19/02/2011
Islam de France ou Islam en france?
Ajout du 1er mars:
La prochaine Note aura lieu à la fin de la semaine.
Merci de votre compréhension!
OK, je suis pour qu’on ne rejette pas dans l’impensé les sujets qui fâchent, mais le nième débat sur l’islam et la République que le chef de l’Etat a annoncé à TF1 et que l’UMP veut entreprendre début avril est déjà mal engagé. Au point même qu’Alain Juppé, qui n’a pas l’habitude de faire dans la surenchère gauchiste !, craint les dérapages.
Nous aurons certainement l’occasion d’en reparler. Pour le moment, voyons quelques fausses alternatives :
Opposer un « Islam de France » et un « Islam en France » ne me semble vraiment pas une bonne façon de poser le problème. Met-on les catholiques, les juifs et les protestants devant la même alternative ?
Il existe un « catholicisme de France » avec sa Conférence des évêques, les Assemblées plénières de Lourdes, etc. Il n’en existe pas moins un « catholicisme en France ». Ce dernier n’est pas réductible au « catholicisme de France », car le catholicisme est une réalité internationale. Sauf erreur de ma part, son chef spirituel est, en même temps, un chef d’Etat.
L’Ambassadeur du Vatican en France, le nonce apostolique, participe même aux entrevues officielles qui ont lieu entre la délégation catholique et le gouvernement, comme le remarquait un Ministre de l’Intérieur, s’appelant Nicolas Sarkozy en réponse à une question de Ph. Verdin sur « l’indépendance des musulmans français »[1] .
Et on constate, certes, une souplesse plus grande de l’épiscopat français sur certaines questions : ainsi, contrairement à ce qui se passe en Colombie ou en Pologne, par exemple, les médecins catholiques qui pratiquent des IVG ne se trouvent pas menacés d’excommunication.
Mais, sur beaucoup d’autres points, comme le mariage des prêtres, ou l’accès des femmes à la prêtrise et au diaconat, ce sont les règles générales, les « normes canoniques » du catholicisme qui s’imposent, même si les enquêtes faites montrent qu’une majorité des catholiques français, y compris chez les catholiques pratiquants[2] ont des attentes différentes.
Qui va affirmer que l’Etat devrait imposer des femmes prêtres au nom de l’égalité homme-femme ou, comme la Révolution française l’a fait, imposer l’autorisation du mariage des prêtres au nom de la liberté individuelle ?
On peut, à titre personnel, sympathiser avec celles et ceux qui luttent pour des changements internes à l’Eglise catholique, on peut aussi être indifférent en la matière. Mais aucune force politique ou sociale ne va chercher à imposer ces changements. Il est clair que c’est l’affaire du catholicisme. Et ses évolutions comportent des zigzags.
Eh bien, je pense qu’il en est de même pour l’islam. D’ailleurs, il y a quelque chose que je ne comprends pas. Le même Ministre de l’Intérieur, déjà évoqué, a largement contribué, il y a maintenant 7 ans, à organiser un « Islam de France » par la création du Conseil National du Culte Musulman, et des Conseils Régionaux du Culte Musulman.
Chacun peut avoir son avis sur ces structures (dans mon Limousin natal une femme a dirigé, dirige peut-être toujours, le CRCM). Mais l’Etat s’est fortement engagé dans cette démarche. Il ne peut ignorer ou tenir pour négligeable ce dont il est un co-auteur. Serait-ce trop lui demander d’avoir un peu de cohérence interne ?
Il existe donc un Islam de France et un Islam en France, car l’islam, comme le catholicisme et bien d’autres religions, est une réalité internationale. Dès maintenant, au-delà de l’organisation spécifique qui a été mise en place, des façons spécifiques et multiples d’être musulman sont en train de se forger en France (et en Europe) et une gestion teintée de néo-colonialisme risque d’être contre-productive (sur tous ces sujets cf. entre autres l’ouvrage de Franck Frégosi : Penser l’islam dans la laïcité. Les musulmans de France et la République, Fayard, 2008).
Mais c’est à un niveau international que l’islam bouge. Que, par exemple, un féminisme musulman se développe (cf. le n° 46, 2010, de Critique internationale sur ce sujet). Et aujourd’hui on constate la soif de démocratie dans l’ensemble du monde dit « arabo-musulman ».
Ce thème de « l’islam de France » me rappelle un certain discours laïque traditionnel sur les femmes : elles étaient suspectes d’être sous influence cléricale. Il fallait les « éduquer » avant de leur donner le droit de vote. Et naturellement, on considérait qu’elles n’étaient jamais assez éduquées pour l’obtenir. Si bien que le premier projet donnant le droit de vote aux femmes, fut le projet de Constitution élaboré par Vichy !!!
De même, d’année en année, on a l’impression que les musulmans français ne sont jamais assez français…
La seconde fausse alternative concerne la sempiternelle question : « faut-il modifier la loi de 1905 ? »
Nous la dépasserons la semaine prochaine.
PS : Pour Marco Huaco : Merci des remarques. On peut dire que la laïcité interculturelle fait partie du type : laïcité de reconnaissance. Ceci dit, l’intérêt de cette typologie consiste à sortir de la querelle des adjectifs, et de montrer que suivant les pays, les périodes et les domaines, la laïcité se concrétise de façon différente.
PS : Pour David Weber : d’abord je voudrais vous rassurer le Blog en est à sa 440ème Note et….je n’ai publié que 31 livres (cf. ma biblio. A la fin de Laïcités sans frontières, dont la majorité avant d’avoir créé le Blog.
Ensuite, je n’ai pas obligation de répondre à tous les commentaires : cela dépend de mon temps disponible, de ma forme, de mon humeur, etc. Les commentaires se font aussi entre internautes, et je les laisse de manière très libérale (je crois), même quand il me semble qu’il y a des propos un peu craignos, à partir du moment où il n’y a ni insultes, ni diffamations, ni instrumentalisation du blog pour de la pub,…
Enfin, ceci votre question sur la déclaration de Sarko sur les « racines juives » était effectivement intéressante : tout ce qui indique que la France n’a pas de racines uniques est bon à prendre. Ceci dit, je regrette que l’on parle du catholicisme à Rome, du protestantisme à la Fac de théologie protestante, du judaïsme au CRIF, etc.
Je rêve d’un Président qui aurait inauguré un débat sur l’identité nationale en expliquant que les racines de la France sont plurielles, ainsi que son histoire. Et que l’histoire est une dynamique qui continue et où le rôle du politique consiste à projeter tous les français dans un avenir vivable pour tous.
[1] N. Sarkozy, La République, les religions, l’espérance. Paris, Cerf, p. 93.
[2] 61% contre 36% pour le mariage des prêtres, 51% contre 44% pour l’accès des femmes à la prêtrise (respectivement 81% contre 16% et 67% contre 31% chez les catholiques pratiquants irréguliers) (Enquête CSA-La Vie : « Les attentes des français à l’égard du prochain pape », 15 avril 2005.
16:20 Publié dans Laïcité et diversité culturelle | Lien permanent | Commentaires (26)
24/10/2010
Suite sur le pluriculturel
Gigi III me chahute parce que j’emploie le terme de « pluriculturel », elle trouve que c’est une astuce que je viens d’inventer pour éviter le mot « multiculturel ». Eh non, Gigi III, il faut lire l’ensemble de mes œuvres immortelles.
Si si, c’est intéressant, je vous l’assure. De plus il faut se dépêcher de prendre connaissance des 23 bouquins parus, car 2 sont sous presse, un va sortir dans un mois et l’autre au début de l’an de grâce 2011.
On en reparlera.
Pour le moment, revenons à … nos moutons pluriculturels. Je disais que je n’avais pas attendus les débats d’aujourd’hui.
On trouve en effet l’expression « la France pluriculturelle » en sous titre d’un de mes livres qui date de …1988[1], c'est-à-dire avant qu’il y ait un débat français passionnel sur le multiculturalisme.
De même les intellos (in Le Monde, aux Rendez-vous de l’Histoire de Blois, etc) trouvent génial le titre du dernier livre de Raffaele Simone : Le Monstre doux[2] .
Ce titre veut rendre compte d’un « modèle tentaculaire et diffus d’une culture puissamment attirante, au visage à la fois souriant et sinistre qui promet satisfaction et bien être à tous en s’assurant de l’endormissement des consciences par la possession et la consommation » 5’ème de couv.)
Mais, Amis internautes, ce Blog vous propose, gratis pro Lady Gaga, depuis plus de 5 ans une rubrique intitulée « La douceur totalitaire » qui vous cause présisly de cela. Et sans croire, comme le fait Simone que cela est du à la droite, et qu’une vraie gauche en serait indemne.
Que nenni, c’es plus global.
Bref,eh oui, il a tout inventé votre Baubérot :
l’Appel du 18 juin avant Galilée,
la théorie de la relativité avant Voltaire
et le fil à couper le beurre avant la loi de Sarko Ier sur les retraites.
Un peu de sérieux.
Précisons : dans ma manière de parler : pluriculturel est un état de fait, le multiculturalisme, dans ses 2 versions libérale (cf Will Kymlicka) et communautarienne (Charles Taylor) une philosophie politique.
Maintenant, d’autres prennent la chose autrement, ainsi mon pote Henri Goldman estime lui que le multiculturalisme est un fait et que le projet politique, c’est l’interculturalisme.
Il dit cela à partir d’une réflexion que je partage sur les propos d’Angela Merkel
http://blogs.politique.eu.org/Le-multikulti-a-t-il-echoue.
OK donc, sauf qu’à mon sens, l’interculturalisme tel qu’il l’entend et le multiculturalisme libéral de Kymlicka se ressemblent beaucoup, mais peut-être le terme d’interculturalisme est-il meilleur dans la mesure où certains peuvent croire que le multi n’est qu’une juxtaposition.
Cependant, je crois l’avoir déjà écrit dans ce blog, en fait moi je suis partisan, face à l’aspect pluriculturel des sociétés modernes, et notamment de la France et du Québec, de jongler un peu avec les 3 termes de multiculturalisme, interculturalisme et républicanisme.
Chacun d’eux est intéressant s’il n’est pas pris comme un absolu, mais est mis en interaction avec les 2 autres.
Voila un auto-pillage, je terminais une Note au printemps 2009, ainsi (et, miracolo, je suis toujours d’accord avec moi-même) :
Il faut articuler trois niveaux différents:
- Celui du Multiculturalisme : non comme juxtaposition des cultures mais comme possibilité pour ces cultures de continuer à être vivantes (c'est-à-dire à la fois transmises et réinterprétées) en situation diasporique.
- Celui de l’Interculturalisme :
· Contacts, échanges : réduction de la « menace » de l’altérité : comprendre les divers systèmes de représentations en présence sur la scène sociale
· Transversalité : développements d’apports réciproques de synergie
Cela signifie-t-il un abandon du « républicanisme » ? Non : un niveau républicain doit être également présent.
- pour éviter que les rapports de force de l’espace public de la société civile porte atteinte à l’autonomie des sphères politique et privée (cf affaire dite des « tribunaux islamiques » de l’Ontario).
- pour éviter les tentatives de groupes d’englober l’identité des individus, d’instrumentaliser les « pratiques d’ajustement » qui ont pour objet des individus et non des groupes.
- pour tirer le culturel, de l’ethnicité vers l’universalité.
Le républicanisme joue, là, la fonction d’
- Universalisme en devenir et chaque culture est considérée comme une part d’universel.
Laïcité interculturelle comme laïcité roseau, plus résistante aux tempêtes sociale que la laïcité chêne de la fable de Jean de La Fontaine.
Apte à assumer le frottement entre cultures tout en évitant le conflit de civilisations.
