29/12/2009
Poulidor le gaucher et la laïcité scolaire
(Nouvelle)
Une Note très inhabituelle (pour certains un tantinet déconcertante) en réponse aux questions métaphysico-orthographiques d’internautes habitués de ce Blog, concernant son auteur !
Jean, occupé à lire les dizaines et dizaines de commentaires de sa dernière Note (et se proposant de répondre à certaines remarques lors de la prochaine) m’a refilé, une fois encore, la patate chaude, à moi, Mouloud, écrivain à mes heures.
Mais, je vous le promets, c’est la dernière fois de l’année que j’accepte.
Jean m’a fait une suggestion : « Présente la chose de façon romancée, invente un personnage. Il pourrait s’appeler Roger, être le petit frère de Raymond Poulidor[1]. Tu vois je te mâche le travail ! »
Je me suis mis à l’ordinateur, et voilà ce que cela a donné :
(La scène se passe le 3 avril 1992)
Saint Léonard de Noblat (Haute-Vienne). Prés de la Maulde, une ferme aménagée de façon moderne, bâtiment typique de la rurbanisation de la campagne. Dans une pièce, deux valises ouvertes, des livres et des classeurs qui jonchent le sol.
Un homme se prépare pour un long voyage à Tokyo. Il trie ce qu’il emporte, sort de sa bibliothèque un dictionnaire des synonymes, hésite à le prendre. Quand les cours sont traduits, ne vaut-il pas mieux répéter les mêmes mots ?
Une envie subite le prend : il feuille l’ouvrage, s’arrête à une page précise : celle de la lettre G.
Entre « gâtisme » et « gaudriole », il trouve l’adjectif « gauche » et, pour l’illustrer, quelques joyeusetés synonymiques: « balourd, disgracieux, embarrassé, nigaud, pataud, raide »,…Suit un envoi opportun : « pour d’autres synonymes, confère bête ». Avec tact, l’auteur n’a pas ajouté « et méchant » même si l’association des deux qualités va de soi. Merci Hara-Kiri !
Devant « embarrassé », Roger reste de marbre. Il garde son sens de l’humour face à « pataud ». « Bête » ? Prenant son courage à main gauche, il se reporte à la page 66 pour en connaître les synonymes.
La liste est longue : « abruti, balluche, bêtasse, bovin » Il s’étonne : pourquoi les belle vaches rousses limousines seraient-elles aussi bêtes que gauches ? L’inventaire continue : « cucu, demeuré, enfoiré -d’Hara-Kiri nous passons à Coluche !- fada, gauche, jobard, niquedouille -plutôt mignon niquedouille-, patate, tartignole. Confère stupide. »
Là, main gauche ou droite, le courage manque un peu. Quelles nouvelles expressions vont fleurir ?
Il s’amuse, certes, mais pas totalement. Les mots souvenirs d’une gaucherie raillée n’apparaissent guère plaisants. S’il était femme, juif, homosexuel,… Mais qui va prendre au sérieux la plainte d’un gaucher ?
Gaucher honteux quand il se tait ; gaucher ridicule s’il en parle. La solution : oublier semblable alternative dans l’alcool ? Et si, prenant gauchement son verre, Roger tachait la moquette, comment l’expliquerait-il sinon de façon mal-à-droite ?
Un petit coup de spleen. Aucune raison pourtant d’en faire un drame. Il est « allé aux études », comme cela se dit ici. Il est même « monté à Paris » pour passer de l’agriculture à la culture.
Belle mobilité sociale ! Elle n’évacue pas tout à fait la question qui le taraude : qui se trouve « bête » dans cette histoire ?
Le gaucher d’être gauche ? Le dictionnaire qui considère « gaucherie » et « bêtise » comme synonymes ? Le droitier qui prétend : « aucune importance ; quelle paranoïa d’en faire tout un plat ! » ? L’école laïque d’avoir voulu forcer les gauchers à devenir droitiers ?
Attention Ecole et… pas n’importe laquelle ! L’école laïque de la grande époque ; celle qui formait des citoyens, favorisait l’ascension sociale. N’en constituait-il pas lui-même un vivant exemple ? Né cul-terreux, devenu prof. d’université. Et des milliers comme lui.
L’Ecole laïque donc, d’avant les réformettes perpétuelles, d’avant la télévision pour tous. Une institution vénérable ; il n’arriverait jamais à convaincre personne en jouant au pseudo-justicier.
L’Ecole laïque connaissait son devoir, se donnait les moyens de le réaliser. Dés qu’en maternelle, dame institutrice avait aperçu un porte-plume dans une main gauche, sa vocation n’avait fait qu’un tour.
Et pan, un bon coup de règle (pédagogique !) sur « la mauvaise main » ; la parole autorisée la désignant telle, expliquant le geste et lui donnant sens.
Petit coup de règle et propos sereins pour l’adulte. Double gifle, double humiliation pour l’enfant. « Il fallait bien, lui précisera-t-on plus tard, inculquer les ‘bons’ automatismes. »
Oh, encore le porte-plume… Pan, un second coup de règle. Normalement, un seul aurait du suffire, mais puisqu’il n’en n’était pas ainsi…
Tu finiras bien, comme tes petits camarades, par te servir de « ta jolie main ».
La droite. La main normale. Celle imposée aux gauchers « contrariés » (quels synonymes indique le dictionnaire à « litote » ?).
Et pan, nouveau coup de règle. Un instituteur cette fois.
Pan, pan, jusqu’au jour où ils seront neuropsychiatrisés, les gauchers. Pas tout à fait embastillés. Vive 1789, et pan sur les doigts gauches. Il n’existe pas de Déclaration des droits d’enfant gauche.
« Un minimum d’attention, Roger, tu ne dois plus accomplir ce geste stupide où ton porte-plume passe de la bonne à la mauvaise main, dans le sens inverse du bon sens... Non mais, gamin, ne te mets pas à pleurnicher bêtement… » Tu as sept ans, peut-être huit, bientôt neuf.
Pleurez ballots, bêtasses, niquedouilles, et autres petits synonymes ! Pleurniche tout ton saoul, gaucher de huit ans. Tu crois obéir, t’appliquer, être sage comme l’image que tu obtiendrais si…
Tout à coup, confusion extrême : les yeux en colère du maître indiquent, sans l’ombre d’un doute, que cette merde de porte-plume est encore repassé dans « la main honteuse ». Cette main, penses-tu, qu’il faudra finir par couper tant elle s’avère nuisible.
Quel horrible magicien peut jouer ce cruel tour de passe-passe ?
Personne d’autre que toi-même, Roger. Tu es coupable et réciteras trois Ave et cinq Pater.
Que nenni, je me trompe de France : nous sommes à ‘la Laïque’. Alors, mon enfant, tu écriras cent lignes, de la main droite bien sûr. Etre gaucher est ta faute, et ton orthographe de fautes est remplie.
Comment se soucier de l’orthographe ? Pan ; le coup, le regard, la voix. S’il lui en prenait le désir, le dernier de la classe pouvait se fixer comme but de devenir l’avant dernier, puis de progresser encore… Lui, aucune espérance de cette sorte, il le savait bien.
« Maître d’école qui es sur terre, que ta volonté soit faite dans la classe, si ce n’est au ciel. Epargne moi les coups de règle de ce jour. »Aucune chance de voir exaucée semblable prière.
Il ne serait jamais innocent. Il lui faudrait toujours affronter la main qui frappe, le regard dragon, la voix cinglante ou attristée (« tu me déçois énormément »)… Et le résultat de cette infirmité délictueuse : une écriture lamentable ; une orthographe impossible.
Vers quinze ans, pourtant, le corps enseignant annonça à Roger une bonne nouvelle : l’interdiction d’écrire de la main gauche était désormais abolie. L’école laïque vaque la nuit du 4 août et, malgré tout, sonnait l’heure de la libération.
Pourquoi ? L’obstination ? L’âge ? Ou tout simplement le passage du collège au lycée ?
Roger ne s’attarda guère dans une recherche des causes. On lui rendait sa main, c’était l’essentiel.
Impraticable liberté : personne ne lui avait appris à écrire de la main apte à le faire. Les premières tentatives s’avérèrent tâtonnantes, tel un aveugle décontenancé par la lumière soudaine.
Un professeur énonça alors doctement la conclusion logique : « En somme, vous êtes gaucher des deux mains ! » Fine plaisanterie : le quolibet « gaucher des deux mains » lui colla à la peau, même quand il devenait moins malhabile.
