Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

26/07/2009

BIKINI et CONCORDE...SONT LES MAMELLES DU DESTIN;

Petite lettre d'été:

Internautes chéri(e)s, vous êtes de sacrés coquins/coquines :

 J’ai signalé (cf Note du 16 juillet) que, selon l’habitude, les vacances avaient fait baisser la fréquentation du Blog a 150 visites par jour.

La lecture du Parisien du 22 juillet, m’a inspiré une variation sur monokini et bikini, et, hop, voilà les visites qui, pendant quelques jours, pointent à plus de 210 par jour, alors qu’il ne faut pas dépasser le 130, et encore sur autoroute.

Et pourtant, c’était du strip à l’envers, ce constat : sur la plage, elles remettent le haut. Que serait-il arrivé si le Blog l’avait proposé…à l’endroit ?

Je n’ose l’imaginer. Secret Story et Bouygues n’auraient eu qu’à aller se rhabiller, les pôvres.

 

Selon les échos transmis par la CIA et l’ex-KGB, la plupart d’entre vous se sont bien amusés.

Réfléchir avec humour, c’est géant, non ?

Une internaute amie me fait cependant remarquer : « certains combats avaient du goût, du charme et de la légèreté, non? » Certes, mais mon propos ne visaient pas ces combats en tant que tels, seulement leur transformation en sorte de dogmes valables ad aeternam.

Et, contrairement à ce qu’ont lu quelques personnes, je n’ai jamais écrit : « Mesdames, couvrez-vous »

 

Ce qui me semble intéressant, ce sont notamment 2 choses :

D’une part, le bikini, en son temps, avait été le symbole d’une rupture avec des carcans. Je me rappelle quand j’étais ado, les mères de plusieurs copines les obligeaient à porter un maillot de bain une pièce.

Ces mères de familles trouvaient qu’un bikini soulignait trop le fait que les femmes ont des seins !

Vingt ans plus tard, arrivait, timidement le monokini. Dans la plage que je fréquentais l’été, il y a avait, les premières années seulement 2, 3, 4 très jeunes filles qui osaient.

Il fallait expliquer, notamment aux membres de ma ‘tribu’ qui étaient communistes (c’étaient eux les plus déchaînés !) que cela ne signifiait pas que ces jeunes filles avaient « de mauvaises moeurs » (on parlait encore ainsi à l’époque, il faut dire que c’était le temps antédiluvien où il fallait se lever et appuyer sur le bouton de la télévision pour changer de chaîne. La préhistoire, quoi !)

Il fallait leur dire que, non, tout ne foutait pas le camp.

Maintenant, revoilà le bikini, cette fois non plus comme dévoilement libérateur, mais comme : ‘on peut se libérer et ne pas trop se dévoiler’

Nouvelle rupture contre de nouveaux carcans.

Que le bikini soit, à quelques décennies d’intervalle, le symbole de deux ruptures avec l’idéologie dominante, me semble particulièrement intéressant.

 

Ensuite, j’ai tendance à rapprocher ce changement d’autres faits sociaux.

A mon sens, on n’a pas assez réfléchi à la signification de l’abandon du Concorde, il y a quelques années.

Ce merveilleux avion vous permettait de partir de Paris à midi et d’arriver à New York  à 10 h du matin : il allait plus vite que le décalage horaire.

Il était de symbole de la sentence : « On n’arrête pas le progrès ». Sauf qu’on a arrêté le Concorde !

Il bouffait trop d'énergie, coûtait trop cher, etc

Ce fut la prise de conscience que parfois les aspects contreproductifs du progrès l'emportent; et alors qu'il faut dire: stop!

J’ai vraiment vécu cela comme un signe des temps.

Non un « retour en arrière » : on ne revient jamais en arrière. Mais un tournant dans le rapport à la modernité.

 

Il faut abandonner une conception linéaire du temps, qui nous met dans le « toujours plus »…

Le temps, c’est plutôt une suite de zigzags : comme une route qui monte en lacets. Il y a des virages, du coup on peut avoir l’impression de  revoir un paysage déjà vu.

Mais on n’a pas fait demi tour pour autant. On a continué son chemin.

 

Eh oui, pour paraphraser Bobby Lapointe :

Bikini et Concorde

Sont les mamelles du destin

Tsouin, tsouin! 