Pour continuer sur les dits « souchiens » (cf. ma Note du 17 octobre), il y a historiquement en France, déjà ce que, sous la IIIème République on appelle les « petites patries », qui, avec les régions frontalières notamment, lieux privilégiés de passage et donc aussi d’« influences étrangères », et d’autre part, les migrations temporaires ne donne pas un phénomène totalement hétérogène du pluriculturalisme d’aujourd’hui.
Je vous ai dit il y a une semaine, que les Limousins de mon village (et d’autres proches) savent que leurs ascendants ont vécu dans le coin depuis Louis XIV et même au-delà.
Mais ces agriculteurs étaient des migrants temporaires : à la morte saison les hommes partaient comme maçons dans différentes villes françaises, voire étrangères et… en ramenait ce que les autorités appelaient « le mauvais esprit de la ville » !
Et en même temps, les « petites patries » n’étaient pas des phénomènes diasporiques, mais de terroirs, avec des traditions et des us et coutumes.
Et donc il y a un mélange de proximité et de distance avec la situation actuelle.
Ceci dit, il y a toujours eu aussi quelque chose que l’on peut appeler la « culture française », intégrant au fur et à mesure des apports culturels internes, extérieurs, influençant les « petites patries » et exportant des schèmes culturels hors de France.
C’est une sorte de sédimentation historique.
Alors la « grande patrie » se voulait à la fois la résultante des « petites patries » et une passerelle vers l’humanité entière.
Elle l’a été, assez souvent, de façon impériale, et exportation a (partiellement) rimé avec conquêtes.
Mais pas seulement : l’influence française au Mexique était assez forte en 1860, lors des lois de Réforme, et l’expédition de Napoléon III a pas mal gâché les choses.
Cela n’a pas empêché un « modèle mexicain » de laïcité de fonctionner en France dans l’avant 1905, j’en ai déjà causé.
Donc tout cela circule.
Que certains, aujourd’hui, se sentent vocation d’être particulièrement les passeurs soit de cette culture traditionnelle de « petites patries », soit de la culture française classique, loin de me choquer, me réjouit plutôt :
Ce peut-être, c’est un bon antidote à la déculturation, à la culture massifiée d’une communication de masse qui, privilégie unilatéralement le quantitatif.
Au monstre doux, à la douceur totalitaire dont je causais au début de la Note.
J’écris cela sans pudibonderie : j’aime bien des séries télévisées américaines, que ce soit FBI portés disparus, Closed Cases ou d’autres, je ne boude pas la scène télvisuelle.
A condition de ne pas être dupe
A condition qu’il y ait de multiples contrepoids.
Donc, OK pour les cultures « souchiènnes »
Mais, que l’on soit bien d’accord :
-d’une part, cette double culture soit « traditionnelle », « vieille France » ou « terroirs », soit « classique », peut être tout à fait promue, transmise, etc par quelqu’un d’origine chinoise ou autre.
Ce n’est nullement une affaire de sang pur qui abreuverait nos sillons.
Et cela, c’est normalement la base du républicanisme français (là-dessus je rejoins également Goldman) : le sol où on habite, pas le sang. On doit donc pouvoir être un fils adoptif ou une fille adoptive.
Or le hic, c’est que, trop souvent, que ce soit par filiation ou adoption (pour continuer cette métaphore), la seule possibilité qui vous soit offerte, notamment quand vous êtes jeune, c’est la prédominance de la culture télé.
Culture télé dont on voit les brillant résultats chez notre Leader Maximo.
Et là, je sais que je vais provoquer des réactions indignées, mais tant pis, je le dis comme je le pense : de façon dominante les profs ne sont plus aujourd’hui un contre poids culturel.
Et merde, avant de gueuler, mes amis, sachez vous mettre un peu en question.
Ou si vous êtes de ‘bons profs’, si vous n’êtes pas dans ce que je décris, sachez échapper au réflexe corporatiste de défense sommaire de vos collègues.
Pour ma part, je suis souvent déçu quand je rencontre des profs du secondaire (tout en les trouvant sympas, ce n’est pas cela le problème !) :
à une véritable démarche de connaissance, ils préfèrent trop souvent de pseudo « bonnes » émissions de radio ou de télé qu’ils opposent aux « mauvaises ».
C’est Arte ou France culture contre TF1.
Mais cela reste un univers culturel à dominante radio-télé, avec tout ce que cela signifie.
On est toujours dans le « monstre doux ».
Et c’est souvent désastreux, car on perd l’idée de ce qu’est une véritable démarche d’objectivation.
Bien sûr, moi aussi je me sert de ces véhicules radio-télé, j’en joue également, mais le problème, c’est quand ils deviennent l’horizon culturel, alors que dans es pseudo bonnes émissions, dans pas mal de cas, la conviction l’emporte sur le savoir.
Il faut absolument décrypter, et pour décrypter avoir d’autres sources plus sérieuses.
Alain F., le samedi est typique de cette ambivalence, et certains croient qu’il s’agit d’un grand intellectuel. Alors qu’il le reconnaît lui-même il théorise sur ses émotions.
On ne sort pas de l’émotionnel médiatique, et aussi du « je sais tout sur tout », je suis capable de parler de tout.
Et alors le « combat du bien » l’emporte sur l’analyse.
Mais il y en a beaucoup d’autres, et c’est pour ne pas focaliser facilement le débat sur lui que je n’ai pas mis son nom en entier.
Moralité : on loupe (et du coup on n’éduque pas assez) un double rapport à la radio-télé qui est fondamental :
-un rapport critique
-un rapport ludique
C’était la rubrique sachons faire preuve de réflexivité, empruntons à la morale laïque de papa le souci de « l’examen de conscience » !!
Reprenons le fil :
-d’autre part, toute culture, pour être vivante, doit être dans la logique d’import-export, de double transfert culturel. Une culture close, qui se replie sur elle-même s’appauvrie, se fige et se folklorise.
Et donc, pas de peur à l’égard de personnes bi-culturelles, de cultures diasporiques se développant en France, de phénomènes de métissage.
La recherche de la pureté culturelle est une impasse, tout comme la recherche de la pureté morale, par le port du voile intégral, ou bien d’autres manières moins visibles et socialement plus acceptées.
Le problème est d’être dynamique. Plus on est dynamique, moins on a peur.
Enfin, que les ressources culturelles « souchiennes » contribuent à une lucidité autocritique.
A ce qu’en langage intello, on appelle la réflexivité.
Et la réflexivité, cela manque souvent à l’appel.
Les grands défenseurs des Lumières me font souvent bien rigoler, car ils sont eux dans l’obscurité :
les Lumières c’est « comment peut-on être persan », c’est le regard vers des modèles extérieurs, qu’ils soient anglais ou chinois (Confucius, via les jésuites en plus), c’est la projection dans l’avenir et non la nostalgie d’une époque passée.
Et ma « souche » limousine, est en partie ce qui me fait mieux comprendre ce que l’on croit être l’altérité :
quand une de mes étudiantes me racontait le « bled » dont ses parents étaient issus, je retrouvais….. ma fameuse grand-mère et au-delà ce qu’était mon village il y a un siècle ou un peu plus.
Et il y avait des formes de démocratie villageoise, et les rapports homme-femme ne peuvent pas se résumer en parlant d’inégalité entre les sexes, c’était plus complexe et il y avait une répartition géographique du pouvoir entre l’intérieur de la maison et l’extérieur.
Alors, bien sûr, que les femmes aient voulu être maîtresses d’elles mêmes, de leur destinée, à l’extérieur, qu’il y ait eu mille raisons de bousculer cet ordre traditionnel, OK.
Mais ce que je veux dire, c’est que ma culture limousine, ma « souche » paysanne fera que je ne me laisserais pas prendre par les stéréotypes ambiants des beaux messieurs et belles dames, et que, comme les paysans de chez moi, je penserai : il n’y a pas de sotte culture, il n’y a que de sottes gens !
[1] Le protestantisme doit-il mourir ? La différence protestante dans une France pluriculturelle, Le Seuil, 1988. L’exemple protestant est très révélateur de la difficulté française du pluralisme, en ceci que les huguenots (le noyau dur historique du protestantisme en France) ont recherché de façon éperdue un loyalisme civique et que, jusqu’à aujourd’hui, la (petite) différence protestante a été toujours plus ou moins suspectée, au lieu d’être considérée comme une possible richesse pour notre pays.
[2] Gallimard, octobre 2010. On en reparlera.
10:03 Publié dans Laïcité et diversité culturelle | Lien permanent | Commentaires (42)
17/10/2010
Souchiens, Gaulois, Pure Laine, etc... dans une société pluriculturelle
CONSTRUIRE LE COUP D’APRES
Dans ma Note du 2 octobre, je promettais une suite, qui n’est pas encore venue.
Et dans une Note beaucoup plus ancienne (j’ai la flemme de rechercher la date, si cela vous tente….) j’avais commencé un propos sur les dits « souchiens » (terme ayant été contesté par certains Internautes). Là encore j’avais promis une suite.
Vous allez finir par croire que je ressemble à je ne sais plus quel président qui avait promis qu’on gagnerait plus, pour peu que l’on travaille un peu plus !
Eh bien NON.
Je ne veux pas avoir contre moi une manif qui rassemble 3 billions de personnes selon la police et 800 selon les syndicats.
« Tout vient à point à celui qui sait attendre », disait ma fabuleuse grand-mère (dont je vous ai plusieurs fois parlé, parfois en l’instrumentalisant honteusement bien sûr…). Voici donc, en vitesse, quelques unes de mes réflexions.
Je partirai d’un constat : actuellement certains/certaines se réclament d’une identité de « Souchiens », de « Gaulois », de tout ce que vous voulez (mais on comprend bien ce que cela veut dire). Au Québec on appelle cela les « Pure laine ».
En général, cela fait hurler.
Pour ma part, au risque de faire également hurler mes propres amis, j’ai une attitude assez différente et j’estime qu’il vaut mieux ne pas s’en tenir à une indignation sommaire.
Bien sur, dans la mesure où il s’agit de revendiquer une identité ethno-raciale, dont seraient exclus tous qui n’auraient pas « le sang » adéquat : OK, c’est totalement craignos. Le refus s’impose.
Mais, il peut s’agir aussi d’autre chose qu’il fait être capable d’entendre, et donc d’écouter en surmontant la première réaction d’indignation.
L’indignation, c’est comme la peur : elle est mauvaise conseillère.
Et le discours : nous sommes tous des enfants d’immigrés n’est pas performatif car il est partiellement exact et partiellement faux.
Allez prétendre cela aux habitants de mon village natal où, pour des problèmes de terrains ou d’autres conflits villageois, des gens sont allés un peu fouiller dans les archives notariées et ont ainsi réussi à trouver leurs ascendants jusqu’à Louis XIV (les archives ne vont pas au-delà)…
Les gens vous riront au nez et n’auront pas tort car, pour ce qui les concerne, c’est en général archi-faux.
Et tenez, ma grand-mère, justement, elle avait fait scandale dans sa jeunesse en épousant un gars d’un village qui se trouve à 12 km du sien, mais qui est de langue d’oïl, alors qu’elle était de langue d’oc.
Elle avait franchi une frontière symbolique, que l'on respectait habituellement.
Et donc, à un niveau strictement empirique, il existe bien des gens qui ont une identité, non seulement franco-française mais limousine, picarde, bretonne, etc (on reviendra sur la complexité de la chose, car bien sûr, c'est plus compliqué!)
Et en quoi serait-il gênant qu’on ne soit pas tous des descendants d’immigrés ? Que certains s’estiment être de « vieux Français » (ou des Québécois pure laine)
Le problème est qu’on ne fasse pas de cette « vielle souche » française (ou québécoise) un argument ethno-racial, un motif à exclure.
Il faut donc arriver à séparer les 2 aspects
Et si les 2 se trouvent mêlés actuellement, ne faut-il pas trouver comment séparer le bébé et l’eau (sale) du bain, plutôt que les jeter ensemble aux orties ?
