occident, nous dit-il, est l’emblème des choses-à-voir » et « son exhibition continue et sans retenue constitue l’un des pivots de la modernité du Monstre doux », alors que c’est le contraire dans la « culture islamique ».

Mais, à le lire, l’Occident apparaît comme un espace où le conflit a été structurellement évacué. Le Monstre doux règnerait sans partage.

 Pourquoi ? Parce que, si on suit Simone, ce Monstre doux aurait capté la réalité dans le fictionnel, qui serait, à la fois, du « fictif » et du « faux ».

« Le réel se déréalise de plus en plus en une sorte de sinistre jeu vidéo généralisé, son ossature se décalcifie dans une sorte d’ostéoporose ontologique »

La métaphore est parlante (j’aime particulièrement l’ostéoporose ontologique !), mais peut-être que partiellement juste.

Il est possible de contester Simone par Simone lui-même : en effet, il nous affirme aussi (parlant de l’hypertrophie du voir) : « L’œil est un organe sectoriel » Il « permet, en isolant le contexte extérieur de la chose-vue, de faire comme ce dernier n’existait pas ».  De même « l’objectif cadre, en ignorant le reste. »

OK, mais cela signifie précisément que la caméra ubiquiste cadre, isole, hypertrophie un pan de la réalité pour la mettre en scène comme actualité, en ignorant le reste de la réalité. Ce reste disparaît du champ de vision, mais existe néanmoins, et peut même s’avérer boomerang !

Pour dire les choses autrement : la réalité publique est effectivement phagocytée par la caméra ubiquiste, la réalité privée existe toujours, avec ses joies, ses routines, sa dureté, sa cruauté parfois.

Vous me direz : mais non, la camera ubiquiste abolit, au contraire,  la frontière public-privé.

Je ne suis pas d’accord : elle peut rendre tout à coup public quelque chose qui était privé, en le transformant en « fait d’actualité » par une mise en scène, ce qui est bien différent.

Il me semble qu’en fait le Monstre doux a privatisé la réalité : il n’existe plus de réalité publique car, la réalité publique, c’est « l’actualité ».

Et l’actualité, ce n’est pas la réalité : elle doit, effectivement être fun, « sexy », spectaculaire, « simplifiée » (en fait déformée), bref obéir aux lois de la chose-à-voir, et non plus à celles du réel.

C’est pourquoi, je m’intéresse à l’actualité, représentation collective dominante de notre société, mais je n’en crois rien.

Ou du moins je m’efforce d’en croire le moins possible.

Plus je suis agnostique par rapport à l’actualité, plus je me libère. Même si, comme l’écrit Simone : « La liberté est coûteuse »,  

Et comme la culture a horreur du vide, tenter de me libérer me conduit à travailler beaucoup pour pouvoir percevoir, interpréter, décrypter, un petit pan de réalité, de cette réalité privatisée  et médiatiquement invisible. Ne pas être dupe.

Le conflit n’est pas absent, il s’est dédoublé. D’un côté il s’est déréalisé dans la mise en scène qu’opère sa médiatisation. On s’exprime, on défile, on se bat, on négocie en fonction  de la caméra qui filme et enregistre. Et cela fait spectacle.

Mais restent tous les aspects conflictuels de la réalité privatisée, celle que l’objectif n’a pas cadré.

La réalité n’est pas abolie pour autant, car si elle n’existe pas dans l’instant médiatique, elle a des conséquences dans le temps historique.

Bien sûr, encore une fois, toute réalité est susceptible de se muter, se déréaliser en actualité : l’ipod met à la portée de beaucoup cette transsubstantiation cathodique.

Mais la réalité est inépuisable, elle déborde de partout. Et puisqu’on cadre, on en laisse toujours plus que l’on en saisit.

La morale  de cette histoire est à la fois pessimiste et optimiste.