En fait, la « gaucherie » restait entière dans sa tête. Le sentiment d’être physiquement handicapé, moralement non-conforme. Sans avenir : pouvait-il envisager de demander un jour sa (belle) main à une éblouissante jeune-fille, lui qui n’en avait que des « mauvaises » ?
Gauche : synonymes non répertoriés : complexé, timide. « Embarrassé », certes, avec les demoiselles. L’une d’elles lui avouera un peu plus tard : « Quel pataud tu fais ! Je me demandais quand tu te déciderais enfin à m’embrasser sur la bouche. »
Il aurait pu lui répondre : « Mais, joie, j’ai osé, enfin. Il a fallu pour cela que j’obtienne le premier prix d’histoire au concours général des lycées… Malgré mon orthographe déplorable. »
Le pire n’est pas toujours sûr. L’école laïque qui l’avait tant malmené, avait fini par le récompenser. Elle n’était pas quitte pour autant.
Adulte, il s’était rendu compte, avec colère, qu’à l’époque où il usait ses fonds de culotte à l’école primaire, on savait très bien qu’il n’était en rien nécessaire d’obliger les gauchers à écrire à droite.
Qu’au contraire cela entraînait certains troubles : dyslexie, dysorthographie, bégaiements,… (et il avait tout subi).
Une docte revue, L’Education Nationale, avait même réalisé un numéro spécial sur la question.
Et il y avait belle lurette que les enseignants de la Perfide Albion ne « contrariaient » plus les gauchers.
Mais les instits de ‘la Laïque’ ne voulaient pas le savoir. Ils étaient les hussards noirs de la norme républicaine.
Ils n’allaient quand même pas suivre un modèle anglo-saxon !
L’école laïque devait être sans adjectif, non une école ouverte.
Nanti d’un statut ‘scientifique’, Roger possède la réputation d’un homme calme, au caractère plutôt heureux. Maîtrisant son passé, il réserve pour son jardin secret la commémoration de son souvenir.
Souvenir profond, tenace, fort. Mémoire vive d’une expérience fondatrice, âpre comme les coups drus reçus autrefois. De temps à autre la blessure resurgit un tantinet. Il la sent comme l’ancien opéré ressent parfois sa cicatrice.
Dans son dictionnaire intérieur, « bêtise » rime avec « évidence », « certitude », « conformisme », « bonne conscience »… ou même « anticonformisme » estampillé comme tel.
Méfiance à l’égard d’intellectuels, combattants de toutes les bonnes causes… médiatiques. Doutes devant les propos des spécialistes és-Lumières. Ses anciens maîtres leur ressemblaient, en moins prétentieux.
Au bout du compte, il avait beaucoup appris : grâce à l’école laïque, malgré elle, contre elle.
Cela fait partie de sa vie même, de sa capacité à goûter la saveur de petits plaisirs.
Pour vivre heureux, vivons fragiles, vivons blessés ? Pas trop quand même !
Aller, il l’emporte ce satané dictionnaire avec quelques romans de gare, pour s’amuser -au troisième degré- de leur description de plantureuses blondes.
Assez gambergé, il faut reprendre les rangements. Faire ses bagages constitue toujours une opération délicate.
On risque d’oublier l’essentiel et, précisément, c’est ce que Roger allait faire : laisser à Saint Léonard les notes susceptibles de constituer la première version de ses cours.
Des notes écrites de sa main gauche. Il y repense, mais avec sérénité maintenant. Les petits moments dépressifs chez lui ne durent guère.
Hypothèses géniales, tissus de banalités ou propos ne méritant ni cet excès d’honneur, ni cette indignité, il a pu noircir des pages et des pages sans risquer de se faire taper sur les doigts.
Gloses griffonnées, avec toujours ses sempiternelles fautes, de sa chère main gauche, hier meurtrie, aujourd’hui reconnue dans ses œuvres jusqu’en Extrême Asie.
Décidément, l’optimisme reprend le dessus. La vie revêt un charme particulier. La difficulté de l’itinéraire, les obstacles vaincus permettent à Roger de goûter, plus intensément qu’un droitier, la douceur d’un sein de lune un soir de clair de femme.
BONNE ANNEE 2010 A TOUTES ET TOUS.
Et puisque vous êtes fidèles au Blog, je vais vous faire un cadeau : je vous promets d’augmenter la durée du jour dans (en gros) les 6 prochains mois.
Qu’on se le dise.
[1] Ceux qui n’ont pas fait assez d’études pour savoir de qui il s’agit doivent, de toute urgence, consulter Internet pour connaître cette famous gloire limousine
10:21 Publié dans DIALOGUE AVEC UN AUTEUR | Lien permanent | Commentaires (10)
24/12/2009
IDENTITE NATIONALE, LAÏCITE, et "VOILE INTEGRAL": le DERAPAGE
« Entre Carla et moi, c’est du sérieux » : ainsi s’exprimait qui vous savez, il y a un an. Entre vous et moi, avec ma Note d’aujourd’hui, « c’est du sérieux » !
D’abord je reproduis l’intégralité de ma tribune, parue dans Le Monde (n° daté du 22 décembre).
Certains l’ont lue, pas d’autres. Et même ceux qui l’ont lue sont priés de la relire : il y aura interro écrite bientôt ; et si vous n’avez pas la moyenne,…
Voici cette tribune:
Identité nationale :
Pour une laïcité de sang froid
La représentation de l’identité française est sous jacente dans beaucoup de débats politiques.
En soi, poser la question n’est pas incongru. Mais Nicolas Sarkozy la traite uniquement sous le biais de l’islam, réduit à une religion d’immigrés récents, ce qui est faux.
Le Président a mis la laïcité au centre de nouveaux problèmes.
Il faut alors lui donner toute son ampleur. En fait, depuis plusieurs siècles, la question politico-religieuse se trouve au cœur de l’identité française.
Avec l’Edit de Nantes (1598), la France dissocie citoyenneté et appartenance religieuse. En révoquant cet Edit (1685), elle réunifie, au contraire appartenance nationale et religion.
Le ‘conflit des deux France’, qui traverse la Révolution française et se prolonge au XIXe siècle, met aux prises deux représentations de l’identité nationale :
- l’une qui conçoit la France comme « la fille aînée de l’Eglise (catholique) »
- et l’autre pour qui son identité ne comporte pas de dimension religieuse ; elle est fondée sur la Déclaration de 1789.
Sept régimes différents se succèdent alors. Cette instabilité est due au dilemme Monarchie/République liée aux deux représentations divergentes de la France.
Mais ce dissensus ne disparaît pas avec le Ralliement des catholiques à la République (1892) : désormais, on oppose « la République des honnêtes gens » à celle des minorités « factieuses » juive, franc-maçonne, protestante.
La Croix adopte le drapeau tricolore, mais y fait figurer l’effigie du Sacré Cœur. L’affaire Dreyfus s’inscrit dans ce contexte.
Et, ensuite, au tournant du siècle, la recherche par certains républicains d’une « laïcité intégrale », qui vise le dépérissement de la religion elle-même.
En 1902, le politologue Anatole Leroy-Beaulieu montre, dans son ouvrage : Les doctrines de haine, l’antisémitisme, l’antiprotestantisme, l’anticléricalisme, comment, des deux côtés, on refuse le statut de « vrai Français » à ses adversaires.
Pourtant, si les haines de la droite nationaliste sont assumées, la transformation de l’anticléricalisme en doctrine de haine est contraire à l’idéal républicain.
Clemenceau le proclame à la tribune du Sénat : « Je repousse l’omnipotence de l’Etat laïque parce que j’y vois une tyrannie. Pour combattre la congrégation, nous faisons de la France une immense congrégation. »
Et Aristide Briand prône une laïcité « de sang froid ».
Ces propos montrent la double rupture que représente la loi de séparation des Eglises et de l’Etat de 1905 :
- rupture envers toute conception où l’identité politique de la France aurait une dimension religieuse ;
- rupture avec la visée de la « laïcité intégrale » et du gallicanisme d’Etat, qui est plus une religion civile qu’une véritable laïcité. Séparée de la sphère politique, la religion devient un libre aspect de la société civile, dont les lois libérales de la IIIème République ont favorisé le développement.
Cet aspect dialectique n’a pas été assumé. Cela arrangeait les deux camps de présenter la loi de 1905 comme une « loi de combat » :
du côté catholique, on pouvait ainsi se prétendre « persécuté » et, du côté anticlérical, faire croire que la victoire était complète.
Cependant la (relative) Union Sacrée de 1914 aurait été impossible en 1904 et, en 1946, la République est devenue constitutionnellement « laïque » alors que la gauche et le MRP démocrate chrétien se partageaient le pouvoir.