Vous me direz, c’est hors de saison ; le problème aujourd’hui c’est le développement d’une attitude de rejet, c’est le gouvernement qui ethnicise les Roms, fait voter loi sur loi contre les étrangers, etc.
OK mais….
Je déteste les classements entre « bons » et « méchants » : je l’ai dit aux Rendez-vous de l’Histoire de Blois[1], et cela ne vaut pas seulement quand on idéalise les bons partisans de la laïcité, face aux mauvais que l’on qualifie rapidement d’ « intégristes ».
On n’est pas non plus les bons antiracistes en guerre contre les méchants racistes.
La bonne conscience, à la porte...
En revanche, gagner la bataille du racisme, c’est devenir assez intelligents pour offrir à toutes/tous, y compris celles et ceux qui nous révulsent, un projet OU ILS SONT INCLUS.
Être capable de proposer un avenir partagé, inclusif.
Un avenir qui délivre de la peur, des crispations, de la haine.
Un avenir où tous/toutes puissent se projeter.
C’est que j’appelle : le COUP D’APRES.
Alors certes, je suis à la fois utopique et réaliste, c'est-à-dire que je ne pense pas que 100% des gens l’accepteront.
Ce que l’on peut raisonnablement espérer, en revanche, c’est que cesse de grandir le flot de celles et ceux qui sont attirés vers celles et ceux qui surfent sur les craintes et frayeurs diverses, qui creusent les antagonismes en les survalorisant, en les mettant au devant de la scène.
C’est que se produira alors une coupure entre une petite minorité d’indécrottables adeptes du racisme, et une majorité qui leur ressemblait, semblait épouser leur vue, mais il s’agissait surtout de la mise en mots de leurs inquiétudes.
Il s’agissait surtout de gens qui n’arrivaient plus à se projeter dans un avenir partagé, et ressentaient une menace.
Le coup d’après, c’est qu’a réussi Jaurès en 1905.
Jaurès revenait pourtant de loin. Il avait été partisan de la laïcité intégrale, c'est-à-dire de considérer les catholiques intransigeants[2] comme des ennemis à abattre. Il avait été un « super Combiste », c'est-à-dire quelqu'un voulant aller plus loin que les mesures prises par Emile Combes.
Et, en fait, plus on tapait sur les catholiques intransigeants, plus ils s’avéraient dangereux, et plus il fallait prendre des mesures radicales contre eux.
Jaurès a heureusement finit par comprendre, qu'il s'agissait d'un engrenage fatal pour la démocratie, et pour ce qu’il appelait la « République sociale ».
Il a viré, et a changé de stratégie.
Il s’est dit : supposons le problème résolu et les catholiques acclimatés à la laïcité… et, à partir de là, cherchons comment ils pourraient effectivement s’y acclimater.
Et il est passé d’une laïcité intégrale à une laïcité accommodante.
Une laïcité qui sépare un noyau laïque du respect des traditions (et oui, Jaurès il a dit qu’il y aurait « injustice et violence » à prendre des dispositions qui troubleraient les gens dans leurs traditions et leurs habitudes[3])
Il a soutenu Aristide Briand, qui ne mélangeait pas, dans la proposition de loi, sur la séparation des Eglises et de l'Etat, le bébé et l’eau du bain.
Et autant la recherche de la laïcité intégrale, le combat des bons laïques contre les méchants catholiques, a été une impasse, autant la loi de 1905, a rapidement doublement gagné (en établissant la laïcité et en ramenant le calme), malgré le refus du pape.
Le pape bien embêté de ne pas avoir la « persécution » qu’il appelait de ses vœux, car elle aurait durci le combat et remobilisé ses troupes.
Voilà ce qu’il faut entendre par le coup d’après.
Voilà ce que cherche votre Baubérot chéri : avoir un coup d’avance sur l’événement, et non être tout le temps à sa traîne.
Voyons ce que cela peut signifier pour les dits souchiens, gaulois, pur laine et compagnie
(A suivre : promis juré : je ne vous ferai guère attendre)
[1] Où certains profs ont manqué de civilité à l’égard de Valérie Pécresse. On n’était pas dans un meeting politique. Que ces profs ne s’étonnent pas d’avoir des élèves inciviles : ils donnent eux-mêmes le mauvais exemple !
[2] L’intransigeantisme est un terme qui a, lui, beaucoup plus de validité scientifique que celui d’intégrisme, comme j’ai tenté de l’expliquer à Blois (mais en 3 minutes ce n’était pas évident) et la modératrice a répliqué : « il y a d’un côté la science, de l’autre la vie » ! Légère contradiction quand on prétend lutter contre « l’obscurantisme » !
[3] Vous trouverez cela (et bien d’autres choses passionnantes encore) dans l’excellent ouvrage de mon éminent collègue, et néanmoins ami, Jean Baubérot, L’intégrisme républicain contre la laïcité, L’Aube, 2006, p. 171 (mais que cela ne vous dispense pas de lire tout le livre, petits coquins)
11:21 Publié dans Laïcité et diversité culturelle | Lien permanent | Commentaires (4)
07/05/2010
DISCRIMINATIONS
Deux infos importantes :
D’abord la présentation d’une étude sur les discriminations subies par les musulmans
Ensuite la présentation du Dictionnaire des racismes, de l’exclusion et des discriminations.
1) Mediapart :
Une première étude évalue la discrimination massive qui frappe les Français musulmans
Par Jade Lindgaard
Les Français musulmans sont-ils plus discriminés que les autres? La question est quasiment taboue. Il n'existe aujourd'hui qu'une poignée de données parcellaires sur la discrimination en France en raison de la religion. C'est une page qui est en train de se tourner grâce au travail d'un chercheur américain, David Laitin, professeur de sciences politiques à l'université de Stanford.
Dans le cadre du programme «Egalité des chances» de Sciences-po et de la French American Foundation, il publie avec deux chercheuses une étude sur le marché du travail français (à lire ici) qui se demande si «les Français musulmans sont discriminés dans leur propre pays».
L'enquête est expérimentale. C'est un testing, c'est-à-dire que les chercheurs ont envoyé à des employeurs potentiels les candidatures fictives de personnages inventés par eux-mêmes, leur permettant de comparer le sort réservé aux uns et aux autres.
Résultat: les CV à «caractère musulman» reçoivent 2,5 fois moins de réponses que les CV «manifestement chrétiens».
Pour les auteurs, c'est «une discrimination considérable à l'égard des musulmans» qui révèle une «vérité dérangeante»: «Dans la République française théoriquement laïque, les citoyens musulmans issus de l'immigration rencontrent, toutes choses égales par ailleurs, des obstacles à l'intégration par l'accès à l'emploi bien plus élevés que leurs homologues chrétiens.»
Mais qu'est-ce qu'un CV musulman? Hors de question d'écrire en toutes lettres la religion du personnage, cela aurait été parfaitement incongru. Les enquêteurs ont joué sur les prénoms de leurs candidates: «Marie», de tradition chrétienne, et « Khadija », nom de la première épouse de Mahomet. Et indiqué des signaux plus précis encore d'appartenance confessionnelle: Marie a travaillé au Secours catholique et fut bénévole aux Scouts et Guides de France tandis que Khadija est une ancienne employée du Secours islamique et fit du bénévolat pour les Scouts musulmans de France.
Pour le reste, les deux femmes sont identiques: célibataires, 24 ans, de nationalité française, habitantes de quartiers socio-économiquement équivalents (à Lyon), dotées d'un BTS de comptabilité et gestion, et de trois ans d'expérience professionnelle. Pour que la comparaison entre les candidats soit valable, il fallait qu'ils se correspondent en tous points sauf pour leur religion.
Elles sont noires, et selon le scénario élaboré par les chercheurs sans jamais que cela ne figure dans les CV, proviennent toutes deux de l'immigration sénégalaise. Pourquoi ce choix? Parce que vivent en France une dizaine de milliers de personnes originaires de deux communautés du Sénégal, les Joola et les Serer, qui comprennent une minorité chrétienne suffisamment nombreuse pour être comparée aux musulmans de même origine. Les deux groupes sont présents en France depuis environ le même nombre d'années. «Marie» et «Khadija» s'appellent donc toutes deux «Diouf», un patronyme typiquement sénégalais.
Un troisième personnage, «Aurélie Ménard», fut créé pour faire diversion. Les CV de Marie et Khadija ne furent pas transmis aux mêmes entreprises, mais toujours en couple avec celui d'Aurélie. C'est un cabinet associatif, ISM-CORUM, spécialisé dans l'étude des discriminations, qui a posé les candidatures. Le temps de réponse des employeurs a varié entre une journée et un mois. La période d'envoi s'est étalée sur quatre mois. Au total, un peu moins de 550 CV ont été envoyés.
- Comme l'Alsace-Lorraine sous la IIIe République
Que s'est-il donc passé une fois les documents envoyés? Alors que Marie Diouf a obtenu 21% de réponses positives (un rendez-vous pour un entretien d'embauche), Khadija Diouf n'a pu compter que sur 8% d'issues favorables. Pour 100 réponses positives, Khadija n'en reçoit que 38, soit près de 2,5 fois moins.
Spécialiste de discrimination positive et animateur d'un séminaire à Sciences-po sur les politiques antidiscriminatoire
Cette enquête est une première; elle n'est pas dénuée de faiblesses. La double insistance sur les activités à caractère confessionnel des candidates est peut-être outrée, et a pu braquer des employeurs qui n'auraient pas réagi de la même manière autrement. Ont-ils rejeté la musulmane ou la militante? Autre limite: ce sont des femmes noires qui ont fait l'objet du testing, et non des hommes arabes, pourtant soumis à des préjugés potentiellement plus dégradants.
L'étude ne risque-t-elle pas de sous-estimer et de biaiser la compréhension du rejet supposé à l'égard des musulmans? Non, conteste David Laitin: «Nos résultats sous-estiment l'ampleur de la discrimination, puisque peu de Français associent l'islam radical aux Sénégalais. Pourtant, nous constatons une discrimination significative. Nos résultats sont d'autant plus intéressants.»
Ce projet est né du constat de «plusieurs signes de malaise dans la société française vis-à-vis des musulmans, surtout depuis le 11 Septembre: la controverse autour de l'entrée de la Turquie en Europe, du port du voile, de la construction de mosquées...», explique Marie-Anne Valfort, maître de conférences en sciences économiques à Paris I, et co-auteure de l'enquête. Peut-on conclure à l'existence d'une discrimination des musulmans en France? «Ce n'est qu'une première étape, il fallait commencer par caractériser cette discrimination», explique la chercheuse, qui poursuit le travail avec ses collègues. Parallèlement au testing, une enquête a été menée, sous la forme de jeux comportementaux, pour comprendre comment se produisent les décisions conduisant à de la discrimination. Les premiers résultats en sont attendus d'ici la fin de l'été.
2) La librairie Le Divan et les éditions Larousse, à l'occasion de la parution du
Dictionnaire des racismes, de l'exclusion et des discriminations
vous invitent à une rencontre-débat, le mardi 11 mai à 19h30,
avec Esther Benbassa, directrice de l’ouvrage, historienne,
directrice d’études à l’Ecole pratique des hautes études,
et 3 des 40 contributeurs:
Jean-Christophe Attias, directeur d’études à l’EPHE,
Pascal Blanchard, co-directeur du Groupe de recherche Achac et chercheur associé au laboratoire Communication et Politique (CNRS),
et Georges Sidéris, maître de conférences à l’IUFM de Paris-Université Paris 4 Sorbonne.
La discussion se poursuivra autour d’un verre.
Librairie Le Divan , 203, rue de la Convention, 75015 Paris. Accès : M° Convention.
- Pour consulter l'ensemble des comptes rendus, entretiens et émissions de radio et de télévision auxquels cette publication a donné lieu depuis le 25 mars, cliquer ici
- Pour télécharger le communiqué de presse de l'éditeur, cliquer ici
Dans quelques jours : la suite de la Note sur la croyance.
