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20/07/2011

Une victoire de la laïcité

La décision prise par le Conseil d’Etat constitue une nette victoire de la laïcité sur sa récente falsification…. La laïcité de 1905, s’entend : loi sans cesse invoquée, voire sacralisée… et méprisée par ceux-là mêmes qui  l’invoque.

J’indiquerai brièvement les décisions du Conseil d’Etat, pour celles et ceux qui ne les connaitraient pas, et je ferai un petit commentaire. Sont conformes à la loi de 1905 :

-L’octroi d’un bail emphytéotique à la fédération cultuelle des associations musulmanes de Montreuil  (Seine-Saint-Denis) pour l’édification d’une mosquée. Le vice-président du Conseil d’Etat  a rappelé (mais qui le sait ?) que 450 églises catholiques avaient bénéficié de tels baux sans que cela ne donne lieu à contentieux.

Effectivement, et beaucoup de ces baux ont été accordés pour la construction d’églises dans les nouvelles villes de la région parisienne, notamment dans les années 1930, par exemple sous le Front Populaire ! La situation de ces dernières années où la pression de l’extrême droite s’exerçait contre l’existence de tels baux en faveur des mosquées était profondément discriminatoire.

-La subvention de la ville de Lyon pour la construction d’un ascenseur dans la basilique de Fourvière a moins de précédent. Elle peut cependant se justifier par l’ambivalence des édifices religieux qui sont à la fois des lieux de culte et des lieux culturels, et, à ce titre, des lieux touristiques.

 Je renvoie, à ce sujet,  à la très intéressante étude (elle est d’ailleurs issue d’une thèse faite sous ma direction, c’est dire !) d’Anne Perrin : « Les églises catholiques comme patrimoine culturel : une situation de conflit  potentiel » (in J. Lalouette  – Ch. Sorrel dir., Les lieux de culte en France 1905-2008, Letouzey et Ané, 2008).

« Conflit potentiel » : eh oui, cette ambivalence des lieux de culte (notamment ceux qui sont propriété publique[1]) dans une situation de séparation n’est pas simple à gérer. Elle demande une accommodation mutuelle quotidienne. La laïcité doit accepter le genre d’accommodement que légitime le Conseil d’Etat. Mais inversement, c’est le cas de le dire, la religion concernée doit… renvoyer l’ascenseur et accepter les contraintes de cette dimension culturelle et touristique.

-   Un cas assez analogue est l’acquisition et la restauration d’un orgue  par la mairie de Trélazé (Maine et Loire) pour l’église communale. OK si l’orgue ne sert pas seulement à la messe, mais est bien à la disposition de toutes celles et tous ceux qui souhaitent en jouer. Cours, concerts et festivals doivent donc pouvoir avoir lieu dans l’église de Trélazé.

Je précise cela car je connais des cas où le prêtre se comporte comme si son Eglise était la propriétaire du bâtiment et empêche des manifestations musicales à l’intérieur de l’église. Or une telle attitude n’a pas lieu d’être. Mais, bon, chacun est innocent jusqu’à ce qu’il soit reconnu coupable et rien ne permet de suspecter à priori la bonne foi du prêtre dont la communauté va aussi bénéficier de l’orgue.

-Autre cas :   la participation de la communauté urbaine du Mans au financement d’un abattoir pour ovins à l’occasion de l’Aïd el-kebir.  L’argument donné est celui de la salubrité et de la santé publique. Il est raisonnable si la communauté musulmane accepte à son tour un contrôle des services vétérinaires. Et là encore, a priori, rien ne permet de suspecter un refus.

-Enfin, dernier cas soumis au Conseil : la construction par la ville de Montpellier d’une salle polyvalente, dont une partie a été utilisée comme mosquée. Là, on est un peu dans le même cas limite que pour l’ascenseur de la basilique de Fourvière.

Mais c’est une affaire d’équité : près de 90% des lieux de culte catholique sont propriété publique et affectés gratuitement au culte. Si le principe général du financement de mosquées par l’Etat serait un principe dangereux, de telles dérogations participent à l’égalité des religions et convictions ; On pourrait, par exemple, estimer qu’une partie d’une autre salle polyvalente soit affectée à l’Union rationaliste. Cela participerait au même souci d’égalité et d’aide à la liberté d’expression des convictions.

En effet, le problème fondamental est là. L’article 2 de la loi de séparation de 1905, qui met fin au régime des « cultes reconnus » qui étaient financés par l’Etat doit être respecté. Mais cet Article est souvent cité de façon tronquée. Le voici dans son intégralité :

« La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du premier janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l’Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes. Pourront toutefois être inscrites aux dits budgets les dépenses relatives à des services d’aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics, tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons. »

Autrement dit, cet Article énonce un principe [actuellement non respectés dans certains départements métropolitains et Outre-Mer, faut-il le rappeler !] et prévoit tout de suite une dérogation.  Les Articles 12 et suivants de la loi de 1905, les lois complémentaires de 1907 et 1908 introduiront d’autres dérogations concernant les édifices du culte.

Faut-il voir là une contradiction, ou pire une « schizophrénie » ? Non car le principe vise à établir la non officialité de la religion : aucun culte ne doit être, si peu que ce soit, officiel. Les dérogations visent à faciliter  « le libre exercice des cultes » qui est garanti par l’Article 1 de la même loi. Or, le 26 juin 1905, lors des débats parlementaires, Aristide Briand a indiqué la règle d’or : si l’interprétation donnée à un Article contredit l’Article 1, alors on ne doit pas l’appliquer : « le principe de la liberté de conscience et du libre exercice du culte domine toute la loi ».

On ne saurait être plus clair. C’est pourquoi les décisions du Conseil d’Etat se situent dans l’exacte filiation des accommodations de la loi de 1905. Aux religions de ne pas tirer unilatéralement la couverture à elles et d'accepter également l'équilibre de cette loi qui assure la liberté de conscience de tous, et pas seulement des adeptes des relgions.

Ceci dit, 2 constats doivent être faits:

D'abord, comme une jeune femme me l'écrit, si la laïcité de 1905 fonctionne pour les édifices, elle devrait fonctionner encore plus.;; pour les personnes. Cette décision du Conseil d'Etat permet un salutaire rappel de la philosophie politique qui soustend la loi de 1905.  Rappel nécessaire, pas encore suffisant

Ensuite, attention à ne pas  tenter de changer de laïcité. C'est une tentatition à gauche où, pour être équitable, étant donné que la laïcité est souvent dure envers les musulmans, on voudrait la durcir toujours et partout. ca, c'est une démarche analogue à celle que je mentionnais dans ma dernière Note, à propos de l'attitude de Fillon envers Eva Joly: de même qu'à droite la xénophobie s'avère contagieuse, attention qu'à gauche la laïcité répressive ne soit pas contagieuse. 



[1] Ce n’est pas le cas de tous, mais de la plupart des églises catholiques construites avant 1905.

11/07/2011

Libertés laïques: La France condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme

Au début de ce mois, pendant que nous  étions tous dans le suspens de la série « DSK Story », la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme, d’atteinte à   l’article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Si quelques quotidiens (Le Monde, La Croix en particulier) ont donné l’info., beaucoup d’autres l’ont passé sous silence.

Quelqu’un en a-t-il entendu parler à la télé ?

Quelqu’un a-t-il entendu des personnalités politiques commenter cette condamnation ?

L’info prétend refléter la réalité politique et sociale. Mais elle décide de ce qui va faire « l’actualité » et nous influence de façon consciente ou non consciente, et ce qui va rester inconnu du public. Elle passe en boucle certains incidents, elle tait soigneusement certains événements.

