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30/09/2011

Le nouveau blog. Médiapart. Elisabeth Badinter et la laïcité lepénisée.

Le blog se meurt, vive le blog ! Comme je l’ai expliqué à plusieurs reprises, ce blog a été créé fin 2004, dans la perspective de pouvoir être réactif pendant l’année 2005, moment du centenaire de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat. Vu les échos qu’il a rencontré, il a joué les prolongations…pendant les 5 années suivantes. Et son succès ne s’est pas démenti, puisqu’il a été de plus en plus consulté. Ainsi, malgré l’été, le mois d’août 2011 a vu 5670 internautes effectuer 17756 visites (572 par jour) et consulter 46181 pages !

Mais le succès risque toujours d’engendrer la routine. Et ces derniers mois je me posais de plus en plus de questions. Une offre d’Edwy Plenel de rejoindre Médiapart est donc « tombée au bon moment », si je puis dire. Cela permet de changer de formule, d’explorer quelques nouveaux horizons, d’atteindre de nouveaux internautes (sans perdre les anciens, j’espère !), d’avoir de nouveaux interlocuteurs, voire contradicteurs (effectivement, les réactions à la première note publiée par Médiapart le prouvent très clairement).

Pourquoi Médiapart. D’abord à cause de la personnalité de son directeur, à la fois baroudeur et homme de culture. Point n’est besoin d’être toujours d’accord avec lui pour apprécier son aspect franc-tireur, et ses qualités de journaliste d’investigation. Ensuite, l’équipe réunie autour de lui, semble animée du même idéal qui se situe dans la filiation du journalisme indépendant des origines. L’open space où travaillent les divers collaborateurs de ce Site me fait un peu penser à une version moderne du journaliste-type des albums de Lucy-Luke. C’est fort sympathique.

Je n’ignore pas que le journalisme d’investigation comporte des risques, dont celui de se croire justicier n’est pas le moindre. Mais en même temps, il s’agit d’une fonction essentielle pour que la démocratie vive au quotidien. Et on frémit en pensant à tout ce qui se serait passé dans une immunité complète si … Dans ce bouillonnement nécessaire, Médiapart a pris une large part. J’ai particulièrement apprécié, tout au long de l’été, la ténacité de Médiapart sur l’affaire Takieddine. Les événements de ces derniers jours ont montré à quel point il ne fallait pas lâcher.

Mais Médiapart ne se réduit pas au journalisme d’investigation et (notamment) son « Club », où des blogs prennent place, est un large espace de réflexion où peuvent se côtoyer des spécialistes, comme le blog de mon ami Claude Lelièvre, et ceux que les médias dominants qualifient de plus en plus d’ « anonymes », désignation significative, implicitement méprisante, qui nie l’individualité, la personnalité de chacun.

J’indique d’ailleurs que, c’est important pour moi, l’accès aux Blogs est gratuit et donc les internautes qui voudront bien me suivre dans ma (relative) transhumance pourront continuer à avoir accès aux réflexions que je leur proposerai. En revanche, comme « no body is perfect », les possibilités de commentaires sont réservées aux abonnés de Médiapart.  9 euros par mois et 90 pour un an, ce n’est pas la mer à boire. Internet permet de baisser les coûts par rapport au support papier, tout en multipliant l’expression et en la rendant plus interactive.

Bref désormais, vous me retrouverez sur :

http://blogs.mediapart.fr/blog/jean-bauberot

Le premier "papier" de ce nouveau blog a été publié ce 30 septembre:

Elisabeth Badinter et la laïcité lepénisée

http://blogs.mediapart.fr/blog/jean-bauberot/300911/elisabeth-badinter-et-la-laicite-lepenisee

Et, d’une manière générale : Médiapart / Le Club / Blogs / Tribunes
http://blogs.mediapart.fr/

Pourquoi, Elisabeth Badinter et la laïcité lepénisée : parce qu’elle vient de déclarer : « En dehors de marine Le Pen, plus personne ne défend la laïcité ». Naturellement la leader frontiste s’est illico emparée de ce propos « Et pour la première fois, le nom de Badinter a été applaudi dans une réunion du FN. » (Christophe Forcari, Libération, 30 septembre). Votre Baubérot favori ne pouvait laisser passer un tel propos sans réagir !