Peut-on vivre sans croire ?
Quelles sont les divers types de croyances ?
Croyance et liberté ?
19:43 Publié dans Laïcité et diversité culturelle | Lien permanent | Commentaires (2)
10/03/2010
POUR UN REPUBLICANISME CRITIQUE
Bon, mon doigt m’handicape encore, mais je pense pouvoir reprendre normalement mes Notes, sur ce Blog, d’ici quelques jours.
Déjà celle là est plus consistante que les 2 dernières.
Car, en attendant cet avenir radieux (mes 10 doigts disponibles), je vous recommandee l’ouvrage d’une philosophe, Cécile Laborde : Français, encore un effort pour être républicain, qui va paraître, demain (c'est-à-dire le jeudi 11 mars) aux éditions du Seuil.
Certes, « demain est un autre jour », comme dit Olivia Ruiz, mais grâce au Blog, vous bénéficiez d’une présentation de l’optique de l’auteure, EN PREMIERE MONDIALE.
Vous êtes vraiment de vrais petits vernis.
En plus, c'est une optique enrichie par ma propre interprétation, à moi, personnellement.
Dites, vous êtes doublement, voire triplement, vernis :
- vous avez le beurre (l’indication du livre en avant première, aller ne lésinons pas, disons interplanétaire et n’en parlons plus) ;
- l’argent du beurre (l’interprétation gratos de bibi) ;
- et le sourire, sinon de la crémière, de Cécile Laborde (mais ça seulement si vous vous précipitez pour acheter le livre) !
Cet ouvrage prône un républicanisme critique.
La perspective de Cécile Laborde consiste à dépasser l’opposition du particulier et de l’universel, en montrant que les principes universels sont nés, et inscrits, dans des cultures spécifiques.
Il ne s’agit donc pas de défendre on ne sait quel étroit particularisme contre un grandiose universel mais :
- de savoir analyser les conditions d’élaboration et d’inscription de cet universel qui le particularise dans une culture ambiante (dans un stimulant Traité sur la tolérance, paru chez Gallimard en 1998, Michael Walzer en faisait déjà le constat)
- de rétablir l’égalité pour celles et ceux qui inscrivent ces principes universels dans d’autres contextes culturels, notamment les minorités religieuses.
Cécile Laborde récuse une approche idéologique de l’émancipation, où certains s’estiment déjà émancipés, libérés, et veulent imposer aux autres leur itinéraire émancipateur.
Cela revient à s’ériger en maître de morale, et donc adopter une démarche convictionnelle, légitime à ce niveau, mais qui transforme la laïcité en religion civile, quand elle prétend relever de la morale laïque, de principes républicains universels.
Elle met au centre de sa perspective la non domination, le fait de ne pas subir un pouvoir arbitraire et de ne pas être relégué dans une position sociale subalterne. Cela lui fait revisiter la notion de citoyenneté.
Bon, on peut avoir une discussion théorique avec Cécile Laborde, notamment sur la façon dont elle articule « domination » et « pouvoir ».
Mais, globalement, la perspective est extrêmement intéressante, et opère une sortie hors des impasses dans lesquelles les philosophes républicains se fourvoient
(Certes, c’est leur affaire, mais lo problémo est qu’ils veulent nous entraîner dans leur non-réflexivité, et ça, c’est « vachement craignos », comme Husserl l’indiquait déjà quand il avait été voir Platon dans sa caverne).
Vous savez quoi :
- vous allez toutes/tous vous précipiter demain (aujourd’hui ou hier, si vous lisez cette Note avec retard) dans les librairies, parce que la vente d’un livre, les 1ers jours de sa sortie induit la façon dont les libraires vont le mettre en avant ou pas.
- Vous n’allez pas vous déplacer pour n’acheter qu’un seul livre. Et donc, vous en profiterez, petits malins, pour acquérir également l’ouvrage de Myriam Revault d’Allonnes : Pourquoi nous n’aimons pas la démocratie ? paru en février.
Les 2 livres sont complémentaires, et vous allez apprécié (notamment) la réflexion de Myriam Revault d’Allonnes sur le pouvoir, et sur la spécificité du pouvoir démocratique.
C’était ma spéciale contribution : halte à LA journée de la femme. Vive la promotion, tout le long de l’année (et même au delà !), des femmes intelligentes.
Non mais.
12:40 Publié dans Laïcité et diversité culturelle | Lien permanent | Commentaires (2)
15/06/2009
UNE BELLE LECON DE REPUBLIQUE : LETTRE A MARTINE AUBRY
Chère Martine,
Veuillez excuser cette appellation un peu familière, alors que je ne vous connais pas personnellement. Mais un long compagnonnage critique me lie au PS et, d’autre part, j’ai un peu de peine à adopter le « Bonjour », maintenant hégémonique, au début des lettres
Vous m’avez inclus dans le « think tank » du PS, permettez donc que je ne me limite pas à participer à ce travail collectif, que je m’autorise à vous donner un petit conseil.
A vous, aux autres responsables du PS, à celles et ceux qui veulent dépoussiérer la culture politique française.
Si ce n’est pas déjà fait, profitez de l’été qui arrive, et des loisirs qu’il donnera, pour lire très attentivement, et ruminer longuement, le dernier livre de Mona Ozouf, Composition française.
(Gallimard)
Vous y trouverez, en effet, une très belle leçon républicaine, apte à sortir de ce que l’auteure ne crains pas d’appeler « l’intégrisme républicain »[1], sans pour autant larguer le bébé avec l’eau du bain.
Trois raisons me poussent à vous inciter à une telle lecture.
D’abord, je ne saurais être soupçonné de « prêcher pour ma paroisse » : à la fin du livre, quand Mona Ozouf indique ses positions récentes, elles sont inverses des miennes.
Elle est (relativement) contre la loi sur la parité, que j’estime bonne comme « mesure transitoire » ; elle est (relativement) pour la loi de mars 2004 comme « mesure provisoire », alors que je pense que les aspects négatifs de cette loi l’emportent[2].
Mais le problème de la culture politique française en général, et de celle du PS en particulier, est beaucoup plus fondamental que des prises de position sur des contenus (matière à débat démocratique).
Il est dans l’ignorance structurelle, dans le refus d’avoir une démarche de « savoir » au sens strict du terme quant à la République.
Il est dans un obscurantisme profond, inconscient parce qu’idéologiquement si confortable, et dans la répétition (depuis au moins 20 ans) de stéréotypes dogmatiques qui font que le PS devient un repoussoir.
Chère Martine, il existe un minimum syndical, condition préalable pour sortir le PS de son ornière :
que l’on n’entende jamais plus les discours roublards, ressortant les clichés caressant les vieux militants dans le sens du poil, dont nous abreuvait François Hollande, en conclusion de journées de réflexion sur la laïcité et/ou la République, auxquelles il s’était bien gardé d’assister.
Je vous en supplie, Martine, plus jamais ça. Plus jamais. Sans doute, spontanément, vous pouvez mieux faire. Mais, après avoir lu Mona Ozouf, vous saurez comment faire infiniment mieux, sans pour autant braquer les militants traditionnels.
Je n’ignore pas les contraintes du politique, qui sont différentes de celles de l’intellectuel.
Car, seconde raison, Mona Ozouf est une Grande Dame, par la finesse de son intelligence, la façon dont elle allie trois qualités : fermeté et rigueur, nuances et prises en compte de la complexité, et, surtout dans ce livre destiné à un large public, clarté limpide du propos.
Vous lirez l’ouvrage comme un roman. Vous en ressortirez en ayant appris l’essentiel sur l’historicité qui est le fondement actuel et actif de la République française.
Les Français qui se sont intéressés à l’histoire de la Révolution ont suivi le match Michel Vovelle – François Furet, gagné haut la main par ce dernier lors du moment décisif du bicentenaire, en 1989.
Mais Mona Ozouf est bien meilleure que l’un et l’autre : sa « compréhension » -au sens de l’histoire comme science humaine- de la Révolution et de la République va beaucoup plus profond, et sa prise de distance avec des historiographies idéologiques est bien plus grande. Ce livre en est une nouvelle preuve.
Car, troisième raison, son beaucoup trop modeste sous titre est trompeur : « Retour sur une enfance bretonne » indique-t-il. Je serais l’éditeur, j’ajouterais une bande rouge avec écrit : « Une magistrale leçon de République ».
Certes, l’auteure nous compte son enfance, avec un style littéraire simple et magnifique qui rend la lecture passionnante. La première originalité de ce récit est son caractère objectif et subjectif.
Mona Ozouf en livrera la clef dans le dernier paragraphe du livre.
Elle a pris de la distance à l’égard d’elle-même pour devenir historienne (démarche d’objectivation), elle a suivi la prescription académique : il faut sortir de sa propre histoire pour pouvoir écrire l’histoire.
Et, après des décennies de travaux distanciés, objectivés, elle a « transgressé » la prescription, elle a fait retour sur son histoire personnelle.
Et ce retour lui permet d’écrire une histoire singulière, personnelle avec tout l’acquis de la distance historienne, avoir une mémoire imprégnée d’histoire.
Or, il se trouve que son histoire personnelle est exemplaire, car elle se situe au cœur de l’impensé républicain : la richesse de la multiappartenance, la construction d’un individu autonome à partir d’appartenances plurielles, en proximité et distance avec elles.
Trois appartenances, ont été pour elle, trois écoles de la vie[3] :
En premier : l’école de la Bretagne : son père était militant autonomiste breton.
Disparu alors qu’elle était petite fille, il a cependant beaucoup compté, aussi bien par la fidélité de la mère de Mona à l’idéal de son mari, que par la bibliothèque familiale qui mettait à disposition les instruments culturels de l’itinéraire paternel.
Mona a lu Les Perses en breton et elle nous affirme : « Quand j’entends aujourd’hui les pamphlets anticommunautaristes moquer lourdement les cultures minoritaires (…), je ne peux me retenir de comparer les deux bibliothèques de mon enfance[4]. La plus universaliste n’était pas celle qu’on aurait cru. »
Car, de manière plus générale, l’école de la Bretagne, c’est aussi ce qu’elle appelle « la maison » (on pourrait dire : l’école de la maison) : tout ce qui lui a été transmis, non seulement indirectement mais fortement, par son père, mais aussi par les deux fortes personnalités féminines contrastées de sa grand-mère et de sa mère.
Sa grand-mère, belle figure paysanne, très représentatives des personnalités générées par ce qu’il possible d’appeler globalement la ‘société traditionnelle’. Ainsi « si les rôles (sexués) étaient pour elle clairement répartis, elle en inversait la hiérarchie coutumière.»…, croyait fermement à la supériorité morale des femmes et agissait en conséquence.
C’est d’ailleurs pourquoi elle était fort pieuse et, à sa manière, implicitement anticléricale : les curés n’étaient, après tout, que des hommes. Ils étaient pourvu d’une double faiblesse : celle de l’être humain redoublée par celle propre à l’être masculin.
Cet anticléricalisme religieux, l’historien le rencontre souvent, à plusieurs époques et dans plusieurs cultures. On a tendance à ne pas le percevoir aujourd’hui.
Par sa personnalité forte, cette grand mère a appris à Mona que « les livres ne sont pas la seule fenêtre de la vie ».
Mona Ozouf montre une France contrastée : beaucoup moins insensible à la diversité des terroirs qu’on ne l’a prétendu mais en même temps crispée sur une revendication culturelle majeure : la langue.
Ainsi, comprenant que ces rêves n’étaient pas prêts de se réaliser, le père de Mona les a minimalisé dans une revendication que la République aurait pu facilement satisfaire : enseigner le breton le jeudi (jour laissé vacant pour faciliter le catéchisme), en dehors des programmes officiels.
Sa demande n’a pas rencontré d’écho favorable. Ce refus est typique d’une république qui se sent perpétuellement menacée, et qui s’appauvrit elle-même par son obsession de la menace.