 

La Convention européenne a été signée en 1950, et  la France a reconnu tardivement sa validité (il y avait alors les guerres coloniales  et notre pays se serait trouvé régulièrement condamné, ne l’oublions pas !) en 2 étapes :

 La première,  au moment où Alain Poher assurait l’intérim de la Présidence de la République pour la signature de la dite Convention, l’autre, après l’arrivée au pouvoir de la gauche sous la présidence de François Mitterrand pour admettre les arrêts de la Cour.

 

Ce n’est pas la première condamnation de la France par la Cour : la France a été condamnée à plusieurs reprises, notamment pour atteinte à la liberté d’expression, à deux reprises, au moment même de l’affaire dite des « caricatures de Mahomet ».

Le blog en avait parlé alors… et vous pouvez rechercher la Note.

De même la France avait reçu un avertissement pour non égalité de traitement envers l’Union des Athées, par rapport aux religions (ce qui fait très désordre pour un pays qui se croit champion du monde de la laïcité !) et elle a dû obtempérer pour éviter une condamnation.

Mais c’est, sauf erreur, la 1ère condamnation pour atteinte à l’Article 9.

 

L’Article 9 déclare ceci :

« Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.

La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés. »

 

Commentaire :

1°. On prétend  généralement (et la presse qui a parlé de la condamnation l’a fait en ces termes) que cet Article porte sur la « liberté religieuse ». Et, en France, aujourd’hui,  l’expression de  liberté religieuse et souvent comprise comme établissant des droits (face à la laïcité, ou contre la laïcité) pour les organisations religieuses.

Or ce n’est pas du tout cela qui est indiqué dans l’Article 9. Au contraire :

 

-          Celui-ci parle d’abord de « liberté de pensée et de liberté de conscience » et associe la « liberté de religion » à ces deux libertés. Il est d’ailleurs question de de la « liberté de  religion ou de conviction », mettant sur le même plan les convictions philosophiques areligieuses et la religion. L’Article 2 du Protocole additionnel, de 1952, parle, lui, de « convictions religieuses et philosophiques »

-          C’est d’abord un droit de l’individu qui est défini et non un droit des religions elles même. Et ce droit de l’individu peut s’exercer aussi bien face aux organisations religieuses (« changer de religion ou de conviction ») que face à l’Etatmanifester sa religion ou ses convictions »). Dans ce dernier cas, ce peut être aussi un droit collectif : Le droit collectif alors est une dimension de ce droit individuel (cf. l’Article 4 de la loi de 1905).

Cet Article 9 traite donc des LIBERTES LAÏQUES.     

 

2°. Cet Article :

-          se situe dans la philosophie politique issue de John Locke, tout comme l’Article 1 de la loi de 1905 (Conseil d’Etat, 2004), qu’il développe.

Rappelons le contenu de cet Article 1 : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictée ci-après dans l’intérêt de l’ordre public. »

Briand affirmait que cet Article 1 constituait le principe interprétatif de l’ensemble de la loi.

Si la France appliquait vraiment cet Article 1, d’une loi qu’elle sacralise volontiers, mais pour l’instrumentaliser, eh bien, elle ne serait pas condamnée par la CEDH pour atteinte à l’Article 9. CQFD !

-          reprend tel quel dans son premier paragraphe l’Article 18 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (1948), mais n’étant pas seulement une Déclaration de principes, mais une base juridique supra-étatique, y ajoute des « restrictions limitées » qui doivent être « prévues par la loi » et constituer des « mesures nécessaires dans une société démocratique » à des référents clairement indiqués.

 

3°.La Convention est valable pour le Conseil de l’Europe, qui regroupe un plus grand nombre de pays membres que l’Union européenne (la Turquie et la Russie, par exemple, en font partie).

La Charte de Nice (2000) prévoyait de l’intégrer dans la Constitution de l’Union Européenne. Cris de certains Rrrrrépublicains : « On va nous imposer une Convention contraire à la laïcité » prétendaient-ils.

C’était doublement faux.

-          Nous l’avons vu, la Convention n’est pas contraire à la laïcité : elle établit des libertés laïques. Son application n’est pas parfaite : on peut regretter qu’après un premier jugement interdisant les crucifix dans les salles de classes, elle ait finalement cédé en appel. Cependant si on examine ces différents arrêts, elle a été, d’une façon générale, dans le sens de la laïcité.

-          Sur ce point, la Charte n’introduisait rien de nouveau par rapport à la Convention et à son application déjà effective. Et quelle drôle d’atteinte à la laïcité que celle qui a obligé la France à reconnaitre les droits de l’Union des Athées !

 

Là, les requérants étaient les Témoins de Jéhovah.

On peut, bien sûr, être contre les Témoins. Mais la liberté concerne tout le monde.

Et le dissensus entre la société et eux (qui, après avoir porté aussi sur le service militaire porte maintenant surtout sur les transfusions sanguines : l’âme étant dans le sang pour les Témoins[1]) ne leur enlève pas leur commune humanité, donc leurs droits.

Les droits ne sont pas seulement pour les gens qui nous plaisent !

 

 Le gouvernement et l’administration fiscale prétendaient, contrairement à ce qui se passe pour les dons faits aux associations cultuelles, taxer, à hauteur de 60% de leur montant !, les collectes du culte des Témoins : soit un redressement fiscal de 23 millions d’€ sur les dons effectués entre 1993 et 1996.

Les 23 millions réclamés par le fisc, par suite des pénalités, sont devenus plus de 57 millions, soit nettement plus que le montant des collectes faites dans le temps concerné !

 

Conformément à la procédure, les Témoins ont  effectué des recours devant les différentes instances de la République française. Ils ont été déboutés, ce qui est d’autant plus étonnant que l’administration fiscale a renoncé depuis à taxer ainsi les dites collectes.

Cette rectification fiscale montrait à elle seule que la mesure n’était pas vraiment légale.

Donc face à l’injustice de la Justice française, il a fallu aller devant la Cour.

Celle-ci a condamné la France à l’unanimité. Le Ministère des Affaires étrangères, qui représentait l’Etat français dans cette affaire, dispose de 3 mois pour trouver un accord avec les Témoins ou pour faire appel de la décision.

 

Le Ministère affirme qu’il « réfléchit ».

Bonne réflexion, mais attention à la surchauffe !

 

 

 PS: Pour la question de Véronique: effectivement quand elle surveille un examen, une religieuse doit normalement être en habit civil. Ceci dit, de là à en faire un problème national... beaucoup plus médiatisé que la condamnation de la France par la Cour européenne, et de tas d'injustices criantes qui passent inaperçues...

 

 

 



[1] Bien sûr, je suis moi-même contre le refus des transfusions sanguines et quand j’étais membre d’une Commission du Ministère des affaires sociales (c’était sous le gouvernement Jospin) où il avait été question de cet aspect, j’avais réagi contre le propos d’un autre membre de la Commission comparant refus des transfusions et refus de l’Eglise catholique de l’avortement : le refus de l’IVG ne risque pas d’entraîner mort d’homme.

 Outre, cependant, que (même choquant) le refus de soin fait partie des droits du malade, il faut admettre l’ambivalence de ce refus de la transfusion sanguine.

-          D’une part, il a fait progresser (aux USA, pas en France, mais finalement les Français en ont été aussi les bénéficiaires !, les techniques médicales d’autotransfusion et de substitut à la transfusion, dans une situation où l’on manque souvent de donneurs ;

-          d’autre part, après l’affaire du sang contaminé, et ses victimes (par définition les Témoins ont été épargnés !), on ne peut plus, sauf à être un croyant fondamentaliste de la Médecine, se montrer péremptoire sur cette question.