 

 



22/07/2009

LE BLASPHEME DU BIKINI

La République est en danger, et la torpeur de l’été fait que l’indignation ne s’enfle pas comme cela devrait être. Pourtant nos valeurs rrrépublicaines les plus chères se trouvent en grave péril.

J’en appelle à un sursaut de la conscience nationale. Sinon, ne vous y trompez pas, le Moyen-Age et son obscurantisme sont de retour.

L’heure est gravissime.

J’avais déjà constaté, les années passées, quelques signes avant-coureurs dans mon Limousin natal. Mais, naïvement,  je croyais que cela tenait au fait que ma région, et ses lacs, font partie du plus profond de la France profonde.

Pensez, il faut que je monte dans mon grenier pour pouvoir passer un coup de fil sur mon portable. C’est dire si nous sommes loin de la brillante civilisation des Lumières.

Mais, le mal a gagné jusqu’à la région française lumineuse par excellence, notre Côte d’Azur.

 

C’est Le Parisien du 22 juillet qui nous l’apprend, avec le gros titre que cela mérite : « Le monokini, c’est fini ! »

Titre accompagné d’un sous-titre qui l’explicite : « Bronzer seins nus n’est plus à la mode. Sur les plages, les jeunes femmes remettent définitivement le haut. Leurs mères ou grands-mères avaient moins de pudeur… »

« Définitivement » Houlà là. C’est plus grave que vous le pensiez, non ?

Et tenez-vous bien, c’est « l’envoyé spécial » du quotidien « sur la Côte d’Azur » qui l’affirme, après une longue et éprouvante enquête.

Le pôvre, il a même l’œil tout sale, n’ayant pu se le rincer depuis plus d’une semaine.

 

A la plage branchée du Gaou Benat, près de Bormes-les-Mimosas, où, il y a quelques années, « 50% » des femmes étaient « topless », il n’y en a plus que… « 2% ». Et encore, il s’agit surtout de « quadras, quinquas et sexagénaires ». Celle que le journaliste a rencontrée et interviewée avait 79 printemps.

Je ne voudrais pas déroger au politiquement correct, je suis prèt à vous jurer sur la tête de mes doctorants que je crois profondément qu’une femme qui sourit est très belle, cela à tout âge.

Et, vrai de vrai, je le crois.

Cependant, tout à fait entre nous, si vous me promettez de ne le répéter à personne, je mettrais une toute petite nuance : les femmes qui me sourient et que je trouve très belles, en général, sont… habillées.

Oui, je sais, je suis un horrible.

 

Mais, cessons de parler de moi.

Vous savez ce qu’elles ont déclaré aux journalistes, les petites effrontées de 18, 20 ans, sans même enlever leur maillot de bain deux pièces pour la photo : « Avoir les seins à l’air, ça fait dépassé » ; « il n’y a que les vieilles qui font ça aujourd’hui » ; les seins « c’est une partie du corps qui est intime, je n’ai pas du tout envie de la montrer à tout le monde. »

M’enfin, n’importe quoi. Cette jeunesse ne respecte plus RIEN.

Non, rien de rien.

Elles ne respectent rien

Et même certaines disent :

« Effacé, oublié.

Je me fous du passé »

 

Plus aucune règle, vous dis-je. Elles n’ont aucune pudeur.

Car c’est bien la peine que, nous, féministes, nous ayons fait voltiger notre soutien-gorge après Mai 68. Que nous nous soyons battues pour nous dénuder. Que nous nous soyons libérées en nous exhibant.

Elles osent maintenant prétendre à ce satané journaleux que, pour être « bien dans leur corps », elles n’ont « pas besoin de le montrer ».

Auraient-elles l’infâme culot de ne pas suivre les chemins que nous avons choisis, que nous avons balisés pour elles ?

Nous nous sommes battues pour qu’elles puissent nager à poil, et les voila qui ne trouvent rien de mieux que de garder leurs maillots ; ah l’impudeur, l'irrespect de la jeunesse, j’vous jure !

Ces péronnelles n’ont pas 30 ans. Et vous savez quoi ? Au lieu de penser comme nous, ELLES PRETENDENT INVENTER UN AUTRE FEMINISME QUE LE NOTRE, LES GARCES.

Elles osent même affirmer que nous sommes devenues des « vieilles » !