Pessimiste, car effectivement, des décideurs politiques aux simples individus, la tendance dominante est de se conduire selon l’actualité et non selon la réalité.

C’est pourquoi personne ne maîtrise plus grand-chose.

Optimiste, car, aussi gourmand soit-il, le Monstre doux ne peut digérer toute la réalité et donc, comme les autres totalitarismes, on peut raisonnablement espérer qu’il se  heurte, et se heurtera, à des résistances multiformes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

02/10/2010

DIVERSITE? J'ECRIS TON NOM

Il y a quinze jours, j’écoutais l’émission de Finkielkraut sur France-Culture. Catherine Kintzler a déclaré être « plutôt pour la loi » interdisant le voile intégral. Chacun sait que je suis contre.

Ceci dit, nous ne sommes pas en guerre, et elle a dit des choses fort judicieuses.

Elle a affirmé notamment quelque chose comme (je n’ai plus en tête les termes exacts, mais c’était le sens du propos) : la diversité la plus fondamentale est celle qui existe entre deux êtres humains.

En écoutant cela, je me suis exclamé : « Ouai ! Va-y Catherine, tu es la meilleure (des philosophes républicains/es). »

Et j’ai dansé une samba endiablée, enfin presque, je me vante un peu…

Mais c’est pour dire que je suis totalement d’accord.

 

Chacun sait que dans notre système démocratique (« bureaucratico-légal » dirait Weber), le pouvoir, le poids social ne doit pas provenir de privilèges de naissance (ou autres), mais de l’exercice temporaire de certaines fonctions.

Hormis sa fonction, le détenteur de pouvoir est un être humain comme un autre, idéalement soumis aux mêmes droits, aux mêmes devoirs.

De même la loi, et les règles sociales qui lui sont liées, doivent être égales pour tous, s’appliquer indistinctement à tous.

Pour reprendre le propos de Weber : derrière son guichet, l’employé sert tout le monde également, jeune ou vieux, femme ou homme, de droite ou de gauche, rose-blanc, blanc foncé, noir, jaune,…, non-croyant ou croyant de multiples manières, valides ou handicapés, personnes d’orientation sexuelle différente .

De même pour louer un appart, et plein d’autres actes sociaux, il doit en être ainsi.

Quand des discriminations existent, elles sont choquantes. On doit chercher à les faire disparaître.

 

Voila le schmilblick (comme dirait Coluche Heidegger). N’insistons pas sur les avantages certains d’un tel système, quand on le compare à un autre où telle ou telle discrimination serait structurelle. Je pense que les Internautes qui surfent sur ce blog n’ont pas besoin d’être convaincus.

La grandeur de l’idéal poursuivi est manifeste : chaque être humain est semblable à un autre. Tous ont droit à une égale dignité.

Pourtant, Max Weber a montré que ce mode de pouvoir, qui s’exprime dans des lois et s’incarne dans des bureaux est aussi « la domination de l’impersonnalité la plus formaliste » (c’est dans Economie et société ; je le cite de mémoire. De toute façon, cela vous fera du bien d’aller chercher dans le bouquin qui, maintenant, est en -gros- livre de poche).

 

Bref ce fonctionnement dépersonnalise, il a tendance à rendre les êtres humains interchangeables, à développer leur caractère anonyme

(D’ailleurs les médias clivent les gens en deux catégories : les stars, des médias, du show-biz, du sport, de la politique, des lapsus à la Rachida Dati[1], et… tous les autres, significativement nommés les « anonymes »)

 

Quelques décennies avant Weber, vers le milieu du XIXe siècle, un théologien protestant (eh oui, cela va peut être encore provoquer des réactions style chien de Pavlov, mais j’assume !), Alexandre Vinet (1797-1847), avait déjà perçu ce danger au sein même, écrivait-il, de ce qu’il y a de « bon » dans l’évolution du monde moderne.

On pourrait aussi citer Tocqueville, mais c’est plus connu que Vinet, et le but du blog est, notamment, de vous faire découvrir de jeunes talents méconnus !

