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14/03/2006

Mag, Clara dans Combes et la princesse carmélite

(la scène se passe page 89 du roman : Emile Combes et la princesse carmélite, improbable amour)

 

Bordeaux, 25-­26 mars 2005

 

De retour à Bordeaux, Mag passe voir Carla juste avant son cours. Attendre jusqu’au soir, il ne le pouvait. C’est idiot : depuis lundi dernier, il compte les jours, comme un gamin que ses parents ont promis d’amener  à Disneyland. Ils se sont envoyés des mels. Agréable surprise, Carla  a mailé la première. Un long mel accompagnant en fichier attaché, une pièce administrative qui aurait pu attendre. Clara prolongeait la discussion du repas, posait quelques questions. Malgré son travail, Mag a immédiatement répondu.

 

Manifestement, il l’avait intriguée ; elle lui écrivait : « Vous avez parlé comme si vous étiez un administratif, en butte à des enseignants-chercheurs. Or vous êtes leur directeur, ils vous respectent,… »  Si peu pensa Mag. Il lui expliqua que son rôle directorial et sa formation académique l’amenait à entreprendre une « observation sociologique participante ». Il ne voulut pas insister sur les difficultés de sa fonction. Malgré tout, il en dit un mot. En effet, Clara s’expliquait mal pourquoi,  « avec sa notoriété et son statut » (fort gentil à elle d’avoir d’abord parlé de la notoriété) il venait donner des cours à Bordeaux. Certes, un Laboratoire de l’IFSM se trouve implanté dans la Faculté, mais quand même…

 

En veillant à ne pas en dévoiler trop, Mag raconta qu’il opère, en ce moment même, des réformes au sein d’un établissement intellectuellement brillant, mais un peu endormi par la routine. L’IFSM est, en fait, constitué par un ensemble de Laboratoires. Le poids des forces centrifuges, la « mauvaise » habitude de n’être contrôlé, évalué par personne, le narcissisme professoral, tout cela crée certains problèmes. Dans une crise récente, les Laboratoires de province ont davantage soutenu leur directeur que leurs homologues parisiens. Mag a donc décidé de témoigner publiquement de son estime pour les Centres provinciaux de l’IFSM en donnant, chaque semestre ses séminaires dans une ville différente.

 

Mag en est à son cinquième cours : à chaque venue il en donne deux, un le vendredi après midi et un le samedi matin. Le début ne s’est pas avéré facile car plusieurs étudiants paraissaient déroutés par sa problématique qui mélangeait les genres, multipliait les angles d’approche. Aujourd’hui, la plupart  comprennent pourquoi leur professeur procède ainsi. Et, miracle, cela les intéresse. Le séminaire « décolle » donc. Les étudiants y participent activement. Mag en oublie presque Clara tellement les questions, les remarques le font s’aventurer hors de ses notes. Les meilleurs cours sont ainsi, quand on est entraîné par l’auditoire à dire autre chose que ce que l’on avait prévu.

 

Au restaurant, Mag a donc beaucoup à raconter. Il veille à ne pas monopoliser la parole, mais de toute façon Clara estime qu’elle a trop parlé le repas précédent. Ne doit-elle pas profiter du savoir du célèbre professeur ? A son tour, elle pose plein de questions, certaines ont peu à voir avec la sociologie de la médecine. En parlant, elle joue avec ses cheveux d’un noir étincelant à la lumière des lampes. Mag la regarde, admiratif ; il répond, content de constater qu’il n’est pas aussi englué dans les questions administratives et les problèmes institutionnels qu’il ne le craignait : il reste capable de dire des « choses intéressantes » (elles semblent passionner Clara) sur des tas de sujets.

Ils se montrent à l’aise l’un avec l’autre, leur relation est devenue décontractée. Clara possède un délicieux petit rire de gorge absolument enchanteur. Arriver à le provoquer est un plaisir extrême. Mag en oublie même de faire de la stratégie…Cette femme l’attire davantage que le pollen les abeilles.

 

Vers la fin du repas, Carla devient un peu mutine. Elle questionne Mag, le regard en dessous : Etes-vous fatigué ? Il se veut en pleine forme. Carla explique alors qu’un groupe d’amis, rockers dynamiques et talentueux, joue ce soir vers onze heures, à la boite « Sens Interdits ». Elle leur a plus ou moins promis de venir les écouter. Mag voudrait-il se joindre à elle ? Assurément, trois fois oui.

 

Mag se demande les raisons, les effets, de cette invite. S’agit-il de l’introduire dans son univers à elle, de lui faire gentiment comprendre que ce n’est pas le sien ? Elle va peut-être lui présenter un charmant (un affreux) jeune homme, son « ami », mettant ainsi les points sur les i. Ce scénario probable arrêtera tout net le cinéma qu’il commence à faire dans sa tête. Il espère toutefois un scénario différent : des amis  certes, mais pas d’ami à l’horizon. De toute façon, l’invite est positive. Même si, il vaut mieux savoir, avant… Avant quoi ? Avant de se retrouver dans les filets de la belle, car tel est pris qui croyait prendre ? Bon, ils n’allaient pas tous les deux s’enfermer dans un rendez-vous gastronomique routinier. Excellente initiative de faire bouger les choses. Vive l’imprévu.

Des ruelles piétonnes où il lui semble être le seul…non jeune. Des néons un rien criards.Ils arrivent au «Sens Interdits » Un tressaillement de surprise de la jeune fille aux multiples piercings qui vend les billets, devant l’âge et le look incongrus… Mag fait semblant de ne pas s’en apercevoir, d’être enchanté d’entrer dans cette cave enfumée où il remarque tout de suite l’absence presque complète de chaises et se dit qu’il va devoir rester debout à écouter cette… musique, un bien grand mot pour ce bruit tonitruant. Le terme de bouillie serait plus approprié… Trente ans de plus en dix secondes.

L’air candide, Carla lui demande ce qu’il en pense : « Cela décoiffe, change de Star’Ac » affirme-t-il. Il espère avoir trouvé une réponse pas trop nulle. Son air un brin inquiet n’échappe pas à sa compagne. Elle éclate de rire. « Vous estimez cela mauvais ? Rassurez –vous, je suis d’accord. Il ne s’agit pas encore de mes amis. Vous verrez, ils sont bien meilleurs. » Mag pense : Espérons, comme l’écrirait Kant.

Ce vieux Kant avait raison, parfois l’espoir se réalise. Le groupe She swamm in the nude -tel est son nom- peut sincèrement plaire à Mag. Sa musique (là, il convient utiliser ce mot) est nettement plus mélodique. On différencie bien le son de chacun des instruments. Les guitares s’entremêlent avec complémentarité et un certain sens du raffinement. Le chanteur, à la voix grave, est excellent. Bientôt le rythme s’impose et le corps de Mag bouge, sans se forcer. C’est un rock qui rappelle Sonic Youth, lui apprend Carla, en criant presque pour se faire entendre. Il doit s’agir d’un groupe connu pense Mag, qui se sent soudain un peu inculte.

Mag est ravi. Carla l’a présenté à Caroline, Cécile, Nicolas, Laure, Mathieu, Marion, Maud, qui lui dit, en l’embrassant : Vous ne me connaissez pas, mais je suis la femme de Patrick. Personne ne semble s’étonner de le voir là. Les filles lui ont fait la bise, comme à tout un chacun. L’ambiance, délicieuse, semble très bisoux-bisoux, parfois plus. Cela ne gène aucunement Mag, tant que Carla ne se trouve pas impliquée. Sa jalousie virtuelle lui apprend qu’il est plus amoureux qu’il ne le pensait. A moins qu’il s’agisse de cet éternel instinct de propriétaire, sans raison objective pourtant. En tout cas, l’ami de Carla -si ami il y a- ne se trouve pas parmi les spectateurs : il se serait manifesté. Un des artistes-rockers  du quintet? Ils ont tous à peu près l’âge de Carla et sont fort beaux.

Après un bon quart d’heure de rappels enthousiastes et un Excitation qui vaut bien l’I get no satisfaction des Rolling Stones, le moment décisif approche. Ou elle lui présentera son grand coquin…et filera avec lui, ou elle n’a pas, actuellement, de petit copain. Ce qui tous les espoirs permettra.

Ni coquin ni copain à l’horizon. La démonstration faite, Mag, ravi, rentrerait bien dormir à son hôtel ; on a beau prétendre ne pas ressentir la moindre fatigue…. L’heure du crime est d’ailleurs dépassée depuis une bonne heure… Le groupe suivant joue du « rock dansant ». Mag est donc on ne peut plus en pleine forme et, naturellement, il reste.

Dès le début de la soirée, Carla a ôté sa veste, est apparue moulée dans un charmant débardeur qui découvre totalement ses bras, donne plus de présence à son corps. Le relief de ses mamelons transparaît sous le vêtement. Ils sont hauts et fort émouvants. Mag ne va pas l’abandonner à tous ces beaux mecs. A moins que, le doute, toujours le doute, elle ne danse très sagement avec lui, beaucoup moins sagement avec un autre. Ainsi, il sera fixé. En fait, comment lui a-t-elle demandé s’il restait ou non ? Ne souhaitait-elle pas le voir partir ?

Ce rock dansant consiste en un pot-pourri de morceaux classiques. Leurs  deux corps en mouvement communiquent aussi bien que, trois heures auparavant, leurs intellects. Mag se déchaîne dans les rocks endiablés, reste moralement correct dans les morceaux lents. C’est le cas de la majorité des danseurs et il ne perçoit pas chez sa compagne, une volonté de rapprochement un peu intime. Déjà étonnant, ce qui arrive. Il se paye le luxe de proposer qu’elle danse aussi avec ses amis. Clara répond d’un énigmatique : Ce soir, je suis avec vous.

