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30/07/2011

Norvège : Les médias contre la démocratie.

J’espère que beaucoup d’Internautes qui surfent sur ce blog ont lu l’entretien de Fabian Stang, maire d’Oslo, paru dans Le Monde du 28 juillet.

Significativement, cet entretien n’a fait la Une d’aucun journal télévisé, il ne me semble même pas qu’il ait été cité par l’un d’entre eux. Il n’a pas fait, non plus la Une d’aucun quotidien. Pourquoi ?

La réponse est très simple : imaginez que le maire d’Oslo ait lancé un appel à la haine, ait déclaré qu’il fallait punir toute la famille d’Ans Behring Breivik, que le sang appelait le sang, ou qu’il fallait que la Norvège vire à 180 degrés pour entreprendre la chasse aux terroristes virtuels…

Alors là, la photo de Fabian Stang aurait fait le tour du monde, ses propos auraient été repris en boucle par tous les médias. On vous en aurait abreuvé jusqu’à plus soif, personne n’aurait pu les ignorer. Tout le monde serait allé de son commentaire.

Or ce qu’a déclaré le maire conservateur d’Oslo, à l’unisson avec le Premier Ministre travailliste de Norvège, est tout le contraire d’un appel à la vengeance, ou à la radicalisation contre le terrorisme, à la construction de murailles.

Il remarque que « la colère et le ressentiment n’ont jamais émergé. Le respect des victimes l’a immédiatement emporté sur tout le reste. (…) Aucun cri de haine, aucun appel au lynchage, aucun dérapage. Les gens ont transformé la douleur en pouvoir, la colère en volonté de ne pas laisser un tueur détruire leur société. »

Et il conclut : « En regardant cette foule tranquille (…) j’ai compris que le tueur avait perdu : on le punira en réagissant avec plus de tolérance et de démocratie ».

Puisse Fabian Stang avoir raison dans le long terme et la Norvège rester une terre culturellement démocratique (ce qui n’empêche pas de se poser la question : comment mieux organiser la police, pour qu’elle puisse être plus réactive ?).

En tout cas, voilà des propos qui ouvrent un chemin d’avenir, qui indiquent quelle doit être la riposte démocratique aux atteintes qu’elle subit.

J’ai déjà, dans ce blog, cité la belle phrase de Briand réclamant à ses amis parlementaires de construire une laïcité de sang-froid, au début des débats sur la future loi de 1905, et d’ainsi contribuer à pacifier la République.

La Norvège, et le maire d’Oslo Fabian Stang en particulier, nous donne l’exemple d’une démocratie de sang-froid, d’une démocratie qui sait comment le terrorisme peut être vaincu, surtout pas en devenant son double, son frère ennemi.

Ces propos sont donc extrêmement importants pour tous les gens sensés, pour toutes celles et tous ceux qui sont attachés à la démocratie, qui souhaitent la défendre, la promouvoir.

Je ne ferai pas l’injure aux journalistes de penser que, quelques exceptions mis à part, en tant qu’êtres humains et citoyens ils ne font pas partie de ces personnes.

Et pourtant,… Pourtant, ils font exactement le contraire de cette défense et de cette promotion de la démocratie en ne mettant pas à leur juste valeur les propos de Fabian Stang, en ne nous les passant pas en boucle, en ne diffusant pas cette déclaration comme elle mériterait de l’être, en négligeant son importance et son rôle historique.

Ils ont signalé, en passant, la bonne tenue démocratique de la Norvège, mais sans la construire comme un événement médiatique, sans en faire une nouvelle capitale à diffuser à haute dose, comme ils le font chaque jour pour d’autres nouvelles qu’ils choisissent de mettre en avant.

Le propos de Fabian Stang est extrêmement rassurant: Fabian Stang est un faiseur de calme. Fabian Stang construit de la paix.

Eh bien  le propos de Fabian Stang n’est pas médiatique parce qu’il ne fait pas peur !

Le système de la communication de masse est tellement étouffant, tellement totalitaire, tellement antidémocratique qu’il n’y a pratiquement pas de place pour un Fabian Stang dans l’hôtellerie médiatique ! 

Si la démocratie tient bon, c’est malgré ce système.

Et encore une fois cela, quelle que soit la valeur personnelle des journalistes et leur opinion de citoyen. Le problème n’est pas ce qu’ils sont comme individus, le problème c’est la logique diabolique qu’ils acceptent bon gré malgré.

Ils font d’ailleurs plus que l’accepter, ils l’intériorisent.

Car je suis à peu près sûr que la plupart d’entre eux n’ont même pas soufferts de ne pas pouvoir donner aux propos de Fabian Stang leur véritable importance.

 Ils ont tellement intégrer les grossiers critères de l’information spectacle qu’ils ne se rendent même plus comptent à quel point la façon dont ils opèrent une sélection, une hiérarchisation dans l’information qu’ils diffusent,  est totalement pernicieuse

A quel point ils ont des réflexes conditionnés qui font le jeu des extrémismes qu’ils dénoncent sentencieusement  (cf. ma dernière note) et naïvement.

Alors il faut vraiment consacrer du temps et de l’énergie à se désintoxiquer  d’un tel système. A ne pas être dans la crédulité médiatique.

A se rappeler à chaque instant que la hiérarchie faite dans l’information est dangereuse pour la démocratie, et qu’elle sert, malgré toutes  les « bonnes intentions » possibles, d’instrument de haine et de peurs.

A quel point le système de communication de masse joue à nous faire peur et est incapable de nous transmettre les choses importantes.

Il faut apprendre sans cesse à  savoir trier dans ce système, puisque c’est quand même en lisant un quotidien que j’ai pu prendre connaissance des propos de Fabian Stang

 A déconstruire la hiérarchie implicitement faite chaque jour dans les « nouvelles » colportées, et à construire une autre hiérarchisation où on accorde plus d’importance à des informations de 3 lignes, ou à d’autres que l’on peut apprendre par d’autres sources quand c’est possible, qu’à ce qui fait les gros titres, qu’à ce qui passe en boucle, qu’à ce que l’on veut nous forcer à retenir.

