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23/08/2010

L’Eglise catholique, la laïcité et le débat sur les Roms

Par la voix d’un prêtre de Lille, et par une déclaration de Benoît XVI, notamment, l’Eglise catholique intervient dans le débat actuel sur les Roms.

Avant de continuer la série de Notes sur les dits « souchiens », commencée par la Note du 19 août, voici 3 remarques, en profitant de l’actualité, pour examiner la place des interventions d’autorités « religieuses » en laïcité.

 

Premier point : l’Eglise catholique, comme d’autres religions ou familles de pensée a tout à fait le droit d’intervenir en tant que composante de la société civile, mais pas comme instance surplombant la société civile.

Cette distinction est fondamentale. Avant 1905, les « cultes reconnus », et l’Eglise catholique au premier chef  étaient des institutions liées à l’Etat. Dans cette situation, leur parole n’était pas libre. Un évêque, par exemple, pouvait être poursuivi selon la procédure « pour abus » si ses propos déplaisaient au gouvernement.

La loi de 1905 a mis globalement la religion dans le droit commun, et a (entre autres) levé les obstacles à la liberté d’expression des autorités religieuses.

Celles-ci peuvent donc s’exprimer à égalité avec d’autres composantes de la société. Le poids moral de leur parole est livré au libre jugement de chacun.

C’est donc comme organisme de la société civile qu’une religion s’exprime. Précision importante : aucune religion ne peut dire : telle est ma position, donc la société doit suivre cette voie, le gouvernement doit faire telle loi pour obéir à mes propos, etc

La religion ne surplombe pas la société laïque, elle en fait partie. Ses « propositions de sens » sont soumises au débat démocratique.

 

Second point : les propos des autorités religieuses sont-ils « audibles » ?

Les enquêtes réalisée depuis 20 ans (notamment les enquêtes européennes sur les valeurs), montrent que les déclarations des autorités religieuses, en France comme dans d’autres pays européens, sont (en règle générale) mieux reçues quand il s’agit de problèmes sociaux (au sens large) que de questions de mœurs.

Les déclarations contre le racisme, les discriminations, l’accueil de l’étranger, les conditions décentes de vie ou de travail sont, en général, bien acceptées.

Celles sur la sexualité, l’avortement, l’homosexualité, l’euthanasie, etc sont moins bien reçues.

Cela confirme mon premier point de 2 manières :

-d’abord, les gens ne récusent pas le principe même de telles déclarations, ils ne confinent pas la religion dans la « sphère privée », ou un « purement religieux » qui ne devrait rien dire sur les « problèmes de société ».

Ils se déterminent suivant le contenu des déclarations.

-ensuite, les déclarations sur les mœurs sont toujours virtuellement considérées comme susceptibles de vouloir régenter la vie des gens, et cela contribue à faire qu’elles soient moins bien acceptées ;

Ceci dit, je ne reprocherai pas à telle ou telle Eglise d’indiquer ses positions sur ces questions : même quand je ne suis pas d’accord avec leur contenu, j’estime que c’est son droit et je ne réclame pas la liberté que pour ceux qui pensent comme moi.

En revanche, je regrette que l’Etat français, qui se veut laïque, tienne beaucoup compte de positions, notamment des autorités catholiques, et qui sont minoritaires dans le pays, notamment sur les questions de l’euthanasie et du mariage entre personnes de même sexe.

 

Troisième point : comme pour toute autre composante de la société civile, les positions prises sont triées selon des critères médiatiques.

J’ai parlé de propositions livrées au débat démocratique. J’aimerais qu’il en soit ainsi, mais cela ne fonctionne pas réellement de cette manière : le système médiatique trie, entre les nombreuses propositions de sens, selon des critères non rationnels.

Un prêtre (ou un responsable associatif) prend position contre les expulsions de Roms, cela peut faire quelques lignes dans le journal local, sans plus.

Mais le prêtre de Lille renvoyant sa médaille et déclarant qu’il a prié pour que Sarkozy ait une crise cardiaque, et la télévision en a parlé pendant au moins 2 jours.

Il a réalisé un « coup » (pour la ‘bonne cause’, mais ce n’est pas le problème que je veux poser ici) et ce coup était nécessaire pour se faire entendre.

Autrement dit : l’incongru, le spectaculaire, l’inflation du geste ou du propos, compte plus que la valeur intrinsèque de l’argumentation.

On peut le déplorer, on doit constater qu’il en est ainsi, et que cela fonctionne de façon générale.

L’exemple du prêtre de Lille n’en est qu’une nouvelle illustration parmi tant d’autres.

Notre société fonctionne selon l’émotionnel et l’inflation, pas selon le rationnel.