Après le rock dansant, place à un autre groupe. Mag annonce qu’il va rentrer à son hôtel ; même la folie a des limites. « Vous, restez », propose-t-il avec galanterie. « Non, je vous raccompagne et rentre chez moi ». Précision sans signification particulière ou message indiquant que les ‘choses’ n’iront pas plus loin ? Clara et Mag partent tandis qu’un chanteur hurle « wap-doo-wah » dans son micro.

 

De retour à son hôtel, Mag se précipite dans la salle de bain de sa chambre ; il urine des litres et des litres. Il s’était rendu aux toilettes en arrivant au « Sens interdits ». Il n’avait pas voulu y retourner de peur que Clara ne s’imagine qu’il était un ‘vieux’ avec des problèmes de prostate. Il est possible d’avoir quelques ennuis de ce côté-là sans être vieux pour autant ! Malgré tout, Mag doit admettre la réalité : chaque année, il vieillit d’un mois.

 

***

 

Le lendemain, après son sixième cours, Mag se fraye un chemin à travers le public venant aux Archives en vue de reconstituer des arbres généalogiques familiaux. C’est le cas de 80 % de nos visiteurs et c’est  la plaie lui a affirmé le directeur. Mag, n’ayant pas à les satisfaire, trouve, lui, la démarche de ces gens extrêmement sympathique. Il vaut mieux qu’ils soient là qu’en train de regarder la télé, pense-t-il.

24/02/2006

COMBES ET LA PRINCESSE CARMELITE (suite)

UN INEDIT :
COMMENT MAG RENCONTRE CLARA

Dans mon roman historique Emile Combes et la princesse carmélite, Improbable amour (éditions de l’Aube, collection « Regards Croisés »), l’histoire commence par un repas où Mag Durand, sociologue de la médecine, apprend que des archives inédites d’un célèbre médecin, Emile Combes, se trouvent aux archives de Bordeaux. Pendant qu’il se rend à l’université de Bordeaux IV où il donne ses cours, il croise une charmante jeune-femme, Clara. On apprend allusivement au cours du livre qu’il devient amoureux de la belle. Mais cela reste très à l’arrière fond et ce n’est qu’à la fin de l’ouvrage que les deux histoires -celle explicite de d’Emile Combes et de Jeanne, princesse carmélite et celle, implicite, de Mag Durand et de Clara Ponti- s’entrecroisent.

Quelques lecteurs-lectrices ont voulu en savoir plus. Voila donc, sans prétention autre que de se distraire, le premier des trois épisodes où sera racontée les manœuvres d’approche de Mag.

Pour les internautes parisiens : retenez la date du 22 mars à 19 heures: je présenterai le roman, en dialogue avec une journaliste.

(la scène ci après s'insère dans la page 59 du roman

 Bordeaux, 11-12 mars 2005.

Le ciel est clair, de façon exceptionnelle pour un mois de mars, mais avec un vent assez  glacial, ce qui est tout aussi anormal. Avant de donner son cours, Mag a fait la connaissance de la directrice du service des ressources humaines, personne avec laquelle il a correspondu pour mettre son dossier en règle. Il a reconnu la jeune femme en robe noire entrevue, dans la cour de l’université, quinze jours auparavant. Assurément une des plus jolies femmes que Mag ait jamais vues. Une femme au visage diaphane, d’un ovale parfait,  encadré par une masse brillante de  cheveux qui tombent en cascade sur son corps svelte aux tendres rondeurs. Elle procure un plaisir identique à l’admiration d’une  peinture de maître.

 Cette femme sourit, regarde Mag avec des yeux très intenses, dont les pupilles sont aussi mobiles que celles d’une danseuse balinaise. Ils échangent des propos administrativement convenus. Pourtant, à la façon dont elle lui parle, il lui semble qu’elle ne le considère pas forcément comme un professeur comme un autre. Aurait-elle lu un de ses ouvrages ? Mag aimerait discuter avec elle de sujets autres que les formulaires à lui remettre. Il peste en secret contre cette réification qui oblige à communiquer que sur du fonctionnel.

 Plus troublé qu’il ne le souhaiterait, Mag songe aux cheveux flamboyants, aux yeux lumineux, au nez finement découpé, à la bouche rouge cerise pendant qu’il explique aux étudiants comment la médicalisation de la naissance s’est traduite par une domination des médecins hommes dans un événement, auparavant, « affaire de femmes. » Progressivement, une idée fixe s’impose : il doit revoir la directrice des « RH ». Chaque minute rend cette idée plus obsessionnelle. Mag se dédouble car il possède un métier certain. Il répond avec brio aux questions ; en même temps, il se convainc de l’absolue nécessité de contempler à loisir le visage  rayonnant de cette femme, recevoir son sourire, lui parler.

A la fin du cours, il tente de se reprendre : comment peut-il se montrer aussi peu maître de ses émotions ? Mais lorsqu’un un satané collègue veut absolument le retenir, son envie impérieuse lui met les nerfs à fleurs de peau. Mag prétend devoir régler un problème technique, très urgent à résoudre ; manière de faire comprendre qu’il n’a guère le temps de s’attarder. L’autre ne veut pas en démordre ; ce qu’il baragouine  lui parait essentiel et, ajoute-t-il, vous devrez, de toute façon, régler votre problème par mel : à dix-huit heures dix, le bureau est probablement fermé. Ce propos rend Mag furieux. Un tantinet grossier, il coupe net son interlocuteur, affirme d’un ton sans réplique : « Excusez moi, il faut absolument que je lui parle. » Le gêneur, interloqué, est obligé de le laisser partir.

A la porte du service, Mag, étonné, sent son cœur battre à en avoir mal. Miracle, elle est là, vêtue  de sa jupe-culotte en blujeans et de son pull-over bleu. Elle est affairée, ravissante, unique. Ses cheveux sont toujours aussi magnifiques. Son pull-over, en apparence strict, accentue les rondeurs un peu lourdes de sa poitrine, la finesse de sa taille, la plénitude de ses hanches. Elle arrête net son travail et, courtoise, demande en souriant : « Ah, Monsieur Durand, que puis je faire pour vous ? »

Obsédé par la crainte de ne pas la revoir, Mag n’a prévu aucun faux semblant. Il voudrait répondre : « Rien, faites comme si je n’étais pas là. Je vais m’assoire, vous admirer, vivre un  instant de pur bonheur ». Impossible ! Indispensable, pourtant, de prononcer des mots. La fortune souriant aux audacieux, Mag se jette à l’eau : « Me feriez vous l’honneur de dîner avec moi. » S’il avait bénéficié de deux secondes pour réfléchir, jamais il n’aurait osé. Tant pis, il ne reste plus qu’à attendre la réponse qui va, sans nul doute, le rendre un peu ridicule.

La jeune femme le regarde par en dessous, fronçant ses beaux sourcils aux courbes délicates, l’air un brin sévère. Il se sent déjà stupide, avant même toute réponse. Il hausse légèrement les épaules, écarte ses deux mains, murmure : « Juste pour discuter ensemble. » Conscient de l’incongruité de sa proposition, il prend un air plutôt piteux. Cela la fait sourire. Elle répond, avec naturel et aisance : « Après tout, pourquoi pas, si vous me laissez un peu de temps pour me changer. »

La belle est donc rentrée, provisoirement, chez elle. Mag, aux anges, prépare, « scientifiquement » son rendez-vous : il ne faut surtout pas qu’il frime, qu’il joue au grand sociologue, au brillant chercheur. Le seul fait qu’il soit directeur  de l’Institut Français des Sciences Médicales (l’IFSM) l’impressionne déjà, peut-être. Son ex, Florence, lui a souvent dit : Tu  enfonces les gens quand tu fais étalage de ton savoir, certains se mettent à penser : « Je suis de la merde ». Cela étonne toujours Mag ; il ne prend absolument personne pour de la « merde », à part lui même, car il a peur d’en être. C’est justement pour cette raison que, depuis son adolescence boutonneuse et tourmentée, il s’est juré de faire tous les efforts dont il est capable pour devenir le plus intelligent possible. Mais il reconnaît que, s’il se laisse aller, il peut  rectifier les dires de ses interlocuteurs, donner l’apport de ce qu’il sait… se retrouver au centre de la conversation.

 Attention : elle n’a pas été invitée à applaudir au festival Mag Durand. Surtout pas. La meilleure stratégie consiste à s’intéresser à elle. Doucement, progressivement ; pas de façon indiscrète. Elle doit se rendre compte, après coup, qu’elle a été la reine de la soirée et en avoir une sensation fort agréable.

La voilà, un rien sophistiquée. Mag grimace intérieurement, il la désirait « nature », telle qu’à l’université, avec des vêtements si simples qu’ils mettent sa silhouette en valeur. Il s’attendait à revoir la même chevelure un peu décoiffée, qui lui va si bien. Il la trouve presque trop élégante, même si son foulard soyeux est magnifique. Allons, pense-t-il, je ne vais pas lui reprocher d’avoir sa propre stratégie ! Sans doute est-ce bon signe. Mille yeux admiratifs et envieux provenant de différentes tables le rassurent ; ils lui indiquent qu’elle est vraiment belle.

Mag s’habitue vite. L’élégance, ce n’est pas mal non plus. Et le sourire est si délicieux…On en mangerait. Il est facile de la faire parler de sa vie quotidienne ; en tout cas du quotidien de sa vie professionnelle. Mag connaît par cœur ce que certains enseignants-chercheurs font subir aux administratifs. Il peut donc facilement participer. Parfois, il la laisse parler. A d’autres moments, il anticipe ses dires, montrant sa compréhension, son empathie. Et, en riant d’eux, ils se vengent ensemble de la morgue d’insupportables professeurs « autistes et hautains », ils les tournent en ridicule. Leurs propos se complètent, se répondent l’un l’autre.