La conséquence de cela, c’est que la seule diversité qui a finalement été admise, est la diversité religieuse. Je vais y revenir.
Ensuite, « l’école de la France ».
Mona Ozouf reprend ici le titre d’un ouvrage important qu’elle a consacré à l’école républicaine.
L’école enseigne une certaine vision de la France : celle d’une « marche continue au progrès ». Elle était présentée comme une personne qui « traversait des épreuves, (…) crises de croissance, porteuses d’un développement ultérieur, et finalement résolues dans l’accès à plus d’équité et de bonheur. »
La France « n’en finissait pas de progresser vers la justice et l’humanité, en séquences bien ordonnées, comme les écolières elles-mêmes étaient censées le faire au long de l’année scolaire. »
Une croyance donc à la conjonction des progrès (du progrès scientifique et technique, au progrès social et moral, qui projetait dans l’avenir, donnait de l’espoir.
On est aux antipodes de la France « valorisant ses racines » à la Sarkozy.
Jusqu’à la guerre 14-18, cette croyance en la conjonction des progrès, ce continuum entre progrès personnel et progrès social national était tout à fait raisonnable, pouvait s’appuyer sur de nombreux indices empiriques.
Là, juste avant la guerre 39-45 (Mona entre en 6ème en 1941), cela commence à devenir répétitif, moins crédible : les horreurs de la première guerre mondiale ont montré aux adultes l’ambivalence du progrès.
Mais l’école exonère la France de toute responsabilité morale dans cette guerre.
Cependant, la période où la conjonction des progrès existait empiriquement reste proche. Mona Ozouf nous montre, à travers les récits qu’elle a reçus de sa famille, et même ses expériences de fillette, comment l’arrivée de la modernité dans les campagnes a transformé la vie des gens.
Savoir lire et écrire signifie accéder à une vie privée, à une existence personnelle hors du regard surveillant d’autrui.
Ainsi la correspondance avec les fils partis au Front pendant la 1ère guerre mondiale peut être privée si l’on a ce savoir, mais reste soumise au regard surveillant d’autrui si on ne l’a pas.
La religion est devenue progressivement « affaire privée », choix personnel (pour Mona la mutation, restée partielle, s’est faite entre la génération de sa grand-mère et celle de sa mère), au moment même où, la possibilité d’une sphère privée se démocratisait et signifiait espace de liberté.
Parler (comme certains) de « réduction de la religion à la sphère privée » est donc une terminologie elle-même très…réductrice.
L’école enseignait l’universel. La citation de M. Ozouf sur la bibliothèque de son père (et bien d’autres passages) montre les limites et les impensés d’une telle prétention.
« L’école, au nom de l’universel, ignorait et en un sens humiliait la particularité. Et la maison, au nom des richesses du particulier, contestait l’universel de l’école qu’elle soupçonnait d’être menteur », d’être « une particularité aussi, la française, qu’elle enveloppait ou dissimulait, dans le manteau de l’universel.»
L’école enseignait la France, elle exaltait des héros qui, comme Du Guesclin était la figure même du « traître » pour « l’école de la Bretagne ».
Mais M. Ozouf indique aussi tout ce qu’elle a reçu de cet enseignement : pour cette très bonne élève, l’école a été le lieu d’une « bienheureuse abstraction ».
Y règne un « credo central, celui de l’égalité des êtres », concrétisé par un système de classement méritocratique qui semble « le véritable instrument de l’égalité ».
Les dires de Mona Ozouf illustrent très bien les analyses de François Dubet[5] sur ce qu’était « l’école républicaine » est ses paradoxes, avant sa transformation en « école démocratique de masse ».
Et, après l’école primaire, le collège. Les grands textes littéraires : « grâce à eux, nous savions ce qu’étaient la passion, la jalousie, la ruse, la cruauté, la séparation ; nous pouvions vivre à l’avance ce qui ‘n’était pas de notre âge’, et sans nous faire mal. »
Dernière remarque : l’école (laïque) n’est bien sûr pas mixte : elle ne le sera qu’à partir des années 1960.
Et maintenant, on veut nous faire croire d’une consubstantialité entre laïcité et mixité.
Enfin, l’école de l’église. La commune où vit la jeune Mona « a deux côtés, inscrits dans la topographie. (…) Ce « côté » vous dit quel médecin choisir, quel boulanger et ce n’est pas pour la qualité de son beurre qu’on élit son épicier. »
Autrement dit, il s’agit d’une commune coupée en deux communautés, symbolisée par les deux écoles : la catholique et la laïque, mais aussi par deux espaces sociaux différents.
On ne choisit pas son médecin en fonction de sa compétence supposée, mais de son appartenance à sa propre communauté.
Et dans des départements comme le Gard, la Drome ou l’Ardèche, la communauté protestante présentait des caractéristiques sociales semblables de quant à soi, même si elle fréquentait l’école laïque. On trouvait là, trois communautés : deux laïques (la protestante et la libre penseuse) et une catholique.
Les fréquentations, la vie sociale, est marquée par cette communautarisation de l’espace social, même s’il ne s’agit pas de la seule division de cet espace.
A la division de deux cultures religieuses, s’ajoute celle qui provient de classes sociales. Mona Ozouf en parle aussi.
Et 1905 n’a rien changé à cela[6] : ce n’est pas la laïcité qui a uniformisé socio-culturellement l’espace social de la France, à un niveau local, c’est la sécularisation des Trente Glorieuses.
Prétendre que la laïcité a fait refluer la religion dans la « sphère privée » est une escroquerie intellectuelle.
C’est confondre choix privé et sphère privée.
Par ailleurs, contrairement à ce que je lis tout le temps, l’école n’est pas en France « gratuite, laïque et obligatoire » : c’est l’instruction qui est obligatoire et l’école publique qui est laïque (et gratuite).
La laïcité scolaire comporte la liberté de l’enseignement.
En revanche, ce qui est exact et complique l’affaire, c’est que (du coup) coexistent deux niveaux de laïcité :
- la laïcité comme règle générale, comme fonctionnement social : le tout.
- la laïcité comme référence identitaire d’une partie de la population : la partie (là, la « Bretagne bleue » minoritaire) ; en général d’une identité de gauche.
Mais ce n’est pas le seul clivage : dans la commune de Mona, les enfant de fonctionnaires vont à l’école laïque, les petits notables et les commerçants qui veulent élargir leur clientèle mettent parfois leurs garçons à l’école laïque et leurs filles à l’école des Sœurs.
Chez Mona, on est Breton face à l’école de la France et Bleu face à la Bretagne traditionnellement d’identité catholique.
Mais Mona fréquente le catéchisme, comme d’autres enfants de l’école laïque, et elle raconte les petites vexations qui lui sont infligées à cause de cette appartenance à « la laïque ».
Plus fondamentalement, les « certitudes religieuses » de « la maison » et celles de l’Eglise ne sont pas les mêmes.
Par exemple :
- selon la maison, au Paradis, on retrouve tous les êtres qui vous sont chers et ont eu une « bonne vie » (donc Mona y retrouvera son père). C’est même grâce à ces retrouvailles qu’il s’agit bien du Paradis !
- selon l’Eglise, hors d’elle, pas de salut, pas de Paradis (donc Mona n’y retrouvera pas son père, mort en refusant les « derniers sacrements).
La Grand-mère va « à confesse comme on va chez le dentiste » : cela fait partie de « l’hygiène » et sa « fidélité (est) plus paroissiale que cléricale »
On tend souvent à confondre croyances religieuses et croyances cléricales. En fait, l’autonomie religieuse personnelle est moins nouvelle que ne le croient les sociologues, même si l’individualisation de la religion s’est accentuée ces dernières décennies.
La profondeur du livre de Mona Ozouf, c’est qu’elle analyse ce que transmettent la maison, l’école et l’église comme des « croyances » :
« la foi chrétiennes de nos ancêtres, la foi bretonne de la maison, la foi de l’école en la raison républicaine.»
Ce sont ces trois croyances qui ont formé ce qu’elle appelle sa « tradition ».
La tradition, « un déjà là nécessaire » qui germe en nous à notre insu au point de devenir « presque nôtre ».
Car s’il laisse « un peu de jeu à notre liberté » c’est parce qu’il « dépend de nous, jusqu’à un certain point de lui accorder ou de lui refuser (…) notre assentiment. »
La liberté de l’individu se construit à travers du déjà-là, des traditions. Par une dialectique de la proximité et de la distance envers ces traditions. Non pas par l’arrachement du particulier, pour accéder à un universel abstrait.
En fait, ce qui est passionnant chez Mona Ozouf, c’est que l’universel abstrait de l’école est très précieux, mais à condition qu’il soit une particularité parmi d’autres.
Là est le très riche paradoxe de son récit.
Elle s’est construite comme sujet autonome à travers le « persistant inconfort » de « croyances désaccordées » : celles de la maison, de l’école et de l’église.
Croyances chacune totalisante mais que la pluralité a empêché d’être totalitaire.
Les « codes multiples » ont été formateurs. C’est l’enfermement dans un seul code qui aurait été étouffant.
Aujourd’hui, en France, c’est l’uniformisation médiatique des codes qui représente le grand danger, la véritable menace pour la liberté de l’individu.
Mona Ozouf nous fait ensuite insensiblement passer, via l’école secondaire et l’Ecole Normale supérieure, de son histoire personnelle, déjà exemplaire de bien des aspects de l’histoire de la république française, à une limpide synthèse de ses découvertes de chercheuse sur l’histoire de la Révolution (comme fondation républicaine) et de la République.
(à suivre)
[1] Tiens, tiens, cela me rappelle quelque chose : c’est d’autant plus probant que M O ne semble pas avoir eu connaissance de mon ouvrage : L’intégrisme républicain contre la laïcité (L’Aube, 2006).
[2] Mais précisément, le crétinisme intellectuel guette tout un chacun, dés que l’on se met à n’apprécier que les personnes qui partagent votre position. Il est bien plus passionnant de lire des ouvrages avec lesquels on peut avoir certains désaccords, et de comprendre où, quand et pourquoi ces désaccords se produisent.
[3] Le livre part des souvenirs (articulés avec un savoir historien) de M. Ozouf pour, peu à peu, passer à une brillante synthèse vulgarisée de ses recherches. Tout en suivant la dominante du plan, mes indications sur la 1ère partie tiennent aussi compte de la seconde.
[4] Celle de ce qu’elle appelle « la maison » et celle de l’école laïque.
[5] Je ne sais si elle l’a lu, elle ne s’y réfère pas en tout cas.
[6] Au niveau de la France, et de la Bretagne en général (voir l’ouvrage d’Yves Lambert : Dieu change en Bretagne, où 1905 ne présente pas de rupture) ; Pour la commune de Mona, en 1906, il y a « la laïcisation de l’école communale toujours tenue (jusque là) par les congréganistes du Saint-Esprit ».
Et oui, on l’oublie : il y a eu des instituteurs/institutrices congréganistes dans les écoles laïques, et ils sont partis progressivement, même si le principe de leur départ a été acté en 1886 (4 ans après la laïcisation de l’école publique)
19:55 Publié dans Laïcité et diversité culturelle | Lien permanent | Commentaires (1)
06/04/2009
MULTI/INTERCULTURALISME, REPUBLICANISME ET LAÏCITE
Voici une longue Note (qui contrebalance le fait que le Blog n’ait pas été très régulier ces dernières semaines). Elle reproduit l’intervention que j’ai fait le 5 mars dernier au CENTRE CULTUREL CANADIEN pour présenter mon ouvrage :
Une laïcité interculturelle, le Québec avenir de la France ? (L’Aube)
(la Note annonçée: "Vive la République" paraîtra bientôt, ainsi qu'une autre Note sur un livre dérangeant et très intéressant de l'historien américain Todd Shepard 1962. Comment l'indépendance algérienne a transformé la France.