Ce n’est donc qu’un Au revoir, puisque, dès aujourd’hui, il vous suffit d’un click…

 

18:26 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (90)

26/09/2011

Du Sénat et de la laïcité

Donc la gauche a gagné et a conquis le Sénat, ce qu’elle se désespérait de pouvoir faire un jour. Tant mieux et d’abord pour le Sénat lui-même, tant raillé et moqué comme un bastion de conservatisme.

Mais quand on y regarde de plus près, cette Chambre s’est avérée être souvent moins primaire que l’Assemblée nationale. Je ne sais s’il s’agit d’une conséquence quasi automatique du suffrage indirect (moins dépendant de l’image de l’électeur moyen, les sénateurs sont moins enclins à intérioriser les stéréotypes) ou s’il s’agit d’une conséquence plus indirecte, mais le fait est que le Sénat tombe un peu moins dans les pièges grossiers où les députés se vautrent volontiers.

De de Gaulle à Sarkozy, les sénateurs se sont montrés moins godillots que l’Assemblée Nationale. Pour avoir effectué, à plusieurs reprises, ce constat tout ce qu’il y a de plus pragmatique, J’ai eu quelques belles passes d’armes avec des personnalités politiques de gauche, prétendant que le Sénat était forcément  en manque de légitimité. De même, on m’avait reproché « d’avoir choisi le Sénat » pour présenter  la Déclaration internationale sur la Laïcité au XXIe siècle, le 9 décembre 2005. En fait, j’étais bien content que le Sénat ait accepté de me donner gratuitement une salle pendant quelques heures pour permettre à des universitaires venus de différents pays de présenter ce texte!

Que pensent ces personnalités aujourd’hui du Sénat ? Son virage à gauche, lui donne-t-il, par miracle, une légitimité républicaine, qu'il n'aurait pas eu avant? Ceci indiqué, bien sûr que le mode de scrutin du Sénat n’est pas satisfaisant. Il faudra le modifier, mais le principe d’une seconde Chambre élue d’une autre manière que la première, et à des moments différents, me semble précieux, et c’est bien que l’alternance sénatoriale soit réalisée.

Ensuite, ce virage du Sénat place les socialistes face à leur responsabilité : il ne me semble plus possible de nier qu’ils risquent d’être eux-mêmes leurs meilleurs ennemis : la victoire ou la défaite dans la mer de toutes les batailles, la présidentielle, dépend vraiment de leur propre capacité à livrer bataille sans s’autodétruire.

On va d’ailleurs tout de suite avoir une idée puisque mardi le PS doit choisir son candidat ou candidate et qu’Aubristes et Hollandais se regardent déjà en chien de faïence  et que samedi le nouveau président sera élu.

Mais si on regarde un peu plus loin, des choses se préparent également au niveau de la laïcité. La droite est à l’offensive et Marine le Pen en embuscade. Donnons quelques indications qui le montrent, mêmes si elles ne font pas la une de l’actualité.

 Guéant va publier son fameux Code de laïcité. Il en existe déjà un, donnant l’état actuel de la législation et règlementation, rédigé par la Ligue de l’enseignement. Guéant va-t-il faire du copié-collé, en ces temps où on parle beaucoup du plagiat ? (cf. notamment, le dossier de Télérama : beaucoup de plagiat dans les médias et, tendanciellement, c’est un homme connu d’un grand média parisien qui vole le travail d’une jeune journaliste provinciale. Etonnant, non ?) Va-t-il redécouvrir la lune ? Ou va-t-il en profiter pour glisser çà et là quelques durcissements répressifs ?

Affaire à suivre. Le même Guéant met actuellement en place un « conseiller laïcité » auprès des préfets départementaux et des « assemblées départementales de la liberté religieuse ».