Bref apprendre à ne pas hurler avec les loups

Apprendre à ne pas bêler avec les moutons de Panurge

A ne pas cacher notre tête dans le sable, comme les autruches

A ne pas être bêtes comme les ânes

A ne pas verser des larmes de crocodiles

 Et je présente toutes mes plus plates excuses à tous ces animaux, qui ne méritent pas d’être attaqués ainsi, au contraire des humains qui abandonnent leur humanité pour la grégarité, pour le confort de la répétition de stéréotypes plus sales que des mouchoirs usagés.

 

***

 

Allez, ce n’est pas tout ça, Bonne Vacances quand même, et que mes nécessaires élucubrations ne vous empêchent pas de danser sur les tubes délirants de Lady Gaga, la sublime.

La sublime… dans son genre d’idole complètement fabriquée par le système que je viens de tenter de décrypter.

 

Mais vive la dialectique, camarades peut-être pas syndiqués, et rappelez-vous ce que disait l’ami Sartre (lequel a dit des trucsgéniaux et des bêtises plus grosses que lui, mais c’est pour cela que c’était un humain vivant).

 

Donc Sartre disait (contre une analyse de classe unilatérale) : Flaubert un bourgeois, mais tout bourgeois n’est pas Flaubert.

 

Eh bien de même, le camarade Baubérot vous l’affirme (contre une interprétation de ses propos qui conduiraient à ne pas mordre dans la vie à pleines dents, sous prétexte que la vie est piégée) :

Lady Gaga est un produit fabriqué, mais tout produit fabriqué n’arrive pas à être Lady Gaga.

Et j’ai choisi qu’elle me plaise.

 

Ce n’est pas parce que la vie est chienne, qu’il faut refuser d’y goûter.

Tout est permis, si tout n’est pas utile.

L’important est de se faire plaisir sans « perdre son âme ».

Et « perdre son âme » serait de, sérieusement, hurler avec les loups, bêler avec… (au refrain ci dessus).

 

Bref, je vous souhaite de très belles journées et de folles nuits.

 

Cependant, même dans vos soirées débridées, ou quand vous êtes totalement épanoui(e), goûtant un bain de bonheur, lové(e) contre votre chéri(e), qui (j’en suis sûr) a un grain de peau magnifique, n’oubliez pas tout à fait que viendra des moments où il vous faudra, pour rester vraiment humain, assumer le courage d’être lucide, et donc peut-être solitaire.

 

 

PS: autre approche '(complémentaire), celle d'Henri Goldman: Norvège: qui est responsable du massacre?


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

25/07/2011

Terrorisme, représentations sociales et monstre doux

Depuis samedi les « nouvelles » donnent en boucle des infos sur le carnage qui a eu lieu en Norvège. Quelques impressions,  non politiquement correctes,  non sur le massacre lui-même, sur lequel je ne dispose d’aucune information spécifique, mais sur la manière dont il a été rendu, surtout  à la radio et à la télévision.

Pour la télévision j’ai zappé entre chaines publiques et TF1, pour la radio, c’est essentiellement France Inter. Les journalistes de cette station sont certainement aussi intelligents et consciencieux que les autres, et il n’est pas dans mes intentions de mettre personnellement en cause tel ou tel, simplement de travailler sur les représentations, dont les conséquences sociales ne sont pas minces, bien qu’il soit difficile de les analyser.

D’abord, on s’est tout de suite demandé s’il ne s’agissait pas d’un « attentat islamiste ». Réflexe conditionné. Bien sûr, on sait qu’un terrorisme se réclamant de l’islamisme existe, mais pourquoi démarrer ainsi au quart de tour ? La majorité des victimes du terrorisme en France depuis 10, 20 ans n’a pas été victime « d’attentats islamistes ».

 Mais on effectue presque  une synonymie.

Ensuite,  on a parlé « de Norvégien de type norvégien ». Expression révélatrice de la difficulté française à dire ces choses-là. On ne veut pas faire dans « l’ethnique », et pourtant. ..  notamment pour les questions de sécurité, on n’échappe pas à ce genre de classification.

Comme le Norvégien était de « type norvégien » (la télé et la presse vont nous le montrer en boucle d’ailleurs, et c’est grand doute ce qu’il souhaitait obtenir !) et que le carnage s’avérait « islamophobe », on a quand même mis la religion dans le coup. Et, notamment dans les divers bulletins d’information de France-Inter, on nous a parlé d’un Norvégien « fondamentaliste chrétien ».  

Cela aurait pu être, naturellement. Il aurait fallu d’ailleurs préciser, dans ce cas : « fondamentaliste luthérien ». Mais… Bizarre car, en même temps, la télévision nous le montrait en tenue de franc-maçon. Les journalistes de France-Inter ne regardent pas la télé ? (et la télé elle-même d'ailleurs, tout en nous passant en boucle le tueur dans sa tenue maçonnique, n'a pas  donné la moindre précision sur la signification de cette photographie),

Et, cette appellation de « fondamentaliste chrétien » a permis un sentencieux commentaire style : ce fondamentaliste est « islamophobe »,  mais il use de la même rhétorique et des mêmes méthodes que les mouvements islamistes. Banco, c’est gagné deux fois :

-d’abord, voilà un attentat «  islamophobe », mais hop, on en remet une couche sur « l’islamisme », même s’il n’est absolument pour rien dans l’affaire ;

-ensuite, suivez mon regard, c’est : braves gens, soyez bien au centre du centre, soumis au monstre doux, ne contestant rien ni personne, tous les extrémismes sont dangereux et se ressemblent. Etc.

Ce n’est pas faux, bien sûr, mais à force de répéter à l’infini un propos aussi stéréotypé (où il n’y a pas besoin de penser) on pousse les gens à croire qu’il est mauvais d’avoir des convictions personnelles, qu’on ne doit suivre que les routes balisées. Bref, sus aux hérétiques de tous poils et vive le fait que des spécialistes pensent pour vous !