Les administratifs –les Iatos  en jargon…administratif- se plaignent souvent : « On nous prend pour des meubles ». Ils exagèrent bien sûr : a-t-on jamais demandé à un meuble d’essuyer 12 tableaux en même temps, parce que les intercours arrivent tous à la même heure ? A-t-on déjà remis à des meubles, à la dernière minute ou hors délais, des bouts de papiers informes (certes pas les formulaires fournis), avec des bribes de renseignements approximatifs, nécessitant de donner mille coups de téléphone pour obtenir les informations complémentaires indispensables ? Qu’un dossier correct arrive au Ministère à peu près dans les délais serait  davantage l’intérêt des professeurs que celui des administratifs. Mais voila, le professeur connaît la conscience professionnelle à toute épreuve de son interlocuteur qui n’enverra jamais un dossier incomplet. Il compte là-dessus…

… Et arrive, super pressé, à la dernière minute : cent vingt photocopies à faire pour son cours. Bourrage de papier. Machine en panne. Le jeune appariteur est désemparé. Alors, sans frapper, le prof se précipite, comme un ouragan, dans le bureau du premier administratif chevronné venu : « La photocopieuse ne marche pas. Pouvez-vous la remettre en marche ? » Le dit administratif, sommé d’intervenir dans la seconde qui suit, brûle d’envie de répondre : « Attendez, Monsieur-Madame l’enseignant, d’abord « bonjour ». Ensuite, comme vous le voyez, je suis en plein travail (variante : en train de téléphoner). Vos photocopies, je vous les apporterai cinq minutes après le début de votre cours. Trois cent secondes. Evidemment, c’est absolument dramatique. Cependant, on a peut-être connu pire comme catastrophe planétaire. »

La sublime jeune femme s’appelle Carla, est à moitié d’origine italienne. Alors je vous aurai ‘à ma botte’ prétend Mag, dans un mauvais jeu de mot qui la fait rire. Elle compte trente six printemps. Exactement le même âge que lui, à un quart de siècle prés. Et chaque éclat de rire diminue la différence. Enfin, Mag veut en avoir l’illusion ; il se montre très attentionné sans apparaître entreprenant. Nuance. Carla semble à l’aise. La bouteille de Bordeaux 1990, les bons petits plats l’étourdissent un peu. A la fin de la soirée, ses yeux brillent d’une petite lueur mystérieuse.

Venue avec sa voiture, elle raccompagne Mag à son hôtel. Au moment de la séparation, il questionne : « Vous ne vous êtes pas trop ennuyée ? » Elle répond, avec une certaine fougue : « Ce fut une soirée magnifique. Je ne vous aurais jamais imaginé ainsi. » « Vous m’imaginiez comment ? » Réponse spontanée : « Très savant -vous l’êtes-, très sérieux, plutôt imbu de vous-même. Or avec vous, on a l’impression de tout comprendre, on se sent intelligente. » Mag, ravi, propose un nouveau repas au restaurant lors de sa prochaine venu, deux semaines plus tard, obtient un « volontiers » qui l’enchante après toujours ce froncement de sourcil et un huitième de seconde d’hésitation.

A son hôtel, Mag si blasé, si maître de lui normalement, se sent entouré d’un nuage d’extase. Il  retombe en adolescence, songe à ses premiers amours. Bizarrement, une émotion presque analogue… La soirée a été « magnifique » pour lui aussi, il s’est bien gardé d’en faire état. Il faudra progresser avec prudence, pas trop vite. Avancer tout de même : la répétition est toujours décadence ; une affaire de dosage, il en fait son affaire. Il se sent le meilleur des stratèges, même si leur rencontre restera à un flirt intellectuel. Quand il ne devait pas rêver, Mag ne rêvait pas. La séduction intellectuelle est son donjuanisme à lui. Plaire à des gens intelligents, de tous âges, des deux sexes, sans discrimination. Enfin presque. Mag s’avère quand même adepte d’une discrimination positive envers les femmes jeunes et belles ; tellement de gens leur signifient : « sois belle et tais-toi » qu’il vaut la peine de leur faire prendre conscience qu’elle sont également fort intelligentes. D’autres raisons ? Non, aucune. Qu’alliez-vous imaginer ?

***

Le lendemain après-midi, Mag  retourne avec plaisir aux Archives.  (Là reprendre la page 59 du livre)

14/05/2005

La campagne du Siècle

APRES LE PROJET DE SEPARATION
D’EMILE COMES :

LA CAMPAGNE DU QUOTIDIEN LE SIECLE


Nous avons vu (cf après ce texte, dans la "Catégorie": « Emile Combes »), le projet déposé par Emile Combes, concernant la séparation des Eglises et de l’Etat.
Ce projet déclencha une campagne de presse menée par le quotidien LE SIECLE, qui apparaît à beaucoup de commentateurs (J.-M. Mayeur notamment) comme ayant constitué une étape décisive : « La campagne su Siècle fut pour beaucoup dans l’échec du projet Combes, elle orienta les esprits vers la recherche d’une séparation libérale : les personnalités dirigeantes du protestantisme français jouèrent là un rôle considérable » (La séparation des Eglises et de l’Etat, 3ème édition, 2005, 43).
Je complexifierai un peu tout à l’heure l’expression de « séparation libérale » ; voyons pour le moment pourquoi les protestants jouèrent un rôle décisif dans la campagne du Siècle.

LE RÔLE DES PROTESTANTS DANS LA SEPARATION :

D’abord, comme minorité religieuse, les protestants étaient plus menacés encore que les catholiques par le projet d’Emile Combes.
Ce dernier en empêchant la constitution d’Eglises dépassant les frontières du département rendait extrêmement difficile la survie du protestantisme (et du judaïsme) dans certaines régions. Les autres dispositions qui visaient le catholicisme atteignaient également le protestantisme et les autres religions.
Les protestants avaient donc des raisons de « monter au créneau ».
Mais de plus ils en avaient la possibilité : ils avaient la réputation d’être de « bons » républicains, beaucoup d’entre eux avaient été dreyfusards.
Un certain catholicisme intransigeant stigmatisait « la République livrée aux juifs, aux protestants, aux francs-maçons » (cf. J. Baubérot-V. Zuber, Une haine oubliée, Albin-Michel, 2000).
De fait les protestants, de diverses tendances, se trouvaient très présents dans la République : la Commission parlementaire chargée d’étudier les projets de séparation a travaillé principalement à partir de deux projets :
- celui de Francis de Pressensé (cf sa biographie par Rémi Fabre aux Presses Universitaires de Rennes, parue en 2004), socialiste, libre-penseur fils d’un pasteur protestant évangélique, Edmond de Pressensé, ami de Jules Ferry, qui avait déjà été un chaud partisan de la séparation,
- celui d’Eugène Réveillaud, député radical de la Charente-Inférieure, libre-penseur converti au protestantisme évangélique, ardent évangéliste, et dignitaire de la franc-maçonnerie.
Le président de la Commission était un libre-penseur d’origine protestante : Ferdinand Buisson, et Aristide Briand, le rapporteur de la Commission avait parmi ses proches collaborateurs François Méjan, protestant évangélique et frère d’un pasteur influent dans l’Eglise réformée.

Cela ne signifiait pas une sorte de « complot protestant » : ces gens n’étaient pas forcément d’accord entre eux, loin s’en faut. Ainsi le projet de Pressensé avait été mal vu des Eglises protestantes et le projet Réveillaud était une sorte de contre-projet.
Mais cela signifiait un efficace réseau de relations. Ce réseau comprenait le quotidien républicain et anticlérical Le Siècle, dont le directeur et le rédacteur en chef étaient tous les deux d’origine protestante.

La campagne de ce quotidien fut animé par Raoul Allier, professeur de philosophie à la faculté de théologie protestante de Paris, un protestant évangélique membre d’une Eglise déjà volontairement séparée de l’Etat. Il va être le chef d’orchestre

J’ouvre là une parenthèse : je précise, quand cela est nécessaire, qu’il s’agit de « protestants évangéliques ».
Pourquoi ? Parce que d’excellents auteurs (Maurice Larkin notamment) qualifie tel ou tel de « protestant libéral » et que cette erreur n’a rien anecdotique.
En effet, elle révèle la croyance naïve qu’il faudrait avoir des idées théologiques modernistes pour avoir des convictions républicaines.
Or Ed de Pressensé, Réveillaud, Méjan, Allier étaient politiquement républicains et théologiquement orthodoxes, c'est-à-dire adeptes des « croyances chrétiennes traditionnelles ». Ce n’était pas du tout des « libéraux » ou des « modérés ».
Simplement ils estimaient que le christianisme authentique suppose que « l’acte de foi » soit libre et donc ne reçoive aucune incitation sociale. En protestant contre les limitations faites aux enterrements libres-penseurs, le pasteur-sénateur Edmond de Pressensé affirmait : « l’honneur d’une religion est qu’on puisse ne pas la pratiquer ».


La campagne du Siècle comprend
- 22 articles écrits par Raoul Allier entre le 6 novembre 1904 et le 22 mars 1905 (Combes quitte le pouvoir le 18 janvier 1905 ; elle se poursuit donc après son départ, et ce jusqu’au début du débat à l’Assemblée nationale qui commence le 21 mars)
- une enquête, publiée parallèlement aux articles d’Allier, auprès de 33 personnalités (18 protestants, 1 juif, 1libre-penseur, 13 catholiques).