La représentation de l’identité nationale devenait-elle consensuelle ?
Non, car les laïques militants estimaient toujours que « deux jeunesses » apprenaient, dans « deux écoles » (la publique et la privée), deux visions différentes de la France.
En 1965, le dirigeant laïque Jean Cornec écrivait que la loi Debré (1959) c’était « Vichy sous de Gaulle », et la pétition contre cette loi avait recueilli plus de 10 millions de signatures.
La laïcité, invoquée essentiellement sur cette question, restait le marqueur d’une identité de gauche.
Pourtant, quand celle-ci, parvenue au pouvoir, a voulu intégrer l’école privée sous contrat dans un grand service laïque de l’éducation nationale (1982-1984), l’opinion publique n’a pas suivi.
Après Vatican II, il n’était plus crédible de penser que les « deux écoles » enseignaient deux France différentes.
Si, comme dans toutes les sociétés démocratiques, des tensions existent toujours, le conflit des deux France a pris fin.
A partir de 1989, une autre laïcité s’emboîte sur celle de feu le conflit des deux France.
- Elle n’a pas la même historicité et s’enracine dans l’histoire de « l’Empire colonial » et de la décolonisation.
- Elle ne relève pas de la même géo-politique car elle n’est plus liée à un conflit hexagonal, mais à la peur d’une mondialisation « anglo-saxonne », des flux migratoires et de l’islamisme politique transnational.
- Sa construction sociale est différente : 15 ans d’ « affaires » de foulard très médiatisées ont précédé la loi « de laïcité » de 2004.
- Les forces politiques ne sont plus les mêmes : en 2003, le « Rapport Barouin » affirme que la laïcité est devenue une valeur de droite.
Elle est donc un nouvel enjeu politique, non plus dans l’opposition gauche-droite, mais comme instrument d’une surenchère où l’on vise à faire paraître son adversaire comme moins laïque que soi-même.
La laïcité est devenue une représentation consensuelle de l’identité nationale, mais sa vision dominante se lie à une identité frileuse, où (comme lors de la « laïcité intégrale ») la République se croit fragile, menacée.
Et alors qu’en 1905 Briand demandait à la France de rejoindre les pays où « l’Etat est réellement laïque » (il en citait une bonne dizaine),
en 1989 surgit le thème nouveau de la « laïcité exception française » que les « étrangers ne pourraient pas comprendre » !
En fait, tous les ‘anciens Français’ -y compris en Alsace-Moselle où les lois fondatrices de la laïcité française (loi Ferry sur l’école publique, loi de séparation) ne s’appliquent pas- sont considérés par essence comme laïques, tandis que les ‘nouveaux Français’ (les descendants d’immigrés) devraient prouver qu’ils le sont.
Certains d’entre eux, d’ailleurs, s’inscrivant dans la surenchère laïque, deviennent des alibis pour prôner une laïcité intégrale d’un nouveau type puisqu’elle ne s’applique qu’à une partie bien précise de la population.
Au même moment, le président de la République, au nom d’une « laïcité positive », veut « valoriser les racines essentiellement chrétiennes » de la France. Cela signifie remettre, sous couvert de patrimonialisation, une certaine dimension religieuse dans l’identité politique française.
Nous nous trouvons donc dans une dialectique inverse de celle de 1905.
Malheureusement, pour le moment, aucune force politique ne nous propose une laïcité « de sang froid ».
Ensuite, un point rapide sur le « voile intégral ».
Il arrive, en effet, 2 choses totalement imprévues de nos parlementaires chéris ; et qui, heureusement, engendre pas mal de malaise :
- d’abord le débat sur le « voile intégral » est court-circuité par un débat de plus en plus nauséabond sur l’identité nationale (parce que ce débat s’effectue de façon complètement biaisée)
- ensuite, fait totalement inédit, Copé ne tient aucun compte de la Mission parlementaire et entend déposer sa propre proposition de loi.
On ne peut mieux signifier à ses collègues, que l’on considère leur travail comme de la merde !
Que le Parlement, quand ce n’est pas l’exécutif qui le viol, c’est le chef de la principale formation parlementaire.
Et après, certains vont déplorer le développement de l’antiparlementarisme !
Sur le 1èr point, pas besoin de vous faire un dessein : la façon dont le débat sur l’identité nationale dérape, vous êtes au parfum autant que moi.
Posons nous donc la question : pourquoi Copé agit ainsi ?
Je vois 2 raisons principales :
D’abord Copé fait tout pour se placer (ne laissez pas votre grand-mère seule avec lui, Dieu sait ce qui pourrait lui arriver !), faire la nique à Xavier Bertrand (pas chaud pour une loi), etc.
C’est de la politique bassement politicienne.
C’est vraiment dégueulasse de traiter ainsi des problèmes importants.
Ensuite, la Mission parlementaire n’a sans doute pas donné ce que l’on attendait d’elle.
Pourtant ce n’est pas faute d’avoir essayer : la façon dont les uns et les autres avons été auditionnés montrait un mahous parti pris, …
Il n’empêche : beaucoup de personnes auditionnées se sont montrées hostiles à la loi. Notamment :
- La plupart des organisations laïques se sont prononcées contre une loi, et la plus « militante », La Libre pensée a été celle qui a dénoncé le plus le risque d’une dérive anti-démocratique
- La plupart des juristes (5/6) ont été du même avis.
Et d'une manière générale, les 2/3 des 178 auditionnés (dont la plupart étaient à la fois contre le voile intégral et contre une loi:)
Tout cela ne génère pas un débordement d’enthousiasme !
D’où la manœuvre de Copé, qui met en avant la « sécurité » pour trouver un motif qui ne soit pas inconstitutionnel et/ou désavoué par la Cour européenne des droits de l’homme :
La sécurité : le « voile intégral » n’est pas spécialement visé. Pas du tout.
Non, non, ma brave dame, on n’y a même pas songé, c’est dire !
Au championnat du double langage, Monsieur Copé obtiendra la médaille d’Or.
Enfin, people comme vous êtes, les frasques de Tiger et la maladie nosocomiale de Johnny ne vous suffisent pas.
Vous voulez du beaucoup plus excitant !
Vous voulez savoir pourquoi je fais des fôôôtes d’orthographe.
Eh bien soit, d’autant plus que cela rentre en plein dans le sujet de ce Blog.
Vous le saurez avec la prochaine Note.
Vous le saurez dans 4 à 5 jours, sans faute.
« Sans faute ? » : « Pas la peine, répliquez vous petits coquins : écrivez votre Note comme d’habitude ! »
BONNES FÊTES QUAND MÊME !
12:36 Publié dans Laïcité et crise de l'identité française | Lien permanent | Commentaires (118)
19/12/2009
Mouloud, l’intégration et l’identité nationale
Chers Amis,
Mon frère siamois a apprécié ma lettre à Nicolas Sarkozy. Il m’a dit : « Mouloud, tu dois bien avoir des idées sur les débats actuels. Pourquoi tu ne nous en ferais pas part ? »
« Jean lui ai-je répliqué, je ne veux squatter ton Blog. Tu sais, moi je suis plutôt habitué à une « humble discrétion », comme le susurre notre bien-aimé Président. »
En fait, j’avais pas mal de copies à corriger, et cela ne m’enchantait pas de beaucoup travailler le week-end pendant qu’il irait courir le guilledou !.
Mais, il est un peu retors, mon frère siamois. Il m’a fait parler d’intégration et d’identité, et m’a donné ainsi envie d’écrire 2 ou 3 petites choses.
Il m’a promis également de ne pas abuser et de reprendre les rennes de son Blog dés la semaine prochaine.
L’intégration, bien sûr, j’en parle à mes élèves. Mais, curieusement, pas comme un certain Eric Besson. Cela vous étonne ?
Dans ma classe, on trouve des prénoms de toutes les couleurs.
Des prénoms dont les racines viennent d’Asie, et de Franche-Comté, d’Alsace et d’Afrique, de Bretagne et de l’Europe de l’Est, de la Sicile, de l’Artois, de la Catalogne et du Portugal, des Antilles et de la Corse, et même des Etats-Unis, via la télé !
Tous ces gars et ces filles vivent en France, il leur faut s’intégrer à la société française, au monde des adultes et, en général, ils ne demandent pas mieux qu’y faire leur place.
Ils se demandent plutôt : Pourrais-je arriver à y avoir ma place ? Pourrais-je avoir un job, un logement, faire vivre une famille, bref : me permettra-t-on de m’intégrer ?