 

Bref Vinet écrivait dans ses Essais de philosophie morale (1837)[2] quelques propos qui me semblent, ma brave dame, toujours d’une trooouuublante actoualité (même si le vocabulaire est garanti d’époque, naturlish):

« Dans la société (…) l’individualisme est sur le trône, et l’individualité est proscrite ! L’être réel, vivant, portant un cœur et une conscience est tout prés d’être nié ; (…) Le panthéisme social ne lui laisse pas plus de personnalité que n’en a la goutte de l’Océan ; ce n’est plus un homme, c’est un chiffre, une quantité, une fonction, tout au plus un ingrédient. »

Et donc « il paraît expédient que les qualités trop prononcées s’effacent (…), que chacun ne se cultive que dans le sens de la société, laquelle a besoin de ses talents, de sa fortune, de ses forces et non pas de lui. »

Ainsi les être humains tendent à ressembler « à des exemplaires parfaitement imprimés d’un même écrit »

 

Pour remédier à ce danger, Vinet prône l’individualité, versus l’individualisme. L’individualité est pour lui la « combinaison de qualités humaines qui distinguent un être de tous ses semblables et ne permet pas de la confondre avec aucun d’entre eux ».

Grâce à l’individualité « les noms communs deviennent des noms propres »[3].

Cette combinaison entre l’égalité par l’équivalence et la différenciation par l’individualité est, pour Vinet, celle de la logique amoureuse :

Là un être est postulé différent de ses semblables. Ces derniers ont autant de dignité humaine (et d’ailleurs, on a plutôt tendance à se montrer sympa avec tout le monde quand on est amoureux), de droits, que l’être qui est distingué d’eux.

Pourtant, pour l’amoureux, cet être là est unique, sans ressemblance aucune avec quiconque, sans possibilité d’être interchangeable avec qui que ce soit.

 

Mais, braves gens, amour et système bureaucratico-légal, it isn’t the même chose. "That is the problemo", comme l’affirmait le regretté William.

D'où le problème de la recherche d'identités

(À suivre)

 

PS : Si vous trouvez mes blagues vraiment très très nullos, je vous en supplie, téléphonez à Philippe Val, pour qu’il annonce à tout va qu’il me lourde de France Inter, ainsi je serai très connu et très martyr. Merci d’avance.



[1] Celle là, il fallait bien que je la place quelque part, pour être la copie conforme de la mode du jour !

[2] Je vous livre même confidentiellement (parce que c’est vous, et non un « anonyme » !) la page : 148. En enlevant mes pitreries, vous allez pouvoir la citer, paraître savant et plaire aux gentes dames, si vous êtes (so I am) un sal mec hétéro.

[3] Ca c’est page 141 : eh bien quoi, j’ai b’en l’droit d’lire l’ouvrage à l’envers.

30/08/2010

L’insupportable légitimité de l’autre.

Tous concernés, et pas seulement les dits « Souchiens », par les bouleversements du monde.

 

D’abord, une annonce :

Michaël Ferrier (cf. le Blog des  27 juillet et 3 août, ainsi que les présentations élogieuses de Ph. Pons dans Le Monde du 21 août et de  Cécile Guilbert dans Le Monde des livres du 27 août) présentera son ouvrage,

Sympathie pour le fantôme (Gallimard)

à la Librairie Tropique, 63 rue Raymond Losserand, Paris XIV, métro Pernety), Samedi prochain 4 septembre à 18 Heures.

Si vous êtes francilien et que

-         vous vous intéressez à une autre façon de poser le débat sur l’identité nationale,

-         vous êtes curieux de connaître l’«excentricité [qui] s’enracine dans une riche histoire, pan attachant et largement inconnu à l’étranger[1], de la culture japonaise » (Ph. Pons, article cité),

-         ou, simplement, vous aimez la littérature jubilatoire,

venez discuter avec l’auteur.