 I have a dream : le fiasco du pseudo débat (et vraie débâcle !) de l’UMP aurait rendu un conseiller du Ministre (n’en demandons pas trop !) intelligent, et il s’agirait de régler les incidents qui peuvent se produire en amont, avant qu’ils ne deviennent des affaires médiatiques et que Marine le Pen ne se précipite comme la misère sur le pôvre monde.

Si jamais, c’était cela, je ne bouderais pas mon plaisir ! Mais pourquoi mettre ainsi d’un côté « laïcité » de l’autre « liberté religieuse » ? Rappelons la 1ère leçon d’une « laïcité pour les Nuls » : la liberté de conscience est une finalité de la laïcité, et la liberté de conscience inclut la liberté religieuse. Pourquoi aussi exclure des représentants d’association laïques de ces assemblées ?

La distinction liberté religieuse-laïcité me fait craindre qu’il s’agisse d’une entreprise néo-gallicane. Le gallicanisme qui, pendant des siècles, avant la laïcité, a constitué la politique religieuse de la France, était un mélange de protection et de contrôle de la religion. Aïe, aïe, aïe : peut-être « liberté religieuse » signifie, dans l’esprit de ces bureaucrates, « protection de la religion » et « laïcité », du coup: contrôle de la religion.

La laïcité qui imposait aux religions plus de liberté, est déjà devenue, et deviendrait plus encore, un synonyme de répression face à des manifestations religieuses. Et, de plus en plus, il suffit de prétendre qu’il s’agit de « religion » pour que les partisans de la liberté d’expression baissent les bras.

Face à cela, quelle est l’attitude de la gauche ? Quelle laïcité va-t-elle promouvoir (car il s’agit de promouvoir la laïcité plus que de la « défendre », vision rabougrie !) ? Jusqu'à présent, elle s'est montrée plus divisée qu'inventive.

La gauche va-t-elle savoir dépasser l’alternative de la laïcité répressive umpénisée, et du néo-cléricalisme à la Benoît XVI  (celui-ci a benoîtement  déclaré en Allemagne que l’être humain a une nature intangible –au XIXe siècle avec ce discours, l’Eglise catholique voulait empêcher que la loi autorise le divorce ; et il a appelé à une sainte Alliance des chrétiens contre la « sécularisation »), récupéré par certains comme une racine culturelle et identitaire.

La gauche ferait bien de se préparer : elle n’a plus beaucoup de temps pour clarifier ses idées quant à la laïcité, reprendre l’offensive. Sinon la laïcité, qu’elle croyait être son bien précieux, va être invoquée, brandie contre elle, comme l’étendard de la droite dure et de l’extrême droite.

Une laïcité déformée, falsifiée, naturellement  mais qui bénéficiera de complicités, même à gauche. Car on assiste à les pleurnichements de personnes qui s’affolent des références lepénistes à la laïcité, alors qu’ils ont ouvert un boulevard à Marine le Pen. Il ne reste vraiment plus beaucoup de temps pour être en ordre de marche. Là aussi: affaire à suivre très attentivement.

PS : je rentre de 10 jours de conférences à l’étranger avec un emploi du temps très occupé. J’ai plus d’une centaine de mèls en retard. Patience donc à mes différents correspondants. Merci d’avance.

 

15/09/2011

L’arrestation de la psychanalyste syrienne Rafah Nached

COMMUNIQUE SUR LES CONDITIONS D’ARRESTATION

DE LA PSYCHANALYSTE RAFAH TAWFIQ NACHED

Le Dr Faysal ABDALLAH, professeur d’Histoire ancienne à l'Université de Damas a publié le communiqué suivant:

Je tiens à porter à la connaissance de tous que mon épouse, le Dr Rafah Tawfiq NACHED, psychanalyste, s’est présentée au point de contrôle des bagages de l’Aéroport International de Damas, samedi 10 septembre à 1h33 du matin. Elle devait se rendre à Paris pour des raisons familiales et de santé. Elle m’a alors appelé et m’a dit : « Ils procèdent à des contrôles avec nervosité. Ils ont des listes… On m’a pris mon passeport et on est parti avec… ». La conversation s’est arrêtée là. Mais, son téléphone portable étant resté allumé, j’ai entendu du bruit et de l’agitation, ainsi que les mots : « Madame… enlevez cela », puis la communication s’est totalement interrompue.

