23/09/2019
Loi de 1905 et Laïcité
Chèr.e.s Ami.e.s du Blog
Comme annoncé en février, ce blog reprend du service sous une nouvelle forme.
Depuis près de 4 ans ma vie a beaucoup changé, et des problèmes personnels font que je suis beaucoup moins mobile que par le passé. Je n'ai toutefois pas renoncé à mes recherches. Je travaille essentiellement chez moi et, avec l'aide de Dorra Mameri-Chaambi, une chercheuse talentueuse, qui va fouiller dans les archives quand c'est nécessaire, je me suis attelé à une grande entreprise: faire le récit de la loi de 1905, séparant les Eglises et l'Etat. Le processus qui l'a rendu possible, les débats sur son contenu (au départ, rien n'indiquait que ce serait une "loi de liberté"), son élaboration et son application.
Cette aventure a déjà un résultat et j'ai le plaisir de vous annoncer la parution LE 26 SEPTEMBRE de
La loi de 1905 n’aura pas lieu
Histoire politique des séparations des Eglises et de l’Etat (1902-1908)
Tome 1 : L’impossible « loi de liberté » (1902-1905)
Editions de la Maison des Sciences de l’Homme. Paris.
Avant de vous présenter cet ouvrage je lance un appel: comme cela est indiqué à la fin de son "Prélude", je souhaite vivement parvenir à une "HISTOIRE INTERACTIVE". J'invite donc lectrices et lecteurs de ce blog qui travailleraient également sur le sujet à émettre des remarques historiennes, sociologique ou juridiques, à donner des compléments documentaires ou analytiques en envoyant ces indications (signées, bien sûr) sur ce blog. Si elles sont retenues, elles seront citées dans le tome 2, avec votre nom et la référence à vos éventuelles publications. Ainsi personne ne sera dépossédé de son travail et cette oeuvre deviendra collective.
Rendez-vous donc sur www.jeanbauberotlaicite.blogspirit.com
Et maintenant voici la présentation du 1er tome (que vous pouvez, dès maintenant, commander sur le site des éditions de la Maison des Sciences de l'Homme :
La loi du 9 décembre 1905, séparant les Eglises et l’Etat, constitue le cœur de la laïcité en France. Elle se trouve sans cesse évoquée dans le débat public, soit comme une mesure intangible, « gravée dans le marbre », soit comme une disposition législative à « actualiser », ce qui suscite toujours des réactions passionnelles.
Pourtant relativement peu d’ouvrages ont été consacrés à cet événement historique. Longtemps la mémoire collective laïque l’a considéré comme une « mise au pas » de l’Eglise catholique tandis que cette dernière estimait avoir été la victime d’une « persécution ». Dans les deux cas, le « petit père Combes », président du Conseil du « Bloc des gauches », de juin 1902 à janvier 1905, était présumé être l’auteur de la loi.
Dans la foulée du Concile Vatican II, des historiens ont repris le dossier. Le rôle du rapporteur de la Commission parlementaire, Aristide Briand, a été mis au premier plan et la loi de 1905 est apparue essentiellement comme un « compromis ». La célébration du centenaire, en 2005 a confirmé cette vision des choses, donnant lieu à plusieurs colloques, le plus souvent dans la perspective d’une « histoire religieuse ».
S’appuyant sur ce renouveau historiographique, Jean Baubérot estime, cependant, qu’il reste partiel. Connaissant le fin mot de l’histoire, il tend à décrire un processus logique qui a conduit au vote de la loi et à sa mise en application, effectivement pacificatrice. Ce faisant, il ne répond pas vraiment à la question essentielle : par quel « miracle » (F. Buisson) le politique a-t-il pu réussir cet apaisement ? Sous le gouvernement Combes un anticléricalisme d’Etat prend des mesures de plus en plus répressives contre un certain catholicisme et, paradoxalement, celles-ci ne font qu’augmenter, dans la gauche républicaine, la crainte d’un « péril clérical ». Le conflit de « deux France » s’aggrave et chaque « France » a peur de l’autre. Beaucoup craignent une « guerre civile ». Dans ce contexte, les premiers projets de séparation se veulent le couronnement de cette politique anticléricale et souhaitent transformer les églises (« biens de la nation ») en « maisons du peuple », en lieu d’ « émancipation » républicaine. Pourtant, les mêmes parlementaires qui ont voté les lois « combiste » vont adopter la « loi de liberté » (A. Briand) que constitue la loi de 1905 ? Pourquoi et comment s’est opéré ce changement d’attitude ?
Pour résoudre cette « énigme », J. Baubérot s’inspire des célèbres enquêtes télévisées du lieutenant Colombo où, dès le début, on connait le dénouement tout en ignorant les multiples rebondissements qui vont le rendre possible. L’auteur met en lumière un ensemble de paradoxes, une succession d’événements imprévus qui font, qu’à plusieurs reprises, ce qui arrive apparaissait auparavant invraisemblable.
Dans ce premier tome L’impossible loi de liberté (1902-1905), J. Baubérot démontre qu’un conflit interne à la gauche républicaine elle-même s’est avéré décisif et que la libre-pensée elle-même a désavoué le projet de loi déposé par Combes, contribuant ainsi à sa chute. Il montre également le rôle joué dans les débats par nombre de personnalités de cette époque, dont Marcel Proust. Enfin, dans la lignée du grand ouvrage collectif L’histoire mondiale de la France paru en 2017 (sous la direction de Patrick Boucheron), l’auteur prouve qu’une vision franco-française de la loi de 1905 ne peut l’expliquer : des modèles étrangers (Mexique, Etats-Unis, Canada, Suisse,…) ont inspiré les auteurs de la loi et la situation internationale, fortement marquée par la guerre russo-japonaise et la crainte de son expansion, a joué un rôle décisif.
Au final, la loi de 1905 constituera une double victoire pour la République française : victoire sur ses adversaires les plus intransigeants et, aussi, victoire sur elle-même, sur sa tentation, au nom d’un « Etat idéal », de refuser d’admettre la « diversité dans la liberté » (Clemenceau).
Grâce à la collaboration de Dorra Mameri-Chaambi, une vaste documentation, parfois inédite, a été rassemblée. Elle est synthétisée par l’auteur en un récit qui apporte du neuf aux spécialistes tout en étant très accessible au grand public cultivé. Chemin faisant, on retrouve, d’une autre manière qu’aujourd’hui, des problèmes essentiels déjà présents dans la société française de 1905 : l’antisémitisme ordinaire, la lutte des femmes pour faire reconnaitre leurs droits, les incertitudes concernant la « culture morale » permettant de « faire société », le rôle de la science dans un Etat moderne, la difficulté pour la société française d’accepter le pluralisme,...
Mots-clefs :
Antisémitisme, Bloc des gauches, A. Briand, F. Buisson, G. Clemenceau, Féminisme, Guerre russo-japonaise, J. Jaurès, Laïcité, Loi de 1905, Mexique, Morale laïque, M. Proust, Séparation des Eglises et de l’Etat.
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