 

Maintenant, voici la suite de la Note du …  19 août (eh, comme le temps passe….).

Petit résumé du 1er chapitre:

je rappelais qu’en 50 ans, la France est passé d’un pays « blanc », possédant le 2ème Empire colonial du monde (l’une et l’autre de ces caractéristiques étant apprises à l’école), à une nation pluriculturelle, puissance moyenne, ayant perdu une part de sa souveraineté dans le cadre de l’Union européenne.

Tout cet ensemble de bouleversements ne peut que provoquer des incertitudes, des tâtonnements, du désarroi.

Cependant toutes ces réactions ne sont pas spécifiquement françaises, même si la France est parmi les pays où elles sont exacerbées.

Pourquoi cette situation ?

 

Mon hypothèse est que nous sommes en train de quitter une époque historique qui s’est amorcé avec la Renaissance et a eu son apogée au XVIIIe-XIXe siècles, avec les Lumières et le Scientisme.

Non pas pour « retourner au Moyen-Age », comme certains les prétendent de façon vraiment « obscurantiste », mais pour basculer dans une nouvelle période.

Bien sûr, tout cela est une affaire de nomination. Dans les manuels d’histoire, vous trouverez de grandes divisions : Antiquité, Moyen-Age, Temps Modernes, Epoque contemporaine.

(les sociologues, plus imprécis sur les dates, parlent de « modernité », et suivant les auteurs cela commence au XVIe ou au XVIIIe siècle)

Cela signifie un découpage en des séquences historiques, des périodes, avec un commencement et une fin.

D’ailleurs, à un niveau au dessus des dits manuels (qui entre parenthèse, présentent depuis 12 ans vite et de façon erronée la laïcité. Nous y reviendrons) les historiens parlent d’«Antiquité tardive » et de « Moyen Age tardif ».

Mais, bizarrement, ils ne parlent pas de « Temps modernes tardifs » et, encore moins d’«Epoque contemporaine tardive ».

Au contraire, l’époque contemporaine, si elle commence en 1789, et, au fur et à mesure que « le temps passe », elle s’étire dans le temps.

Dans le Ancel de 1930, elle va jusqu’aux lendemains de ce que le manuel nomme « La guerre européenne » (cele de 14-18)

Le Mallet-Isaac de 1953 va jusqu’en 1939.

Et, pour les derniers manuels, l’époque contemporaine va jusqu’au début du XXIe siècle.

 

Logique me direz-vous. Mais cela signifie implicitement de ratifier la thèse de « la fin de l’histoire » : celle-ci est devenue immobile, et l’époque contemporaine va durer jusqu’à la fin des temps !!!

C’est absurde. C’est simplement que nous n’arrivons pas à analyser le présent de façon historienne. 

Les sociologues ont quand même l’intuition que « les temps changent » : d’où les termes de post-modernité, ultramodernité, modernité radicale, modernité avancée…

Mais il manque alors, le plus souvent, un ancrage historique. Quand ils comparent c’est, au mieux, à l’échelle d’1/2 ou de ¾ de siècle.

 

Heureusement le Grand Zorro de la science socio-historique (cad votre très humble serviteur) arrive, avec ses bottes, son ordinateur et son grand chapeau. Et il va vous expliquer le schmilbick.

Vous saurez tout sans rien payer, veinardes et veinards.

D’abord, puisque même les historiens parlent de « temps modernes », allons y pour la notion sociologique de « modernité ».

Mais à condition de la diviser en séquences, pour qu’il ne s’agisse pas d’une notion historiquement imprécise.

 

En gros (cela varie suivant les sociétés et les domaines)

- la modernité émergente (de la fin du XVe à la fin du XVIIe),

- la modernité ascendante (Fin XVIIe- au 2/3 du XIXe),

- la modernité établie (2/3 XIXe-2/3 XXe)

- et la modernité tardive (depuis lors).