LE RENVESEMENT DU THEME « LA REPUBLIQUE EN DANGER »

Allier débute très fort en comparant le projet Combes de séparation avec la Révocation de l’Edit de Nantes (où plus exactement en faisant une sorte d’assimilation entre les 1ères mesures prises par Louis XIV contre les protestants et la révocation) : « M. Combes s’est donné l’air de copier Louis XIV ».
Certes, il affirme que l’Etat républicain doit se prémunir contre les « empiétements de la société religieuse », mais cela ne doit pas se faire au détriment de la liberté. Il lance la formule : « l’Eglise libre dans l’Etat politiquement à l’abri de ses menaces ».

Les accusations contre le projet Combes sont accompagnées de menaces à peine voilées : les protestants se soumettront à la loi, mais si elle est injuste, mauvaise, ils « élèveront une protestation en toute circonstance ».
Et Allier ajoute, suavement, « On ne saisit pas l’intérêt politique qu’il peut y avoir à ce que une question aussi délicate se présente à chaque élection ».

Cet argument peut impressionner des députés républicains : certes les protestants ne sont pas très nombreux, mais ils représentent assez bien la sensibilité de catholiques qui votent républicains. Ces catholiques étaient habitués aux jérémiades des évêques mais si les protestants, considérés comme anticléricaux, se mettent à dire qu’on en veut « non pas au cléricalisme, mais à la religion », alors ils tendront l’oreille. Ces catholiques peuvent donc changer de camp, sous l’influence des protestants. Ce qui est intéressant dans l’argumentation, c’est qu’elle RENVERSE l’argumentation des gouvernements de Waldeck-Rousseau et de Combes sur le thème : « LA REPUBLIQUE EN DANGER ».
Depuis 1899, on affirmait que la république étant en danger devait prendre des mesures pour se défendre et vaincre ses adversaires. Les mesures anticongréganistes avaient été justifiées ainsi. Mais, en induisant un ENGRENAGE DU CONFLIT, il s’avère, en 1903-1904, que PLUS LA REPUBLIQUE PREND DES MESURES REPRESSIVES, PLUS ELLE PROVOQUE DE RESISTANCE, ET PLUS EST DONC EN DANGER.
On aboutit à ce que Clemenceau lui-même qualifie d’ « Etat-congrégation », pour éviter la « congrégation », a (dit-il) « un Etat laïque omnipotent ».
Chez Allier, au contraire, C’EST LA REPUBLIQUE QUI SE MET ELLE-MÊME EN DANGER, si elle adopte une loi de séparation dure.

LA DEMOCRATIE NE SE DIVISE PAS :

L’argument d’Allier est que la démocratie ne se divise pas.
Une loi de séparation de combat, dure, qui brime « l’exercice du culte » (= les services religieux et autres manifestations collectives de la religion) sera contreproductive. Pourquoi ?
Parce que seule ces associations seront discriminées : personne ne pourra empêcher des catholiques de former des associations politico-religieuses, hostiles à la République, dans le cadre de la loi de 1901 sur les associations.
Il vaut donc mieux, à ses yeux, se montrer libéral pour les associations qui assureront l’exercice du culte en étant strict dans l’interdiction d’activité politique dans le cadre de ces associations.

Le raisonnement est toujours celui-ci : un démocratie donne à ses adversaires, dans une certaine mesure, la liberté de la combattre. Attention donc à une loi qui laissera (en fait) « substituer entièrement un danger » en donnant « l’illusion d’y avoir paré ».

D’autre part, si après la séparation, l’Etat continue à « intervenir sans cesse dans la vie des Eglises par le retrait ou l’octroi de faveurs arbitraires », de telles pratiques peuvent, par contre coup, favoriser un jour, « une réaction politique, un gouvernement clérical », ce pouvoir clérical « aura été armé par la République pour opprimer à son aise les consciences ».

L’ESPOIR D’UN CATHOLICISME REPUBLICAIN :

On voit comment se noue, pour Allier, la défense d’une république, non seulement laïque mais anticléricale. Et Allier combat, dans ce sens, des mesures qui défavorisent (selon lui) la création de dissidences internes au sein du catholicisme. Il émet l’espoir que si Pie X refuse une séparation libérale, les paysans français se grouperaient « autour d’un prêtre décidé à marcher avec ses fidèles plutôt qu’avec Rome ».
C’est l’espoir, partagé par maints protestants et libres-penseurs de l’époque, de l’émergence d’un « CATHOLICISME REPUBLICAIN ».

On le voit, si Raoul Allier demande, à plusieurs reprises :
- la liberté pour tous
- l’égalité de traitement entre les religions et les « associations anti-religieuses »

Et donc, incontestablement une séparation libérale, il espère quand même que la séparation produira une fracture au sein du catholicisme français et défend avec persistance non seulement les droit des groupements existants, mais ceux des futurs groupes catholiques dissidents et républicains.

Ce problème va être AU CŒUR DE LA PREPARATION DE LA LOI DE SEPARATION. Maintenant, on a tendance
- soit à le rejeter dans l’impensé
- soit à faire comme si tous les partisans d’une séparation libérale avaient défendu l’unité de l’Eglise catholique

OR LE PROBLEME DE L’EVENTUEL CATHOLICISME SCHISMATIQUE ET REPUBLICAIN VA DIVISER LES PARTISANTS D’UNE SEPARATION LIBERALE, une fois le modèle régalien de séparation combiste rejeté.

Rendez-vous le 28 mai pour la fin du Ministère Combes et la suite du processus de séparation des Eglises et de l’Etat.

04/04/2005

COMBES ET LA SEPARATION (II)

LE PROJET COMBES DE SEPARATION

Nous nous étions arrêtés au 4 septembre 1904, au discours prononcé à Auxerre et où Combes prend, pour la première fois, franchement partie pour la séparation.
Il l’a fait en affirmant que c’est le Vatican qui a « ostensiblement » déchiré le Concordat et qu’il n’est pas dans ses intentions de le rapiécer. Il tient des propos libéraux sur la future séparation : son objectif doit être la « paix sociale et la liberté religieuse », il n’existe pas de « bienveillance envers les personnes », de « concession raisonnable » ni de « sacrifice conforme à la justice » que le camp républicain ne soit pas prêt à consentir.
Ainsi la séparation va inaugurer « une ère nouvelle et durable de concorde sociale en garantissant aux communions religieuses une liberté réelle sous la souveraineté incontestée de l’Etat. »

Ce langage correspond à celui de Briand, le rapporteur de la Commission parlementaire et celle-ci a tenté, effectivement, d’élaborer un proposition de loi assez libérale. Or l’action de Combes ne correspond pas à son discours. En effet le projet de loi que Combes communique à la Commission le 29 octobre 1904 et qu’il dépose officiellement à la Chambre le 12 novembre est typique d’une laïcité de combat et il va s’attirer notamment les sarcasmes de Clemenceau qui le considèrera comme liberticide.
Donnons quelques exemples de cet aspect très combatif du projet.

1) La référence à la liberté de conscience et de culte placée en tête de la proposition de la Commission ne figure pas dans le projet gouvernemental.

2) Séparées de l’Etat en ceci qu’elles cesseront d’en recevoir des subsides et d’être des organismes de droit public, les Eglises ne seront nullement libres pour autant. Les associations formées pour l’exercice (local) du culte ne pourront pas se fédérer au niveau national (proposition de la Commission) mais au niveau DEPARTEMENTAL, ce qui rend impossible la constitution d’une Eglise catholique en France, et affecte encore plus les minorités protestantes et juive qui, parfois, n’avaient que quelques dizaines de membres sur toute la superficie d’un département. Par contre, cela facilite une étroite surveillance du préfet.

3) Les associations créées pour l’exercice du culte devront s’organiser de telle manière que leur existence sera difficile. Elles devront tenir une comptabilité très stricte vérifiée par le préfet et les irrégularités qui, pour la loi de 1901 donnent lieu à des amendes, seront punissables de peines d’emprisonnement. Cela risquait d’être fort dissuasif pour l’administrateur bénévole éventuel, s’imaginant dormir en prison pour avoir commis une négligence !

4) Il serait d’ailleurs difficile de faire face aux dépenses qui résulterait de la fin du budget des cultes ; ainsi si la commission avait admis la possibilité d’un fond de réserve allant jusqu’à un capital produisant un revenu égal à un an de dépense, le projet Combes réduit ce fond à une somme insignifiante : le capital lui-même (et non le revenu qu’il produit) ne doit pas être supérieur à un tiers du budget annuel. Comment investir dans de pareilles conditions ?

5) Les édifices religieux (églises, temples, synagogues, etc) après deux années transitoires de concession gratuite, seront louées pendant 10 ans aux associations créées pour l’exercice du culte. Cette location POURRA (et non devra) être ensuite renouvelée « dans les limites des besoins » de l’association pour une nouvelle période de 10 ans ou une période moins longue.
Sinon, on les affectera soit à un autre culte, soit à un service public (ce qui rappelait la période de la Révolution où de nombreuses églises étaient devenues des temples de la Déesse Raison ou avaient été affectées à divers usages ‘profanes’)

6) Les mesures de polices sont sévères, voire arbitraires. On prévoit des peines d’amendes et de prison « en termes vagues et dont il eût été facile d’abuser » écrira en 1909 l’historien anticlérical Debidour (L’Eglise catholique et l’Etat sous la IIIe République, II, 1889-1906). Et l’Association Nationale des Libres Penseurs parlera elle-même de mesures qui pousseraient « à la délation » et de « tracasseries policières »

7) Par contre, cette même Association dénonce le maintien de « privilèges économiques » car les mesures transitoires sont très favorables aux membres du clergé qui, pour une bonne partie d’entre eux, continueront à toucher longtemps une bonne partie de leur pension. Le projet leur est plus favorable que la proposition de la Commission

Donc si la « bienveillance envers les personnes », est au rendez-vous, pour le reste la liberté n’y est pas. On peut se demander pourquoi ce projet est d’une telle dureté. Dans Mon ministère, écrit en 1907, Combes ne s’explique pas vraiment, sinon pour dire qu’il était fort réticent à élaborer un projet de loi ; que, s’il n’avait tenu qu’à lui, il aurait repris pour l’essentiel la proposition de la Commission en en modifiant (durcissant ?) seulement certains points. Mais, explique-t-il, Briand était socialiste et les radicaux ne voulaient pas laisser à un socialiste la paternité d’une réforme aussi importante.