Je me suis immédiatement rendu à l’Aéroport, où je suis arrivé aux alentours de 2h15 du matin. Je me suis dirigé vers le premier poste de contrôle des bagages et j’ai demandé à un policier de se renseigner pour savoir si une femme de 66 ans était passée par là. Le policier en civil m’a répondu qu’il allait poser la question à l’intérieur.

Il est entré, est revenu quelques instants plus tard et m’a déclaré : « Nous ne savons pas. Tu dois interroger le bureau de la Sécurité ». Je lui ai dit : « J’ai reçu un appel de ma femme, il y a peu de temps, dans lequel elle m’a dit qu’elle se trouvait au point de contrôle des bagages qui précède la pesée et l’enregistrement ». Il m’a répliqué : « Personne ne sait rien » et m’a conseillé à nouveau d’interroger la Sécurité.

Je me suis rendu en hâte vers un bureau situé dans le grand hall de l’Aéroport au-dessus duquel se trouvait un panneau « Sécurité ». Je leur ai posé la même question et on m’a répondu : « La Sécurité n’a aucune information. Si nous savions quelque chose, nous vous dirions avec exactitude ce qui s’est passé ». J’ai fait observer que ma femme était passée par là, qu’elle s’était mise en contact avec moi depuis le point de vérification des bagages pour me dire qu’ils la contrôlaient, que la conversation avait alors été coupée, et que, depuis ce moment-là, je considérais que ma femme avait disparu à l’intérieur de l’Aéroport - plus exactement au premier point de contrôle, avant la pesée des bagages.

Un fonctionnaire de la Sécurité en habit civil m’a répondu : « Nous n’avons aucune information. Si nous savions quelque chose, nous te l’aurions dit ». Je me suis étonné : « C’est étrange. Je suis un citoyen. Je vous informe que ma femme a disparu chez vous. Puis-je compter sur une aide quelconque de votre part en tant qu’autorité responsable ? » Il m’a répété à nouveau : « Nous, nous ne savons rien. Vois plutôt la Sécurité Générale. Va voir la Police et pose-lui ta question ».

Je me suis dirigé vers un bureau voisin où se trouvaient des policiers en uniforme. J’ai raconté l’affaire de la disparition de ma femme. On m’a demandé quel était son nom complet. J’ai donné une photocopie de sa carte d’identité. Un policier s’est retiré pour revenir quelques minutes plus tard et me déclarer : « Ta femme n’a pas franchi le poste de la Sécurité Générale. Cela signifie qu’elle n’est pas encore partie. Regarde du côté du premier poste de contrôle des Douanes et de la Sécurité Aérienne ».

Je lui ai fait remarquer qu’on ne me laissait pas entrer là-bas, et que « le bureau censé être celui de la Sécurité Aérienne m’avait déjà fait savoir qu’il ne savait rien à son sujet, et que s’il savait quelque chose il me le dirait ». Le policier m’a alors regardé en riant. Il m’a dit : « Nous, nous avons fait ce que nous devions faire. Ta femme n’est pas passée par chez nous. Interroge de nouveau la Sécurité ».

J’ai ainsi passé quelques heures à discuter avec les responsables des bureaux de la sécurité de l’Aéroport. Au petit matin, je me suis finalement retrouvé dans le bureau du Général Commandant en Chef de la Police de l’Aéroport. Je lui ai raconté ce qui s’était passé, que j’avais perdu ma femme dans l’Aéroport depuis 1h33 du matin, qu’elle n’avait pas franchi le premier poste de contrôle, que son nom figurait sur la liste de réservation des passagers d’Air France en direction de Paris, mais qu’Air France m’avait indiqué qu’elle ne figurait pas sur celle des passagers ayant embarqué.