Il est d’ailleurs à remarquer que quand vous n’êtes pas extrémiste, que vous refusez d’avoir une pensée-bloc, que vous tentez d’être dialectique, nuancé, vous n’intéressez pas les médias et vous n’avez de chance d’avoir la parole.

Bref, un docte commentaire de café du commerce digne Monsieur/Madame Michou. En revanche, dans les bulletins d’info que j’ai écouté, il a été signalé une fois (et une seule) qu’il s’agissait d’un adepte de jeux vidéo, sans que cela conduise à dénoncer les jeux vidéo.  Bizarre.

Et pourquoi ne pas indiquer que l’auteur des 2 attentats, Anders Behring Brelvik, était franc-maçon ? Cela n’implique en rien, mais vraiment en rien la maçonnerie. Mais dire cela n’est pas médiatique. Voyons pourquoi .

Comme il est impensable que ces journalistes aient ignoré l’appartenance maçonne d’ Anders Behring Brelvik , il est probable qu’ils se sont dits : « si l’on indique qu’il est maçon, cela mettra en cause la maçonnerie. Pour ne pas la mettre en cause, ne mentionnons pas qu’il est maçon ».

Cela signifie qu' à leurs propres yeux, soit ils ne disent rien et cachent leur info, soit ils disent les choses de telle manière que cela induit l’amalgame, la généralisation. Cela signifie qu’ils sont incapables de trouver comment parler de l’appartenance de quelqu’un sans mettre implicitement en cause tout le groupe auquel ce quelqu’un appartient. Voila la FORME habituelle du discours médiatique dominant. Et ses effets persers sont infinis,

Autrement dit, cela ne les gêne pas de prétendre que le tueur soit « fondamentaliste chrétien », alors que cela est pourtant improbable, et donc de « mouiller » tous les dits « fondamentalistes chrétiens », même les plus tranquilles.  Mais, alors qu’ils savent qu’il est franc-maçon, ils ne vont pas le dire car, étant donné la façon dont ils pensent (si j’ose, très audacieusement, utiliser ce verbe à leur propos !), dire qu’il est UN franc-maçon serait impliquer plus ou moins l’ensemble des francs-maçons !

Très significatif de la façon dont l’info est conçue, construite, diffusée… et des stéréotypes qu’elle produit.

De tout ce que j’ai entendu, vu et lu, la meilleure info, jusqu’à plus ample informé, est ce que j’ai lu dans La Croix (25 juillet 2011) :

« Il (=A B. B.) affirme son appartenance à une loge maçonnique, la loge Saint-Jean, dont les membres doivent être chrétiens, comme c’est le cas de toute la maçonnerie des pays scandinaves (connue sous le nom de « rite suédois »). Cette maçonnerie, qui se situe dans l’héritage de l’esprit des Lumières, est à l’opposé du fondamentalisme religieux.

En réalité, on serait ici plutôt en présence d’une idéologie fortement nationaliste, marquée par une islamophobie violente et un curieux mélange de peur de l’étranger et d’ésotérisme, se réclamant d’une « identité chrétienne » mais sans connotation religieuse forte ».

Eh bien, vous savez quoi : France-Inter, comme la télé d’ailleurs,  s’avère incapable de nous donner une telle info ?

Structurellement incapable. Pourquoi ? Pour une raison très simple. Vous ne devinez pas ? Ce n’est pourtant pas sorcier : lisez à haute voix le passage cité et chronométrez.

Top chrono : 35 secondes : une éternité !

La radio et la télé, au XXIe siècle (cela n’a pas toujours été le cas) sont devenues incapables de passer 35 secondes pour nous dire l’identité d’une personne, avec quelques nuances et complexité. Il faut trouver une catégorisation qui prenne 2 secondes. Fut-ce-t-elle caricaturale, ou fausse.

Et pourquoi, faut-il trouver une catégorisation de 2 secondes ? Pour pouvoir vous la passer en boucle toute la journée. Pour pouvoir redire 100 fois la même chose, jusqu’à gaver votre « partie de cerveau disponible ». La radio et la télé sont devenues incapables de vous expliquer une bonne fois les choses, et de vous laisser réfléchir ensuite.

C’est cela le MONSTRE DOUX dont parle R. Simone (cf. le compte-rendu que le Blog en a fait le 26 novembre 2010).

Ce que j’appelle la douceur totalitaire. Le monstre doux, et face à lui… des tueurs fous.

 

 PS : Je suis d’accord avec les commentaires faits par Marc Andrault (auteur d’un très intéressant ouvrage sur Sarkozy et Dieu, de l’usage politique des monothéismes, Berg International) sur ma dernière Note concernant le Conseil d’Etat

2ème PS: autre exemple de journaliste qui diffuse une info fausse: Willy Le Devin dans Libé du 25 juillet. Il prétend que jusqu'à l'arret de la cour Européenne des droits de l'homme, le rapport parlementaire de 1995 "avait valeur de jurisprudence". Doublement faux, car:

-d'une part, ce rapport (comme tout rapport parlementaire) n'a jamais eu aucune "valeur de jurisprudence" et ne peut en avoir. Il s'agit là d'un principe essentiel: la séparation des pouvoirs qui, depuis Montesquieu, est au fondement de la démocratie?

-d'autre part, la secrétaire générale de la MIVILUDES, Amélie Cladière, a reconnu publiquement (ce que l'on savait dééjà par ailleurs), dans un colloque, que  (même administrativement) la liste établie par ce rapport était à "proscrire" (cf. Quelles régulations pour les nouveaux mouvements religieux et les dérives sectaires dans l'union européenne? N. Luca (éd.), Presses Universitaires d'Aix-Marseille, 2011, p. 64 et 177). Le seul c'est que, officiellement proscrite, la liste continue cependant de faire des ravages.

 Réponse au commentaire de Misafir : Peut-être, mais justement cela est significatif :  il suffit donc qu'un policier, dans l'urgence et sans avoir vérifié, indique une information fausse pour qu'elle soit répercutée en boucle à l'ensemble de la planète! Et le plus intéressant dans l'affaire, c'est que la "Revue de presse" de france-Inter a diffusé un extrait de La Croix sans que pour autant il soit cessé de qualifier l'auteur de la tuerie de "fondamentaliste chrétien". Divergence interne ou manque de communication à l'intérieur de la rédaction?