L’argument est plausible, mais fort insuffisant car il ne dit rien du contenu lui-même. Combes dégage en touche. Il faut donc imaginer d’autres raisons. Pour ma part, j’en vois au moins 3 :
- d’abord la majorité des premiers textes, et notamment la proposition de Francis de Pressensé, co-signée par Jaurès et Briand en 1903, étaient eux aussi assez durs. La Commission avait évolué vers plus de libéralisme, en atténuant fortement la proposition Pressensé par une autre proposition provenant du député radical Réveillaud, concoctée en fait par des milieux protestants. Combes voulait revenir à une certaine orthodoxie républicaine mise à mal, à ses yeux, par la Commission.
- Ce (relatif) libéralisme de la Commission pouvait faire peur à beaucoup de laïques : les rumeurs alarmistes se développaient. Du côté catholique, elles parlaient d’une future « persécution » ; du côté laïque de la formation d’une Eglise catholique de combat où le pape, libéré des entraves concordataires, allait nommer comme évêques des membres militants de congrégations dissoutes, voire faire surveiller le catholicisme français par des envoyés personnels italiens.
- Enfin, il n’est pas exclu de penser que Combes prenait une position de départ dure pour pouvoir faire ensuite des concessions aux modérés de sa majorité et leur faire plus facilement accepter un texte qu’ils auraient amendé.

Mais il s’agit là de raisons plausibles, les archives de Combes ne permettent pas de trancher. En tout cas, le projet Combes va déclancher une campagne de presse hostile d’un quotidien républicain anticlérical (« la campagne du Siècle »). Cette campagne de presse sera le sujet de notre prochain épisode.
(à suivre).



21/03/2005

COMBES: le discour d'Auxerre

DISCOURS D’EMILE COMBES A AUXERRE
4 SEPTEMBRE 1904
« Quelque éloigné que je sois par habitude et par goût de rechercher les occasions de me produire en public, je ne peux que m’applaudir aujourd’hui d’avoir cédé aux instance de mon excellent ami M. Bienvenu Martin, et de vos autres représentants, et d’avoir accepté la présidence de cette fête locale. L’accueil si cordial qui m’était réservé, l’universelle et manifeste allégresse de la foule, la spontanéité des ovations vraiment enthousiastes dont je suis l’objet, toutes ces marques de la communauté de sentiments qui m’unit à vos populations si ardemment, si profondément républicaines, sont bien propres à échauffer l’âme la plus froide et à laisser dans l’imagination la moins impressionnable d’ineffaçables souvenirs.

(…) Messieurs, (…) la République de 1870 a débarrassé la France de la dernière forme de la Monarchie. Le Ministère actuel entend que la République de nos jours l’affranchisse absolument de toute dépendance, quelle qu’elle soit à l’égard du pouvoir religieux.
(…) Depuis un siècle, l’Etat français et l’Eglise catholique vivent sous un régime concordataire qui n’a jamais produit ses effets naturels et légaux. Ce régime a été présenté au monde comme un instrument de pacification sociale et religieuse. (…) En réalité il n’a jamais été qu’un instrument de lutte et de domination.
Sous les gouvernements autoritaires, comme le premier Empire, l’Etat s’en est servi pour contraindre le clergé catholique à la soumission la plus humiliante, aux adulations les plus basses, même à un rôle répugnant de policier, en usant contre les ministres du culte récalcitrants de moyens coercitifs, violents.
Sous les gouvernements faibles et timorés, qui se piquaient de pratiquer l’alliance du trône et de l’autel, c’est l’Eglise qui s’est prévalue du Concordat pour assurer sa prépondérance, en supprimant de fait toutes les clauses des articles organiques qui gênaient son dogmatisme intolérant.
La République, n’ayant pour elle ni la crainte résultant des habitudes violentes du pouvoir personnel, ni les bénéfices corrélatifs d’une pieuse docilité, s’est débattue depuis plus de trente ans dans des difficultés inextricables pour régler, conformément au pacte concordataire les rapports de l’autorité civile et de l’autorité religieuse. Toutes ses tentatives sont demeurées infructueuses.
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(…) Messieurs, aucun homme réfléchi n’a pu se méprendre sur la situation nouvelle qui est née, tant des réponses évasives de la Curie romaine que de la résolution prise par le Gouvernement. Le pouvoir religieux a déchiré ostensiblement le Concordat. En ce qui me concerne personnellement, il n’entre pas dans mes indentions de le rapiécer. (…) il est évident que la seule voie restée libre aux deux pouvoirs en conflit, c’est la voie ouverte aux époux mal assortis, le divorce et de préférence le divorce par consentement mutuel.
(…) Messieurs, je crois sincèrement que le parti républicain (…) acceptera sans répugnance la pensée du divorce, et je crois aussi, disons mieux, je suis sûr qu’il l’acceptera, non dans un sentiment d’hostilité contre les consciences chrétiennes, mais dans un sentiment de paix sociale et de liberté religieuse. (…)

Il importe que les républicains fassent preuve dans ce débat d’une largueur d’idées et d’une bienveillance envers les personnes qui désarment les défiances et rendent acceptable le passage de l’ordre de choses actuel à l’ordre de choses à venir.
Qu’il s’agisse des édifices affectés au culte ou des pensions à allouer aux titulaires actuels des services concordataires, il n’est pas de concession raisonnable, pas de sacrifice conforme à la justice que je ne sois disposé pour ma part à conseiller, afin que la séparation des Eglises et de l’Etat inaugure une ère nouvelle et durable de concorde sociale en garantissant aux communions religieuses une liberté réelle sous la souveraineté incontestée de l’Etat.
(…) Messieurs, je lève mon verre à la ville d’Auxerre qui me reçoit avec un entrain si cordial et si chaleureux (…). Je garderai de la visite que je fais un souvenir ému. Je bois aussi à la démocratie de l’Yonne, aux vaillants vignerons du département, qui s’est distingué de tout temps par l’indépendance du caractère et l’ardent amour de la liberté. »

Autant Combes a été combatif envers les congrégations, autant il a été prudent et en retrait sur la séparation des Eglises et de l’Etat. Deux explications peuvent être données de cette attitude.
L’explication généralement retenue par les historiens (et notamment Maurice Larkin, auteur du seul livre d’ensemble relativement récent sur le processus de séparation publié en 1974 et qui vient seulement d’être traduit en français : L’Eglise et l’Etat en France. 1905, la crise de la séparation, Toulouse, Privat, 2004, qui pousse cette thèse à l’extrême) est que Combes est partisan du Concordat (appliqué rigoureusement) et ne va à la séparation qu’en reculant, poussé par Clemenceau et Jaurès.
Par contre Combes, dans ses Mémoires, écrites en 1907 donc après coup, insiste sur le fait qu’il souhaitait la séparation mais que, dans la position de responsabilité gouvernementale où il se trouvait, toute accélération du processus aurait été contre productive : une partie de son gouvernement était hostile à la séparation et s’il se produisait une rupture au sein de son Cabinet (cas de figure fréquent alors : on était en régime parlementaire où des gouvernements de tendance proche se succédaient) le Président de la république Emile Loubet ne ferait certainement pas appel à lui pour former un nouveau Cabinet. Et comme Loubet était lui-même fort hostile à la séparation…

Sans nier que Combes souhaitait un contrôle de l’Eglise catholique (mais ce contrôle pouvait s’exercer soit par le Concordat appliqué rigoureusement soit par une séparation où l’Etat garde de fort moyens de contrôle, ce qui sera le cas dans le projet de loi que Combes déposera en novembre 1904), je pense que l’argument de Combes mérite d’être pris en considération. Le cœur de Combes devait pencher pour la séparation, mais pas n’importe laquelle et en avançant avec prudence pour éviter de prendre des mesures boomerang. De toute façon, si certains contemporains piaffaient d’impatience, le processus de séparation s’effectue dans un temps assez court et s’emboîte sur le combat anti-congréganiste.