Et oui, la modernité, elle était jalouse de constater que l’Antiquité pouvait être tardive, le Moyen Age, itou. Elle a dit : « Eh moi alors ! ». Qu’a cela ne tienne M’dame modernité, votre age tardif est avancé.

 

Pourquoi « modernité tardive » ?

Parce que nous sommes en train de quitter les 2 événements structurels majeurs qui ont été les principaux fondements de la modernité.

(je schématise un peu car, si la plupart des internautes qui surfent sur le Blog sont géniaux, il y a aussi parfois quelques handicapés de la bulbe, et j’essaye de ne pas être raciste envers mes frères inférieurs !)

 

Au fondement de la modernité émergente il y a  ce que Ch Grataloup (dans un livre qui est très belle synthèse[2]) nomme la « capture de l’Amérique » par l’Europe (p. 121 ss.).

Cette « capture » a « changé la donne », avec « la guerre bactériologique involontaire des Européens », l’afflux de métaux précieux qui a conduit au « dopage économique de l’Europe » et à faire une double coupure dans l’Eurasie (suprématie de l’Europe sur le Chine et autres ; émergence de l’Euroamérique).

Mais « l’Europe tempérée a produit le sous-développement sous les tropiques » (p. 141 ss du même ouvrage)

La globalisation remet fondamentalement en cause ce premier fondement de la modernité.

 

Au fondement de la modernité ascendante, il y a la découverte progressive que la science pouvait avoir des applications pratiques, apporter du « bien être », changer la « vie ici-bas »… que l’on va considérer socialement comme la vie tout court (« la vie dans l’au-delà devenant progressivement une croyance privée).

Bref, avoir l’utopie de la conjonction des progrès : le progrès scientifique permet le progrès technique, qui permet le progrès moral et social.

Le rôle du politique étant précisément de faire que le progrès scientifico-technique induise du progrès social et moral.

Avec la version de droite : les z’élites tirent le reste de la société vers le haut, et le progrès moral conditionne le progrès social

Et la version  de gauche : c’est plus d’égalité qui tire la société vers le haut, et le progrès social conditionne le progrès moral.

 

Quant aux femmes, droite et gauche s’accordaient pour leur dire : mouchez les marmots, nous les mecs on est rationnel pour les deux sexes, et vous, vous êtes si délicates et sensibles que s’en est un plaisir.

Un peu hystériques aussi, il faut bien l’dire[3], mais pas d’inquiétude il y a des médecins (hommes) pour cela.

Et dans sa sagesse infinie la France, pays des « droits de l’homme », a rechigné tant qu’elle a pu pour accorder le droit de vote aux femmes. Comme quoi, Gigi III, il faudrait peut être être un peu plus prudente quand on demande aux immigrés d’adopter « nos valeurs » !

 

Tout cela est exposé de façon brillantissime et définitive dans les œuvres immortelles de votre très dévoué serviteur, notamment à la fin du livre où il explique si lumineusement la laïcité à Monsieur Sarkozy[4]

(pour les franciliens, il y a un exemplaire à moitié prix chez Gibert, le 1er qui y va l’aura)

Et sera exposé encore plus lumineusement (si, si, c’est possible) dans les 2 prochains (janvier et mars 2011, on en reparlera bien sûr).

Où, pour l’attitude de la laïcité face aux femmes dans L’intégrisme républicain contre la laïcité (Aube, 2006, p. 29ss.).

 

Bref c’est cette conjonction des progrès qui est remise en question par toutes les préoccupations actuelles, écologiques, bio-éthiques etc, et plus généralement ce que l’on nomme « le principe de précaution »

Parfois, après avoir tiré très fort dans le sens de la croyance au progrès, eh bien on tire très fort, now, dans l’autre sens : cf. G. Bronner et E. Géhin L’inquiétant principe de précaution, PUF 2010 (je suis une peu moins d’accord avec eux qu’avec moi-même, mais ce livre est à lire).