Vieilles, nous ? Impossible : nous n’avions pas 25 ans en Mai 68 ! Et nous n’avons pas arrêté d’avoir les mêmes idées depuis lors. Nous n’avons changé en rien.

 

« Définitivement » qu’il a écrit le Monsieur. C’est bien ce que l’on va voir. On va les calmer, nous, ces excitées. On a des relations. On n’est plus les pétroleuses d’il y a quarante ans.

On va leur apprendre à se libérer. A ne pas rester dans l’esclavage du maillot de bain.

On va les émanciper malgré elles.

Mesdame, Messieurs les députés, vite, je vous en supplie, concoctez nous une de ces belles, de ces sublimes lois dont vous avez le secret.

Pour le respect de la laïcité et du monokini sur les plages de la République.

Yes, you can.

 

 

 PS: Effectivement, les commentateurs de ma Note du 16 juillet ont eu raison de le souligner, je suis encore plus nul que je ne le croyais en matière d'autopromotion et j'ai oublié de  signaler aux fidèles blogueurs, ma participation à l'émission d'A. Finkelkraut du 18 juillet. Ca a été un peu sportif, non? Merci en tout cas à celles et ceux qui ont mis un commentaire sur le blog ou m'ont envoyé des mels à ce sujet. Et j'ai rougi de plaisir en lisant des compliments sous la plume de plusieurs !

 

 

2ème PS: Si vous voulez en savoir plus (et sérieusement cette fois) sur l'ambivalence des seins nus à la plage, je vous recommande l'enquête sociologique publiée en 1995 chez Nathan par J.-Cl. Kaufman: Corps de femmes, regard d'hommes. Sociologie des seins nus (en poche : Pocket, 1998).

Ceci dit, qu'on ne s'y méprène pas: la dame de 79 ans a autant le droit de montrer ses "seins qui tombent" (cf Le Parisien) qu'un Monsieur du même âge son ventre enceint de 8 mois.  C'est simplement pour dire que les temps changent, que j'en ai un peu par dessus la tête des personnes qui disent: "mais nous, nous avons combattu pour ceci ou cela" et qui voudraient que les nouvelles générations les imitent, soient dans la répétition. Eh bien non, autre temps, autres combats et façons de vivre.

 

16:58 Publié dans ACTUALITE | Lien permanent | Commentaires (5)

16/07/2009

Plan drague. Oreslan et la dite « Sale Pute »

C’est l’été, j’effectue de big rangements (j’en aurai au moins pour 2 mois… !) et, comme chaque année, la fréquentation du Blog baisse (2267 visites pour les 15 premiers jours, ce qui fait exactement 150,5 visites par jour).

 Cela tendrait à prouver 2 choses :

- d’une part que vous êtes en vacances (veinards) et,

- d’autre part, que vous surfez sur le Blog quand vous êtes au boulot (alors que vous devriez travailler plus pour…travailler plus. Remarquez, vous pourrez toujours dire à votre adjudant chef que le Blog fait partie de votre formation permanente)

 

Avant d’être un peu sérieux, un conseil, un plan drague infaillible, pour les blogeurs vacanciers.

Les plages sont pleines de quidam en train de lire le dernier roman de Marc Lévy. C’est d’un banal !

Pour vous distinguer, pour attirer l’attention, promenez vous, nonchalamment, avec sous le bras, la seconde édition, complétée par mes soins attentifs, de mon Que sais-je ? Les laïcités dans le monde (n° 3794).

Cette nouvelle édition est parue il y a 3 mois et, étant nullos dans l’autopromotion, je ne vous en n’ai même pas parlé.

Mais là, c’est la bonne occas. Et vous verrez dans les yeux éblouis d’une belle ou d’un beau à quel point, pour 9 €, il aurait été bête de vous en priver.

Et celles et ceux qui voudraient vraiment faire super super class, n’ont qu’a, en plus, acheter sur Amazone (http://www.amazon.co.jp/exec/obidos/ASIN/4560509360/hatena-ud-22/ref=nosim) la traduction japonaise (merci à Kiyonobu DATE de l’avoir menée à bien) du Que sais-je ? précédent (Histoire de la laïcité en France).