 

 

20/07/2011

Une victoire de la laïcité

La décision prise par le Conseil d’Etat constitue une nette victoire de la laïcité sur sa récente falsification…. La laïcité de 1905, s’entend : loi sans cesse invoquée, voire sacralisée… et méprisée par ceux-là mêmes qui  l’invoque.

J’indiquerai brièvement les décisions du Conseil d’Etat, pour celles et ceux qui ne les connaitraient pas, et je ferai un petit commentaire. Sont conformes à la loi de 1905 :

-L’octroi d’un bail emphytéotique à la fédération cultuelle des associations musulmanes de Montreuil  (Seine-Saint-Denis) pour l’édification d’une mosquée. Le vice-président du Conseil d’Etat  a rappelé (mais qui le sait ?) que 450 églises catholiques avaient bénéficié de tels baux sans que cela ne donne lieu à contentieux.

Effectivement, et beaucoup de ces baux ont été accordés pour la construction d’églises dans les nouvelles villes de la région parisienne, notamment dans les années 1930, par exemple sous le Front Populaire ! La situation de ces dernières années où la pression de l’extrême droite s’exerçait contre l’existence de tels baux en faveur des mosquées était profondément discriminatoire.

-La subvention de la ville de Lyon pour la construction d’un ascenseur dans la basilique de Fourvière a moins de précédent. Elle peut cependant se justifier par l’ambivalence des édifices religieux qui sont à la fois des lieux de culte et des lieux culturels, et, à ce titre, des lieux touristiques.

 Je renvoie, à ce sujet,  à la très intéressante étude (elle est d’ailleurs issue d’une thèse faite sous ma direction, c’est dire !) d’Anne Perrin : « Les églises catholiques comme patrimoine culturel : une situation de conflit  potentiel » (in J. Lalouette  – Ch. Sorrel dir., Les lieux de culte en France 1905-2008, Letouzey et Ané, 2008).

« Conflit potentiel » : eh oui, cette ambivalence des lieux de culte (notamment ceux qui sont propriété publique[1]) dans une situation de séparation n’est pas simple à gérer. Elle demande une accommodation mutuelle quotidienne. La laïcité doit accepter le genre d’accommodement que légitime le Conseil d’Etat. Mais inversement, c’est le cas de le dire, la religion concernée doit… renvoyer l’ascenseur et accepter les contraintes de cette dimension culturelle et touristique.

-   Un cas assez analogue est l’acquisition et la restauration d’un orgue  par la mairie de Trélazé (Maine et Loire) pour l’église communale. OK si l’orgue ne sert pas seulement à la messe, mais est bien à la disposition de toutes celles et tous ceux qui souhaitent en jouer. Cours, concerts et festivals doivent donc pouvoir avoir lieu dans l’église de Trélazé.

Je précise cela car je connais des cas où le prêtre se comporte comme si son Eglise était la propriétaire du bâtiment et empêche des manifestations musicales à l’intérieur de l’église. Or une telle attitude n’a pas lieu d’être. Mais, bon, chacun est innocent jusqu’à ce qu’il soit reconnu coupable et rien ne permet de suspecter à priori la bonne foi du prêtre dont la communauté va aussi bénéficier de l’orgue.

-Autre cas :   la participation de la communauté urbaine du Mans au financement d’un abattoir pour ovins à l’occasion de l’Aïd el-kebir.  L’argument donné est celui de la salubrité et de la santé publique. Il est raisonnable si la communauté musulmane accepte à son tour un contrôle des services vétérinaires. Et là encore, a priori, rien ne permet de suspecter un refus.

-Enfin, dernier cas soumis au Conseil : la construction par la ville de Montpellier d’une salle polyvalente, dont une partie a été utilisée comme mosquée. Là, on est un peu dans le même cas limite que pour l’ascenseur de la basilique de Fourvière.

Mais c’est une affaire d’équité : près de 90% des lieux de culte catholique sont propriété publique et affectés gratuitement au culte. Si le principe général du financement de mosquées par l’Etat serait un principe dangereux, de telles dérogations participent à l’égalité des religions et convictions ; On pourrait, par exemple, estimer qu’une partie d’une autre salle polyvalente soit affectée à l’Union rationaliste. Cela participerait au même souci d’égalité et d’aide à la liberté d’expression des convictions.

En effet, le problème fondamental est là. L’article 2 de la loi de séparation de 1905, qui met fin au régime des « cultes reconnus » qui étaient financés par l’Etat doit être respecté. Mais cet Article est souvent cité de façon tronquée. Le voici dans son intégralité :

« La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du premier janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l’Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes. Pourront toutefois être inscrites aux dits budgets les dépenses relatives à des services d’aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics, tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons. »

Autrement dit, cet Article énonce un principe [actuellement non respectés dans certains départements métropolitains et Outre-Mer, faut-il le rappeler !] et prévoit tout de suite une dérogation.  Les Articles 12 et suivants de la loi de 1905, les lois complémentaires de 1907 et 1908 introduiront d’autres dérogations concernant les édifices du culte.

Faut-il voir là une contradiction, ou pire une « schizophrénie » ? Non car le principe vise à établir la non officialité de la religion : aucun culte ne doit être, si peu que ce soit, officiel. Les dérogations visent à faciliter  « le libre exercice des cultes » qui est garanti par l’Article 1 de la même loi. Or, le 26 juin 1905, lors des débats parlementaires, Aristide Briand a indiqué la règle d’or : si l’interprétation donnée à un Article contredit l’Article 1, alors on ne doit pas l’appliquer : « le principe de la liberté de conscience et du libre exercice du culte domine toute la loi ».

On ne saurait être plus clair. C’est pourquoi les décisions du Conseil d’Etat se situent dans l’exacte filiation des accommodations de la loi de 1905. Aux religions de ne pas tirer unilatéralement la couverture à elles et d'accepter également l'équilibre de cette loi qui assure la liberté de conscience de tous, et pas seulement des adeptes des relgions.