Cela voulait dire qu’elle avait été arrêtée au premier point de contrôle. L’officier supérieur m’a répondu avec amabilité et m’a fait comprendre que si la Sécurité Générale n’avait pas enregistré le passage de ma femme, cela voulait dire qu’un autre service de sécurité, autrement dit la Sécurité Aérienne, était responsable de ce qui s’était passé.

J’ai tenté à de multiples reprises de retourner aux bureaux de la Sécurité Aérienne. J’ai demandé à en rencontrer l’un des officiers. Mais toutes mes démarches sont demeurées vaines. J’ai dû me contenter de la réponse des fonctionnaires des bureaux accessibles au public.

Au terme de la journée de samedi, toute entière occupée à passer des bureaux de la Sécurité à ceux de la Sécurité Aérienne et de la société Air France, je me suis résigné à admettre que le Dr Rafah NACHED, psychanalyste âgée de 66 ans, avait été arrêtée au poste de contrôle des bagages de la section départ de l’Aéroport de Damas, par des membres des Services de Renseignements (moukhabarat) de l’Armée de l’Air, et qu’il me faudrait suivre l’affaire de son arrestation le jour suivant. C’est ce que je fais maintenant.

Ma femme a passé sa première nuit dans un lieu dépendant d’un service de Sécurité dont j’ignore tout. Je signale qu’elle souffre de plusieurs problèmes de santé et qu’elle se rendait à Paris pour raisons familiales mais aussi pour des examens médicaux. Elle a été arrêtée à l’Aéroport de Damas par les moukhabarat de l’Armée de l’Air. J’entreprendrai ce jour-même les procédures légales auprès du ministère de la Justice pour obtenir une réponse des autorités sur le sort de ma femme.

 

16:03 Publié dans ACTUALITE | Lien permanent | Commentaires (32)

11/09/2011

Un troussage de domestique: le livre. Le HCI et la chasse aux femmes à foulard: le dégout et le mépris.

 1) Un troussage de domestique

Christine Delphy (coord.)
Clémentine Autain, Jenny Brown, Mona Chollet, Sophie Courval, Rokhaya Diallo, Béatrice Gamba, Michelle Guerci, Gisèle Halimi, Christelle Hamel, Natacha Henry, Sabine Lambert, Titiou Lecoq, Claire Levenson, Mademoiselle, Marie Papin, Emmanuelle Piet, Audrey Pulvar, Joan W. Scott, Sylvie Tissot, les TumulTueuses, Najate Zouggari

L'objet de ce livre n’est nullement de discuter des faits de ce qu’on a appelé l’«affaire Strauss-Kahn». Il est de rendre compte de l’effarement des féministes françaises devant les déclarations des hommes – et femmes – politiques à la nouvelle de son arrestation.
Effarement et indignation: Dominique Strauss-Kahn était présenté comme une victime et, surtout, on ne voyait que lui, comme s' il ne s’agissait pas d’une agression, vraie ou fausse peu importe ici, mais en tous les cas qui impliquait au moins deux personnes.

Ce livre consiste en une sélection de textes de féministes (journalistes, universitaires, chercheuses, étudiantes, de toutes générations) qui s’arrête, sauf exception, à la première semaine de juin. Ainsi, sauf pour l’article de Clémentine Autain et Audrey Pulvar qui clôt le livre, il n’y a pas de réaction à l’annonce de la fin des poursuites contre DSK fin juillet pas plus qu’aux propos sur sa «résurrection».
Beaucoup de femmes et d'hommes ont été choqués par l’invocation d’une soi-disant culture nationale pour justifier l’injustifiable. La confrontation politique sur le viol, sur la violence est ouverte. A moins d’un an de la présidentielle...

 184 p. / 7 euros
ISBN: 978-2-84950-328-7
Collection Nouvelles Questions Féministes

RENDEZ-VOUS avec les AUTEURES
j
eudi 15 septembre à 19 heures, au Lieu Dit
6 rue Sorbier, 75020 Paris

Vendredi 23 septembre à 19 heures,
à la librairie Violette and Co

102 rue de Charonne, 75011 Paris

2) Le HCI et la chasse aux femmes à foulard : le dégout et le mépris.