-          Enfin savoir  combien de cas il y a dans une année en France de refus de transfusion permettrait peut-être d’aborder le problème de façon plus rationnelle.

04/07/2011

DSK, féminisme et laïcité.

Ce n’est pas bien du tout : dès que j’ai appris le retournement de situation, j’ai voulu écrire une note : « DSK story, saison 2 », mais j’étais à un colloque à Aix et entre les very intéressantes communications et le parfum sensuel de l’air de Provence, I had no time…

Alors Libé en a lâchement profité pour me piquer l’idée et titrer « DSK saison 2 » vendredi dernier. No problem, je ne réclamerai pas de droits d’auteurs.

Mais c’est vrai que, comme dans toutes les bonnes séries, la saison 2 commence sur un coup de théâtre. Et, là, il faut le reconnaitre, cela n’a pas été loupé.

 

Nous nous attendions à une progressive mise en cause de Nafissatou Diallo, la présumée victime (vous avez remarqué que les médias donnent souvent cette précision, alors que pour DSK, le héros principal du feuilleton….) par les méchants avocats…

C’était sans compter avec la capacité imaginative des scénaristes, qui ont trouvé beaucoup plus intéressant.

Pour les séries télé, les Américains sont décidément les meilleurs.

Mais soyons (une fois encore, cette fois à juste titre !) dans la French pride : ils n’auraient pas pu être aussi bons, si nous ne leur avions pas prêté notre French lover number one, et… notre épouse exemplaire (belle, riche, volontaire, aimante,…) hors concours.

Comme quoi les rôles de genre sont scrupuleusement respectés chez nous, non mais!

 

Toujours à la pointe de l‘info à venir, le Blog se penche sur… la saison 4 de DSK story.

Parce que le scénario actuel n’a prévu que 3 saisons. La saison 2 s’achevant par un non-lieu. Et la saison 3 étant « DSK  3, le retour » (en France).

Ne nous décevez pas, scénaristes talentueux : trouvez de nouveaux rebondissements. Tels que vous êtes partis, vous pouvez tenir 12 saisons,  si vous continuez avec la même veine inventive.

Le bon peuple réclame du pain et des jeux. Notamment « la ménagère de moins de 50 ans », cet archétype (sexué) de la consommation qui fait la gloire de notre belle civilisation occidentale, que le monde entier nous envie!

 Et comme cette « ménagère » a de moins en moins de pain dans son cadi, que Marie Antoinette n’est plus… pour lui servir de la brioche, vous savez ce qu’il vous reste à faire !

 

Reste que, coupable ou innocent (on aura sans doute l’occase. d’en reparler) DSK aura rendu un immense service à la cause du féminisme et de la laïcité.

Avant DSK story, c'est-à-dire il y a 3 siècles  ou 7 semaines, il existait en France 2 sortes de mecs : les bons athées-judéo-chrétiens, défendant « l’égalité homme-femme »[1], et tout et tout, et puis les méchants musulmans qu’étaient contre cette égalité et qu’il fallait éduquer aux « Valeurs de la République ».

Valeurs que les autres, tous les autres défendaient, bien sûr.

Et c’est ainsi que féminisme et laïcité faisaient bon ménage,… mais uniquement face à l’islam.

 

Vous ai-je déjà raconté qu’à la fin de la Commission Stasi, des propos très significatifs ont été tenus.

Ils affirmaient que, effectivement, stricto sensu (et tout le bataclan), l’interdiction du foulard à l’école ne pouvait pas complètement être justifiée au nom de la laïcité

(après tout le Conseil d’Etat en 1989 et 1992 avait dit que c’étaient des comportements et pas le signe lui-même qui pouvait le rendre incompatible)

Mais, ajoutait-on, si on envisageait la chose « du point de vue de l’égalité homme femme », alors là, aucune hésitation n’était permise.

J’avais tenté de rétorquer : pas de ça, fillette (décidément,…) car, alors, c’est une commission sur l’égalité des sexes qu’il aurait fallu mettre en place, et il aurait fallu que cette Commission  traite TOUS les problèmes liés à l’inégalité des sexes en France.[2]

On opérait un court-cicuit très réducteur , et pour le féminisme et pour la laïcité.

 

Mais mon propos s’était perdu dans le désert de l’indifférence. Dès lors que les musulmans n’étaient pas concernés, de fait on abandonnait la cause de l’inégalité des sexes.

J’exagère à peine : on relie actuellement (sans approfondir la question) inégalité des sexes et mixité. Dans cette perspective une femme de la Commission Stasi avait, au début de la dite commission, proposé d’interdire les associations unisexes. D’après elle, il en existait chez les musulmans.

Et son propos avait été bien accueilli par certains-certaines.

« Génial, lui ai-je répondu, tu vas ainsi faire interdire la plupart des associations de francs-maçons ! »

Elle a rougi et retiré sa proposition, mais sans analyser ce que cela signifiait.

 

Cette attitude est loin d’être unique. Rappelez-vous :

 

« Une jupe, ce n’est qu’un bout de tissu » affirmait l’actrice Isabelle Adjani alors qu’elle recevait en 2010 un prix pour sa prestation dans le film « « La journée de la jupe » de Jean-Paul Lilienfeld.

Un simple bout de tissu mais, poursuivait-elle, « qu’elle soit courte ou qu’elle soit longue, son symbole peut nous aider à gagner une bataille contre l’obscurantisme et contre la haine des femmes (…) Cette jupe, c’est justement l’anti-nicab. Cette jupe, c’est justement l’anti-burqa ».

 

Certes, je ne nie pas qu’Isabelle  Adjani soit une meilleure référence philosophique que BHL. Plus sympathique, en tout cas.

Mais, Isabelle, l’affaire DSK a montré que vous vous êtes faite manipulée dans les grandes largeurs :

La jupe, c’est d’abord l’anti-conseil des ministres, c’est d’abord l’anti-parlement français, etc.

Maintenant la parole a été libérée, maintenant cela a été dit et redit : des femmes ministres ou parlementaires mettent un pantalon pour ne pas se faire embêter grave par leurs collègues masculins.

Pour ne pas subir des propos harceleurs.

 

Et, de l’affaire Tron à bien d’autres choses, le rideau s’est enfin ouvert sur le vécu de nombreuses femmes.

Elles étaient, elles sont victimes. Mais quand ce n’est pas d’un « musulman », cela n’intéressait presque personne. Il n’y avait pas de « l’actu » pour cela. Et on refusait d’en faire de l’actu : Ce n’était pas « assez sexy ».

Eh oui, pour qu’une info perce le mur impitoyable des médias, il faut qu’elle soit « sexy » : ironie douloureuse dans le cas présent.

 

Maintenant, la parole a été libérée sur le machisme ordinaire, le machisme franco-français.

« L’esprit gaulois » !

Ou, plus exactement : maintenant celles des féministes qui mettent en cause ce machisme, ne voient plus leurs paroles piétinées, niées, non prises en compte, leurs souffrances ignorées, leurs plaintes bafouées.

Elles ont pu percer le MUR de L’INDIFFERENCE.

Se faire entendre alors que le féminisme dominant s’était embourgeoisé, était devenu conformiste en diable et se réduisait de plus en plus à attaquer un certain islam.

 

Monde terrifiant où il faut que l’actualité s’y prête pour qu’enfin on aborde la réalité en face.

Monde cynique où l’actualité ne provient plus de la réalité, mais où l’actualité (telle qu’elle est construite et mise en scène) est première, toute puissante et, selon son gré, occulte la réalité ou en montre une part.