Ceci dit, 2 constats doivent être faits:

D'abord, comme une jeune femme me l'écrit, si la laïcité de 1905 fonctionne pour les édifices, elle devrait fonctionner encore plus.;; pour les personnes. Cette décision du Conseil d'Etat permet un salutaire rappel de la philosophie politique qui soustend la loi de 1905.  Rappel nécessaire, pas encore suffisant

Ensuite, attention à ne pas  tenter de changer de laïcité. C'est une tentatition à gauche où, pour être équitable, étant donné que la laïcité est souvent dure envers les musulmans, on voudrait la durcir toujours et partout. ca, c'est une démarche analogue à celle que je mentionnais dans ma dernière Note, à propos de l'attitude de Fillon envers Eva Joly: de même qu'à droite la xénophobie s'avère contagieuse, attention qu'à gauche la laïcité répressive ne soit pas contagieuse. 



[1] Ce n’est pas le cas de tous, mais de la plupart des églises catholiques construites avant 1905.

17/07/2011

Fillon contre Eva Joly: la xénophobie s'étend

Formidable: je peux prendre quelques jours de congés, les Internautes qui surfent sur le blog continuent de faire le job! En effet, ils n'ont pas seulement commenté la Note portant sur la décision de la Cour Européenne, mais aussi la réaction de Fillon à la proposition d'Eva Joly.

Je vais donc commenter un peu les commentaires!

D'abord sur la dernière Note, les commentaires ont dérivé rapidement de la décision de la Cour à une polémique sur les sectes en général et les Témoins de Jéhovah en particulier. Ce glissement était prévisible, il est quand même pernicieux. Je voudrais rappeler que les décisions de la justice doivent traiter tout le monde à égalité. Voudrait-on une justice d'exception à partir du moment où un groupe est qualifié de "secte"?

Et qualifié par qui? Pour les Témoins, c'est par la liste parlementaire de 1996. Mais à un récent colloque (dont j'ai recommandé les Actes), la représentante de la MIVILUDES elle-même a indiqué que cette liste avait été une erreur (Merci pour ceux, comme moi qui l'ont contestée dés le départ et se sont fait copieusement injuriés et ont vu fermer beaucoup de portes à cause de cela!) et que cette liste ne devait plus faire foi.

A bon entendeur, salut!

Ensuite, sur la déclaration de Fillon concernant Eva Joly, ce qui me semble le plus intéressant, c'est que très souvent quand les Français naturalisés sont mis en cause, on rigole en déclarant: "Naturellement, il ne s'agit pas de Français d'origine scandinave"! C'est sont les Français du Sud qui sont mis en cause.

Mais voilà, la xénophobie est contagieuse quant à ses cibles: cela commence par les Français venus de la rive sud de la Méditerranée. Cela continue par les Français venus du Nord de l'Europe. Si on y prend garde, de nouvelles cibles sont à prévoir...

Car c'est très significatif de constater que Fillon qui avait en partie réussi à passer à travers les gouttes des calmiteux débats sur l'identité nationale, sur la laïcité à la sauce Copé "droite populaire", sur le discours de Grenoble, etc... tombe à son tour dans le propos xénophobe. Comme si Eva Joly n'avait pas autant le droit à l'expression qu'une "Française de souche".

Prenons la métaphore classique de la mère-patrie. Insidieusement, cette déclaration, comme les autres propos xénophobes, signifient, sur le plan collectif, une sorte de retour du droit d'aînesse. La mère-patrie aurait des fils-filles aîné(e)s, les Français(es) de souche; et des fils-filles cadé(e)s, qui, étant Français depuis moins longtemps que les autres, auraient moins de droits !

Car on peut être ou n'être pas d'accord avec Eva Joly, mais sa proposition n'a rien de scandaleux. Il est au contraire très sain, à mon sens, de pouvoir sereinement débattre si le défilé du 14 juillet doit être un défilé militaire.

Tenez, comme ce sont les "vacances", le temps un certain farniente consensuel, pour une fois je vais faire une proposition très rad'soc: on pourrait commencer le défilé du 14 juillet par un défilé militaire et le continuer par un défilé civil. Le 14 juillet, c'est la fête à tous les Français, non?

Les désaccords sont possibles, les réactions indignées cachent autre chose: il y a de plus en plus de morts "Français" (permettez à votre humble serviteur de se soucier aussi des morts Afgans!) en Afganistan, alors même que l'on annonce officiellement que l'on va se retirer. Hurler sur les propos d'Eva Joly, n'est-ce pas une façon d'occuper le terrain et de veiller à ce qu'une question beaucoup plus troublante ne soit pas posée:

L'armée que l'on fait défiler pour le 14 juillet, elle est composée d'êtres humains, ces être humains ne les envoie-t-on pas tuer et mourir pour RIEN?  

 

 

 

19:20 Publié dans ACTUALITE | Lien permanent | Commentaires (25)

11/07/2011

Libertés laïques: La France condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme

Au début de ce mois, pendant que nous  étions tous dans le suspens de la série « DSK Story », la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme, d’atteinte à   l’article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Si quelques quotidiens (Le Monde, La Croix en particulier) ont donné l’info., beaucoup d’autres l’ont passé sous silence.

Quelqu’un en a-t-il entendu parler à la télé ?

Quelqu’un a-t-il entendu des personnalités politiques commenter cette condamnation ?

L’info prétend refléter la réalité politique et sociale. Mais elle décide de ce qui va faire « l’actualité » et nous influence de façon consciente ou non consciente, et ce qui va rester inconnu du public. Elle passe en boucle certains incidents, elle tait soigneusement certains événements.

 

La Convention européenne a été signée en 1950, et  la France a reconnu tardivement sa validité (il y avait alors les guerres coloniales  et notre pays se serait trouvé régulièrement condamné, ne l’oublions pas !) en 2 étapes :

 La première,  au moment où Alain Poher assurait l’intérim de la Présidence de la République pour la signature de la dite Convention, l’autre, après l’arrivée au pouvoir de la gauche sous la présidence de François Mitterrand pour admettre les arrêts de la Cour.