Après avoir indiqué pourquoi je pense qu’il existe une laïcité canadienne différente de la laïcité française et cependant consistante, je chercherai quelques pistes qui peuvent montrer que le multi ou l’interculturalisme canado-québécois d’une part et le républicanisme français de l’autre part peuvent donner lieu à une confrontation positive, apte à relever le double défi actuel :
- celui de tenir compte du caractère pluriculturel de nos sociétés,
- celui d’éviter ce qu’on pourrait appeler la fragmentation socio-symbolique (à distinguer de la fragmentation socio-économique) pouvant menacer la communauté politique.
I/ Sur l’existence d’une laïcité canadienne :
Briand, en 1905, dans son rapport sur la proposition de loi concernant la séparation, estime que la France encore concordataire est en régime de « semi-laïcité ». Au contraire, affirme-t-il, le Canada est un pays laïque et vit en régime de séparation.
Le Canada figure donc parmi les modèles mis en avant dans le rapport Briand (mais ce chapitre sur les laïcités hors de France a été supprimé quand l’Assemblée Nationale a publié, en 2005, le fac simile du rapport).
Un peu plus de cent ans après, Briand a-t-il toujours raison ?
Globalement oui, le Canada est dans la logique des deux premiers articles de la loi française de 1905.
Article 1 : liberté de conscience et liberté d’exercice des cultes
Liberté de conscience : le Canada n’a pas le problème des USA où cette liberté se trouve assurée juridiquement, mais est socialement et politiquement plus problématique.
Être athée n’est nullement un handicap au Canada (contrairement aux USA) pour pouvoir faire une carrière politique.
Liberté de culte : le Canada n’a pas le problème français de dissensus sur des mouvements qualifiés de « sectes ». Par exemple, en France, on trouve, d’un côté ; la position du Conseil d’État et du Bureau des cultes, de l’autre un groupe de pression parlementaire à propos des témoins de Jéhovah.
Le refus de transfusion sanguine pour les enfants : n’est pas accepté au Canada mais sans stigmatisation des Témoins. (les Témoins de Jéhovah existent en France depuis longtemps et leur stigmatisation date d’il y a 20, 25 ans).
Article 2 : non officialité d’aucune religion
Aucun pays n’a, à cet égard une laïcité absolue et il peut y avoir un débat démocratique, avec des avis divergents, sur le degré de laïcité qui présente le meilleur équilibre
Le Canada possède, à ce niveau, une laïcité à la fois plus et moins consistante que la France
Laïcité plus accentuée au Canada qu’en France:
1/ Pas l’ambiguïté de la loi de 1905 en matière de bâtiments affectés à l’exercice du culte et qui sont propriété publique. Cette disposition libérale, qui garantissait la liberté de culte, permet maintenant le maintien comme églises d’édifices dans des endroits où il n’y a pratiquement plus de « fidèles ».
Du coup, au Canada (et notamment au Québec) la désaffectation est plus grande. Quand il n’y a plus de « fidèle », une église peut avoir un autre usage ou être rachetée par une autre communauté religieuse qui, elle, a des « fidèles »
.
2) Pas de cas correspondant à celui de l’Alsace-Moselle. Il n’y a pas de Concordat, ni de système de cultes reconnus, sur aucun point du territoire du Canada, contrairement aux 3 départements français de l’est où prêtres, pasteurs et rabbins sont pays par l’Etat.
3) Le Canada va parfois plus loin que la France dans la dissociation entre la légalité et des normes religieuses (on y reviendra). Ainsi il a instauré la possibilité du mariage entre personnes de même sexe
4) Il n’existe pas une Église historique, majoritaire ayant la prétention de dire la morale … au niveau du Canada du moins (différent pour le Québec).
En France, on a instauré un dialogue institutionnel avec le catholicisme, depuis Jospin en 2002.Cela n’a pas d’équivalent au Canada.
(Ainsi, en France, un double cléricalisme des médecins et de l’Église catholique bloque une loi sur l’euthanasie).
Laïcité moins accentuée au Canada qu’en France :
1) Au Canada il y a une sorte de coup de chapeau à Dieu qui a été mis au début de la Constitution lors du « rapatriement » de cette constitution, du Royaume Uni au Canada, en 1982. Historiens et sociologues canadiens affirment que cela n’a
pas de conséquence juridique. Mais, outre que l’aspect symbolique me semble indéniable, on peut alors s’interroger sur la raison de cette mention ? :
- obligation pour pouvoir de rapatrier la constitution ?
- relation civile minimale face au voisin US ?
2) Québec, la religion historique est catholique et comme la sécularisation a été vive et accélérée lors de la Révolution tranquille, on rencontre à la fois un anticléricalisme qui est le prétexte à des impensés (les curés auraient obligé les femmes à faire dix enfants jusqu’au milieu du XXe siècle, alors qu’à cette époque la moyenne était de 3 enfants par femme. L’impensé est que la natalité actuelle : 1,6, pose une gros problème démographique) et un transfert de sacralisation par invocation du patrimoine (le crucifix a été maintenu à l’Assemblée Nationale à l’unanimité au moment même où le Rapport Bouchard-Taylor demandait sa suppression)
Là, on peut dire avec humour que le Québec ressemble à la France : quand les députés sont unanimes : on peut dire qu’il est presque sûr qu’ils sont en train de commettre une grosse bêtise !
3) Les écoles ont eu longtemps une dimension confessionnelle. Ainsi au Québec la déconfessionnalisation ne s’est effectuée qu’en 2000. Mais là, retournement de situation : la tortue a dépassé le lièvre. En 2008, il y a eu mise en pratique au Québec d’un cours culturel sur les religions (dont on parle, en France, … depuis 20 ans !)
Donc première conclusion : il existe bien une laïcité à la canadienne, différente de la laïcité française, parfois plus accentuée, parfois moins ; cela même si (mis à part le Québec depuis quelques années) elle reste implicite (mais ni la loi Ferry de 1882, laïcisant l’école publique, ni la loi de séparation de 1905 ne comportent le terme de « laïcité »).
Cela signifie simplement qu’au Canada il n’existe pas de laïcité qui soit un marqueur de l’identité nationale (sauf plus ou moins, maintenant, au Québec). Mais une telle laïcité identitaire est ambivalente, car elle peut prendre des caractéristiques de « religion civile » (invocation incantatoire des « valeurs de la République », face aux nouveaux Français issus de l’immigration).
Il nous faut donc retrouver Briand et son chapitre supprimé ! –
II Les défis d’aujourd’hui pour la laïcité française
En 2005, pour le centenaire de la loi de 1905, il y a eu, en France, un sondage commandité par le Comité d’Action laïque qui posait la question suivante : « selon vous la laïcité c’est d’abord…. ».
Le résultat est un match nul entre liberté de conscience et séparation : ces 2 items ont recueilli 28% chacun mais, ils sont arrivés 2ème ex-æquo – Médaille d’or : l’égalité entre religions : 32%.[1]
Surprise des sondeurs qui ne s’attendaient guère à ce résultat, mais il me semble constituer une perception assez lucide du problème essentiel de la laïcité aujourd’hui.
Quand Micheline Milot parle de la conception de la laïcité à la française, du républicanisme, elle insiste sur une conception très stricte de neutralité. Elle a raison si on observe le discours dominant actuel (qui ne correspond pas aux résultats du sondage ci-dessus !) en France sur la laïcité
Mais cette conception on ne la trouve pas dans la loi de 1905. Cependant, cette loi, même si elle a été célébrée lors de son centenaire, n’est pas le seul élément (ou pilier) de la laïcité en France. Il en existe deux autres (à distinguer entre eux) :
- un issu de la Révolution française : la conception du citoyen abstrait
- un issus des débuts de la IIIème République (avant la séparation) école publique laïque : émancipation – liberté de penser (le verbe : l’acte de penser).
Cette liberté de penser entre en tension avec la liberté de conscience dans l’annuler : cf la volonté de Jules Ferry de maintenir l’enseignement privé pour ne pas aboutir à une philosophie d’État
Il ne faut pas mélanger la représentation du citoyen abstrait et celle de la liberté de penser, comme souvent cela est effectué, notamment quand on peste contre le « communautarisme » dans le flou théorique le plus total sur ce que l’on entend par là. Cette confusion induit un brouillard théorique et des points aveugles.
Le citoyen abstrait est à la fois un idéal universaliste et dés le départ un double jeu où « qui veut faire l’ange fait la bête », comme l’affirme Blaise Pascal
- le citoyen abstrait est par définition asexué. En fait, c’est un homme cf Olympe de Gouges qui, lors de la Révolution, rédige une Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne qui montre que les droits de l’homme sont au profit d’un homme-masculin et non de l’homme-être humain, et n’est pas du tout entendue (elle sera guillotinée)
- le prétendu suffrage universel où pendant un siècle seuls les homme ont voté (1848 ; les femmes ont voté seulement en 1945 dans la métropole et en 1958 dans les départements (alors) français d’Algérie), alors que dans les autres démocraties, le différentiel entre le vote des hommes et celui des femmes est d’environ 30 ans. les « républicains » devraient rougir de honte !
- le refus du Conseil Constitutionnel d’une première loi au début des années 1980 qui aurait limité l’hégémonie masculine dans les conseils municipaux (pas plus des ¾ de même sexe), au nom du citoyen abstrait. Moyennant quoi, le vivier féminin qui aurait pu commencer alors à exercer des responsabilités politiques, n’a pas pu avoir lieu. Finalement, à la fin du siècle, il a fallu changer la Constitution en proclamant que celle-ci favorisait l’égal accès des homes et des femmes aux responsabilités politiques: Par un tel changement, on a rendu le citoyen sexué.
Les néo-républicains (comme E. Badinter) se sont écriés : le communautarisme va tout engloutir ! En fait, on est passé de 10% de femmes à l’Assemblée Nationale, à 18% ! Petit progrès, mais on reste loin du compte !
Si au Canada il existe un régime silencieux de laïcité, en France on effectue, pour promouvoir plus d’égalité entre hommes et femmes, une prise de distance silencieuse avec le citoyen abstrait.
- le citoyen abstrait est, par définition, dépourvu de caractéristique religieuse : en fait, dés le départ, il traite de façon différente certaines religions, et joue un double jeu à leur égard : lors de la Révolution on a demandé un serment collectif aux juifs et un serment individuel à tous les autres citoyens. On fit faire ces serments collectifs aux juifs alors même qu’on leur demandait de se dépouiller de caractéristiques communautaires pour être « émancipés ». Et, ensuite, jusqu’en 1958, on a qualifié de « musulmans » (puis « Français musulmans ») des nationaux français et cette qualification religieuse, a eu longtemps comme conséquence un refus de la citoyenneté, puis une citoyenneté de seconde zone (les « israélites » sont, eux, devenus citoyens français en 1870)
Aujourd’hui il existe une gestion de « l’islam » différente de celle des autres religion. L’Etat tentant d’organiser l’islam et se montrant interventionniste à son égard.
- le citoyen abstrait est, par définition, incolore de peau. En fait, il est de couleur blanc-rose. Historiquement, la spécification de « musulman » dans les départements français d’Algérie comportait aussi une dimension racialisante : la Cour d’appel d’Alger invente ainsi, en 1903, la catégorie de « musulman-chrétien ». En 1990, Régis Debray, opposant la République du citoyen abstrait et les démocraties, se vantait qu’il n’y ait pas, en France, de sénateur jaune ou noir. Il croyait dire que le représentant politique était incolore. A son insu, il décrivait la situation discriminatoire d’une France de plus en plus multicolore où le personnel politique restait blanc-rose ! La montée sociale très rapide, depuis quelques années, du terme de « diversité » (euphémisme). « Les candidats de la diversité ». montre une certaine prise de conscience du problème.
Création de la HALDE (Haute Autorité de Lutte contre les discriminations et pour l’Egalité) en 2005. Cela n’empêche pas des blocages et la partie continue de se jouer. C’est dans ce cadre que le multi/interculturalisme constitue un enjeu social et politique.