MONDE QUI MARCHE SUR LA TÊTE !

 

Alors, j’espère que certains-certaines n’aurons plus la morgue de nous lancer certains accusations à la tête, comme celle d«’angélisme » à l’égard de l’islam, de musulmans.

 

Qu’il existe des problèmes d’inégalité des sexes dans la pratique actuelle dominante de l’islam, certes

(Cependant, c’est plus diversifié que l’on ne le dit : dans l’importante confrérie soufie Tiâniyya Naassène  le clergé est ouvert aux femmes –j’en sais des choses ! Là, c’est grâce aux travaux de C. Jourde, prof à l’Université d’Ottawa)

Oui, il existe des problèmes, mais, là où il y a intox, c’est que:

 

-          D’une part, il se développe un « féminisme musulman » de femmes sans ou avec foulard qui le combat, et que ces femmes, mal vues par certains musulmans, sont rejetées par certain(e)s féministes.

-          D’autre part, ce n’est pas la critique, la mise en cause d’un « machisme musulman » qui fait problème, c’est la façon de le désigner à la vindicte publique en innocentant tous les autres machismes.

 

Ce sont ces deux attitudes cumuléesqui sont insupportables.

 

Grace à la saison 1 de DSK story, il y a eu un peu de lucidité dans ce monde de brutes et de paillettes.

Il ne faudrait pas que  la saison 2 remette une chape de plomb sur ce pan de réalité dévoilé

Il ne faudrait pas que les cons satisfaits recommencent à nous jeter, quotidiennement, leur morgue à la figure.

 

Pour cela : une seule solution :

ISABELLE ADJANI, vous avez, maintenant que vous savez à quoi vous en tenir, un devoir impérieux :

tourner un nouveau film : « Une journée de la jupe 2 », film qui se passera dans les coulisses du gouvernement et du Parlement

Film de Jean-Paul Lilienfeld

Film qui recevra un prix

Film dont les médias feront autant la promotion que la Journée de la jupe 1

 

Faute de cela, il deviendra clair que ce n’est pas l’égalité homme-femme le combat d’Isabelle, de Jean-Paul Lilienfeld, et de toutes les personnes qui se sont mobilisées,

Mais le fait de pouvoir déblatérer sur les jeunes des cités et d’autres

Mais le désir, conscient ou non, de se vautrer dans la discrimination, et d’être des putes soumises à la logique : « selon que vous serez puissant ou misérable ».   

 

 

 PS: la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme pour ateintes aux libertés laïques. Peu de médias en ont parlé. Le Blog va y revenir.

 



[1] J’ai mis des «   » car, bizarre, vous avez dit bizarre, comme c’est bizarre, alors que, normalement, on suit l’ordre alphabétique, ce qui devrait faire parler de l’égalité femme-homme, eh ben, non, pas du tout, là, le masculin prime, comme dans la grammaire et dans le n° de sécurité sociale

[2] Vous trouverez un récit de la Commission Stasi (« L’acteur et le sociologue, la Commission Stasi) dans ma contribution à l’ouvrage dirigé par Delphine Naudier et Maud Simonet : Des sociologues sans qualités ? Pratiques de recherches et engagements, la Découverte 2011.

Très concret, ce livre montre comment des sociologues peuvent analyser la société dont ils sont membres, et donc engagés dedans.

28/05/2011

L’UMP, cul béni de la violence autoroutière...et de la laïcité répressive.

Mais l’UMP témoigne aussi d’un sens certain de l’humour !

 Les députés UMP ont fait adopter, en début d’année, des dispositions assouplissant les mesures contre les violations du Code de la route.

Depuis lors, on peut récupérer plus facilement et plus vite les points qui vous sont enlevés.

 Mesures on ne peut plus efficaces. Les résultats n’ont pas tardé : environ 140 morts supplémentaires pendant les 4 premiers mois de l’année.

 

Bilan remarquable (presque autant que le nombre de meurtres de droits commun commis dans la même période) qui a fait mourir de jalousie les terroristes, lesquels n’ont pas tué, eux, une seule personne en France durant la même période.

Certains députés UMP, n’ayant  pas réussi à se faire enlever leur dernier gramme de conscience, n’en dormaient plus la nuit.

 Le matin, ils se blessaient avec leur rasoir, n’osant plus se regarder dans la glace. Ensuite, ils se trouvaient dans un malaise tel que, toute la journée, ils marchaient au radar.

 

Alors ils ont décidé d’agir, pour ne plus continuer à être, indirectement mais manifestement, responsables de la mort d’innocents. Plus de 400 morts dans l’année si on ne fait rien !

Le 31 mai prochain, Copé et Jacob proposent au parlement, au nom de l'UMP, d’adopter une résolution où il est écrit : «l’Assemblée nationale :

 

1.  Considère  que  la  sécurité sur la route  constitue  un  principe fondateur du pacte républicain et inhérent à l’identité constitutionnelle de la France ;

2. Souhaite que tous les moyens utiles soient mis en œuvre pour garantir le respect  des  principes  de  la sécurité routière contre les chauffards et assurer les  droits  et  des  devoirs  qui  en  résultent, notamment par le respect de tous les articles du  code  de  la  route, qui regroupe l’ensemble des principes et règles applicables en la matière ;

3. Estime que les automobilistes et les piétons ne peuvent pas être laissés seuls face à  des pratiques extrémistes de violence routière qui contestent les lois de la République et mettent en cause l’ordre public pour des motifs de dépassements de vitesse ;

 

4.  Affirme  solennellement que, dans la République française , nul ne peut se prévaloir  de prétextes stupides pour  s’affranchir  des  règles communes  régissant  les  relations  entre  les usagers de la voie publique ;

5.  Condamne  tous aménagements de ce principe qui, au nom d’accommodements prétendument  raisonnables,  consistent  à  transgresser  les  lois  de  la République en cédant honteusement aux puissants lobbies de l’automobile » (…)
Etc, etc. 

Bref un très large soutien à une action visant à réduire le nombre des victimes de la violence routière !

 

Excusez-moi, mais ce n’était qu’un rêve :

 Le rêve d’un pays où je me sentirai chez moi, parce que les députés de la majorité auraient le souci de l’intérêt général et  ne tiendraient pas des propos hypocrites, honteux, inqualifiables qui montrent qu’ils se moquent des meurtres autoroutiers comme de leur première chemise.

 Le rêve d’un pays où des députés de l’UMP  ne trouveraient pas normal de désobéir aux lois et, plus encore, normal de ne pas donner les moyens de désobéir en toute impunité en voulant que l’on prévienne à l’avance les chauffards des quelques endroits où la loi sera appliquée.  

En janvier 2011, ces députés ont, majoritairement, délivré le droit de tuer : ils n’ont pas supporté que le nombre de morts sur la route baisse, et ils ont voté les mesures adéquates pour le faire, de nouveau, augmenter.

 

Vous vous rappelez le curé qui souhaitait que Dieu rappelle Sarko à lui, quand notre sublime Président s’attaquait aux Roms. 

Ces députés nous pousseront-ils à bout jusqu’à espérer qu’ils soient victimes de chauffards pour savoir ce que cela signifie d’avoir 3 ou 4 membres de sa famille tués en partant en promenade.

Et savoir que si la vitesse n’est  certes pas la seule cause de la mortalité routière, elle est toujours  un facteur aggravant.

 

Et maintenant, l’UMP va faire adopter une résolution  sur la laïcité. C’est la religion et non la violence routière qui est considérée comme une menace pour la République.