 

Ce n’est pas la première condamnation de la France par la Cour : la France a été condamnée à plusieurs reprises, notamment pour atteinte à la liberté d’expression, à deux reprises, au moment même de l’affaire dite des « caricatures de Mahomet ».

Le blog en avait parlé alors… et vous pouvez rechercher la Note.

De même la France avait reçu un avertissement pour non égalité de traitement envers l’Union des Athées, par rapport aux religions (ce qui fait très désordre pour un pays qui se croit champion du monde de la laïcité !) et elle a dû obtempérer pour éviter une condamnation.

Mais c’est, sauf erreur, la 1ère condamnation pour atteinte à l’Article 9.

 

L’Article 9 déclare ceci :

« Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.

La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés. »

 

Commentaire :

1°. On prétend  généralement (et la presse qui a parlé de la condamnation l’a fait en ces termes) que cet Article porte sur la « liberté religieuse ». Et, en France, aujourd’hui,  l’expression de  liberté religieuse et souvent comprise comme établissant des droits (face à la laïcité, ou contre la laïcité) pour les organisations religieuses.

Or ce n’est pas du tout cela qui est indiqué dans l’Article 9. Au contraire :

 

-          Celui-ci parle d’abord de « liberté de pensée et de liberté de conscience » et associe la « liberté de religion » à ces deux libertés. Il est d’ailleurs question de de la « liberté de  religion ou de conviction », mettant sur le même plan les convictions philosophiques areligieuses et la religion. L’Article 2 du Protocole additionnel, de 1952, parle, lui, de « convictions religieuses et philosophiques »

-          C’est d’abord un droit de l’individu qui est défini et non un droit des religions elles même. Et ce droit de l’individu peut s’exercer aussi bien face aux organisations religieuses (« changer de religion ou de conviction ») que face à l’Etatmanifester sa religion ou ses convictions »). Dans ce dernier cas, ce peut être aussi un droit collectif : Le droit collectif alors est une dimension de ce droit individuel (cf. l’Article 4 de la loi de 1905).

Cet Article 9 traite donc des LIBERTES LAÏQUES.     

 

2°. Cet Article :

-          se situe dans la philosophie politique issue de John Locke, tout comme l’Article 1 de la loi de 1905 (Conseil d’Etat, 2004), qu’il développe.

Rappelons le contenu de cet Article 1 : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictée ci-après dans l’intérêt de l’ordre public. »

Briand affirmait que cet Article 1 constituait le principe interprétatif de l’ensemble de la loi.

Si la France appliquait vraiment cet Article 1, d’une loi qu’elle sacralise volontiers, mais pour l’instrumentaliser, eh bien, elle ne serait pas condamnée par la CEDH pour atteinte à l’Article 9. CQFD !

-          reprend tel quel dans son premier paragraphe l’Article 18 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (1948), mais n’étant pas seulement une Déclaration de principes, mais une base juridique supra-étatique, y ajoute des « restrictions limitées » qui doivent être « prévues par la loi » et constituer des « mesures nécessaires dans une société démocratique » à des référents clairement indiqués.

 

3°.La Convention est valable pour le Conseil de l’Europe, qui regroupe un plus grand nombre de pays membres que l’Union européenne (la Turquie et la Russie, par exemple, en font partie).

La Charte de Nice (2000) prévoyait de l’intégrer dans la Constitution de l’Union Européenne. Cris de certains Rrrrrépublicains : « On va nous imposer une Convention contraire à la laïcité » prétendaient-ils.

C’était doublement faux.

-          Nous l’avons vu, la Convention n’est pas contraire à la laïcité : elle établit des libertés laïques. Son application n’est pas parfaite : on peut regretter qu’après un premier jugement interdisant les crucifix dans les salles de classes, elle ait finalement cédé en appel. Cependant si on examine ces différents arrêts, elle a été, d’une façon générale, dans le sens de la laïcité.

-          Sur ce point, la Charte n’introduisait rien de nouveau par rapport à la Convention et à son application déjà effective. Et quelle drôle d’atteinte à la laïcité que celle qui a obligé la France à reconnaitre les droits de l’Union des Athées !

 

Là, les requérants étaient les Témoins de Jéhovah.

On peut, bien sûr, être contre les Témoins. Mais la liberté concerne tout le monde.

Et le dissensus entre la société et eux (qui, après avoir porté aussi sur le service militaire porte maintenant surtout sur les transfusions sanguines : l’âme étant dans le sang pour les Témoins[1]) ne leur enlève pas leur commune humanité, donc leurs droits.

Les droits ne sont pas seulement pour les gens qui nous plaisent !

 

 Le gouvernement et l’administration fiscale prétendaient, contrairement à ce qui se passe pour les dons faits aux associations cultuelles, taxer, à hauteur de 60% de leur montant !, les collectes du culte des Témoins : soit un redressement fiscal de 23 millions d’€ sur les dons effectués entre 1993 et 1996.

Les 23 millions réclamés par le fisc, par suite des pénalités, sont devenus plus de 57 millions, soit nettement plus que le montant des collectes faites dans le temps concerné !

 

Conformément à la procédure, les Témoins ont  effectué des recours devant les différentes instances de la République française. Ils ont été déboutés, ce qui est d’autant plus étonnant que l’administration fiscale a renoncé depuis à taxer ainsi les dites collectes.

Cette rectification fiscale montrait à elle seule que la mesure n’était pas vraiment légale.

Donc face à l’injustice de la Justice française, il a fallu aller devant la Cour.

Celle-ci a condamné la France à l’unanimité. Le Ministère des Affaires étrangères, qui représentait l’Etat français dans cette affaire, dispose de 3 mois pour trouver un accord avec les Témoins ou pour faire appel de la décision.

 

Le Ministère affirme qu’il « réfléchit ».

Bonne réflexion, mais attention à la surchauffe !