Je leur fais faire un pas de plus en leur expliquant qu’une société, ce n’est pas seulement la somme des individus qui la composent, mais surtout la qualité des relations qu’ils établissent ensemble, dans leur diversité multiforme (sociale, culturelle, professionnelle, religieuse,…).
C’est d’abord cela l’intégration (réciproque).
« Alors un grand bourgeois du XVIe avec chauffeur, qui ne prend jamais le métro, qui est habitué à ce que tout le monde soit à son service et n’a de relations qu’avec ceux qui lui ressemblent n’est pas très intégré ? » me demande Kim.
Je me suis entendu répondre : « Oui. Certes, pour certains, il est parfaitement intégré. Ou plus exactement, la question ne se pose même pas. Mais, pour moi, effectivement, il a des efforts d’intégration à faire. »
Il faut dire que Kim, lui, il dirige une troupe de scouts, et il les fait crapahuter le week-end en de multiples endroits. Ses parents étaient des boat people, pourtant il serait particulièrement stupide de lui dire qu’il n’est pas déjà intégré.
Lui, il l’est parfaitement et j’aimerais bien que tous les élèves de la classe aient autant de sens des responsabilités et d’allan.
Mais, après leur avoir indiqué que l’intégration est l’affaire de tous, je leur dis aussi, que Monsieur le ministre me pardonne !, que l’intégration n’est pas la panacée universelle.
Une intégration absolue, cela donnerait des clones ! Développer son individualité est aussi important que s’intégrer.
Mes élèves se posent des tas de questions, ont des tas de révoltes, trouvent que plein de choses vont mal dans notre pays. Et je ne voudrais pas qu’ils renoncent trop vite à ces interrogations, à ces mises en questions.
On parle toujours d’intégration sans jamais dire ce que l’on entend par là.
Il existe, en fait, deux visions implicites de l’intégration.
La première est statique : elle prend la société à un moment donné de son existence. Elle s’appuie sur ses normes, ses habitudes, ses valeurs, sa façon de vivre,…et intime l’ordre à tout un chacun d’adopter cet ensemble.
Attention, je ne prétends pas qu’il serait mauvais être relativement intégré en ce sens là. Au contraire.
Je ne suis pas vraiment un anar, encore moins un nihiliste. Je sais que la vie en société comporte des automatismes, des règles, des routines, des petits rituels,…
Que tout cela n’est nullement à dédaigner.
Je tente même d’apprendre à mes élèves à maîtriser ces choses, sinon ils ne seront pas à l’aise dans la vie sociale ; ils se retrouveront marginalisés.
(Je m’aperçois d’ailleurs que le grand obstacle à cette sorte d’intégration, ce n’est pas l’origine culturelle, religieuse ou ethnique,
c’est « le tout télé » : la dérision systématique, le langage grossier, l’apologie de la violence et du spectaculaire érigés en norme par de pseudos comiques ou animateurs grassement payés qui deviennent des modèles implicites de réussite sociales, alors qu’ils sont tout simplement des concentrés de bêtise satisfaite.
C’est aussi, et cela va de pair, le « tout people » : la production sociale de la superficialité, de l’insignifiance, du vide de sens, les anciens ragots et médisances de villages et de quartiers devant l’actualité planétaire.)
Même si ces obstacles se trouvaient surmontés, trop d’intégration statique produit de l’uniformité, de l’immobilisme et du conformisme social.
Elle est appauvrissante.
Il existe une autre façon de concevoir l’intégration : une façon dynamique où l’on passe (j’aime bien les métaphores : c’est pédagogique !) de la photo au cinéma ; où l’on considère la société dans son devenir.
Et là, l’intégration, c’est une dialectique entre la proximité et la distance. Pour faire bouger les choses, pour que la société soit en mouvement, il ne faut pas coller à l’ordre établi ni à la routine. Il faut apporter du neuf, sans être exclu pour autant.
Si une société reste immobile dans un monde qui change, elle ne tarde pas d’être à la traîne.
Une société n’est pas non plus un monde clos, replié sur lui-même.
Je suis historien, et depuis une bonne dizaine d’années les historiens insistent sur ce qu’ils appellent les « transferts culturels » :
Cette expression, un peu technique, signifie que chaque pays construit son identité nationale dans le cadre d’une circulation transnationale des objets et des idées, des cultures et des affects, avec de l’import et de l’export culturels, que chaque société modifie et adapte.
Une société est un ensemble qui a, de façon constante, des relations avec d’autres sociétés, de multiples échanges, pour le meilleur et pour le pire.
Et c’est là qu’en regardant et en écoutant ma classe, je me dis souvent qu’il y a une formidable aubaine à saisir pour la société française.
Dans ma classe, on trouve pratiquement le monde entier… francisé. Quelle extraordinaire opportunité d’être ainsi, sur son propre territoire, en relation avec ce monde entier, dans une terre qui s’est « globalisée » !
Quel atout pour un pays d’avoir en son sein autant de personnes qui peuvent constituer des passerelles vers d’autres sociétés, d’autres cultures. Ouvrir la France vers l’extérieur, et ouvrir aussi l’extérieur vers la France.
Des médiateurs, des ambassadeurs : voilà un peu comment je considère mes élèves.
Mais je me dis aussi : la France, « ce cher et vieux pays » dont parlait de Gaulle, saura-t-il saisir cette chance ?
Quand est-il de sa capacité à intégrer ?
Va-t-il être un pays vieillissant, enfermé dans la nostalgie d’un passé qu’il considère comme glorieux, tourné sans cesse vers ses « racines », n’arrivant pas à regarder l’avenir en face ?
Ou va-t-il se propulser d’un passé (d’ailleurs multiforme) vers un avenir à construire ?
Les racines, le passé (qui n’est pas que « racines », mais comporte des phases historiques différentes), moi Mouloud, historien je vous le dis, c’est comme l’intégration statique : c’est bien si c’est relatif.
C’est comme (autre métaphore) quand vous conduisez votre voiture : il faut regarder de temps à autre dans le rétroviseur, mais pas tout le temps, mais surtout pas au dépens de la route qui est devant vous.
Alors, arrêtez tous, à droite, mais aussi à gauche, de convoquer les mânes des grands ancêtres, de nous raconter notre passé (idéalisé !). Parlez nous de l’avenir.
Projetons nous dans l’avenir.
Notre identité nationale, ce n’est pas ce que nous étions, c’est ce que nous allons être, tous ensemble.
Car la question principale, celle dont si peu de gens parlent, est peut-être celle là : la société française saura-t-elle profiter des possibilités nouvelles que lui offre la génération qui arrive à l’âge adulte ? Saura-t-elle s’intégrer à sa jeunesse ?
Saura-t-elle avoir une identité inclusive ?
Saura-t-elle faire que les plus entreprenants, les plus dynamiques (quelles que soient leurs origines) se sentent à l’aise chez elle ?
Sinon, ils partiront ailleurs.
Certains partent déjà, et j’ai d’anciens élèves talentueux qui, n’ayant pas trouvé en France la place à laquelle ils avaient droit, l’ont quittée.
La France saura-t-elle être attractive pour les jeunes ?
La balle est dans notre camp, nous les adultes, les déjà ou bientôt vieux.
Votre Mouloud.
PS/ si j’ai bien compris l’indication donnée par l’hébergeur, l’adresse est, depuis le 18 décembre passée de « blogspirit.com » à « mail.blogspirit.com » (et deviendra uniquement cette dernière adresse au 1er janvier 2010)
Cela donnerait : http://jeanbauberotlaicite.mail.blogspirit.com
Ai-je bien compris ou est ce que je me mets le doigt dans l’oeil ?
14:16 Publié dans Laïcité et crise de l'identité française | Lien permanent | Commentaires (30)
14/12/2009
La Lettre de Mouloud Baubérot à N. Sarkozy, 2ème édition
Et "Pan sur le bec" (comme l'écrirait Le Canard Enchaîné)
Ecrite à chaud, et à un endroit où je ne disposais pas de toute ma documentation, La Lettre de Mouloud Baubérot à Nicolas Sarkozy comportait quelques erreurs d’érudition, que des commentateurs m’ont fait remarquer.
Ils ont eu entièrement raison, et je médite l’adage : « Cent fois sur le métier, reprenez votre ouvrage » !
Je signale cependant que quelques critiques proviennent d’une lecture trop hâtive de ma note[1], et qu’aucune de ces quelques erreurs (comme l’indique un commentateur) ne change en quoi que ce soit la démonstration, ne remet en cause le fond de la lettre.
Au contraire, concernant la mosquée de Paris, cela en ajoute encore à la démonstration.
Je peux les rectifier sans rien changer de son orientation qui est de rappeler :
- que beaucoup de musulmans qui habitent en France ont une ascendance française plus ancienne que notre actuel Président.