Quelques dates permettent d’en donner une vue synthétique :

Juin 1902 : arrivée de Combes au pouvoir, sa Déclaration ministérielle ne dit rien de la séparation
Octobre 1902 : décision de principe de nomination d’une Commission à partir d’une proposition du député radical de Charente Inférieure (le département de Combes) Eugène Réveillaud (dont le fils Jean est dans le Cabinet de Combes). Il est difficile d’imaginer que Combes et Réveillaud ait été en complet désaccord !
Juin 1903 : Election de ladite Commission (33 membres, 17 favorables à la séparation, 16 contre) : Buisson président, Briand rapporteur
Avril 1904 : Voyage a Rome du Président Loubet, protestation du pape Pie X contre ce voyage car Rome est l’ancienne capitale des Etats pontificaux et le pape veut défendre aux chefs d’Etat de « nations catholiques » toute visite à Rome (quitte, lui, à se rapprocher du pouvoir italien si besoin pour négocier une solution concernant le Vatican). Or le rapprochement avec l’Italie était une nécessité vitale pour la politique extérieure française pour ne pas avoir à ouvrir un front sur les Alpes en cas de guerre avec l’Allemagne.
17 Mai 1904 : Jaurès publie dans l’Humanité la Note de protestation du pape, telle qu’elle a été envoyée aux autres chefs d’Etat « catholiques », cette Note (que lui a remise le prince de Monaco) comporte une phrase qui ne figurait pas dans la version remise au gouvernement français et qui pouvait être considérée par la France comme insultante.
Rappel de l’Ambassadeur français auprès du Saint-Siège.
6 Juillet 1904 : La Commission Buisson-Briand remet une proposition de loi sur la séparation des Eglises et de l’Etat (ce fait est éclipsé par la loi du 7 juillet interdisant l’enseignement aux congrégations)
30 Juillet 1904 : Rupture des relations diplomatiques avec le Saint Siège à la suite de l’affaire Gay-Le Nordez, 2 évêques convoqués par le Vatican à l’insu du gouvernement français alors que selon le régime concordataire cette démarche devait impliquer l’aval du gouvernement.
4 septembre 1904 : Combes se déclare officiellement favorable à la séparation dans le discours qu’il prononce au banquet républicain d’Auxerre (Yonne) après s’être assuré (selon lui) pendant l’été de l’accord de ses ministres.

On peut constater
-qu’en moins de 2 ans le processus a pris forme
-que le pape n’a rien fait (c’est une litote) pour le contrecarrer.
On peut même se demander s’il ne souhaitait pas une séparation qui apparaisse « persécutrice » et ‘réveille’ le catholicisme français. La version catholique prétend qu’il y a eu rupture « unilatérale du Concordat ». Combes à Auxerre affirme que le pouvoir religieux a déchiré le Concordat. Il est classique et de « bonne » stratégie de rejeter la « faute » sur l’autre. Chacun sans doute trouvait son compte dans la rupture, à condition de pouvoir affirmer qu’elle ne provenait pas de lui.
(à suivre)
PS/ Vous avez noté le "Messieurs"! Il y avait 4 femmes sur des milliers de convives. Dommage pour Combes qui aimait bien leur faire la bise (il affirmera qu'il a été le président du Coseil qui a embrassé le plus de femmes); encore plus dommage pour les femmes elles-mêmes exclues de la participation à la vie politique et du droit de vote.

19/02/2005

L'ANTICLERICALISME DE COMBES

L’ANTICLERICALISME DE COMBES


PREMIERE PARTIE : LA LUTTE CONTRE LES CONGREGATIONS

La dernière fois nous avons vu le spiritualisme de Combes, après avoir indiqué qui était Emile Combes et le point de vue (étonnant) de Combes sur l’islam (vous trouverez ces différentes informations les unes à la suite des autres dans la rubrique « Emile Combes »).
Aujourd’hui, nous envisageons l’anticléricalisme de Combes.
Comme pour les autres Notes sur Emile Combes, je conseille à celles et ceux qui veulent en savoir plus de lire l’ouvrage très intéressant, et fondé sur un remarquable travail d’archives, de Gabriel MERLE, Emile Combes, Fayard, 1995.

Sur la carricature ci après
(que vous pouvez agrandir en cliquant)
Combes est représenté en diable cornu
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Je vais résumer à l’extrême. Il s’agit juste de tenter un bilan de sa politique religieuse.

1) L’ARRIVEE AU POUVOIR D’EMILE COMBES
Rappelons que Combes est arrivé au pouvoir en juin 1902, après des élections qui ont été remportées par la gauche. Son ministère, intitulé le « Bloc des gauches », peut être considéré comme le premier exemple d’union de la gauche, avant le Front Populaire, le gouvernement Mollet de 1956 et la victoire de Mitterrand en 1981. Sans participer au gouvernement, le Parti socialiste français de Jaurès le soutenait. Combes a été beaucoup accusé d’être sous l’influence de Jaurès.
Il faut faire la part de la polémique permettant de disqualifier le président du Conseil : Jaurès n’était pas alors cette sorte de saint républicain qu’il est devenu par son assassinat et par la prise de distance du temps. Il pouvait être présenté comme un dangereux « collectiviste » et il était « payant » de prétendre que Combes était l’otage de Jaurès.
Combes a du, plusieurs fois indiquer que, tout en prévoyant de faire des « réformes nécessaires » (qu’accaparé par sa lutte anticléricale il n’effectuera pas) : retraites ouvrières (le « milliard » des congrégations devait servir à cela ; En fait l’Etat ne « récupéra » que 350 millions, dont 290 s’envolèrent en fumée dans une inflation de frais, quand ce n’est pas dans la poche des liquidateurs), impôt sur le revenu, il n’était pas de ceux « qui font peur à l’épargne ».
Le degré d’influence de Jaurès sur Combes est encore un sujet de débat entre historiens. Ce que l’on peut, par contre, affirmer, c’est que Jaurès a approuvé la politique de Combes pendant toute la durée du ministère de ce dernier (un peu plus de 2 ans et demi, ce qui est assez exceptionnel dans l’instabilité politique de la IIIe République).

Combes n’était pas très connu. Ses 2 principaux titres étaient qu’il avait été ministre de l’Instruction publique des Beaux Arts et des Cultes pendant quelques mois (fin 1895-début 1896) et qu’il venait d’être le président de la Commission sénatoriale sur la loi du 1er juillet 1901 sur les associations, loi qui obligeait les congrégations à être autorisées par une loi et leurs établissement par un décret. S’il est devenu président du Conseil, c’est parce que Waldeck Rousseau, l’auteur de la loi, a volontairement quitté le pouvoir et que les 2 principaux ténors du parti radical n’ont pas voulu diriger le gouvernement.

Pourquoi ce peu d’empressement ? Parce que la loi de 1901 était difficile à appliquer, quant aux congrégations : quelles congrégations pouvait-on autoriser ? Quelles congrégations devait-on interdire ? Le premier président du Conseil, issu des élections de 1902 allait devoir tracer la frontière entre autorisation et interdiction, cela à ses risques et périls. Il fallait s’attendre à de violentes oppositions de la part de la droite et des congrégations concernées, ainsi que des reproches de ne pas aller « assez loin », venant de l’autre bord.
Dans cette conjoncture, il pouvait semblait de bonne tactique d’attendre qu’un franc-tireur se casse les dents et décante la situation. Après lui, exercer le pouvoir deviendrait moins difficile et le gouvernement suivant aurait une meilleure espérance de vie.

2) LA LUTTE ANTICONGREGANISTE EN 1902-1903
Combes arriva donc au pouvoir parce que personne ne voulait y aller.
Il commença par fermer les établissements congréganistes qui s’étaient ouverts depuis le 1er juillet 1901 sans autorisation, puis il fit fermer les établissements de congrégations non-autorisées ouverts antérieurement à cette date et qui n’avaient pas demandé d’autorisation, car ils ne pensaient pas tomber sous le coup de la loi. Il y eut des manifestations importantes à Paris et surtout en Bretagne où, pendant le mois d’août 1902, une partie de la populations tenta de s’opposer à l’application de la mesure, élevant des sortes de barricades et jetant de matière fécales aux visages des gendarmes et de la troupe.

Dès ce moment là, la France fut divisée en deux.
Un militantisme républicain et laïque applaudit aux mesures prises par Combes et ne lui ménagea pas son soutien. L’adjectif affectueux de Petit-père témoigne de cette complicité entre la France républicaine et son président du Conseil. Cette France là n’était pas que masculine et quand il quittera le pouvoir Combes pourra se targuer d’avoir été le président du Conseil a qui, de loin, embrassé le plus de femmes, dans l’exercice de ses fonctions.
Le mot d’ordre de « défense de la laïcité » et surtout de « laïcité intégrale » fut souvent mis en avant. Comme nous l’avons vu dans la note sur le spiritualisme de Combes, l’optique dominante tirait la laïcité vers une religion civile rousseauiste (nous reviendrons sur ce problème, en mettant dans ce blog le texte d’une communication sur la religion civile).
Par contre, la France catholique haïssait d’autant plus le président du Conseil qu’à ses yeux (comme ancien séminariste), il était un « renégat ». Les qualificatifs de Néron, Dioclétien, Robespierrot,…quand ce n’est pas Satan et Antéchrist lui furent attribués. Les brochures de « La librairie antisémite » (le titre montre les liens qu’avaient alors un certain catholicisme avec un nationalisme de droite) se montrèrent particulièrement virulentes.

De l’automne 1902 à l’été 1903, le Sénat et la Chambre examinèrent les demandes d’autorisation. Sur les 6 demandes transmises au Sénat, 5 furent acceptées (Combes avait fait exprès de transmettre à la Haute Assemblée les demandes qui lui semblaient les plus acceptables) ; par contre la Chambre des députés, en accord avec le gouvernement, refusa toutes les demandes qui lui fut soumise. Les manifestations furent moins fortes, sauf pour l’expulsion des Chartreux, retracée notamment dans l’ouvrage d’Anne-Marie et jean Mauduit : La France contre la France (Plon, 1984).

3) LA RADICALISATION DE LA LUTTE ANTICONGREGANISTE ET LA LOI DE 1904.