Ma thèse consiste à: renoncer à une représentation du citoyen abstrait à priori, puisqu’elle masque en fait un double jeu discriminatoire à tous les niveaux. Le citoyen abstrait est un horizon.
Ainsi, on peut espérer que la loi sur la parité deviendra un jour inutile et que l’égalité des sexes, au niveau du politique, fonctionnera sans avoir besoin de loi qui la favorise. Mais renoncer à cet à priori du citoyen abstrait, ce n’est pas renoncer à un idéal de liberté de penser qui est différent, même si, à ce niveau, Micheline Milot pose de bonnes questions.
Différent : les luttes autour de l’école se sont référées à la liberté de penser. Elles se sont terminées en 1984 par la déroute du camp laïque et la pérennisation de la loi Debré (de 1959).
Mais cette déroute n’incluait pas forcément une défaite de la liberté de penser. Elle résultait plutôt de l’incapacité du camp laïque à adopter une pensée critique à l’égard de lui-même (c’est à dire… à être à l’égard de lui même dans la liberté de penser)
Car si l’opinion publique, majoritairement, n’a pas suivi c’est que le camp laïque s’est montré incapable d’intégrer 3 éléments majeurs à sa réflexion/
1) Le catholicisme français avait changé et le Vatican était le couronnement, à un niveau institutionnel et international, d’un processus où une grande partie des catholiques français avaient intégré des éléments de laïcité
2) La loi Debré était beaucoup plus ambivalente que les laïques le prétendaient : certes, le: contrat passé avec l’Etat permettait le « caractère propre », mais il comportait aussi des exigences de laïcité (identité des programmes, respect de la liberté de conscience)
3) Un monopole étatique sur l’école n’est pas considéré comme souhaitable : Jules Ferry l’avait déjà indiqué, et depuis la défiance à l’égard du monopole s’était renforcée par la critique des institutions trop sûres d’elles même, faite notamment en Mai 68, et les problèmes de l’école démocratique de masse (réforme Haby en 1975)
Là aussi, on nous avait menacé des pires catastrophes : la loi Debré avait été attaquée comme loi « pire que celles de Vichy » (J. Cornec). Et la gauche est, ensuite, allée plus loin que la loi Debré dans la transaction avec l’enseignement catholique (accords Lang-Cloupet en 1992).
Moralité : l’inflation idéologique est, à terme, porteuse d’un renoncement. L’absence de débat sur la loi Debré quant il est question de laïcité aujourd’hui en France, montre une approche aussi unilatérale que l’ancienne (en inversant d’une critique que négative à une acceptation que positive), qui nie tout autant l’ambivalence de cette loi.
Donc, nous pouvons donner une double conclusion :
- C’est une erreur philosophique de penser l’universalisme comme étant déjà là.
- Il faut promouvoir la liberté de penser dans les conditions du 21ème siècle.
Sur ces deux points le Canada (et sa variante québécoise) peut nous apprendre quelque chose (et peut-être inversement).
Il n’a pas eu à se servir du citoyen abstrait comme arme à double tranchant mais il se situe bien dans la logique d’un horizon universaliste de la lutte contre les discriminations pour les droits égaux quelques soient les caractéristiques concrètes. Le multiculturalisme reste libéral : il n’aboutit pas à une juxtaposition de régimes juridiques différents.
III L’apport canadien possible à un renouveau de la laïcité en France
Hypothèse : le Canada a tiré les conséquences de trois faits nouveaux, on n’est plus dans un schéma binaire public/privé mais dans un schéma ternaire ; il s’est produit une déconnection entre territoires et cultures ; on n’est plus dans la croyance en une connexion des progrès :
I/ Schéma ternaire :
- sphère du pouvoir politico-juridique avec ses deux aspects :
- processus politique de décision
- application, y compris coercitive si besoin, des lois
- sphère privée des choix personnels : droits de l’individu dont la garantie est un devoir de cette sphère du pouvoir politico-juridique (historiquement, il s’agit d’une conquête par rapport à ce pouvoir)
- espace (public) de la société civile pluraliste : lieu à la fois géographique et social de diversité, de confrontation, rencontre, etc…Il fonctionne selon une logique associative (c'est-à-dire volontaire et libre) et non pas institutionnelle (c'est-à-dire à l’obligation et/ou à la forte pression sociale). Cet espace est :
· lieu d’expression publique des choix privés (lois libérales dés la III République instaurant les liberté de la presse, de réunion, d’association… et la loi de 1905 qui s’est située dans ce mouvement)
· lieu de débats infrapolitiques
· lieu de conduites plurielles
II/ Déconnection entre territoires et cultures
Lors des processus de laïcisation du XIX et du début du XXe siècle, à un territoire donné correspondait en gros une culture dominante avec des sous cultures englobées (en France la « grande patrie » et les « petites patries ») et surtout des transferts culturels.
Par exemple, l’allemand Kant a plus d’influence sur la morale laïque française de la IIIème République que les Lumières françaises.
Maintenant on est passé, schématiquement, des contacts et transferts entre cultures à une situation pluriculturelle.
Il s’est donc produit une déconnection (relative mais réelle) entre territoire et culture et l’augmentation de personnes qui se situent dans des « cultures diasporiques ».
Et si la religion ne surplombe la société (acquis de la laïcisation), elle est devenue une des ressources culturelles dont dispose l’individu. Cela oblige à revisiter le rapport entre « culte » et « culture »
III/ Fin de la croyance unificatrice en la connexion des progrès
Le progrès scientifique engendrait un progrès technique qui engendrait un progrès du bien-être. Il y avait, dans la représentation dominante, une connexion des progrès. Maintenant, on assiste à une croissance de l’incertitude.
Première sécularisation : signification religion dépendante des choix des individus.
Maintenant que la sécularisation est établie : la religion permet à l’individu de disposer de significations. Religion, comme d’autres convictions, nous venons de le voir, est devenue d’un point de vue sociologique : ressource culturelle.
Dans ce contexte, la laïcité consiste dans le fait que les familles symboliques (religions organisées et autres familles de pensée) forment une partie de l’espace public de la société civile pluraliste.
Cela signifie que doivent être sauvegardées
- d’une part l’autonomie de la sphère politique (religion : autorité et non pouvoir)
- d’autre part l’autonomie de la sphère privée (religion : réalité collective livrée à la liberté du choix individuel au niveau des croyances).
L’accommodement raisonnable canadien, comme outil pour éviter les discriminations indirectes est alors doublement un instrument de laïcité, cela comme principe de fonctionnement social, au-delà de sa technicité juridique : la commission Bouchard et Taylor a parlé, à ce niveau, de pratiques d’ajustements.
- Il est d’abord (et cela ne me semble pas dit) un facteur possible de laïcisation…de la sphère politique : plus facile de dissocier la loi par rapport aux normes religieuses quand on a le correctif d’un accommodement possible.
C’est si vrai que la dernière grande loi française en matière de laïcité, c'est-à-dire la loi Weil de 1975 sur l’interruption volontaire de grossesse (1975) prévoit l’objection de conscience du personnel soignant (elle est donc dans cette logique d’ajustement).
La France n’a pas adopté de loi autorisant le mariage de personnes de même sexe : alors qu’une pratique d’accommodement raisonnable, d’objection de conscience possible pour les maires qui en conscience ne pourraient célébrer de tels mariages, faciliterait une telle adoption.
- Il est aussi un facteur de laïcisation de la sphère privée. Il permet d’être hérétique à l’égard de son appartenance religieuse puisqu’il s’agit d’un droit individuel.
Il permet à l’individu d’être pluriidentitaire, d’avoir de multiples facettes. Chaque individu se situe dans majorité sur beaucoup de plans, il peut être minoritaire sur tel ou tel point. Cela est logique avec l’idéal du « semblables et différents » (par exemple : un blanc-rose homosexuel ; un hétérosexuel noir sont, à la fois, majoritaires et minoritaires).
Dans l’espace diversifié de la société civile, il est logique que se produisent des frottements culturels. Comment éviter que cela ne se traduise en conflit ? AU Canada :
· Les représentants de la sphère politique : police, administration, juristes, etc reçoivent :
a. une formation interculturelle
b. une formation à prévention des discriminations
cf la ville d’Ottawa qui possède, en plus, un comité police-citoyens capable d’effectuer certaines médiations.
· Acceptation de l’hétérogénéité des conduites avec présomption d’innocence : savoir que l’on ne connaît pas la signification que donne l’autre à son comportement, sa conduite, sa tenue. Il ne faut pas calquer sur l’autre ce que j’appellerai la pire interprétation (une fille qui porte un foulard est contre l’égalité homme-femme ; une fille qui a une tenue sexy a des « mauvaises mœurs »)
Intéressant de comparer, sur ce sujet, Toronto et Paris,
- Toronto : il peut y avoir filles à foulard en salle de classe et femmes aux seins nus dans les jardins publics d’été
- A Paris : loi du 15 Mars interdit le port du foulard à l’école publique et il y a, également, l’interdiction des seins nus l’été à Paris –plage.
Il y a une logique dans cette réunion de deux faits sociaux. L’acceptation de l’hétérogénéité culturelle est plus forte à Toronto qu’à Paris
· La plupart des interactions pluriculturelles s’effectuent de façon pacifique.
Quelques unes donnent lieu à des incidents. En général, ils sont nettement moins graves que les conséquences de la circulation automobile. Ne pas transformer les incidents en « affaire » dont les médias parlent en boucle. Dans ce contexte de frottements culturels, il y a la nécessité d’une retenue médiatique.
Dans mon ouvrage, je montre la différence d’attitude entre la commission Bouchard – Taylor et commission Stasi par rapport aux médias.
En conclusion, je dirai qu’il faut articuler trois niveaux différents:
- Celui du Multiculturalisme : non comme juxtaposition des cultures mais comme possibilité pour ces cultures de continuer à être vivantes (c'est-à-dire à la fois transmises et réinterprétées) en situation diasporique.
- Celui de l’Interculturalisme :
· Contacts, échanges : réduction de la « menace » de l’altérité : comprendre les divers systèmes de représentations en présence sur la scène sociale
· Transversalité : développements d’apports réciproques de synergie
Cela signifie-t-il un abandon du « républicanisme » ? Non : un niveau républicain doit être également présent.
- pour éviter que les rapports de force de l’espace public de la société civile porte atteinte à l’autonomie des sphères politique et privée (cf affaire dite des « tribunaux islamiques » de l’Ontario).
- pour éviter les tentatives de groupes d’englober l’identité des individus, d’instrumentaliser les « pratiques d’ajustement » qui ont pour objet des individus et non des groupes.
- pour tirer le culturel de l’ethnicité vers l’universalité.
Le républicanisme joue, là, la fonction d’
- Universalisme en devenir et chaque culture est considérée comme une part d’universel.
Laïcité interculturelle comme laïcité roseau, plus résistante aux tempêtes sociale que la laïcité chêne de la fable de Jean de La Fontaine.
Apte à assumer le frottement entre cultures tout en évitant le conflit de civilisations.
[1] Notons qu’une conception plus restrictive de la laïcité, l’identifiant à un refus de la religion dans l’espace public n’a recueilli que 8%.
15:47 Publié dans Laïcité et diversité culturelle | Lien permanent | Commentaires (0)
20/02/2009
UNE LAÏCITE ARBITRE.
D’abord une annonce :
Entre laïcité, interculturalisme et multiculturalisme
à la recherche d'un "accommodement raisonnable"
entre les approches française et canadienne
L’Ambassade du Canada en France
Vous invite à assister, le jeudi 5 mars prochain de 10h00 à 12 h 30,
au Centre culturel canadien, 5 rue de Constantine, Paris (7e), à un échange croisé Canada-France :
Le regard d’un expert français sur Canada et celui d’un expert québécois sur la France.