- que la République laïque n’a pas eu de complexe à financer la construction d’un minaret à Paris, dans les années 1920.
Dois-je préciser en outre que, sans préjuger de mon opinion quant à son orientation politique, je trouve très bien qu’un fils d’immigré ait pu accéder au plus haut rang de l’Etat ? Voilà, c’est fait.
Vu son impact, je vous livre une 2ème édition de la Lettre de Mouloud où j’ajoute aussi des précisions nouvelles.
Je serais reconnaissant à celles et ceux qui diffusent cette Lettre de remplacer la 1ère par la 2ème édition.
Un Grand Merci d’avance.
Cher Nicolas, Mon cher compatriote,
Tu as écrit une tribune dans Le Monde (9 décembre) qui a retenu toute mon attention. En effet, tu t’adresse à tes « compatriotes musulmans », et c’est mon cas, moi Mouloud Baubérot, frère siamois de celui qui tient ce blog.
Comme une lettre ne doit pas rester sans réponse, alors j’ai décidé, à mon tour de t’écrire. Après tout, toi aussi tu es mon « compatriote ». Et puis, comme je suis professeur d’histoire en terminale, j’ai l’habitude de corriger des copies.
Nous allons le voir, il y a plein de belles idées dans ta lettre, et je vais pouvoir te citer souvent.
Mais tu t’as commis une légère erreur de perspective, qui gâche un peu ton propos. Et comme cela vous concerne en particulier ton frère siamois et toi, permets moi de la rectifier.
Avant, par politesse, il faut que je me présente très brièvement. Ma famille provient de Constantine, ville française depuis 1837 et chef lieu d’un département français depuis 1848. Nous sommes donc d’anciens Français.
D’autres nous ont rejoint peu de temps après et sont devenus Français, en 1860, tel les Niçois et les Savoyards.[2] Nous avons intégré volontiers ces "nouveaux arrivants" et avons ajouté la pizza à nos coutumes alimentaires.
Et au siècle suivant, bien d’autres encore sont venus, puisqu’il paraît qu’un quart des Français ont au moins un grand parent « étranger ».
Certains « arrivaient » de l’Europe centrale, bien différente de notre civilisation méditerranéenne. Mais, comme tu l’écris très bien, nous sommes très « accueillants », nous autres.
Alors nous avons donc accueilli parmi eux, un certain Paul Sarkozy de Nagy-Bosca, qui fuyait l’avancée de l’Armée Rouge en 1944.
Nous sommes tellement « accueillants » que nous avons fait de son fils, ton frère siamois, immigré de la seconde génération, un Président de notre belle République.
Comment être plus accueillants ?
Mais faudrait quand même pas tout confondre : entre lui et moi vois-tu, c’est moi qui accueille, et lui qui est accueilli. Ne l’oublie pas.
Ceci précisé, je suis tout à fait d’accord avec ce que tu écris :
Moi, Mouloud, l’accueillant, j’offre à ton frère siamois et à toi-même, « la reconnaissance de ce que l’autre peut lui apporter ». Mais je demande, à « celui qui arrive, le respect de ce qui était là avant vous »
Et, je vais y revenir, quand les Sarkozy sont devenus Français, le ciel de Paris s’ornait d’une Grande Mosquée, avec un beau minaret.
Je suis d’accord, moi Mouloud qui t’accueille, je dois te faire « l’offre de partager (mon) héritage, (mon) histoire [y compris en classe de terminale], (ma) civilisation), (mon) art de vivre. »
Tiens, je t’invite volontiers à venir manger un couscous avec moi.
Mais, naturellement, toi « qui arrive », ou toi dont c’est juste le père qui est arrivé, je te demande, comme tu l’écris toi-même, d’avoir « la volonté de (t)’inscrire sans brutalité, comme naturellement, dans cette société que (tu vas) contribuer à transformer, dans cette histoire que (tu vas) désormais contribuer à écrire. »
« Sans brutalité » : tu as bien raison, c’est important ça.
Nous, anciens Français, nous ne jouons pas au matamore, aux « tu causes tu causes, c’est tout ce que tu sais faire » ; nous n’aimons pas trop tout ce qui est « bling-bling ».
Nous aimons, tu le soulignes, « l’humble discrétion » et nous comptons sur toi pour être exemplaire dans ce domaine.
Nous comptons sur toi, pour, comme tu affirmes que cela doit être le cas des « nouveaux arrivants », de te « garder de toute ostentation et de toute provocation ».
Car, toi dont le père a fui le totalitarisme, tu dois être bien « conscient de la chance que (tu as) de vivre sur une terre de liberté ».
Et cela te donne le devoir de n'en supprimer aucune. Or, quand j’apprends certaines de tes décisions, je suis inquiet à ce sujet.
Contrairement à moi, puisque tu n’es en France que depuis une seule génération, tu as encore beaucoup de choses à apprendre quant aux « valeurs de la République (qui) sont partie intégrante de notre identité nationale ».
Vu ta fonction, il faut que tu l’apprennes vite car « tout ce qui pourrait apparaître comme un défi lancé à cet héritage et à ces valeurs condamnerait à l’échec. »
Mais, je ne suis pas inquiet : tu es très doué
Donc, il suffit que je te précise un peu les choses, notamment sur la laïcité dont je parle souvent à mes élèves dans mes cours de terminale, et tu obtiendras une brillante note.
D’abord, la laïcité, ce n’est nullement « la séparation du temporel et du spirituel » comme tu l’écris.
Cette expression, elle fleure le Moyen Age, la société de chrétienté, bref l’exact contraire de la société laïque.
Comme tu as publié ta tribune le 9 décembre, jour anniversaire de la « séparation des Eglises et de l’Etat », ta formule est particulièrement malheureuse.
Le « spirituel » et le « temporel », ce sont des notions théologiques, et cela connotait des pouvoirs.
La lutte de l’Empereur et du Pape, c’était la lutte du « pouvoir temporel » pour s’imposer face au « pouvoir spirituel ». Deux souverainetés.
En laïcité, seul « le peuple » est souverain et, en conséquence, le seul « pouvoir » est le pouvoir politique qui émane de lui. Le pouvoir, écrit Max Weber, a « le monopole de la violence légitime » : il peut réprimer par la loi.
La religion n’est pas sur le même plan. Et peut avoir, elle, autorité, si l'on est convaincu de sa validité.
Mais elle ne doit pas disposer de pouvoir.
Bon, la première leçon étant apprise, passons à la seconde.
Elle concerne aussi la laïcité.
Tu fais preuve d'une curieuse obsession des minarets et tu sembles assez ignorant à ce sujet.
Pour être concret, je vais te raconter l’histoire de France en la reliant à ma propre histoire d’ancien Français, du temps où toi, tu ne l’étais pas encore.
Pendant la guerre 1914-1918, mon arrière grand-père est mort au front, comme, malheureusement, beaucoup de Français, de diverses régions : Algérie, Savoie, ou Limousin, « petite patrie » de mon frère siamois.
Mais si je te raconte cela, ce n’est pas pour me cantonner dans la petite histoire, celle de ma famille, c’est pour rappeler l’Histoire tout court.
Car nous avons été environ 100000, oui cent mille, musulmans a mourir ou a être blessés au combat pour la France.
Nous étions déjà tellement « arrivés » en France, que nous y sommes morts !
Et que les « tirailleurs maghrébins (…) se forgèrent lors de cette guerre la réputation de troupe d’assaut par excellence »[3]
Ces combats avaient lieu dans cette partie de la France appelée « métropole ». Ma famille y était venue, à cette occasion, et elle y est restée. A Paris, précisément.
Comme nous commencions à être assez nombreux, et provenant, outre la France, de différents pays, la République laïque a eu une très bonne idée : construire une mosquée, avec un beau minaret bien sûr.
Elle avait décidé, en 1905, de « garantir le libre exercice du culte » (Article I de la loi de séparation).
« Garantir », c’est plus que respecter. C’est prendre les dispositions nécessaires pour assurer son bon fonctionnement.
Pourquoi passes-tu tant de temps, dans ton texte, à nous parler des minarets ?
Cela n’a vraiment pas été un problème. Bien au contraire.
Et pourtant, ils étaient très laïques, tu sais, plus laïques que toi, mon cher chanoine, les rad’soc (radicaux-socialistes), les Edouard Herriot, ou Léon Bourgeois (un des « pères » de la morale laïque) qui ont pris la décision de consacrer des fonds publics à la construction de cette mosquée, de ce minaret.