Et, pendant ce temps, la chasse aux femmes qui portent un foulard continue : dans un Avis remis au premier Ministre’ le Haut Conseil à l’Intégration (défense de rire devant ce sigle !) veut chasser les femmes qui portent un foulard du marché du travail. Cela lui paraît incompatible avec « une société profondément  sécularisée » indique-t-il. On ne peut mieux dire que l’on cherche à imposer la sécularisation  aux individus, sous couvert de laïcité.

Une telle optique a toujours eu pour résultat de pervertir la laïcité en l’éloignant de la démocratie. Le HCI, s’il se préoccupait réellement d’intégration, devrait se soucier de l’état de la société dans laquelle il est demandé aux immigrés et à leurs descendants de s’intégrer. Une société qui pratique le sexisme ordinaire.

Libération titrait  ainsi sa première page les 11 et 12 juin dernier : « Harcèlement sexuel : Pourquoi la France ferme les yeux. Inadaptée, la législation limite les plaintes des femmes victimes de violences sexuelles dans le monde du travail ». Mais cela bien sûr, ne concerne en rien le HCI et son inénarrable chargé de Mission laïcité, Alain Seksig,

La logique de leur position, qui provoque en moi mépris et dégout est, de fait, la suivante : qu’une femme immigrée soit sexuellement harcelée dans son travail ne mérite pas notre attention. L’important elle qu’elle ne porte pas de foulard ! Ils sont, bien sûr, trop bêtes pour que leur logique leur saute aux yeux, mais elle est portant la conséquence sociale de leur glorieuse action.

 

04/09/2011

DSK, le dit « lobby juif », antisémitisme et laïcité.

 Dans son n° du 31 août, le quotidien Le Monde rapporte un débat, tenu sur une station de radio « sur le ‘lobby juif’ à propos de l’affaire DSK ».  Le Conseil  supérieur de l’Audiovisuel  (CSA), et notamment le président de son  Groupe de travail sur  la déontologie des contenus audiovisuels, Rachid Arhab,  envisagent de sévir.

Une information entre 1000. Si je la retiens, j’ai parce que je constate que, chez certaines personnes de tous bords, elle a un  effet un peu analogue à celle qui se produit dans des milieux de droite quand (par exemple) Eric Zemmour déclare  à la télé que beaucoup de délits sont  commis par des blacks et des beurs.

On croit alors qu’il y a des gens qui « osent » poser les « vrais problèmes » et qui seraient victimes du « politiquement correct » des milieux officiels.

Mais il existe (pour moi) une différence : alors que fort peu d’Internautes qui surfent sur le Blog risquent de se laisser prendre à ces derniers propos, ce n’est pas tout à fait le cas, pour ce qui concerne DSK et le dit « lobby juif ».

 

Une clarification m’apparait donc nécessaire. Souvent on n’ose pas la faire, trouvant le sujet trop « délicat » pour que l’on en parle explicitement. En parler court toujours aussi le risque de sembler prendre au sérieux ce qui n’a pas à l’être. On devient suspect de dire des choses « qui vont de soi ». Cependant, c’est précisément de ce silence que nait l’idée qu’il existerait des gens « courageux » étouffés par un embargo officiel.

Donc, dans la difficulté, il faut tenter cette clarification. Une des réalités basiques, mise en lumière par la sociologie, est que les individus ne sont pas des entités isolées dans la réalité sociale, des unités qui se juxtaposeraient les uns aux autres. Il existe des réseaux de sociabilité.

 

Ces réseaux connotent le plus souvent le milieu social de l’individu. On peut même dire son « appartenance de classe », même si l’expression n’est plus usuelle (on a trop voulu lui faire englober toute la réalité, alors qu’elle en donne un aspect important mais non unique).