Car les 5 points que j’ai donnés sont une paraphrase des 5 premiers points des 14 que compte la résolution UMP sur la laïcité.

Les lectrices du blog qui sont super-intelligentes, et même les lecteurs, qui le sont presque autant, sauront remplacer les termes qu’il faut pour passer de la motion qui aurait dû être présentée à celle qui l’est réellement..

Ils peuvent même jouer au petit jeu de celle ou celui qui saura reconstituer la motion, en vérifiant ensuite sur :

http://www.assemblee-nationale.fr/13/propositions/pion3397.asp

 

Ainsi, c’est non pas à propos de la violence routière mais au nom d’une laïcité répressive que l’on condamne très fortement  « « tous aménagements de ce principe [de laïcité] qui, au nom d’accommodements prétendument  raisonnables,  consistent  à  transgresser  les  lois  de  la
République en cédant à des revendications communautaristes
. »

 

L'UMP se réclame de la Commission Stasi de 2003 (dont on sait qu'on avait repris qu'une des 26 propositions) mais le  rapport de la dite Commission sur « l’application du principe de laïcité dans la République » écrit, lui :

 « (…) Plus généralement, notre droit a prévu des aménagementspermettant de concilier la neutralité de l’Etat avec la pratique du fait religieux ».

 Suit des exemples empruntés aux 2 lois qui sont les fondamentaux de la laïcité française, du moins dans les régions que l’UMP ne dirige pas : la loi Ferry de 1882, la loi Briand de 1905.

Et le rapport de la Commission Stasi continue  en indiquant que les exigences de neutralité « sont donc tempérées par les accommodements raisonnablespermettant à chacun d’exercer sa liberté religieuse. »

 

Les deux textes écrivent  exactement le contraire !

A croire que le rédacteur de l’UMP avait le texte de la Commission Stasi sous les yeux quand il a rédigé la résolution et qu’il s’est bien appliqué à la désavouer le plus explicitement possible !

 

Cette opposition rend lumineuses les propositions de la résolution de l’UMP.  

Au XIXe et XXe siècles, la laïcité a signifié, sur le plan concret, une tension entre fermeté et souplesse.

Fermeté pour obtenir la séparation et la neutralité de l’Etat qui n’existaient pas au départ ; l’Eglise catholique influençant l’Etat et 4 cultes étant « reconnus », c'est-à-dire semi officiels.

Souplesse parce que la séparation et la neutralité ne sont pas des fins en soi, mais des moyens adéquat pour réaliser les finalités d’un Etat démocratique : la liberté de conscience pour tous, l’égalité de tous devant les lois, quelque soient les appartenances religieuses et convictionnelles.

 

La laïcité doit à la fois combattre et pacifier.

Et historiquement, à travers tensions internes, tâtonnements, inflation idéologique et rectification du discours, c’est ce qu’elle a réussi à faire.

Elle a réussi à construire des équilibres subtils qui, bon an mal an, ont fait fonctionner la République française.

Ainsi la loi sur l’IVG en 1975a su allier la fermeté en séparant la loi civile de la morale de certaines religions en matière de mœurs, et la souplesse en prévoyant la possibilité de l’objection de conscience pour les soignants.

 

La laïcité umpétisée, en attendant d’être complètement lepénisée, n’est plus cela :

Quand on lit attentivement la résolution, ce qu’elle dit, et surtout ce qu’elle ne dit pas, on s’aperçoit qu’elle est que souplesse à l’égard du catholicisme, que fermeté à l’égard de l’islam.

Et elle masque le manque de fermeté à l’égard du catholicisme et le manque de souplesse à l’égard de l’islam par des redites.

Perspective électoraliste dans les 2 cas !

 

UNE FERMETE SANS SOUPLESSE N’EST QUE RIGIDITE.

UNE FERMETE SANS SOUPLESSE CONDUIT A LA REPRESSIONET POUSSE DES PERSONNES QUI VEULENT VIVRE TRANQUILLEMENT LEUR RELIGION DANS LA REPUBLIQUE LAÏQUE,  A ETRE EXCLUES  AU LIEU D’ETRE « INTEGREES ».

 

Un exemple :

Si les mesures préconisées par la résolution sont appliquées, les femmes qui portent un foulard seront pratiquement exclues du marché du travail.

En effet la proposition n° 7 vise à exclure les femmes portant foulard des métiers « collaborant à un service public ainsi qu’à l’ensemble des structures privées des secteurs social, médico-social ou de la petite enfance chargées d’une mission de service public ou d’intérêt général ».

Et la proposition n° 10 visant à instaurer , dans les entreprises, « une certaine neutralité en matière religieuse »  par un « encadrement des tenues et des pratiques » qui, prétend-on, seraient « susceptibles de nuire à un vivre ensemble harmonieux », pousse les entreprises à exclure en leur sein les femmes portant foulard.

 

Ces pratiques ont été considérées par la HALDE, quand elle existait en tant qu’autorité indépendante,  comme des pratiques profondément discriminatoires.

Ce sont des atteintes à l’égalité des droits.

 

Et l’UMP veut entraîner le PS dans ces pratiques discriminatoires.

Ce n’est d’ailleurs qu’un début :

 les 26 propostions adoptées début avril comportent ONZE PROJETS DE LOI à réaliser entre 2012 et 2017 pour durcir la laïcité et en faire un instrument de combat contre l’islam.

 

Mais, rassurez vous, la poursuite d’une pratique de discrimination n’empêche pas l’UMP d’avoir un sens certain de l’humour

(Ce n’est pas la première fois : rappelez-vous Brice de Clermont  : un Auvergnat, ça va ; trois Auvergnats, bonjour les dégâts !)

 

D’une part, l’on sait que le fait d’être dans le marché du travail est un facteur important d’autonomie pour les femmes.

Et voilà que les femmes qui portent foulard travaillent : Sacrée non de Zeus, elle s’émancipent toute seule, empêchant ainsi la République de les émanciper !

Quel blasphème !

 

 D’autre part, dans la dernière proposition,

 L’UMP « Forme  le  vœu  que  la France fasse valoir dans le monde, notamment à
travers  les  conventions  et organisations internationales auxquelles elle
participe,  sa  conception  d’une laïcité équilibrée et de la défense de la
liberté  religieuse
[1], afin que les peuples qui cherchent la liberté puissent s’en inspirer »

Génial comme blague, non ?

 

 

PS: La prochaine note dialoguera avec certains des commmentaires, notamment ceux qui portent sur la neutralité et les remarques de M. Mulot. 

 

[1] A noter que l’UMP préfère le terme de « liberté religieuse » à celui (employé par la loi de 1905, de « liberté de conscience ». Athées et agnostiques sentent aussi le souffre à l’UMP !

14/05/2011

En finir avec la « laïcité ouverte »

Voici un aticle que j'ai envoyé à Libération et qui vient d'être publié dans la rubrique "rebonds" du n° du 13 mai. je le mets dans son intégralité, Libé ayant du faire (avec mon accord) une coupe, pour des raisons de mise en page.

Bonne lecture.

" Depuis plus de 20 ans, certains militants, intellectuels et groupements laïques affirment que la laïcité ne souffre pas d’être accompagnée d’un adjectif. Ils dénoncent ceux en utilisent comme des sortes de traitres à la laïcité.

Dans Libé du 23-24 avril,  Pena-Ruiz ravive ce conflit par ce titre : « la laïcité ouverte est insultante ». Il affirme, par ailleurs, que le « principe de laïcité ouverte ou positive » a été « inventé par des théoriciens au sein de la Ligue de l’Enseignement », pratiquant allègrement l’amalgame puisque c’est Sarkozy qui parle de « laïcité positive » !