Là, je vous garantis THE succès intégral. Surtout que, quand la belle (ou le beau) vous demandera de lui faire la traduction, d'abord, en ayant la version française, vous pourrez effectivement traduire et faire croire que vous connaissez bien le japonais (classe, non?); ensuite, vous pourrez, subtilement, y mêler une pincée de Kama Soutra.

Vous verrez bien alors si elle (ou il) pose alors sur vous un regard langoureux.

A vous de jouer donc…

 

Ouf, il fallait se dépêcher de sourire un peu, car l’actu n’est pas très drôle, elle.

On est toujours, plus que jamais, dans une société qui ne sait plus où elle en est. La répression contre les Ouïghours s’effectue dans une indifférence complète. Cela contraste avec le Tibet, où là on a été dans l’indignation. C’est pourtant très analogue.

Hier soir, il y avait une émission sur France 5, à propos de la chanson d’Orelsan « Sale Pute ». Chanson-clip où un mec menace la femme qui l’a quitté des pires sévices (la violer, l’éventrer,…) en des termes très violents.[1]

 

Cette émission était intéressante à regarder… au second degré, puisque les deux défenseurs du chanteur ont parlé, à plusieurs reprises, de la nécessité de prendre cette chanson au « second degré ».

Le problème est que le second degré nécessite une forme distanciée. Il peut s’agir d’un humour un peu fin, décapant, d’une analyse qui décrypte, etc.

Et, à aucun moment, il n’a été montré en quoi cette chanson se hissait au second degré, n’était pas complaisante envers la violence qu’elle profère.

 

Le problème est que l’on met en avant le « second degré » quand cela vous arrange, et l’on s’indigne, au premier degré, quand cela vous dérange.

Il y a des moments où l’indignation consensuelle est obligatoire, au nom de la dignité de la personne, le l’égalité homme-femme, etc ;

d’autres moments où l’on se réclame de la liberté d’expression, où l’on cite Voltaire, etc. Tout cela de façon péremptoire et dans l’incohérence la plus complète.

Il faudrait engager un peu une réflexion de fond, non ?

Ne pas être aussi naïvement dans le double jeu constant.

 

Et, puis l’émission a focalisé le problème sur les réactions des jeunes des banlieues (reportages à l’avenant : les jeunes d’ailleurs étaient blacks et beurs ; l’animateur social «blanc, normal » comme disait Coluche) ; alors que quand vous discutez avec des personnes qui s’occupent des violences conjugales, elles vous disent qu’il y en a pas mal chez les cadres supérieurs qui habitent les beaux quartiers.

Et, mauvais esprit comme je suis, j’ai vraiment tiqué quand il a été fait mention (après ces reportages précisément) et du nom réel du chanteur (style Dupond ou Durand, bien de chez nous, quoi) et du fait qu’il est « normand ».

J’y ai presque vu un message implicite : m’enfin, ne vous inquiétez pas, il n’est pas arabo-musulman. Il ne peut donc pas être vraiment contre la dignité de la femme !

Bien sûr, ni les reportages, ni ces précisions n'avaient de telles intentions. Mais, comme l'a souligné le sociologue présent sur le plateau : il y a d'un côté les intentions, de l'autre les effets sociaux.

Et il faut étudier les effets sociaux.

Eh oui, cela peut être boomerang d’invoquer le second degré !

On risque prendre vos propres propos au second degré.

 

PS: sauf imprévu, vous aurez droit, pendant l'été, à des Notes très courtes, style: Brève de comptoir laïques.



[1] Frédéric Mitterand, a déclaré qu’Orelsan avait « tout à fait le droit d’exprimer son dépit amoureux » (Le Monde, 16 juillet) !  F. Amara qui, monte tout de suite au créneau, quand il s’agit de statistiques ou de foulards, n’a pas réagi. Il fut pourtant un temps où elle prétendait vouloir que les femmes soient considérées comme « ni putes, ni soumises ».

11:53 Publié dans ACTUALITE | Lien permanent | Commentaires (6)

10/07/2009

OU VA LA COMMISSION sur le VOILE INTEGRAL?