Tu sais, j’aime bien fréquenter les bibliothèques. J’y ai trouvé un ouvrage d’un historien qui retrace l’histoire de cette construction. Et c’est fort intéressant.
« Il est a remarquer, écrit son auteur, Alain Boyer, que personne n’a soulevé à l’époque le problème de la compatibilité de cette subvention avec l’article 2 de la loi de 1905, concernant la séparation des Eglises et de l’Etat qui dispose la République ne reconnaît ni ne subventionne aucun culte ; il aurait pu d’ailleurs être répondu que l’Etat ne finançait que la partie culturelle, l’institut, et non pas la mosquée proprement dite, c'est-à-dire le lieu de culte. »[4]
« Il aurait pu être répondu» :
Donc c’est plus tard que l’on a justifié ainsi les subventions de l’Etat et de la ville de Paris. Sur le moment, on s’est contenté de trouver cette construction nullement incompatible avec la loi de séparation.
Tellement peu incompatible que non seulement elle n’a pas été évoquée, mais que le rapport de la Commission des finances présenté par Herriot (en 1920) évoque explicitement la mosquée en même temps que la bibliothèque et la salle de conférences.
« Le financement d’un lieu de culte par la République, précise l’historien M. Renard, fut donc voté en toute conscience, malgré la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat. On parla surtout de la reconnaissance de la France pour l’indéfectible loyauté de ses fils musulmans. »[5]
Comment conciliait-on cela avec la loi de 1905 ? On en est réduit à des suppositions.
Une me semble fort plausible, on a raisonné par analogie : en effet la conséquence de l’article 1 de la loi de 1905, de sa garantie du libre exercice des cultes avait été double :
- d’une part la mise à disposition gracieuse (donc manque à gagner par absence de loyer!) des édifices du culte existants en 1905 et propriété publique (des milliers et des milliers !), mise à dispostion aux religions correspondantes à ces édifices (et on y a ajouté presque tout de suite le droit de faire des réparations sur fonds publics) ;
- d’autre part, la possibilité (prévue dans l’article 2 lui-même) de payer des aumôniers pour garantir le libre exercice du culte dans les lieux clos : hôpitaux, prisons, armée, internats des lycées,…
On s’est dit : étant donné tout ce que l’on consent financièrement pour garantir l’exercice des cultes catholique, juif, protestant, c’est bien le moins de donner des subventions publiques pour une Grande mosquée et son minaret.
D’ailleurs le père de la loi de 1905 Aristide Briand avait dit à son propos : « En cas de silence des textes ou de doute sur leur portée, c’est la solution libérale qui sera la plus conforme à la pensée du législateur. »
De plus, et je vais t’étonner Nicolas, les laïques, ils aimaient bien les minarets.
Lors de la détermination de la qibla (direction de La Mecque), en mars 1922, le représentant du gouvernement, Maurice Colrat, a prononcé un très beau discours. Il a déclaré notamment:
« Quand s’érigera, au dessus des toits de la ville, le minaret que vous allez construire, il montera vers le beau ciel de l’Ile de France qu’une prière de plus, dont les tours catholiques de Notre-Dame ne seront point jalouses. »
Et tous les dirigeants et militants laïques présents l’ont chaleureusement applaudi.
Ils étaient comme cela les laïques : ils assumaient, mais ne voulaient pas « valoriser » les « racines chrétiennes de la France ».
Ils estimaient, au contraire, que le pluralisme religieux faisait partie de son histoire, de son identité nationale laïque.
Et plus il y avait de prières différentes, plus ils étaient contents.
Le 15 juillet 1926, la grande mosquée a été inaugurée en présence de ton prédécesseur, Gaston Doumergue, le président de la République.
J’ai plein d’autres choses à t’écrire à propos de ton discours. Mais la bonne pédagogie veut que l’on ne cherche pas à en dire trop en une seule fois.
Pour le moment, assimile bien ces deux premières leçons.
Ecris nous vite une seconde tribune qui rectifie le tir.
Et on reviendra ensuite sur le « communautarisme » notamment, car la (en un seul mot ?) il y a aussi quelques petites choses à reprendre.
Ton cher compatriote
Mouloud Baubérot
.
[1] Notamment (mais pas seulement) le fait que "citoyens" pour quelques uns ou "sujets" pour la plupart, les habitants des colonies étaient de nationalité française, même s’il s’agissait d’une « nationalité dénaturée », selon l’expression de P. Weil.
Et sur cette dualité sujet-citoyen, le Blog en a déjà parlé à plusieurs reprises, notamment dans les Notes consacrées au livre de T. Shepard sur l'Algérie.
Cette Note ne pouvait pas reprendre tous les problèmes et ne prétendait nullement à une exemplarité de la conduite de la France. Au contraire, la position de Sarkozy prend place dans une longue histoire que la France n’a pas encore affrontée de face.
[2] Un Savoyard m’a d’ailleurs écrit pour me dire qu’il ne manquait jamais de signaler qu’il était français depuis moins longtemps que les Algériens.
[3] B. Recham, in Collectif, Histoire de l’Islam en France, Albin Michel, 2006, 743.
[4] A. Boyer, L’Institut musulman de la Mosquée de Paris, Paris, CREAM, 1992, p. 26.
[5] M. Renard, in Histoire de l’islam…, 722.
13:49 Publié dans ACTUALITE | Lien permanent | Commentaires (21)
12/12/2009
Lettre de Mouloud Baubérot à Nicolas Sarkozy
Cher Nicolas, Mon cher compatriote,
Tu as écrit une tribune dans Le Monde (9 décembre) qui a retenu toute mon attention. En effet, tu t’adresse à tes « compatriotes musulmans », et c’est mon cas, moi Mouloud Baubérot, frère siamois de celui qui tient ce blog.
Comme une lettre ne doit pas rester sans réponse, alors j’ai décidé, à mon tour de t’écrire. Après tout, toi aussi tu es mon « compatriote ». Et puis, comme je suis professeur d’histoire en terminale, j’ai l’habitude de corriger des copies.
Nous allons le voir, il y a plein de belles idées dans ta lettre, et je vais pouvoir te citer souvent.
Mais tu t’as commis une légère erreur de perspective, qui gâche un peu ton propos. Et comme cela vous concerne en particulier ton frère siamois et toi, permets moi de la rectifier.
Avant, par politesse, il faut que je me présente très brièvement. Ma famille provient d'Alger, ville française depuis 1834 et chef lieu d’un département français depuis 1848. Nous sommes donc d’anciens Français.
D’autres nous ont rejoint peu de temps après et sont devenus Français, en 1870, tel les Niçois et les Savoyards.° Nous avons intégré volontiers ces "nouveaux arrivants" et avons ajouté la pizza à nos coutumes alimentaires.
Et au siècle suivant, d’autres sont encore venus. Certains de l’Europe centrale, bien différente de notre civilisation méditerranéenne. Mais, comme tu l’écris très bien, nous sommes très « accueillants », nous autres.
Alors nous avons donc accueilli parmi eux, un certain Paul Sarkozy de Nagy-Bosca, qui fuyait l’avancée de l’Armée Rouge en 1944.
Nous sommes tellement « accueillants » que nous avons fait de son fils, ton frère siamois, immigré de la seconde génération, un Président de notre belle République.
Comment être plus accueillants ?
Mais faudrait quand même pas tout confondre : entre lui et moi vois-tu, c’est moi qui accueille, et lui qui est accueilli. Ne l’oublie pas.
Ceci précisé, je suis tout à fait d’accord avec ce que tu écris :
Moi, Mouloud, l’accueillant, j’offre à ton frère siamois et à toi-même, « la reconnaissance de ce que l’autre peut lui apporter ». Mais je demande, à « celui qui arrive, le respect de ce qui était là avant vous »
Et, je vais y revenir, quand les Sarkozy sont devenus Français, le ciel de Paris s’ornait d’une Grande Mosquée, avec un beau minaret.
Je suis d’accord, moi Mouloud qui t’accueille, je dois te faire « l’offre de partager (mon) héritage, (mon) histoire [y compris en classe de terminale], (ma) civilisation), (mon) art de vivre. »
Tiens, je t’invite volontiers à venir manger un couscous avec moi.
Mais, naturellement, toi « qui arrive », ou toi dont c’est juste le père qui est arrivé, je te demande, comme tu l’écris toi-même, d’avoir « la volonté de (t)’inscrire sans brutalité, comme naturellement, dans cette société que (tu vas) contribuer à transformer, dans cette histoire que (tu vas) désormais contribuer à écrire. »
« Sans brutalité » : tu as bien raison, c’est important ça.