Deux façons de disqualifier ceux qui n’épousent  pas sa conception de la laïcité. Je voudrais proposer une piste pour dépasser cette querelle absurde qui stérilise la gauche, au moment où  la droite dure et l’extrême droite s’emparent du thème de la laïcité pour masquer leurs propres desseins.

Querelle absurde car deux niveaux sont confondus. Celui des principes où la laïcité comme « idée régulatrice » n’a effectivement pas besoin d’adjectif. Elle se réfère à  quatre principes : la séparation de l’Etat et des religions, la neutralité arbitrale de l’Etat face aux différentes  convictions en vue d’assurer et la liberté de conscience et l’égalité des droits pour tous. Mais, suivant les époques, les pays, les domaines, ces principes sont conçus et appliqués de façon différente et toujours imparfaite.

C’est  une représentation étroite de la laïcité à ce second niveau qui s’est trouvée contestée, non les principes eux-mêmes. Ainsi Jaurès parlait de « République sociale » pour indiquer que la République réelle ne l’était pas assez. En court-circuitant les deux niveaux, on tente d’imposer une orthodoxie laïque et de réduire au silence tous ceux qui, à gauche, ne pensent pas comme vous. Toute analyse socio-historique de la représentation et de l’application de laïcité est ainsi disqualifiée. Cette attitude inquisitoriale favorise le glissement du discours dominant sur la laïcité de la gauche vers la droite.

Faut-il alors prendre à son compte l’expression de « laïcité ouverte » ? Ni la Ligue de l’enseignement, ni moi-même, qui travaille avec elle depuis 25 ans, n’avons utilisé cette expression ambiguë. Au contraire, J’ai interpellé les partisans de la « laïcité ouverte »  en leur demandant « à quoi voulez-vous ouvrir la laïcité ? » S’il s’agit « d’inventivité, de dynamisme », de répondre au défi de « sociétés pluriculturelles » : « Fort bien. » S’il s’agit « de penser que la laïcité doit être essentiellement ouverte aux religions, qu’elle se confond avec la seule liberté religieuse » : alors « résolument non. »[1]

 En effet, l’usage social de l’expression « laïcité ouverte » amalgame deux formes complètement différentes de laïcité réelle : la « laïcité de reconnaissance » d’une pleine liberté de conscience de chaque individu et de lutte contre les inégalités de droits; la « laïcité de collaboration » entre l’Etat et des autorités religieuses.[2]   

 La reconnaissance de la liberté de conscience dans des sociétés pluriculturelles induit la séparation, théorisée notamment par John Rawls, entre ce qui est « juste », et que le politique doit promouvoir, et les diverses conceptions du « bien » qui se confrontent dans la société civile. Un processus de laïcisation signifie alors l’augmentation de la liberté pour les uns, sans obliger les autres à renoncer à leur point de vue.

 Ainsi la loi de 1975 sur l’IVG  rend possible pour les femmes d’effectuer une IVG si elles ont des raisons de la souhaiter, sans l’imposer à quiconque. La loi permet en outre aux soignants qui considèrent l’avortement comme un « meurtre » de faire jouer une clause de conscience. Ainsi chaque conception du « bien » est un peu frustrée, devant faire place à l’autre, dans une recherche de justice  pour tous.  Une loi analogue pourrait être votée aujourd’hui sur l’euthanasie.

 Cette reconnaissance de la liberté de conscience fait donc accepter des ajustements : l’exception en faveur des aumôneries, au principe du non subventionnement des cultes dans l’Article 2 de la loi de 1905 en est un exemple typique. Et il en existe bien d’autres dans cette même loi.

 La « laïcité de collaboration » est très différente, puisqu’elle officialise des liens entre les autorités religieuses et l’Etat. Des éléments de cette laïcité existent en France avant l’arrivée au pouvoir de  Sarkozy, ne serait-ce que la création, en 2001, d’un « dialogue institutionnel » entre l’Etat et les autorités catholiques. En Alsace-Moselle, le Concordat et le régime des « cultes reconnus » subsiste. La « laïcité positive », exposée dans le discours du Latran, théorise et accentue cette optique de collaboration entre le religieux et le politique. Elle existe dans certains pays européens, mais n’est pas dans l’esprit de la loi de 1905. Le président suit depuis son élection cette ligne politique, tout en imposant de plus en plus aux musulmans une « laïcité autoritaire ».

 Tendanciellement, la laïcité de reconnaissance épouse les valeurs de la gauche, et la laïcité de collaboration celles de la droite. En confondant ces deux types de laïcité, que l’on prône la « laïcité ouverte » ou qu’on la dénonce comme une « insulte »,  on rend difficile, voire impossible, toute contre-attaque face à la laïcité-UMP et à la laïcité lepénisée."

  

   PS: certains m'ont demandé la date de publication dans le Blog de mon précédent article publié par Libé (+ une interview dans le Nouvel Obs qui, dans la note, est AVANT le dit article): c'est le 31 mars. 

 Re-bonne lecture!

  



[1] La laïcité expliquée à M. Sarkozy et à ceux qui écrivent ses discours, Albin Michel, 2008, p. 232-233.

[2] Avec M. Milot, dans Laïcités sans frontières (Seuil, 2011, p. 87-120), nous distinguons 6 types de laïcité dont les 2 citées ici.

 

02/04/2011

Mouloud Baubérot: Laïcité: Ne pas stigmatiser, même pour de bonnes raisons!

Moi, Mouloud Baubérot, à l’évidence, et comme tous les laïques authentiques, je me  réjouis profondément que, grâce à notre admirable superprésident, et au génial secrétaire général du Parti, la laïcité soit actuellement  aussi vigoureusement défendue contre les gravissimes  menaces qui pèsent sur elle.

Ce n’est pas parce qu’ils sont de droite et moi de gauche que je vais cracher dans la soupe 5 étoiles qui se prépare en cuisine pour le Grand Banquet Républicain du 5 avril. Au contraire, face au malaise et aux divergences de la gauche et du centre sur la question, je ne peux que chaleureusement applaudir.

La laïcité est un principe fondamental de la République. Comme l’a si bien déclaré notre très cher Eric Besson, la « loi de 1905 est sacrée ». Il faut donc élaborer des Chartes, des Lois, des Circulaires, des Déclarations parlementaires, des Poèmes pour les écoles,…  pour la sauvegarder et refuser impitoyablement toute atteinte sacrilège à cette loi. C’est la première raison.

Le « droit à la différence » ne doit surtout pas aboutir à la « différence de droits », ce  principe est consubstantiel à la République.  En dehors de lui il n’y a que communautarisme qui se met hors du pacte républicain. Il faut sauver la République du danger communautariste. Il y va de notre salut commun. C’est la seconde raison.

Il est donc insupportable que des gens puissent prétendre être citoyens français et ne pas respecter les règles élémentaires de la République qui viennent d’être énoncées. Je partage totalement l’impression de notre grand Ministre Claude Guéant : parfois, les Français ne se sentent plus chez eux en France. C’est une situation intolérable qui doit cesser. Troisième raison.

C’est donc à bon droit que mardi prochain l’UMP va solennellement réaffirmer les principes laïques, et nous seront tous en communion avec elle. Est-il possible, cependant, de faire respectueusement part aux participants de cette belle journée de mon léger malaise : le risque de stigmatisation n’est pas exclu.

Où, pas un seul ou deux mais les quarante-quatre Articles de la loi sacrée de de 1905 ne sont pas appliqués ? En Alsace-Moselle.