 

Deux bouleversements majeurs.

Un tournant face à une période historique, en gros, de cinq siècles.

Comment voulez-vous que cela ne soit pas perturbant !

Et, face à cela, on trouve mille stratégies où la peur face à ces 2 bouleversements majeurs induit des attitudes rétrogressives (vous voyez, je parle savant quand je veux), nostalgiques (ah, c’était bien mieux quand on était entre Souchiens, avec nos valeurs : d’ailleurs on a tous été pour Dreyfus et Résistants, n’est-ce pas !) et/ou angéliques (s’il n’y avait pas les Souchiens, qui sont des Beaufs comme ce n’est pas possible, s’ils n’y avait pas les conservateurs, on serait bien) etc

 

 

Dans toutes ces stratégies, il existe un point commun : les bons et les méchants.

LE REFUS DE L’INSUPPORTABLE  LEGITIMITE DE L’AUTRE .

 

Mon petit fils de 4 ans, joue aux bons et aux méchants, mais il sait que c’est plus compliqué et il n’y croit pas. Moi non plus.

C’est pourquoi je ne qualifierai pas ceux qui s’affirment « Souchiens » de « racistes ». Ils sont, comme tout un chacun, complexes, pluridimensionnels (et c’est d’ailleurs cela qui les sauvera de la position où ils s’enlisent).

Je connais un dit Souchien revendiqué qui a voté FN à la présidentielle de 2002. (et s’apprêtait d’ailleurs à voter Jospin au second tour). Eh bien s’il y avait une chasse « à l’Arabe », comme il y a eu une chasse « aux Juifs » sous Vichy, je lui confierai des enfants arabes, absolument persuadé qu’il les défendrait au péril de sa vie.

Ceci dit, les propos colportés favorisent le racisme. Et il y a du racisme qui circule, qui se développe dans cette situation d’inconfort

Et le « Souchisme » le favorise, faute d’analyser ce qui est en train de se passer.

 

Il ne faut pas rejeter dans l’impensé l’une ou l’autre de ces propositions.

Un peu de dialectique, camarades.

A suivre.

 

 

 

 

 

 

 



[1] C'est-à-dire, hors du Japon. Cela me rappelle une fois où j’arrivais à Tokyo dans un avion Air France, où il y avait pas mal de Français. Pour les passeports : deux fils différentes, une courte, où attendaient les Japonais, et une longue. Un couple arrive avec une fillette et se met dans la file longue.

La fillette leur demande pourquoi ne pas aller dans cette file et pas dans la courte. Réponse d’un des parents : « Parce que nous sommes dans la file des étrangers ». Et la fillette alors de rétorquer : « M’enfin, nous sommes Français, nous n’sommes pas des étrangers ».

[2] Géo-histoire de la mondialisation, Armand Colin, 2007.

[3] Comme le rappelle http://www.osezlefeminisme.fr : « hystérique » vient de « utérus » d’où « le célèbre ‘hystériques mal baisées’ auquel les féministes répondaient dans les années 1970 ‘Mais la faute à qui, camarades’ »

[4] La laïcité expliquée à M. Sarkozy et à ceux qui écrivent ses discours, Albin Michel 2008 (cf. p. p. 235 ss)

07/06/2010

Contre la suppression de la HALDE

Suppression annoncée de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité

 

Vers un recul inacceptable des garanties pour les victimes de discriminations

 

La Commission des lois du Sénat a adopté le  mercredi 19 mai 2010, une série d'amendements modifiant le texte élaboré par le Gouvernement sur les projets de loi relatifs au Défenseur des droits. L’adoption de ce texte en l’état les 3 et 4 juin prochains conduirait inexorablement à la disparition de la HALDE comme Autorité administrative indépendante et, surtout, à une régression de la protection des victimes de discriminations.