L'historien -sociologue Jean Baubérot, membre de la Commission Stasi, auteur d'un récent auteur d’un tout récent ouvrage intitulé « La laïcité interculturelle, le Québec, avenir de la France, France? », publié au aux Editions de l’Aube, nous proposera sa lecture de la réalité québécoise.
Sa collègue, et canadienne, la sociologue québécoise Micheline Milot, membre de la Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles du Québec, auteure de La laïcité, aux Éditions Novalis- Bayard, nous offrira son point de vue sur la réalité française.
avec
Prière de s’inscrire auprès de Claudette Dion à claudette.dion@international.gc.ca.
Au plaisir de vous accueillir dans nos murs le 5 mars !
N'oubliez pas: c'est gratuit mais il faut s'inscrire
Marc Berthiaume
Chargé des relations politiques et parlementaires
Ambassade du Canada
35 avenue Montaigne, 75008 Paris
Ensuite, la suite du feuilleton/ Ce qu’est –Ce que n’est pas la laïcité.
Les chapitres précédents nous avaient permis de nous rendre compte que la Princesse Laïcité voit sa beauté éclore davantage par la régulation que par l’intégration. L’intégration, elle-même doit être équilibrée : ni trop (car alors, c’est la fée Carabosse) ni pas assez (car alors, c’est l’Ogre du Petit Poucet).
La régulation sociale égalitaire donne de la vitalité à la princesse laïcité tout comme (ou presque !) le Prince charmant réveille la Belle au bois dormant par un baiser. Et puisque nous sommes en pleine histoire de prince et de princesse, tournons nous vers la laïcité monarchique belge, car elle a bien des choses à nous apprendre.
Plus précisément ouvrons l’ouvrage de Philippe Grollet : Laïcité : utopie et nécessité[1] . Il parle avec justesse de ce que j’appelle « une régulation égalitaire laïque », sans utiliser cette expression, mais cela importe peu.
Ph. Grollet est avocat au barreau de Bruxelles. Il a été président du « Cercle du Libre Examen de l’Université de Bruxelles » (1973-1975), président de « Bruxelles Laïque » (1980-1986) et président du « Centre d’Action laïque » belge (1988-2004).
C’est donc un acteur, qui nous livre une réflexion personnelle, inspirée par sa riche expérience et les responsabilités qui ont été les siennes.
Grollet combat le « communautarisme, antithèse de la laïcité politique » qu’il définit comme un « système de démembrement du service public, voire de l’autorité publique en « piliers » communautaires, Etats dans l’Etat, régis par leurs règles propres et soumis à l’autorité de leurs chefs religieux ou communautaires. »
C’est donc une « tribalisation de la société ». J’ajouterai que les politiques publiques, trop souvent, contribuent à cette tribalisation, alors même que des personnalités politiques font des effets de manche dénonciateurs sur un « péril communautariste ».
Grollet ne l’ignore pas puisqu’il écrit que l’Etat doit « assumer ses responsabilités » : « maintenir la mairie au milieu du village » et « éviter toute connivence coupable entre l’autorité publique et une autorité communautaire quelconque ». C’est la séparation des sphères, l’autonomie du processus de décision politique, de la société politique.
Cette séparation n’est pas une fin en soi. Elle est un moyen « de maintenir une stricte égalité de traitement entre toutes les communautés ». Ah, voilà précisément cette laïcité arbitrale, cette laïcité de régulation sociale.
Parler d’arbitrage permet de ne pas tomber dans le piège de ceux qui parlent de « neutralité d’abstention » ou, pire encore, de « neutralité de méfiance ».
L’arbitre court sur le terrain autant que les joueurs. Il est actif, il se fatigue. Mais il ne marque pas les buts, il n’empêche pas que ceux-ci soient marqués, sauf s’il y a tromperie.
L’arbitre veille à ce que le jeu se déroule loyalement.
Certes, il y a des gens qui couvrent du terme de neutralité une volonté d’abstention complète (sorte de ‘loi de la jungle convictionnelle’), ou même une volonté de méfiance poussant la laïcité vers une anti-religion d’Etat). Mais ce n’est pas du tout l’état d’esprit, par exemple, de la loi française de séparation votée en 1905..
Celle-ci proclame dans son Article I, « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre publique ».
A mon sens, dans le genre, on n’a pas trouvé mieux que cette articulation de trois aspects :
- la liberté de conscience = le droit de croire et de ne pas croire mais aussi d’agir selon sa conscience. Il y a des cas où il est raisonnable d’accorder aux individus le droit à une « objection de conscience »
- la liberté des cultes = le droit de se réunir paisiblement pour célébrer son culte et organiser son culte librement (cf. aussi l’Article 4 de la loi de 1905)
- les limitations dans « l’intérêt de l’ordre publique » : l’objection de conscience ne peut aboutir à désorganiser la société, la liberté des cultes n’est pas absolue car elle doit se coordonner avec les autres libertés et droits démocratiques.
L’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme (1950) développe cela et le rend plus concret, dans un langage plus moderne.
« Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou collectivement, en public ou en privé,, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.
La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et des libertés d’autrui. »
Je rappelle que la Cour européenne des droits de l’homme (Strasbourg) peut condamner un Etat membre du Conseil de l’Europe dont la juridiction n’aurait pas respecté la Convention.
Au moment même où se produisait l’affaire dite des « caricatures de Mahomet », la France se trouvait condamnée à deux reprises pour atteinte à la liberté d’expression (Article 10). Le Blog en a parlé, les grands médias français peu ou pas du tout.
Ceci précisé, revenons à l’ouvrage de Grollet. Rappelez-vous, il a été question de « stricte égalité de traitement entre toutes les communautés ». Cela signifie que le refus du communautarisme n’implique en rien le rejet des « communautés ».
Grollet se montre très explicite à ce sujet.
Si le « communautarisme » est le contraire de la « laïcité politique » écrit-il, « l’organisation au sein de la société civile de communautés diverses, qu’elles soient de nature confessionnelle ou non confessionnelle, sociale, politique, culturelle, ethnique ou tout ce que l’on voudra, n’est qu’un mécanisme normal du fonctionnement de la démocratie. »
Et il poursuit : « La démocratie serait totalement impraticable sans un minimum d’organisation des citoyens regroupés selon leurs choix politiques, philosophiques, religieux et leurs intérêts économiques, culturels ou autres. »
Cela est vrai en France comme en Belgique et comme dans les autres pays démocratiques. Et les propos tonitruants contre « les communautarismes » et qui ne définissent jamais ce dont il s’agit.
Le pluriel (à communautarisme) est déjà souvent un indicateur : ce sont certaines communautés, certaines religions qui sont visées et pas pour d’autres.
Et quand il est question de lutte « contre TOUS les communautarismes » c’est pire :
- soit l’auteur de ces propos est antireligieux (ce qui est son droit strict comme option personnelle, mais certes pas comme défense du « principe de laïcité »)
- soit cette personne est aussi franche du collier que les nombreux mels que nous recevons tous : « Vous avez gagné 15000000 de $. Ceci n’est pas un spam » !
Le communautarisme doit être au singulier : c’est un système politique et social. Les communautés doivent être mises au pluriel : il en existe plusieurs.
Les auteurs de propos qui mettent (de fait) une quasi équivalence entre « communautarisme » et expression des communautés feraient bien de changer d’attitude.
La leur est boomerang. On va le voir .
Grollet finit son paragraphe ainsi : « Pour autant que ces communautés ne disposent d’aucun attribut de l’autorité publique, et ne se voient reconnaître aucune compétence relevant de l’autorité publique » : la boucle est ainsi bouclée, puisqu’on en revient à la séparation.
Le propos est clair et cohérent.
La séparation, en France, c’est l’Article 2 de la loi de 1905 : aucune officialité d’aucun culte ; donc pas d’argent public pour « toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes », sauf (est-il dit immédiatement) pour les aumôneries.
Admirable équilibre : de même que l’Article 1 est limité par les nécessité de l’ordre public, l’Article 2 est lui-même limité par l’exigence de « garantir le libre exercice des cultes » : les élèves dans les internats, les malades dans les hôpitaux, les prisonniers ne peuvent se déplacer et donc, avec les aumôneries la puissance publique peut leur apporter, s’ils le souhaitent, tel ou tel culte à domicile.
De même la loi de 1905 met, gratuitement, à la libre disposition des cultes les édifices religieux qui sont propriété publique : cela aide à garantir leur libre exercice. Et, dans les années 1920, des laïques plutôt intransigeants (tel Herriot) se sont engagés pour que de l’argent public aide à la construction de la mosquée de Paris.
Mais participer financièrement aux dépenses normales des cultes aurait un tout autre sens : ce serait une réofficialisation.
Globalement, tout cela a été à peu prés bien appliqué pendant 85-90 ans. Ce n’est que depuis 10 – 15 ans que les méfaits de l’idéologie républicaniste, et sa laïcité à géométrie variable, font qu’il y a de gros problèmes.
La Belgique, me direz vous c’est différent. Oui, et elle est à la fois moins laïque et plus laïque que la France. Nous en reparlerons, car nous continuerons à nous intéresser à l’ouvrage de Grollet
Pour le moment, retenez cette distinction fondamentale communautés-communautarisme. En effet, si vous confondez communautés et « communautarisme », vous êtes alors incapable d’indiquer la frontière entre les deux, et comme ce refus des communautés ce n’est pas tenable dans la réalité concrète…
Que se passera-t-il ? On naviguera entre les deux extrêmes : refus de l’expression communautaire – expression communautaire envahissante. Là est le boomerang.
Grollet indique qu’il faut accorder aux communautés un « espace approprié ».
Quel est cet espace ?
Ce n’est pas la sphère publique institutionnelle, politique, nous l’avons déjà vu
Mais, et là je vais en étonner plus d’un, à mon sens, ce n’est pas non plus la sphère privée.
Ce qu’il faut accorder, c’est une part de l’espace public, lieu de dialogue, de confrontation, de débat de la société civile qui est le troisième angle du triangle (même si ce n’est pas tout l’espace public).
« Comment ça, ce n’est pas la sphère privée ? » diront certains. Vous voulez vraiment le savoir ?
Vous voulez aussi savoir comment comparer le système belge, le québécois, le français, etc en matière de laïcité.
Vous voulez savoir si j’ai changé ces dernières années (certains me le disent : ils ne retrouvent pas dans le Baubérot expliquant la laïcité à Nicolas le Bien Aimé le Baubérot de la Commission Stasi : ils ont tort : leur Baubérot favori est toujours le même et je peux tout à fait expliquer la cohérence du schmilblick.)
Cerise sur le gâteau : vous apprendrez aussi pourquoi le rôle principal du sociologue de la laïcité consiste à voir le gorille que personne ne remarque.
Si, si je suis très sérieux, je vous l’assure.
Vous voulez savoir, enfin, si nous allons retrouver le bon papa Durkheim, à la barbe fleurie, très présent dans les premiers épisodes de ce remarquable feuilleton (mieux que ceux de la télé) pour bien cerner les notions d’ « intégration » et de « régulation », et que nous laissons dormir in pace depuis quelques semaines.
Autrement dit vous voulez tout savoir sans rien payer.
Vous ne voulez pas travailler plus… pour payer plus (cher)
Vraiment, « c’est pas sur vous » (comme dirait l’autre) que Super Sarko peut compter pour dénouer la crise, sauver la planète, et … plaire ainsi à Carla.
Vraiment… Mais je m’arrête car, malgré manipulations, médicaments, examens médicaux divers, mon dos fait toujours des siennes et ce n’est pas du tout agréable.
Bof, je ne suis pas un mauvais bougre. Alors, prochainement, je vous dirai tout sur les aventures multiples de la princesse Laïcité explorant les forêts profondes, les espaces rocheux et les sphères écartées.
Mais, un peu de patience, que diable !
09:51 Publié dans Laïcité et diversité culturelle | Lien permanent | Commentaires (0)