Et ça, c’est un véritable problème pour le débat démocratique.

 

 PS: pour celles et ceux qui viendront à 'Université d'été du PS, à la Rochelle, je participerai à la Table ronde organisée par les Jeunes Socialistes:

 

 

Mon quartier, c’est la République

Vendredi 27 août 2010 – 16:00

La République place en son cœur le principe d’égalité, sans distinction. Mais quand les gouvernants divisent les citoyens entre eux, selon leur quartier, leur religion, leur origine, quand la République ne tient pas ses promesses, le ressentiment devient parfois violent. Comment faire pour que, dans tous les quartiers dans tous les territoires, pour chaque habitant, vivre en France, en République ait de nouveau un sens ? Comment représenter mieux la France dans sa diversité au sein de tous les pouvoirs ? Quel projet collectif construire ensemble ?

InvitésClaude Dilain, maire de Clichy-sous-Bois • Claude Bartolone, président du Conseil général de Seine-Saint-Denis • Jean Bauberot, historien et sociologue spécialiste des religions et fondateur de la sociologie de la laïcité • Réda Didi, responsable de « graine de France » • L’association « Agir pour réussir »

Commentaires

Puisque vous parlez de l'importance de l'image, du geste pour créer l'événement, ce prêtre catholique a donné une bien sombre image et du catholicisme, - en se vantant de prier Dieu pour que Sarkozy ait une crise cardiaque - et de sa cause, ne reculant plus devant les manifestations de violence au mépris de l'humanisme censé être ainsi défendu.
Le pape, par contre, est resté dans son rôle de bon pasteur en invitant à plus d'accueil de tous, sans se soucier, du moment que ce n'est pas sur sa bourse, du coût de l'opération. Car il est évident que s'il est interdit dorénavant, au nom de l'humanité et de la charité, de renvoyer dans leurs pays, tous les Roms d'Europe, qu'ils vont converger vers la France et les pays généreux en prestations sociales, et cela au mépris des équilibres budgétaires, des contribuables français et de tout sens des responsabilités. Au fait, j'ai lu que les Italiens se préparent également à renvoyer les Roms roumains au bercail. Le pape, en bon voisin, pourrait offrir des terrains de camping. Les Roms savent désormais qu'ils y seront bien accueilli.

Écrit par : gigi-3 | 23/08/2010

En fait, en entendant les propos du pape, ma première réaction, cela a été de me dire : et le Vatican en héberge combien ??? ( de Roms )....après tout, le pape pourrait renoncer à sa résidence de vacances pour l'offrir aux Roms ....
Je ne pense pas que la solution soit de les renvoyer simplement comme on le fait : cela ne résoud pas le problème, mais n'étant pas politicienne je ne sais pas ce qu'il faut faire .. Peut-être que c'est l'Union Européenne qui devrait s'en charger, la Roumanie seule n'y arrivera pas ..

Je signale que la Fédération Protestante de France aussi a pris position, pourquoi ne le signale-t-on même pas dans les médias ?? Il faut être catholiques pour se faire entendre ?

Moi aussi, je trouve terribles les propos de ce prêtre catholique, même s'il a dit quelques heures après qu'il les regrettait ..

Écrit par : Françoise | 23/08/2010

Incidemment, je plaide pour que ce site n'utilise pas le terme « souchien », dont je comprends l'étymologie, mais qui possède des assonances qui le rendent insultant, au même titre que les termes injurieux qui désignent tel ou tel groupe minoritaire. Et je suis d'accord pour désaprouver les prières propiciatoires de crises cardiaques, d'autant plus que si elles étaient exaucées cela ne changerait rien à rien.

Écrit par : Laurent Bloch | 31/08/2010

Ce prêtre s'est inspiré, ou a renouvelé, une histoire de Nasreddine (fou-sage du monde arabe, dont des histoires existent depuis le 7ième siècle), la voici de mémoire: Le sultan demande à Nasreddine de prier pour lui. Celui-ci illico prie et demande à Allah de mettre fin sur le champ à la vie du sultan pour son bien et celui de ses sujets. Celui-ci se fâche et demande des explications. Et Nasreddine répond: "Seigneur, plus tu continues de vivre et plus tu pèches et le paradis s'éloigne d'autant de toi."

Je trouve les histoires de Nasreddine incisives et percutantes au niveau religion et pouvoir.

Au sujet de l'émotionnel dans le médiatique/politique, il y a un chapitre intéressant dans "les uns avec les autres" de François de Singly, que je suis en train de lire et serais bien en peine de résumer.

Écrit par : Marianne | 01/09/2010

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