 

 

 PS: Pour la question de Véronique: effectivement quand elle surveille un examen, une religieuse doit normalement être en habit civil. Ceci dit, de là à en faire un problème national... beaucoup plus médiatisé que la condamnation de la France par la Cour européenne, et de tas d'injustices criantes qui passent inaperçues...

 

 

 



[1] Bien sûr, je suis moi-même contre le refus des transfusions sanguines et quand j’étais membre d’une Commission du Ministère des affaires sociales (c’était sous le gouvernement Jospin) où il avait été question de cet aspect, j’avais réagi contre le propos d’un autre membre de la Commission comparant refus des transfusions et refus de l’Eglise catholique de l’avortement : le refus de l’IVG ne risque pas d’entraîner mort d’homme.

 Outre, cependant, que (même choquant) le refus de soin fait partie des droits du malade, il faut admettre l’ambivalence de ce refus de la transfusion sanguine.

-          D’une part, il a fait progresser (aux USA, pas en France, mais finalement les Français en ont été aussi les bénéficiaires !, les techniques médicales d’autotransfusion et de substitut à la transfusion, dans une situation où l’on manque souvent de donneurs ;

-          d’autre part, après l’affaire du sang contaminé, et ses victimes (par définition les Témoins ont été épargnés !), on ne peut plus, sauf à être un croyant fondamentaliste de la Médecine, se montrer péremptoire sur cette question.

-          Enfin savoir  combien de cas il y a dans une année en France de refus de transfusion permettrait peut-être d’aborder le problème de façon plus rationnelle.

04/07/2011

DSK, féminisme et laïcité.

Ce n’est pas bien du tout : dès que j’ai appris le retournement de situation, j’ai voulu écrire une note : « DSK story, saison 2 », mais j’étais à un colloque à Aix et entre les very intéressantes communications et le parfum sensuel de l’air de Provence, I had no time…

Alors Libé en a lâchement profité pour me piquer l’idée et titrer « DSK saison 2 » vendredi dernier. No problem, je ne réclamerai pas de droits d’auteurs.

Mais c’est vrai que, comme dans toutes les bonnes séries, la saison 2 commence sur un coup de théâtre. Et, là, il faut le reconnaitre, cela n’a pas été loupé.

 

Nous nous attendions à une progressive mise en cause de Nafissatou Diallo, la présumée victime (vous avez remarqué que les médias donnent souvent cette précision, alors que pour DSK, le héros principal du feuilleton….) par les méchants avocats…

C’était sans compter avec la capacité imaginative des scénaristes, qui ont trouvé beaucoup plus intéressant.

Pour les séries télé, les Américains sont décidément les meilleurs.

Mais soyons (une fois encore, cette fois à juste titre !) dans la French pride : ils n’auraient pas pu être aussi bons, si nous ne leur avions pas prêté notre French lover number one, et… notre épouse exemplaire (belle, riche, volontaire, aimante,…) hors concours.

Comme quoi les rôles de genre sont scrupuleusement respectés chez nous, non mais!

 

Toujours à la pointe de l‘info à venir, le Blog se penche sur… la saison 4 de DSK story.

Parce que le scénario actuel n’a prévu que 3 saisons. La saison 2 s’achevant par un non-lieu. Et la saison 3 étant « DSK  3, le retour » (en France).

Ne nous décevez pas, scénaristes talentueux : trouvez de nouveaux rebondissements. Tels que vous êtes partis, vous pouvez tenir 12 saisons,  si vous continuez avec la même veine inventive.

Le bon peuple réclame du pain et des jeux. Notamment « la ménagère de moins de 50 ans », cet archétype (sexué) de la consommation qui fait la gloire de notre belle civilisation occidentale, que le monde entier nous envie!

 Et comme cette « ménagère » a de moins en moins de pain dans son cadi, que Marie Antoinette n’est plus… pour lui servir de la brioche, vous savez ce qu’il vous reste à faire !

 

Reste que, coupable ou innocent (on aura sans doute l’occase. d’en reparler) DSK aura rendu un immense service à la cause du féminisme et de la laïcité.

Avant DSK story, c'est-à-dire il y a 3 siècles  ou 7 semaines, il existait en France 2 sortes de mecs : les bons athées-judéo-chrétiens, défendant « l’égalité homme-femme »[1], et tout et tout, et puis les méchants musulmans qu’étaient contre cette égalité et qu’il fallait éduquer aux « Valeurs de la République ».

Valeurs que les autres, tous les autres défendaient, bien sûr.

Et c’est ainsi que féminisme et laïcité faisaient bon ménage,… mais uniquement face à l’islam.

 

Vous ai-je déjà raconté qu’à la fin de la Commission Stasi, des propos très significatifs ont été tenus.

Ils affirmaient que, effectivement, stricto sensu (et tout le bataclan), l’interdiction du foulard à l’école ne pouvait pas complètement être justifiée au nom de la laïcité

(après tout le Conseil d’Etat en 1989 et 1992 avait dit que c’étaient des comportements et pas le signe lui-même qui pouvait le rendre incompatible)

Mais, ajoutait-on, si on envisageait la chose « du point de vue de l’égalité homme femme », alors là, aucune hésitation n’était permise.

J’avais tenté de rétorquer : pas de ça, fillette (décidément,…) car, alors, c’est une commission sur l’égalité des sexes qu’il aurait fallu mettre en place, et il aurait fallu que cette Commission  traite TOUS les problèmes liés à l’inégalité des sexes en France.[2]

On opérait un court-cicuit très réducteur , et pour le féminisme et pour la laïcité.

 

Mais mon propos s’était perdu dans le désert de l’indifférence. Dès lors que les musulmans n’étaient pas concernés, de fait on abandonnait la cause de l’inégalité des sexes.

J’exagère à peine : on relie actuellement (sans approfondir la question) inégalité des sexes et mixité. Dans cette perspective une femme de la Commission Stasi avait, au début de la dite commission, proposé d’interdire les associations unisexes. D’après elle, il en existait chez les musulmans.

Et son propos avait été bien accueilli par certains-certaines.

« Génial, lui ai-je répondu, tu vas ainsi faire interdire la plupart des associations de francs-maçons ! »

Elle a rougi et retiré sa proposition, mais sans analyser ce que cela signifiait.