Où existe-t-il une différence de droits, précisément sur la laïcité qui relève pourtant de la définition même de la République (et pas seulement la loi de 1905, mais l’autre pilier laïque, la loi Ferry laïcisant l’école publique)?  En Alsace-Moselle.

Où des citoyens français vivent en dehors de ces lois républicaines  fondamentales ? Encore en  Alsace-Moselle bien sûr. A tel point qu’après avoir donné des sous pour la construction de ma mosquée, et avoir envoyé mes enfants à l’école laïque,  j’ai voulu admirer  les cigognes et je suis allé dans un village (charmant au demeurant) où j’ai découvert que le curé, le pasteur et le rabbin sont payés sur mes impôts et que des cours confessionnels de religion sont donnés à l’école publique. Là, je l’avoue, j’ai eu une réaction un peu primaire : je me suis dit : « Mais suis-je toujours en France ? »  

Alors, j’appelle chacun à la vigilance :

LE DEBAT SUR L’IDENTITE NATIONALE A ABOUTI A LA STIGMATISATION DES AUVERGNATS

LE DEBAT SUR LA LAÏCITE VA, LOGIQUEMENT, ABOUTIR A LA STIGMATISATION DES ALSACIENS MOSELLANS

PLUS AUCUNE PROVINCE FRANCAISE N’EST DONC A L’ABRI.

Certes, moi Mouloud, je ne risque rien, puisqu’en Alsace Moselle les musulmans sont séparés de l’Etat, n’ont pas de cours confessionnels à l’école et vivent donc conformément aux lois de la République. Mais sait-on jamais : à force de stigmatiser hier  les Auvergnats, aujourd’hui les Alsaciens Mosellans, demain les Limousins, après demains les Franciliens, etc., dans vingt, trente ans on risquerait même d’aboutir à stigmatiser l’islam.

Alors, afin que le débat sur la laïcité n’aboutisse pas à la stigmatisation, je vous propose que nous portions tous une petite cigogne sur notre veste, notre pull ou notre corsage le 5 avril prochain.

C’est la première mesure d’urgence.

Ensuite, comme il faut quand même régler les graves atteintes à la laïcité qui menacent notre si égalitaire lien social, je propose de charger le Haut Conseil à l’Intégration d’élaborer une Charte sur le « respect de la laïcité en Alsace Moselle »…. Et pas seulement dans les services publics.

L’application de cette Charte sera d’autant plus aisée que la région Alsace est la seule où l’UMP ait triomphé aux dernières élections régionales. Etant à majorité UMP, la population est donc très laïque et sera absolument ravie que l’on abolisse le « droit local » différentiel pour établir enfin les lois laïques. Pour la même raison, la collaboration du Conseil régional est entièrement acquise. Enfin, si un problème demeure, Monsieur Copé est tellement compétent en matière de laïcité, qu’il se fera un plaisir d’aller leur expliquer les choses sous les acclamations générales.

Ainsi, sans stigmatiser personne, la République ne sera plus en danger, la Laïcité sera sauvée et tout ira pour le mieux dans la meilleure des France.

Franchement, en attendant Copé qui (malheureusement) ne sera candidat qu’en 2017, ne verriez- vous pas votre ami Mouloud comme président de la République en 2012, lui qui sait si bien résoudre les problèmes et réconcilier les Français ?

Votre très humble, très dévoué serviteur (dans le civil, à moitié Limousin et à moitié Alsacien).

23/08/2010

L’Eglise catholique, la laïcité et le débat sur les Roms

Par la voix d’un prêtre de Lille, et par une déclaration de Benoît XVI, notamment, l’Eglise catholique intervient dans le débat actuel sur les Roms.

Avant de continuer la série de Notes sur les dits « souchiens », commencée par la Note du 19 août, voici 3 remarques, en profitant de l’actualité, pour examiner la place des interventions d’autorités « religieuses » en laïcité.

 

Premier point : l’Eglise catholique, comme d’autres religions ou familles de pensée a tout à fait le droit d’intervenir en tant que composante de la société civile, mais pas comme instance surplombant la société civile.

Cette distinction est fondamentale. Avant 1905, les « cultes reconnus », et l’Eglise catholique au premier chef  étaient des institutions liées à l’Etat. Dans cette situation, leur parole n’était pas libre. Un évêque, par exemple, pouvait être poursuivi selon la procédure « pour abus » si ses propos déplaisaient au gouvernement.

La loi de 1905 a mis globalement la religion dans le droit commun, et a (entre autres) levé les obstacles à la liberté d’expression des autorités religieuses.

Celles-ci peuvent donc s’exprimer à égalité avec d’autres composantes de la société. Le poids moral de leur parole est livré au libre jugement de chacun.

C’est donc comme organisme de la société civile qu’une religion s’exprime. Précision importante : aucune religion ne peut dire : telle est ma position, donc la société doit suivre cette voie, le gouvernement doit faire telle loi pour obéir à mes propos, etc

La religion ne surplombe pas la société laïque, elle en fait partie. Ses « propositions de sens » sont soumises au débat démocratique.

 

Second point : les propos des autorités religieuses sont-ils « audibles » ?

Les enquêtes réalisée depuis 20 ans (notamment les enquêtes européennes sur les valeurs), montrent que les déclarations des autorités religieuses, en France comme dans d’autres pays européens, sont (en règle générale) mieux reçues quand il s’agit de problèmes sociaux (au sens large) que de questions de mœurs.

Les déclarations contre le racisme, les discriminations, l’accueil de l’étranger, les conditions décentes de vie ou de travail sont, en général, bien acceptées.

Celles sur la sexualité, l’avortement, l’homosexualité, l’euthanasie, etc sont moins bien reçues.

Cela confirme mon premier point de 2 manières :

-d’abord, les gens ne récusent pas le principe même de telles déclarations, ils ne confinent pas la religion dans la « sphère privée », ou un « purement religieux » qui ne devrait rien dire sur les « problèmes de société ».

Ils se déterminent suivant le contenu des déclarations.

-ensuite, les déclarations sur les mœurs sont toujours virtuellement considérées comme susceptibles de vouloir régenter la vie des gens, et cela contribue à faire qu’elles soient moins bien acceptées ;

Ceci dit, je ne reprocherai pas à telle ou telle Eglise d’indiquer ses positions sur ces questions : même quand je ne suis pas d’accord avec leur contenu, j’estime que c’est son droit et je ne réclame pas la liberté que pour ceux qui pensent comme moi.

En revanche, je regrette que l’Etat français, qui se veut laïque, tienne beaucoup compte de positions, notamment des autorités catholiques, et qui sont minoritaires dans le pays, notamment sur les questions de l’euthanasie et du mariage entre personnes de même sexe.

 

Troisième point : comme pour toute autre composante de la société civile, les positions prises sont triées selon des critères médiatiques.

J’ai parlé de propositions livrées au débat démocratique. J’aimerais qu’il en soit ainsi, mais cela ne fonctionne pas réellement de cette manière : le système médiatique trie, entre les nombreuses propositions de sens, selon des critères non rationnels.

Un prêtre (ou un responsable associatif) prend position contre les expulsions de Roms, cela peut faire quelques lignes dans le journal local, sans plus.

Mais le prêtre de Lille renvoyant sa médaille et déclarant qu’il a prié pour que Sarkozy ait une crise cardiaque, et la télévision en a parlé pendant au moins 2 jours.

Il a réalisé un « coup » (pour la ‘bonne cause’, mais ce n’est pas le problème que je veux poser ici) et ce coup était nécessaire pour se faire entendre.