A la rentrée de 1903, plus de 10000 établissements congréganistes avaient été fermés, mais la moitié s’était rouvert avec des laïcs ou/et des prêtres catholiques. La question à l’ordre du jour était l’abrogation de la loi Falloux permettant la liberté de l’enseignement.
Le gouvernement avait, un an auparavant déposé un projet de loi interdisant l’enseignement aux congrégations non-autorisées. Un député avait rédigé un amendement élargissant cette interdiction à toutes les congrégations et aux prêtres.
Le congrès du parti radical avait demandé l’instauration du monopole de l’Etat sur l’enseignement malgré l’opposition de Buisson. Les arguments échangés dans ce débat sont très significatifs de deux types de laïcité qui se sont alors affrontés, une laïcité qui se reconnaissait à l’époque « autoritaire » et où on trouve un mode de raisonnement très proche de ceux qui se prétendent aujourd’hui « républicains » (comme s’ils avaient le monopole de la République !) et une laïcité tout autant laïque, mais libérale et qui ne veut surtout pas devenir une contre-religion.

Je renvoie pour en savoir plus sur cet important débat aux pages 90ss de mon ouvrage Laïcité 1905-2005 entre passion et raison (Le Seuil).

Combes chercha une position médiane entre ces deux positions et il déposa un nouveau projet de loi interdisant l’enseignement à tous les degrés (primaire, secondaire, supérieur) aux congrégations. Il limita au maximum le nombre d’articles car son gouvernement avait déjà plus d’un an d’existence et certains anciens ministres de Waldeck-Rousseau piaffaient d’impatience et voulaient reprendre le pouvoir.

Cette opposition se traduisit notamment, en mars 1904 par une offensive du socialiste Millerand qui présidait la Commission du Travail de l’assemblée nationale. Il affirma que Combes se montrait si obstiné dans la lutte contre les congrégations qu’il ne prenait pas les mesures sociales impatiemment attendues, notamment l’instauration des retraites ouvrières.
A l’époque, c’était souvent à l’occasion de ce genre d’attaque, faite à l’improviste, que le gouvernement en place était mis en minorité. Là Jaurès contra Millerand : avec qui allait-il renverser Combes ? Avec les députés de droite. Et Jaurès, cinglant, ajoutait : « Quand la majorité actuelle sera brisée, quand le fantôme de la laïcité sera exorcisé, ils ne vous donneront pas vos réformes sociales ». Le gouvernement l’emporta de 10 voix.
En juillet 1904, le projet de loi d’Emile Combes fut voté et promulgué et l’enseignement devenait interdit pour tous les membres d’une congrégation. Les seules dérogations concernaient l’Outre-Mer.

SECONDE PARTIE : LAÏCISATION ET DEMOCRATIE

La lutte contre les congrégations, engagée à partir de 1901 (avant Combes donc) pose le problème des relations entre laïcisation et démocratie. Nous allons voir pourquoi.

Les congrégations atteintes étaient également, pour la première fois depuis la Révolution, des congrégations de femmes. Les religieux et les religieuses n’avaient plus que deux possibilités l’exil ou la sécularisation.


Environ 30000, selon les estimations les plus sérieuses des historiens, choisirent l’exil soit dans les pays limitrophes de la France, soit dans des régions plus lointaines comme le Proche Orient ou le Quebec. Cet exil avait commencé après l’adoption de la loi de juillet 1901, actualisant (même si cela était moins grave) celui qui avait eu lieu lors de la Terreur politico-religieuse de la Révolution a donné (il ne faut pas se le cacher) à la laïcité française une réputation d’ »intolérance » dont elle a du mal, aujourd’hui à se défaire.

La sécularisation signifiait que les religieux et les religieuses quittent leurs habits spécifiques et ne vivent plus « hors du monde ». Les religieux qui étaient prêtres pouvaient devenir des prêtres séculiers, sous l’autorité de l’évêque de leur diocèse. Normalement un congréganiste sécularisé recouvrait tous ses droits. Mais comme cette « sécularisation » était en fait contrainte, on pouvait suspecter sa sincérité. C’est toujours la même histoire : quand on oblige les gens à se « libérer » de leurs « erreurs », rien n’indique, qu’au fond d’eux-mêmes ils les considèrent comme telles. Ainsi les juifs convertis de force au christianisme en Espagne furent considérés comme des « marranes », continuant à pratiquer en secret des prescriptions juives, et après la Révocation de l’Edit de Nantes, les protestants, devenus officiellement des « nouveaux catholiques », restaient toujours suspects de protestantisme.

Des mesures furent donc prises contre les « sécularisés » : par circulaire, Combes voulut les empêcher de prêcher et un projet de loi leur interdit d’enseigner là où ils le faisaient auparavant. Votée par la Chambre, il fut arrêté au Sénat, à cause notamment de l’opposition de Clemenceau qui le considéra comme attentatoire aux droits de l’homme.
En effet, au-delà de la mesure pratique, cela signifiait que le simple fait d’avoir été congréganiste vous rendait citoyen de seconde zone. Ce n’était plus seulement un rôle social (être membre d’une congrégation) qui était visé (ce qui paraissait déjà contestable à certains républicains), mais la personne elle-même.

Au point où il était parvenu, le processus de laïcisation posait donc question.
Non qu’il ne fut pas justifié. Il faut se souvenir qu’une partie de l’Eglise catholique, notamment en ses éléments congréganistes soit était toujours opposée à la République, soit s’y était ralliée avec la ferme intention d’abolir les lois laïques et de refaire de la France la « fille aînée de l’Eglise ».

Certes, on pourrait dire qu’après tout l’alternance est légitime en démocratie et que des citoyens avaient bien le droit de souhaiter des changement législatifs. Mais cette opposition conduisait ces milieux catholiques à opposer la « République des honnêtes gens » (sous entendu les catholiques) à celle qui serait investie par « les juifs, les protestants, les francs-maçons », minorités « anti-françaises ». Plusieurs brochures hostiles à Combes étaient publiées par une librairie qui s’intitulait elle-même : « La librairie antisémite ».

ON PEUT DIRE QUE, de façon tendancielle, ON MAJORE UN DANGER AU MOMENT OU IL EXISTE, ON LE MINORE 50 OU 100 ANS PLUS TARD.

Donc les mesures prises par Combes, et réclamée par une large partie de l’opinion publique républicaine (certains trouvaient même que le « Petit Père » n’allait pas assez loin), n’étaient pas sans fondement et il serait trop facile d’être dans l’indignation primaire et moraliste. Il n’empêche, la laïcisation opérée de 1901 à 1905 prenait une tournure qui apparut problématique à certains leaders républicains.

Pourquoi ? Parce que, comme l’horizon, la laïcisation s’éloigne quand on croit s’en approcher. On n’atteint jamais une laïcisation complète. Dès lors, jusqu’où aller dans la laïcisation ?
La réponse n’est pas simple puisque chaque mesure laïcisatrice fait percevoir la nécessité d’en prendre une autre, de continuer la route, l’horizon ne se trouvant pas atteint : la loi de 1901 est vite apparue insuffisante et la loi de 1904 a voulu la compléter. Mais le projet d’interdire partiellement l’enseignement aux sécularisés montrait que la loi de 1904 elle-même ne donnait pas la solution.

A continuer dans cette voix, non seulement on serait amené à instaurer le monopole de l’enseignement, mais il faudrait faire la chasse aux « cléricaux déguisés » dans l’enseignement public, et certains prônaient déjà cette sorte de mesures.

Face à de telles dérives, Clemenceau prononça, dés novembre 1903, un grand discours sur le risque d’ « omnipotence de l’Etat laïque » : « pour éviter la congrégation, nous faisons de la France une immense congrégation (…). Nous chassons Dieu, comme disent ces messieurs de la droite, vive l’Etat-Dieu ! » Et il affirmait : « Parce que je suis l’ennemi du roi, de l’empereur et du pape, je suis l’ennemi de l’Etat omnipotent, souverain, maître de l’humanité. »
(lire les principaux extraits de ce discours dans l’ouvrage 1905, La séparation des Eglises et de l’Etat. Les textes fondateurs publié par les éditions Perrin).

A suivre
(Le prochain épisode parlera de la mise en route du processus de séparation des Eglises et de l’Etat sous le ministère Combes et de la fin de ce ministère. Ensuite nous aborderons les débats parlementaires de 1905 autour de la proposition de loi présentée par la Commission).
























05/02/2005

Combes spiritualiste

medium_combes_002.4.jpgLA SEANCE DU 26 JANVIER 1903
A LA CHAMBRE DES DEPUTES

Combes : «Quand vous aurez supprimé, par un vote, le budget des cultes, vous aurez jeté le pays dans un grand embarras, embarras qui tournera non seulement contre vous les consciences troublées mais contre la République que vous aurez mise dans le plus grand péril.
Un peuple n’a pas été nourri en vain pendant une longue série de siècles d’idées religieuses, pour qu’on puisse se flatter d’y pouvoir substituer, en un jour, par un vote de majorité, d’autres idées contraires à celles-là. Vous n’effacerez pas d’un trait de plume les quatorze siècles écoulés et avant même de les avoir effacés, il est de votre devoir de connaître d’avance par quoi vous les remplacerez. »

Dejeante : « La Révolution l’a bien fait. »

Combes : « Je ne crois pas, que la majorité, que dis-je ? que la presque unanimité des Français puisse se contenter de simples idées morales telles que… »
(Vifs applaudissements au centre, à droite, sur divers bancs à gauche. Protestations de l’extrême gauche.)

Buisson : « C’est la négation de nos lois scolaires. »

Combes : « Je disais que notre société ne peut se contenter de simples idées morales, telles qu’on les donne actuellement dans l’enseignement superficiel et borné de nos écoles primaires.

Quand nous avons pris le pouvoir, bien que plusieurs d’entre nous comme beaucoup parmi vous sans doute, fussent au point de vue philosophique et théorique, partisans de la séparation des Eglises et de l’Etat, nous avons déclaré que nous nous tiendrions sur le terrain du Concordat. Nous considérons en ce moment les idées morales, telles que les Eglises les donnent -et elles sont les seules à les donner en dehors de l’école primaire- comme des idées nécessaires.