 

Depuis 2005,  la France a su se doter d'un organisme  spécialisé, collégial et indépendant dans la lutte contre les discriminations, la HALDE, qui a largement démontré son utilité et a acquis une notoriété dans la population – mais aussi au niveau international - grâce à son expertise incontestée, à ses actions auprès des tribunaux comme auprès des entreprises ou des administrations et à ses prises de position toujours juridiquement fondées et souvent courageuses.

 

Le projet de création d'un Défenseur des droits aux compétences élargies, englobant la lutte contre les discriminations et la promotion de l'égalité, fait craindre la disparition de son indépendance pourtant essentielle et la diminution de son autorité, gage de son efficacité.

 

Surtout, cette absorption entraînerait une perte de repère pour les victimes qui savent pouvoir obtenir aujourd’hui auprès de la HALDE, organisme connu et respecté, l'accompagnement dont elles ont besoin dans la lutte inégale qui les opposent à ceux qui les discriminent dans l'accès à un logement, à un emploi, à la santé ou dans leur vie professionnelle.

 

La lutte contre les discriminations et la promotion de l’égalité, pour lesquelles il reste beaucoup à faire, doivent relever d’une autorité spécialisée et bien identifiée  En diluer les attributions spécifiques dans un ensemble aux contours encore imprécis et aux pouvoirs réduits reviendrait à en diminuer considérablement le dynamisme et l'efficacité, reconnus et appréciés par le monde associatif et syndical et nuirait à la cohérence et à la force que nécessite la lutte contre les discriminations dans notre pays.

 

Nous voulons croire que telle n'est pas la volonté des pouvoirs publics ni du Parlement auxquels nous adressons ce message d’alerte et de vigilance, assurés qu'il sera entendu afin d'éviter toute régression de la protection des libertés et tout recul démocratique

 

Comme l’a rappelé la CNCDH, le Défenseur des droits devrait au contraire s’inscrire dans l’architecture institutionnelle comme un garant de l’indépendance des diverses autorités indépendantes œuvrant dans le champ des droits de l’homme et d’une meilleure interaction et complémentarité entre elles en assurant un dialogue permanent et des rencontres régulières. Il devrait être, en tant que primus inter pares, le moteur de la synergie créée par cet ensemble d’autorités spécialisées œuvrant chacune dans son domaine de compétence avec sa logique propre à la défense des droits .

 

Les Membres du Comité consultatif de la HALDE:

 

Docteur Laurent EL GHOZI

Président de la FNASAT-Gens du Voyage,

 

Arnaud de BROCA

Secrétaire général de la FNATH, association des accidentés de la vie

 

Catherine TEULE

Membre du Comité central de la LDH

Vice-présidente de l’Association européenne de défense des droits de l’Homme

 

Régis de GOUTTES

Magistrat

Marie-Thérèse LANQUETIN

Chercheur Université Paris Ouest Nanterre

 

Jacqueline  LAUFER

Professeur émérite à HEC

Marie-Line BRUGIDOU

Syndicat CFE-CGC

 

Catherine TRIPON

Porte Parole de l’AUTRE CERCLE

 Samuel THOMAS

Vice président de SOS Racisme

Président de la Fédération nationale des Maisons des Pôtes.

Membre du Comité consultatif de la HALDE

 

Nathalie FERRE

Enseignante chercheuse Université Paris XIII

 

Anne DEBET

Professeur de droit à l’Université Paris XII Créteil

 

Carole  DA SILVA

Fondatrice de l’AFIP

Khalid HAMDANI

Directeur de l’Institut Ethique Diversité

 

Soumia MALINBAUM

Présidente de l’Association Française des Managers de la Diversité

Michel MINE

Professeur de droit du travail au CNAM

Sabrina GOLDMAN

Déléguée exécutive de la LICRA

Mohammed OUSSEDIK

Secrétaire confédéral de la CGT

Mouloud AOUNIT

Co-Président du MRAP