Ce milieu se spécifie selon l’itinéraire personnel. Souvent, là aussi, de façon classique : anciens de l’ENA, de l’Ecole normale supérieure, d’HEC par exemple. Les réseaux de  sociabilité peuvent être plus transversaux. Parfois même, ils peuvent dérouter au premier abord.

 

Dans ma jeunesse militante, j’ai rencontré Gilbert Mury, qui était un maoïste tellement intransigeant que, pour lui, même les Chinois avaient trahis la véritable Révolution. Seul le modèle albanais trouvait grâce à ses yeux. Or, alors que, pour Mury, un membre du PSU (petit parti socialiste à la gauche du PS) était déjà un « social-traître », j’ai découvert qu’il bénéficiait de solides amitiés à droite et qu’il les cultivait.

Cela me paraissait tout à fait incongru jusqu’à ce que je comprenne que ce réseau de sociabilité datait de la Résistance, pendant la seconde guerre mondiale. Gaullistes et communistes s’étaient alors parfois rencontrés et cela comptait toujours, au-delà des divergences affichées.

DSK a, incontestablement, un réseau de sociabilité socialiste, et s’il y a eu des inconditionnels, d’autres ont eu des stratégies compliquées pour se montrer solidaires,  mais pas complètement.

En général, un individu est inséré dans plusieurs réseaux de sociabilité. Naturellement, certains de ces réseaux de sociabilité peuvent se rattacher à des appartenances culturelles : réseau de sociabilité breton ou corse, par exemple.

 Ils peuvent aussi dépendre de familles de pensée areligieuses ou religieuses : réseau franc-maçon, catholique, rationaliste, protestant, etc. très logiquement, il existe aussi un réseau de sociabilité juif, qui me semble être un peu à la jonction des deux précédents. Cela peut être aussi le cas d’un réseau de sociabilité protestant d’ailleurs. Que dans l’affaire DSK on trouve un avocat qui appartient aussi à ce réseau de sociabilité est dans la logique des choses. Choses qui s’arrêtent là.

Si DSK a incontestablement profité, dans cette affaire, d’une sorte de privilège, cela est dû fait qu’il est riche et puissant, que c’était la lutte du pot de fer contre le pot de terre, je ne vois pas en quoi les choses auraient été différentes s’il avait été un WAPS ou un très riche industriel catholique ou un magnat du pétrole musulman. Ces gens auraient pu tout autant payer une caution élevée, dépenser le maximum pour obéir aux critères de liberté surveillée, avoir les avocats les plus chers et peut-être les meilleurs.

Au moment où j’écris ces lignes, Jacques Chirac va probablement plus ou moins réussir à passer entre les mailles du filet de son procès, comme il le fait depuis 20 ans : faut-il dénoncer un lobby corrézien ? Ou le fait que, malgré ce qu’il écrit, il a réussi à ne pas être un justiciable comme un autre ? D’où vient alors que l’on parle de « lobby juif », sinon que l’on dépend d’un imaginaire social qui associe « juif » et « puissant » ?

 D’où vient cet imaginaire, sinon d’un terreau antisémite ? Et cela, même si c’est à son insu, que l’on n’en est pas conscient, et que l’on s’en défende.  Si l’hypertrophie de la référence aux racines est un trompe l’œil, les sociétés n’existent pas sans une épaisseur historique qui les informe, les imprègnent. Le terreau sur lequel elles existent est sédimenté par des couches d’historicité qui comprennent  tout  ce que le passé y a laissé. Heureusement, le passé peut être dépassé, il n’est jamais totalement mort. Il peut exister des fuites, de remontées à la surface.

 Et ce passé fait, bien sûr, que parler de « lobby juif », ce n’est pas la même chose que parler de « lobby corrézien », à supposer que l’on utilise cette expression. Je connais des gens qui disent en avoir « ras le bol » de la dénonciation constante faite aujourd’hui de l’antisémitisme. Il est vrai que certains peuvent l’instrumentaliser pour empêcher toute critique de l’action du gouvernement israélien. Mais hormis ce cas de détournement indu, on ne sera jamais trop vigilant à l’égard de tout relent d’antisémitisme.