Autrement dit : l’incongru, le spectaculaire, l’inflation du geste ou du propos, compte plus que la valeur intrinsèque de l’argumentation.

On peut le déplorer, on doit constater qu’il en est ainsi, et que cela fonctionne de façon générale.

L’exemple du prêtre de Lille n’en est qu’une nouvelle illustration parmi tant d’autres.

Notre société fonctionne selon l’émotionnel et l’inflation, pas selon le rationnel.

Et ça, c’est un véritable problème pour le débat démocratique.

 

 PS: pour celles et ceux qui viendront à 'Université d'été du PS, à la Rochelle, je participerai à la Table ronde organisée par les Jeunes Socialistes:

 

 

Mon quartier, c’est la République

Vendredi 27 août 2010 – 16:00

La République place en son cœur le principe d’égalité, sans distinction. Mais quand les gouvernants divisent les citoyens entre eux, selon leur quartier, leur religion, leur origine, quand la République ne tient pas ses promesses, le ressentiment devient parfois violent. Comment faire pour que, dans tous les quartiers dans tous les territoires, pour chaque habitant, vivre en France, en République ait de nouveau un sens ? Comment représenter mieux la France dans sa diversité au sein de tous les pouvoirs ? Quel projet collectif construire ensemble ?

InvitésClaude Dilain, maire de Clichy-sous-Bois • Claude Bartolone, président du Conseil général de Seine-Saint-Denis • Jean Bauberot, historien et sociologue spécialiste des religions et fondateur de la sociologie de la laïcité • Réda Didi, responsable de « graine de France » • L’association « Agir pour réussir »

20/07/2010

L’islam doit-il peu ou prou bénéficier d’une reconnaissance officielle ?

J’ai reçu dernièrement ce mel à propos de ma Note du 28 juin :

« La laïcité doublement bafouée ».

 

« J'ai oublié tout à l'heure de te parler d'un texte de ton blog - l'inauguration d'une mosquée par Fillon. Tu es meilleur connaisseur que moi de la loi et de la tradition laïque, et je ne conteste rien de ce que tu dis à ce sujet, ni des arguments d'actualité que tu avances.

 

Néanmoins, l'argument du "depuis 1905, on n'a jamais..., on ne doit pas" n'est pas de ceux que tu mets en avant d'habitude. Personnellement, dans un premier temps, j'ai trouvé négative la démarche de Fillon. J'ai un peu changé d'avis en entendant les condamnations habituelles des républicains purs et durs; d'autre part, politiquement, on peut évaluer s'il avait à perdre ou à gagner...

Par rapport à "la France anti-mosquées", assez nombreuse, il n'était pas gagnant. Voir aussi le récent "apéro pinard - saucisson" (ou quelque chose de ce genre-là), où l'horreur des mosquées qui se déversent dans les rues a été beaucoup évoquée.

Bref, si j'osais, je dirais que c'était un geste politique d'accommodement raisonnable - pour combler la faiblesse concrète et juridique des lieux de culte musulman. Mais l'accommodement raisonnable ne concerne peut-être en aucune façon le symbolique, et ne peut être "accommodé à titre personnel" par quiconque? 

 

L'inauguration d'un lieu de culte est certes symboliquement importante, mais sauf erreur, en province, n'est-ce pas devenu la règle, s'il s'en inaugure un, que le député, le maire, le sénateur et peut-être même le préfet apparaissent?

Bref, n'est-ce pas un de ces arrangements silencieux que le XX° siècle a permis? Est-ce plus ou moins grave que le fait de reconnaître dans les cultes  des "fondations" où l'on peu faire des dons qu'on peut signaler sur la feuille d'impôts?

 

Finalement, où est la ligne de partage non négociable de la laïcité française? Les subventions directes et des privilèges de la République (collation des grades universitaires par exemple)?

 J'ai parfois l'impression que la faiblesse des religions - et bien sûr en premier lieu du catholicisme - réoriente d'elle-même la situation politico-religieuse..., à la fois les laïcisations et les non laïcisations. C'est comme si tout un terrain se déplaçait et recomposait les lignes de partage reçues...

 Mais bien sûr, c'est juste un avis. »

 

Cette interrogation est pertinente. Cependant, je garde ma position, en tentant de mieux l’expliquer :

 

Les pouvoirs publics ne doivent pas être indifférents en matière de liberté de religion : « La république assure la liberté de conscience et garantit le libre exercice des cultes. »…Ainsi commence la loi de séparation des Eglises et de l’Etat.

Donc si j’étais sûr qu’il s’agit de solenniser l’intérêt de la République pour « le libre exercice des cultes », le fait qu’elle doit en être le garant, OK à une condition :

Qu’à ce moment là, Fillon aille aussi voir la Fédération nationale de la Libre Pensée, pour solenniser l’intérêt de la République à assurer la liberté de conscience.

 

Mais ce n’est pas de cela qu’il s’est agi. Plutôt de rendre un peu officiel un islam considéré comme convenable, au même moment où le même Fillon dépose, contre l’avis du Conseil d’Etat et de nombreux juriste, un projet de loi interdisant le port du voile intégral dans l’espace public.

Comprenez moi bien, je  me sens beaucoup plus en affinité avec des musulmans qui sont engagés dans un travail de réinterprétation des textes (qui a d’ailleurs sa légitimité en islam),  par rapport à certaines tradition, qu’avec des formes plus radicales de l’islam.

Le désir exacerbé de pureté des femmes qui portent le voile intégral, comme le même désir de la part de ceux pour qui un aliment n’est jamais assez casher, tout cela me semble conduire à des impasses.

Mais on ne libère pas les gens malgré eux.

Et si l’Etat  doit veiller à ce que les religions respectent la laïcité, il n’a pas à leur imposer de normes de comportements.

Or, la laïcité est « doublement menacée », selon ce que j’avais écrit fin juin, aussi bien quand on change la notion d’ordre public (cf. l’inquiétant exposé des motifs) pour interdire une pratique religieuse radicale qui ne menace pas autrui, que quand (par compensation) on se situe dans l’ambiguïté (soutien à la liberté de culte ou caution politique d’un certain islam).

 

L’islam n’a besoin ni d’être officialisée, ni d’être stigmatisé. Il a besoin de liberté. La liberté sera le meilleur cadre pour que le débat interprétatif, actuellement court-circuité par l’attitude et de l’Etat français, et des pays dont sont issus (parfois depuis plusieurs générations) certains musulmans français, puisse avoir lieu tranquillement.

Enfin, bien sûr, ce n’est pas la seule condition. Il faudrait que cesse l’occupation de la Palestine, qu’il y ait une détente au Moyen-Orient, etc.

La France ne possède pas toutes les clefs. Mais elle doit tout faire, pour ce qui la concerne, pour créer un climat propice au libre débat. Et d’abord réellement considérer les musulmans français, comme des adultes libres et responsables.

Et invoquer plus sobrement les « valeurs de la République », en tentant de réduire l’écart entre le discours et la pratique. Or actuellement, on est dans l’inflation verbale sur les dites valeurs, et dans leur mépris pratique.

 

Voila, en gros, ma position. J’espère que cela clarifie les choses..

 

 

PS : la France n’est pas la seule à croire que « l’habit fait le moine ». L’Iran la bat de plusieurs longueur. Voici ce que m’envoie un autre ami :

« Je te fais suivre l'article sur les coupes de cheveux homologués par le ministre iranien de la culture.
L'article parle du festival de la Pudeur et du voile organisé fin juillet en Iran. »’

http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5jOTF_EdBJ0jgN1WAnd-x2YGuwWqA