J’aspire comme vous tous, du côté gauche de cette Chambre, à l’époque que je voudrais prochaine, que je voudrais immédiate, mais que la constatation de l’état présent m’oblige à ajourner à quelque temps, où la libre pensée, appuyée sur la doctrine de la raison, pourra suffire à conduire les hommes dans la pratique de la vie. »

Combes quitte alors la tribune et retourne à sa place. Comme un vif brouhaha et la protestation d’une partie de sa majorité continue. Il ajoute alors de sa place:

« Je ne sais pas si la majorité a pris le change sur mes sentiments. J’ai dit à la tribune du Sénat, il y a deux ans, en défendant l’article 14 de la loi des associations, que j’étais un philosophe spiritualiste et que je regardais l’idée religieuse -je l’ai répété aujourd’hui- comme une des forces morales les plus puissantes de l’humanité. La majorité de cette Chambre savait donc très bien qui j’étais, quand elle m’a accepté comme président du Conseil. Si elle trouve que je ne suis pas à ma place, elle n’a qu’à me le dire. »

Mougeot, un de ses ministres, a rapporté qu’un député du centre Périer de Larsan, qui vote habituellement contre le ministère, a laissé échapper, en s’adressant à ses voisins : « C’est le langage d’un brave homme et d’un homme brave. »

COMMENTAIRES:

Ce texte est le compte rendu d’une séance parlementaire qui a eu lieu le 26 janvier 1903 .
Emile Combes était devenu président du Conseil en juin de l’année précédente .Comme nous l’avons vu la semaine dernière (cf .la Note ci-après sur Qui était Emile Combes ?) ce n’était pas encore un personnage politique de premier plan et il n’avait été ministre que durant quelques mois.
Combes est devenu président du conseil que parce que son prédécesseur ( Waldeck Rousseau) a décidé de quitter le pouvoir et que les chefs du parti radical ( Brisson, Bourgeois), parti qui avaient gagné les élections n’ont pas accepté la tâche de président du conseil .

Ce triple refus montre la difficulté de cette tâche .Il fallait appliquer la loi de juillet 1901 sur les associations qui créait un régime spécial pour les congrégations religieuses. Le président du conseil qui se ‘collerait’ ce travail risquait l’impopularité et de diriger un ministère de courte durée. Combes fit donc un travail dont personne ne voulait.

La loi de 1901 obligeait les congrégations à être autorisées par une loi.
Combes va refuser systématiquement cette autorisation.Il estimait d’accord avec sa majorité,que le congréganiste , avec ses vœux d’obéissance, de chasteté et de pauvreté se privait de droits fondamentaux de l’être humain. Nous reparlerons de ce problème lors de la prochaine Note sur Combes.

Aujourd’hui nous constatons à la lecture de cette séance parlementaire que Combes était anticlérical mais n’était ni agnostique ni athée. Il était ce que l’on appelait à l’époque un libre-penseur spiritualiste.
Il croyait à l’existence d’un Infini inconnaissable mais agissant dans l’histoire .

Dans un interview au journal italien La Stampa, le 16 novembre 1915, il déclara : « il est une loi qui gouverne le monde:c’est le progrès.Cette logique commande une volonté intelligente, mystérieuse qui s’affirme constamment dans l’ordre physique comme dans l’ordre moral. Inéluctablement, le progrès sert de règle à l’univers et la cause, au côté de laquelle sont la Justice et le Progrès est destiné à vaincre. Rien ne l’empêchera » ( Archive départementale de la Charente Maritime ).

De même dans son caveau funèbre il a fait graver ces paroles d’Edgar Quinet : « Aimons-nous dans la mort comme dans la vie.Notre cœur nous dit qu’il n’y a pas de séparation éternelle.Nous nous quittons dans l’incertitude, nous nous retrouverons dans la vérité ».

A plusieurs reprises Combes parle de « la force mystérieuse », « la loi inconnue » qui « préside au développement progressif des sociétés humaines et qui adapte à chaque situation l’homme ou les hommes de la situation » ( Mémoires )Ainsi il a vécu son action comme président du conseil comme étant un instrument du Progrès un travail au service de cette force « mystérieuse ». Il était, en fait, partisan d’une « religion civile » telle que la prône Jean-Jacques Rousseau (cf. la Note comparant la séparation des Eglises et de l’Etat aux Etats-Unis et en France, dans la catégorie « Monde et Laïcité »).

C’est d’ailleurs parce qu’il souhaite une religion civile républicaine que Combes est déçu par la morale laïque de son temps qui, globalement, évite de se transformer en religion civile (cf mon ouvrage : La morale laïque contre l’ordre moral, Le Seuil, 1997) et qu’il fait preuve, à cette séance, d’une certaine nostalgie de l’époque où la catholicisme avait une mission de socialisation morale.

On voit là que la personnalité d’Emile Combes plus complexe que l’on dit et la légende noire (qui fait de Combes un esprit « sectaire et borné ») et la légende dorée (qui évacue ou sous-estime la dimension spiritualiste de sa personnalité). Les deux légendes ont ceci de commun qu’elles négligent d’analyser les idées de Combes et son action à partir de son attachement à la religion civile. Or la séance du 26 janvier 1903 ne témoigne pas seulement du « spiritualisme » de Combes, elle montre, avec ses propos dépréciatifs sur la morale laïque, son attachement à la religion civile. Notons que Durkheim, pour une raison analogue, se montrait également critique à l’égard de la morale laïque issue de Jules Ferry. Nous reparlerons bientôt des rapports complexes entre laïcité et religion civile dans un « texte de référence » (cf. sur cette notion, l’édito de cette semaine).


29/01/2005

Qui est Emile COMBES?

QUEL FUT LE SENS DE SON ACTION ?


La semaine dernière, j’ai commencé la publication de textes d’Emile Combes. Fort bien m’ont dit certains amis, visiteurs du Blog, mais, avant de lire ces textes, nous aimerions bien savoir plus précisément QUI est Emile Combes, même si nous en avons une vague idée.

Amis, vous avez entièrement raison, j’aurais du commencer par le commencement.
Je vais donc vous raconter rapidement qui était Emile Combes jusqu’à son arrivée comme Président du Conseil et les semaines prochaines, je vous raconterai ses diverses aventures comme Président, à l’aide de nouveaux extraits de textes.
(Sur la photo, Combes est à gauche, reconnaissable à sa barbichette! Vous pouvez zoomer pour agrandir la photo)
medium_combes_002.jpg
Combes est né le 6 septembre 1835 à Roquecourbe, près de Castres (Tarn),
terre d’ «hérétiques » (Albigeois, protestants) d’une famille très nombreuse et fort pauvre (il est définira souvent comme « fils d’ouvrier » ; en fait son père était artisan-tailleur, à un moment il a voulu être à son compte, il n’y est pas parvenu et est ressorti de l’aventure encore plus pauvre). Toute sa vie, il fut marqué par ses origines très modestes. Président du Conseil, il n’aura qu’une domestique (à une époque où toute famille bien bourgeoise en avait plusieurs) et se sentait beaucoup plus à l’aise dans la « France profonde » que dans les milieux politiques et mondains parisiens.

Son parrain était curé et l’aida financièrement pour suivre des études d’abord au petit séminaire de Castres, puis à l’école des Carmes (sorte d'école normale ecclésiastique à Paris (où il arriva au tout début du Second Empire, quand Michelet et Quinet venaient de devoir quitter leur chaire au Collège de France. Ces deux auteurs vont beaucoup l'influencer) et enfin au grand séminaire d’Albi (où il porta la soutane et fut tonsuré). Mais là on considéra que sa vocation de prêtre était peu sérieuse, même si, pendant plusieurs années il tenta de faire annuler cette décision.

Docteur en philosophie en 1860, Combes devint finalement médecin (1868) et exerça sa profession dans la petite ville de Pons (Charentes Maritimes) où il s’était marié.
Combes mena campagne pour le "non" au plébiscite de 1870.Au début de la IIIe République, il réussit à l’emporter sur le baron Eschassériau, homme fort du bonapartisme local et à devenir maire de Pons (1878), conseiller général (1879), sénateur (1885). En 1892 et 1894, il rédigea 2 rapports sur l’Algérie (cf la Notes déjà publiée sur Combes et l’islam). De novembre 1895 à avril 1896 il fut un éphémère ministre de l’Instruction Publique et des Cultes et proposa le contrôle continu pour démocratiser le baccalauréat.

Combes ne fut pas dreyfusard mais il soutint la politique dite de « Défense Républicaine » de Waldeck-Rousseau et fut le président de la Commission sénatoriale qui rapporta sur la célèbre loi des associations (dite loi de 1901). Après les élections de 1902 qui virent la victoire du parti radical, Waldeck se retira du pouvoir, les 2 chefs radicaux (Brisson, Bourgeois) qui avaient déjà été président du Conseil refusèrent de reprendre ce poste et le président de la République (Emile Loubet) fit appel à Combes (la 1ère tâche du nouveau ministère devant être l’application de la loi de 1901).

LA SEMAINE PROCHAINE SUR VOTRE BLOG PREFERE :
- Pourquoi Waldeck, Brisson, Bourgeois ne voulaient pas du pouvoir ?
- Pourquoi la loi de 1901 posait-elle des problèmes d’application ?
- Quelles étaient les convictions de Combes quand il est devenu président du Conseil ?
- Peut-on dire de Combes qu’il était « antireligieux » ?
- Combes et la question sociale