Car ce que l’on pourrait qualifier d’antisémitisme diachronique, en France, ne se limite pas aux quelques années de l’Affaire Dreyfus ou à la seule période de Vichy, ses lois antijuives et à sa persécution des juifs, qui serait à l’opposé de la République (et donc dont elle serait vierge) comme certains se l’imaginent.

Je recommande aux Internautes l’ouvrage de Ralph Schor, L’antisémitisme en France dans l’entre-deux-guerres (éditions Complexe, 2005). Ils verront que l’antisémitisme d’alors était encore pire que la xénophobie et l’islamophobie actuelles, avec des formes extrêmes et d’autres qui se voulaient un tantinet subtiles, comme Maurras qui prétendait dégager l’antisémitisme de tout préjugé raciste.

On a reparlé, il y a quelque temps, de l’antisémitisme de Céline. Il est à la mesure du personnage, comme si Céline, d’une très grande lucidité dans le décryptage de la société avait besoin de boucs émissaires, pour pouvoir déverser sur un « Autre», complètement déréalisé, l’immense agressivité produite par l’acuité de son regard. Comme s’il fallait absolument focaliser sur des gens qui n’en peuvent mais, qui sont transformés en archétype complètement imaginaire, tout le mal social que des yeux perçants ont découvert. 

 Dans ma jeunesse, quand j’ai découvert Céline, il a représenté pour moi un modèle-contre-exemple absolu. Un modèle de clairvoyance sociale qui se retournait en folie antisémite, et le pire est que, sur le moment, cette folie est apparue socialement acceptable. Vichy n’est certes pas tombé du ciel.

Et force est de constater que, même après Vichy, une sorte de normalité antisémite a continué à exister.  Deux exemples chez des auteurs, par ailleurs sympathiques. Dans un des romans policiers de Léo Malet, cet écrivain anar, sur « Les nouveaux mystères de Paris » (malheureusement je ne suis pas sûr du titre), j’avais été gêné par la façon dont un personnage était décrit. Pourtant nul propos à caractère antisémite, au contraire le célèbre détective de Malet, Nestor Burma, désavouait ceux qui en tenaient. D’où venait donc la gêne ? A la réflexion, du fait que les traits d’individualité du personnage s’effaçaient devant le fait que ce personnage était juif. Sa judéité prenait un caractère englobant. Il était moins Monsieur Untel qu’un juif. C’est une sorte d’antisémitisme indirect.

Chez Georges Simenon, dans un Maigret, Piettr-le-letton (publié en 1958), là c’est direct et terrifiant. Il s’agit de Juifs de pays de l’est qui sont décrits avec de nettes caractéristiques raciales.  Comme le dit Steven Erlander (chef du bureau de Paris du New-York Times, actuellement, Marine le Pen et d’autres « couvrent les juifs par les musulmans » dans leurs doctrines de haines.   Ne nous y laissons pas prendre et combattons toutes les doctrines de haine.

Enfin, dernier point : un peu d’empathie ne feraient pas de mal. Certains minimisent la gravité de propos antisémites, en déclarant que « ce ne sont que des mots ». Il faut se rendre compte que ces mots actualisent la douleur de la Shoa encore vive.

Avant d’étudier l’histoire de la laïcité, j’ai été spécialiste d’histoire du protestantisme. Je me suis rendu compte à quel point, la douleur de la Saint Barthélémy (1572) et la Révocation de l’Edit de Nantes (1685) étaient encore des douleurs à vif chez beaucoup de protestants français du début du XXe siècle. Le moindre propos antiprotestant ravivait la blessure et faisait plus ou moins revivre symboliquement les persécutions passées. Je peux donc imaginer ce que peut susciter un propos antisémite, parmi les membres d'un groupe qui a été victime de la Shoah, et donc, me sentir solidaire. La laïcité, c’est aussi le devoir de tout faire pour que, progressivement, la cicatrisation puisse s’opérer et que l’on puisse dire de nouveau : « heureux comme un Juif en France ».