 

Cette attitude est loin d’être unique. Rappelez-vous :

 

« Une jupe, ce n’est qu’un bout de tissu » affirmait l’actrice Isabelle Adjani alors qu’elle recevait en 2010 un prix pour sa prestation dans le film « « La journée de la jupe » de Jean-Paul Lilienfeld.

Un simple bout de tissu mais, poursuivait-elle, « qu’elle soit courte ou qu’elle soit longue, son symbole peut nous aider à gagner une bataille contre l’obscurantisme et contre la haine des femmes (…) Cette jupe, c’est justement l’anti-nicab. Cette jupe, c’est justement l’anti-burqa ».

 

Certes, je ne nie pas qu’Isabelle  Adjani soit une meilleure référence philosophique que BHL. Plus sympathique, en tout cas.

Mais, Isabelle, l’affaire DSK a montré que vous vous êtes faite manipulée dans les grandes largeurs :

La jupe, c’est d’abord l’anti-conseil des ministres, c’est d’abord l’anti-parlement français, etc.

Maintenant la parole a été libérée, maintenant cela a été dit et redit : des femmes ministres ou parlementaires mettent un pantalon pour ne pas se faire embêter grave par leurs collègues masculins.

Pour ne pas subir des propos harceleurs.

 

Et, de l’affaire Tron à bien d’autres choses, le rideau s’est enfin ouvert sur le vécu de nombreuses femmes.

Elles étaient, elles sont victimes. Mais quand ce n’est pas d’un « musulman », cela n’intéressait presque personne. Il n’y avait pas de « l’actu » pour cela. Et on refusait d’en faire de l’actu : Ce n’était pas « assez sexy ».

Eh oui, pour qu’une info perce le mur impitoyable des médias, il faut qu’elle soit « sexy » : ironie douloureuse dans le cas présent.

 

Maintenant, la parole a été libérée sur le machisme ordinaire, le machisme franco-français.

« L’esprit gaulois » !

Ou, plus exactement : maintenant celles des féministes qui mettent en cause ce machisme, ne voient plus leurs paroles piétinées, niées, non prises en compte, leurs souffrances ignorées, leurs plaintes bafouées.

Elles ont pu percer le MUR de L’INDIFFERENCE.

Se faire entendre alors que le féminisme dominant s’était embourgeoisé, était devenu conformiste en diable et se réduisait de plus en plus à attaquer un certain islam.

 

Monde terrifiant où il faut que l’actualité s’y prête pour qu’enfin on aborde la réalité en face.

Monde cynique où l’actualité ne provient plus de la réalité, mais où l’actualité (telle qu’elle est construite et mise en scène) est première, toute puissante et, selon son gré, occulte la réalité ou en montre une part.

MONDE QUI MARCHE SUR LA TÊTE !

 

Alors, j’espère que certains-certaines n’aurons plus la morgue de nous lancer certains accusations à la tête, comme celle d«’angélisme » à l’égard de l’islam, de musulmans.

 

Qu’il existe des problèmes d’inégalité des sexes dans la pratique actuelle dominante de l’islam, certes

(Cependant, c’est plus diversifié que l’on ne le dit : dans l’importante confrérie soufie Tiâniyya Naassène  le clergé est ouvert aux femmes –j’en sais des choses ! Là, c’est grâce aux travaux de C. Jourde, prof à l’Université d’Ottawa)

Oui, il existe des problèmes, mais, là où il y a intox, c’est que:

 

-          D’une part, il se développe un « féminisme musulman » de femmes sans ou avec foulard qui le combat, et que ces femmes, mal vues par certains musulmans, sont rejetées par certain(e)s féministes.

-          D’autre part, ce n’est pas la critique, la mise en cause d’un « machisme musulman » qui fait problème, c’est la façon de le désigner à la vindicte publique en innocentant tous les autres machismes.

 

Ce sont ces deux attitudes cumuléesqui sont insupportables.

 

Grace à la saison 1 de DSK story, il y a eu un peu de lucidité dans ce monde de brutes et de paillettes.

Il ne faudrait pas que  la saison 2 remette une chape de plomb sur ce pan de réalité dévoilé

Il ne faudrait pas que les cons satisfaits recommencent à nous jeter, quotidiennement, leur morgue à la figure.

 

Pour cela : une seule solution :

ISABELLE ADJANI, vous avez, maintenant que vous savez à quoi vous en tenir, un devoir impérieux :

tourner un nouveau film : « Une journée de la jupe 2 », film qui se passera dans les coulisses du gouvernement et du Parlement

Film de Jean-Paul Lilienfeld

Film qui recevra un prix

Film dont les médias feront autant la promotion que la Journée de la jupe 1

 

Faute de cela, il deviendra clair que ce n’est pas l’égalité homme-femme le combat d’Isabelle, de Jean-Paul Lilienfeld, et de toutes les personnes qui se sont mobilisées,

Mais le fait de pouvoir déblatérer sur les jeunes des cités et d’autres

Mais le désir, conscient ou non, de se vautrer dans la discrimination, et d’être des putes soumises à la logique : « selon que vous serez puissant ou misérable ».   

 

 

 PS: la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme pour ateintes aux libertés laïques. Peu de médias en ont parlé. Le Blog va y revenir.

 



[1] J’ai mis des «   » car, bizarre, vous avez dit bizarre, comme c’est bizarre, alors que, normalement, on suit l’ordre alphabétique, ce qui devrait faire parler de l’égalité femme-homme, eh ben, non, pas du tout, là, le masculin prime, comme dans la grammaire et dans le n° de sécurité sociale

[2] Vous trouverez un récit de la Commission Stasi (« L’acteur et le sociologue, la Commission Stasi) dans ma contribution à l’ouvrage dirigé par Delphine Naudier et Maud Simonet : Des sociologues sans qualités ? Pratiques de recherches et engagements, la Découverte 2011.

Très concret, ce livre montre comment des sociologues peuvent analyser la société dont ils sont membres, et donc engagés dedans.