Extrait d’un article de Stéphanie Le Bars (Le Monde, 10 juillet)

 

« La mission sur la burqa dit s'orienter vers un état des lieux plutôt que vers une loi »


 Les 32 députés composant la mission sur le voile intégral ont tenu leur première séance de travail mercredi 8juillet, sous la présidence du communiste André Gerin


Il ne faudra plus leur parler de burqa ou de niqab, mais de "voile intégral". Dans les prochains mois, il ne faudra pas non plus leur parler de loi d'interdiction."Le problème n'est pas de décider a priori s'il faut légiférer ou pas. L'objectif est de réaliser un état des lieux sur le port du voile intégral", a précisé André Gerin, député communiste et président de la mission d'information, en ouvrant, mercredi 8juillet, la première séance de travail de ce groupe de 32 députés, qui remettra ses "préconisations en janvier2010". »

 

A priori, ce serait plutôt une bonne nouvelle. Sauf que… « Chat échaudé craint l’eau froide », comme aimait à le dire ma grand-mère, une paysanne à forte personnalité, qui faisait de la sociologie comme M. Jourdain de la prose.

 

J’ai entendu des propos identiques à l’automne 2003 au sujet d’une loi sur l’interdiction des signes religieux à l’école, quand j’étais à la Commission Stasi.

On nous disait que les parlementaires eux-mêmes estimaient la chose compliquée, etc.

 

Et si on lit bien la citation de Guérin, on s’aperçoit vite qu’il ne pouvait pas dire autre chose : « Le problème n’est pas de décider A PRIORI s’il faut légiférer ou pas. »

Il ne va pas effectivement annoncer, au début de la 1ère réunion de la Commission, qu’il va avoir une loi !

Cet « a priori » laisse intact la possibilité d’annoncer qu’a posteriori….

Et on peut nous refaire le coup des propos du style : au départ, on était plutôt contre, mais on a été convaincu par les auditions…où l’on choisit qui on veut et dont on tire les conclusions que l’on veut.

 

La dite « burqa » ou le « voile intégral » (CETTE EXPRESSION EST EFFECTIVEMENT MEILLEURE QUE BURQA : elle correspond mieux à la réalité empirique observée où il ne s’agit pas, stricto sensu, de « burqa ».

 C’est donc bien que la Commission l’utilise. Mais, attention quand même, ce terme risque de mettre une continuité entre le foulard et qui, de toute façon, pour les gens sera considéré comme une « burqa ») est une conséquence, et non une cause.

Il faudrait que la Commission, une fois n’est pas coutume, prenne le problème par le bon bout.

Et donc l’état des lieux, c’est sur ‘République et diversité’ qu’il faut le mener.

 

11:22 Publié dans ACTUALITE | Lien permanent | Commentaires (4)

07/07/2009

LA REPUBLIQUE, TENSION entre l'UNIVERSEL et le PARTICULIER

(Suite de la Lettre à Martine Aubry)

 

Chère Martine,

Donc, je vous disais vendredi dernier (Note du 3 juillet) que le but réel d’une Commission devrait porter sur « République et diversité » et non se focaliser sur la dite « burqa ».

Dans cette optique, l’ouvrage de Mona Ozouf, Composition française  retour sur une enfance bretonne (Gallimard), comporte un trésor que son sous-titre ne laisse pas deviner :

Je reprends le compte-rendu du livre, commencé par la Note du 15 juin.

Dans sa seconde partie, il livre trois pistes très importantes (et même plus) sur République et diversité.

Mona Ozouf est, en effet, une grande dame de la discipline historique, qui a derrière elle des décennies de travaux savants, dont elle nous livre, en quelques dizaines de pages, une synthèse lumineuse par sa clarté, dans cette seconde partie.

Seuls ceux qui, comme elle, on effectué un énorme travail dit « de première main » (c'est-à-dire, pour les historiens à partir d’archives, et pas seulement d’autres ouvrages) peuvent faire une aussi bonne synthèse vulgarisée.

 

M. Ozouf a « entamé (ses) recherches (…) par l’école républicaine » et explique que « choisir ce sujet était pour une part la dette du bon élève. Pour une autre le salut à une entreprise d’égalité. »

Ensuite, elle a travaillé sur la Révolution française, objet de sa part de la « même admiration ».

« Ils me paraissaient fascinants, écrit-elle, ces hommes qui se mettent en marche avec des ambitions immenses, et se lancent (…) dans des entreprises inouïes ».

Elle retrouvait en eux, « le credo de (son) école primaire, la foi immédiatement professée, dans l’universalité des hommes. »

 

Bref, ce sont ses convictions très républicaines qui l’ont poussée à étudier la République. Et en même temps, la recherche nécessite de ne pas coller à ses convictions, de quitter le 1er degré.