Nous, anciens Français, nous ne jouons pas au matamore, aux « tu causes tu causes, c’est tout ce que tu sais faire » ; nous n’aimons pas trop tout ce qui est « bling-bling ».
Nous aimons, tu le soulignes, « l’humble discrétion » et nous comptons sur toi pour être exemplaire dans ce domaine.
Nous comptons sur toi, pour, comme tu l’affirmes que cela doit être le cas des « nouveaux arrivants », de te « garder de toute ostentation et de toute provocation ».
Car, toi dont le père a fui le totalitarisme, tu dois être bien « conscient de la chance que (tu as) de vivre sur une terre de liberté ».
Et cela te donne le devoir de n'en supprimer aucune.
Contrairement à moi, puisque tu n’es en France que depuis une seule génération, tu as encore beaucoup de choses à apprendre quant aux « valeurs de la République (qui) sont partie intégrante de notre identité nationale ».
Vu ta fonction, il faut que tu l’apprennes vite car « tout ce qui pourrait apparaître comme un défi lancé à cet héritage et à ces valeurs condamnerait à l’échec. »
Mais, je ne suis pas inquiet : tu es très doué
Donc, il suffit que je te précise un peu les choses, notamment sur la laïcité dont je parle souvent à mes élèves dans mes cours de terminale, et tu obtiendras une brillante note.
D’abord, la laïcité, ce n’est nullement « la séparation du temporel et du spirituel » comme tu l’écris.
Cette expression, elle fleure le Moyen Age, la société de chrétienté, bref l’exact contraire de la société laïque.
Comme tu as publié ta tribune le 9 décembre, jour anniversaire de la « séparation des Eglises et de l’Etat », ta formule est particulièrement malheureuse.
Le « spirituel » et le « temporel », ce sont des notions théologiques, et cela connotait des pouvoirs.
La lutte de l’Empereur et du Pape, c’était la lutte du « pouvoir temporel » pour s’imposer face au « pouvoir spirituel ». Deux souverainetés.
En laïcité, seul « le peuple » est souverain, et donc le seul « pouvoir » est le pouvoir politique qui émane de lui. Le pouvoir, écrit Max Weber, a « le monopole de la violence légitime » : il peut réprimer par la loi.
La religion n’est pas sur le même plan. Et peut avoir, elle, autorité, si l'on est convaincu de sa validité.
Mais elle ne doit pas disposer de pouvoir.
Bon, la première leçon étant apprise, passons à la seconde.
Elle concerne aussi la laïcité.
Tu fais preuve d'une curieuse obsession des minarets et tu sembles assez ignorant à ce sujet.
Pour être concret, je vais te raconter l’histoire de France en la reliant à ma propre histoire d’ancien Français, du temps où toi, tu ne l’étais pas encore.
Pendant la guerre 1914-1918, mon arrière grand-père est mort au front, comme, malheureusement, beaucoup de Français, de diverses régions : Algérie, Savoie, ou Limousin, « petite patrie » de mon frère siamois.
Mais si je te raconte cela, ce n’est pas pour me cantonner dans la petite histoire, celle de ma famille, c’est pour rappeler l’Histoire tout court.
Car nous avons été environ 100000, oui cent mille, musulmans a mourir au combat pour la France.
Nous étions déjà tellement « arrivés » en France, que nous y sommes morts !
Ces combats avaient lieu dans cette partie de la France appelée « métropole ». Ma famille y était venue, à cette occasion, et elle y est restée. A Paris, précisément.
Comme nous commencions à être assez nombreux, et provenant, outre la France, de différents pays, la République laïque a eu une très bonne idée : construire une mosquée, avec un beau minaret bien sûr.
Elle avait décidé, en 1905, de « garantir le libre exercice du culte » (Article I de la loi de séparation).
« Garantir », c’est plus que respecter. C’est prendre les dispositions nécessaires pour assurer son bon fonctionnement.
Pourquoi passes-tu tant de temps, dans ton texte, à nous parler des minarets ?
Cela n’a vraiment pas été un problème. Bien au contraire.
Et pourtant, ils étaient très laïques, tu sais, plus laïques que toi, mon cher chanoine, les rad’soc (radicaux-socialistes), les Edouard Herriot, ou Léon Bourgeois (un des « pères » de la morale laïque) qui ont pris la décision de consacrer des fonds publics à la construction de cette mosquée, de ce minaret.
Tu sais, j’aime bien fréquenter les bibliothèques. J’y ai trouvé un ouvrage d’un historien qui retrace l’histoire de cette construction. Et c’est fort intéressant.
« Il est a remarquer, écrit son auteur, Alain Boyer, que personne n’a soulevé à l’époque le problème de la compatibilité de cette subvention avec l’article 2 de la loi de 1905, concernant la séparation des Eglises et de l’Etat qui dispose la République ne reconnaît ni ne subventionne aucun culte ; il aurait pu d’ailleurs être répondu que l’Etat ne finançait que la partie culturelle, l’institut, et non pas la mosquée proprement dite, c'est-à-dire le lieu de culte. »[1]
« Il aurait pu être répondu» :
Donc c’est sans doute plus tard que l’on a justifié ainsi les subventions de l’Etat et de la ville de Paris. Sur le moment, on s’est contenté de trouver cette construction nullement incompatible avec la loi de séparation.
C’est ce que l’on appelle une rationalisation a posteriori.
Vois-tu, comme moi aussi je suis historien, je me permets une autre interprétation, qui me semble fort plausible.
On a (aussi) raisonné par analogie : en effet la conséquence de l’article 1 de la loi de 1905, de sa garantie du libre exercice des cultes avait été double :
- d’une part la mise à disposition gracieuse (donc manque à gagner par absence de loyer!) des édifices du culte existants en 1905 et propriété publique (des milliers et des milliers !), mise à dispostion aux religions correspondantes à ces édifices (et on y a ajouté presque tout de suite le droit de faire des réparations sur fonds publics) ;
- d’autre part, la possibilité (prévue dans l’article 2 lui-même) de payer des aumôniers pour garantir le libre exercice du culte dans les lieux clos : hôpitaux, prisons, armée, internats des lycées,…
On s’est dit : étant donné tout ce que l’on consent financièrement pour garantir l’exercice des cultes catholique, juif, protestant, c’est bien le moins de donner des subventions publiques pour une Grande mosquée et son minaret.
D’ailleurs le père de la loi de 1905 Aristide Briand avait dit à son propos : « En cas de silence des textes ou de doute sur leur portée, c’est la solution libérale qui sera la plus conforme à la pensée du législateur. »
De plus, et je vais t’étonner Nicolas, les laïques, ils aimaient bien les minarets.
Quand on a posé la 1ère pierre de la mosquée, le maréchal Lyautey a fait un très beau discours. Il a déclaré :
« Quand s’érigera le minaret que vous allez construire, il montera vers le beau ciel de l’Ile de France qu’une prière de plus dont les tours catholiques de Notre-Dame ne seront point jalouses. »
Et tous les dirigeants et militants laïques présents l’ont chaleureusement applaudi.
Ils étaient comme cela les laïques : ils assumaient, mais ne voulaient pas « valoriser » les « racines chrétiennes de la France ».
Ils estimaient, au contraire, que le pluralisme religieux faisait partie de son histoire, de son identité nationale laïque.
Et plus il y avait de prières différentes, plus ils étaient contents.
J’ai plein d’autres choses à t’écrire à propos de ton discours. Mais la bonne pédagogie veut que l’on ne cherche pas à en dire trop en une seule fois.
Pour le moment, assimile bien ces deux premières leçons.
Ecris nous vite une seconde tribune qui rectifie le tir.
Et on reviendra ensuite sur le « communautarisme » notamment, car la (en un seul mot ?) il y a aussi quelques petites choses à reprendre.
Ton cher compatriote
Mouloud Baubérot
°Effectivement, comme 2 commentateurs l'ont fait remarquer: c'est en 1860 et non en 1870 que Nice et la Savoie sont devenus français. "Pan sur le bec", comme l'écrirait le Canard Enchainé.
Mais il est exact aussi que cela ne change pas la démonstration et que, "citoyens" pour quelques uns ou "sujets" pour la plupart, les habitants des colonies étaient français.
Et sur cette dualité sujet-citoyen, le Blog en a déjà parlé à plusieurs reprises, notamment dans les Notes consacrées au livre de T. Shepard sur l'Algérie. Cette Note ne pouvait pas reprendre tous les problèmes. Vu les réactions (sur et hors du Blog), il semble qu'elle ait atteint son but.
12:04 Publié dans ACTUALITE | Lien permanent | Commentaires (31)
11/12/2009
Le petit Nicolas ne perd rien pour attendre!
Vous êtes gentils, mais un tantinet pressants...
"Quand est-ce que tu vas réagir à l'article du mari de Carla Bruni sur l'id'nat ?" me demandez-vous.
Comme je suis fort occupé, j'ai chargé mon FRERE SIAMOIS: Mouloud Baubérot de lui envoyer une lettre.
Mais aujourd'hui il est pris toute la sainte journée
Donc, vous l'aurez demain.
M'est avis que le petit Nicolas S. ne perd rien pour attendre!
08:50 Publié dans CONTRE L'OBSCURANTISME | Lien permanent | Commentaires (1)
08/12/2009
Identité Nationale : ne refusons pas le débat
Manifestations à Paris les 9 et 10 décembre et à Bruxelles le 11.
Eh oui, vous savez quoi ?
Non je le perçois bien, vous n’êtes pas au courant.
Alors votre Blog favori va vous livrer un scoop :
Actuellement la droite et au pouvoir en France
C’est fou, non !
Et pas la droite mollassonne, limite radicale-socialiste à la Chirac.
Chirac qui, à part un dérapage (« le bruit et l’odeur »)
Avait toujours refusé de flirter avec l’extrême droite
Non, une droite dure
Avec -autre scoop- le dernier marxiste au cœur du gouvernement : Eric Besson soi-même
Marxiste Besson ? Ben oui
La preuve : il veut absolument nous montrer que l’idéologie dominante, cela existe !
Et effectivement, avec son questionnaire
(dont nous reparlerons très prochainement)
Il administre une piqûre de rappel, à toutes celles et tous ceux qui avaient jeté l’eau avec le bébé du bain
(Oui, je sais c’est le contraire que l’on écrit normalement ; mais que voulez-vous : un rien m’amuse
Et ce n’est pas à mon âge - pas tout à fait canonique quand même, certaines belles vous le diront-
Que l’on changera votre très humble et honoré serviteur)
CELLES ET CEUX QUI AVAIENT SUPPRIME L’EXPRESSION « IDEOLOGIE DOMINANTE » DE LEUR VOCABULAIRE
Grâce à notre Besson national, maintenant ils savent à quoi s’en tenir !
Bref, le débat est pipé, je suis bien d’accord.
Ceci dit, je suis CONTRE LA PETITION DE MEDIAPART
Et je prétends qu’il ne faut pas refuser ce débat, même pipé.
La raison en est simple : les débats sociaux sont toujours pipés
Jamais ils ne s’engagent clairement et librement
Même pas quand la (merveilleuse) gauche (que le monde entier nous envie) est au pouvoir, c’est dire !
Il y aura toujours des biais hénaûrmes !
Et le PS participe à la Mission Parlementaire sur le voile intégral
(Elle ne serait pas particulièrement pipée celle là ?)
Il n’a même pas pris en compte ma proposition, plusieurs fois répétée, de transformer cette Commission en Commission sur la « diversité » (et les discriminations)
Ce qui aurait été une façon offensive de s’insérer dans le débat.
Alors, mauvais esprit comme pas deux je me demande si on ne refuse pas le débat, par incapacité d’y introduire quelques paroles fortes, allant dans un tout autre sens.
D’ailleurs, ma grand-mère, cette sociologue villageoise émérite
Avait coutume de dire, avec la sagesse populaire :
« Les absents ont toujours tort »
Que voulez-vous ni vous vous, ni moi ne sommes hégémoniques.
Nous sommes dans la résistance à cette idéologie dominante,
Dans le combat pour l’empêcher d’occuper seule le terrain
D’être la pensée unique
C’est ce que va faire le Blog en décembre et janvier
(Et vous pouvez y contribuer par vos commentaires)
Par des Notes plus courtes que d’hab
Ce qui permettra d’en faire un plus grand nombre
Mais le Blog, c’est une goutte d’eau dans le bain.
C’est partout qu’il faut se saisir de ce débat piégé et…
CONTRATTAQUER.
En profiter pour dire comment on voit la France de l’avenir
Car c’est cela la véritable identité nationale :
La France que nous allons construire ensemble
« Sans distinction de race, de religion ni de croyance »
Comme le proclame le Préambule de notre Constitution.
PS : On me fait remarquer que je n’ai pas annoncé la :
Journée de la laïcité le 9 décembre, à la mairie du XXe
Arrondissement de Paris
6, place Gambetta
Des stands installés par la Mairie sur ses parvis seront actifs à partir de 14 heures.
Un orchestre de jazz débutera sa prestation à la même heure pour une durée de 3 heures.
Un colloque sera organisé à 17h30 dans la salle des fêtes de la Mairie
Cinq personnes interviendront :
Jean-Pierre WEISSELBERG, en tant que responsable de la Laïcité au G.O.D.F.,
Patrice BILLAUD, 1er Grand Maître Adjoint du G.O.D.F.,
Frédérique CALANDRA, Maire du 20ème arrondissement de Paris,
David ASSOULINE, Sénateur de Paris
Catherine KINTZLER, philosophe.
Au terme de ces interventions, qui le débat débutera avec le public.
Le colloque sera clôturé par un cocktail
Voilà, c’est fait.
Ceci dit, je n’annonce pas systématiquement, les manifs (d’autant plus qu’elles sont parisiennes et que l’on surfe sur le Blog du Pôle Sud au Pôle Nord et inversement)
Mais, tant qu’à faire, je signale aussi le lendemain 10 décembre à 20H30
Sur LA LAÏCITE, CIMENT D’UNE EUROPE EN CONSTRUCTION
Au Musée Social, 5, rue Las Cases, Paris VII
Avec :
Fr. Becker, prof. des Universités et animateur groupe Droits de l’homme et religion du Conseil de l’Europe
Ad. Dorpmund, SPD Allemagne
A. Garnero, SPD Italie
Et moi-même, votre très humble et honoré serviteur
C’est organisé par Désir d’Avenir.
Et, tant que j’y suis : à BRUXELLES le 11 décembre 2009 (après midi)
on parlera des
Accommodements raisonnables avec :
J. Baubérot/P. Bosset/E.Bribosia/H.Goldman
Organisé par :
Bruxelles Laïque et le Centre Bruxellois d’Action Interculturelle
dans les locaux de Bruxelles laïque
av. de Stalingrad 18-20
1000 Bruxelles.
11:16 Publié dans ACTUALITE | Lien permanent | Commentaires (2)
05/12/2009
MINORITES VISIBLES EN POLITIQUE
LES 11 ET 12 DECEMBRE
DEUX GRANDES JOURNEES DE DEBATS
suivies d'un concert de musique chaâbi avec Hafidh Djemai et sa formation
à l'École normale supérieure, 45 rue d'Ulm, 75005 Paris, Salle Dussane
dans le cadre de l'édition 2009 du Pari(s) du Vivre-Ensemble RENCONTRES INTERNATIONALES organisées par Esther Benbassa, prof à l'ÉPHE (Sorbonne), et la collaboration de J-C Attias, prof à l'EPHE (Sorbonne).
Programme complet et réservation (gratuite mais obligatoire) cliquez ici La question des minorités visibles dans la sphère politique est devenue une problématique incontournable de la société française. Comment s´inspirer de l´exemple américain qui tente de relever le défi de la diversité ? Des personnalités politiques chevronnées de tous bords, de jeunes militants récemment entrés en politique, des experts de renommée internationale, des acteurs du monde associatif, le chef de campagne de Barack Obama aux élections sénatoriales de 2000 échangeront autour de cette thématique essentielle. L´élection d´Obama a, par contraste, souligné les lacunes d´un modèle républicain français remis en question. Discrimination positive et quotas, citoyenneté, identité, intégration.. Ces rencontres sur les minorités visibles en politique invitent à s´interroger sur ces enjeux déterminants pour ouvrir des perspectives et préparer l´avenir d´une France plurielle. Contact : contact@cab- Traduction simultanée anglais-franç Manifestation organisée dans le cadre de l´édition 2009 du Pari(s) du Vivre-Ensemble, avec le soutien du Centre Alberto-Benveniste de l´École pratique des hautes études (Sorbonne), de l´Institut Remarque de New York University à l´ÉNS, de la Région Île-de-France, de l´Agence nationale pour la cohésion sociale et l´égalité des chances, de la Ville de Paris et des Services culturels de l´Ambassade des États-Unis à Paris, et en partenariat avec Beur FM, France Culture, France Ô, Libération, Politis, Respect Mag, Rue89, Télérama.fr, la Cité nationale de l´histoire de l´immigration et l´Institut de relations internationales et stratégiques
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