Ce qu’elle nous a dit sur les « trois lots de croyances (…) désaccordées » qui ont marqué son enfance : « la foi chrétienne de (ses) ancêtres, la foi bretonne de la maison, la foi de l’école dans la raison républicaine » a sans doute aidé à cette distanciation, nécessaire à une démarche d’objectivation. scientifique.

 

En tout cas, elle se posait des questions, elle était attentive à un paradoxe concernant la Révolution française: les Cahiers de doléances sont « tout bourdonnants » de revendications locales, les députés « élus par corps et représentation des métiers ».

Et pourtant, par une « étrange conversion », ces députés se mettent «  parler et à délibérer au nom de la nation toute entière ».

C’est « ’énigme d’une représentation qui (…) s’affranchit d’un coup de la représentativité au nom de la passion pour l’universel. » : « conversion inouïe » qui aboutit à « cette formule magique : Une et indivisible ».

« Conversion », le mot est lâché : les députés ont eu la foi du converti !

 

I COMMENT L’UNIVERSEL dit REPUBLICAIN (QUI N’EST QUE JACOBIN) EXACERBE LES PARTICULARISMES :

 

A partir du paradoxe qui vient d’être énoncé, Mona Ozouf a, des années durant, scruté de multiples archives pour comprendre ce qui s’est passé lors de cette période révolutionnaire.

Je ne peux donner tous les résultats qu’elle expose clairement : lisez le livre.

J’indiquerai simplement qu’un engrenage s’instaure, lors de la Révolution (et ses conséquences perdurent jusqu’à aujourd’hui) dans « la réduction vigoureuse du multiple à l’un ».

Réduction de l’universel à la France, équivalence faite entre l’Etat et la Nation, et enfin concentration de l’universel sur Paris.

 

Et là, s’instaure une coupure au sein même des révolutionnaires, de ceux qui avaient participé au processus qui induisait les deux 1ères réductions.

Les archives montrent que la province, ceux que l’on appelle les Girondins veulent simplement protéger l’Assemblée Nationale contre la « surenchère » et la pression indue des foules de la capitale.

Il n’existe « pas l’ombre d’une tentation séparatiste, et même pas d’affirmation de la singularité régionale. »

 

Mais les Montagnards transforment « le conflit entre la province et Paris en une lutte de la particularité contre l’unité. »

Pour Robespierre : « Ce n’est point une cité de six cent mille citoyens » qui est accusée mais « l’espèce humaine, (…) l’ascendant invincible de la raison universelle. »

Le glissement est net.

La Montagne absolutise sa position au nom de l’universel. Entre nous, cela ne vous rappelle-t-il pas des faits très récents ?

Cette confusion entre la particularité parisienne et l’universel va, en fait, M. Ozouf le montre clairement, aboutir à ce qui était dénoncé (à tort) au départ : une insurrection plus ou moins sécessionniste.

On a produit ce que l’on dénonçait. Là encore, des comparaisons avec le présent s’imposent.

 

Ainsi on produit de la division par hantise de la division. On fabrique de la fragmentation en considérant que « toute appartenance » comme « une prison ».

Ainsi « l’Etre Un fabrique de la scission, la passion d’unir ne se comprend pas sans son versant d’exclusion »

Et les députés de la Montagne n’apportent pas de réponse vivable à l’interrogation anxieuse, trouvée par Mona, dans des archives : «Jusqu’à quel point nous convient-il de cesser d’être béarnais pour devenir français ? »

L’historienne montre « l’infinie variété des cas de rébellion à l’organisation de la vie révolutionnée » effectués par les Français dans leur vie quotidienne.

Les mille et une manières de « la résistance des hommes à la rêverie de l’homogène »

 

Le résultat, est donc le « lien paradoxal » de « l’œuvre révolutionnaire » avec ce qu’elle prétend combattre :

« en pourchassant les particularismes, elle les révèle ; en simplifiant brutalement l’espace français, elle le complique à l’infini ; en combattant la différence régionale au nom de la raison, elle invente le régionalisme. »

Car « c’est l’ambition de transparence qui multiplie les zones d’ombre, c’est la pureté révolutionnaire qui fait les impurs. »

Cela ne s’applique pas qu’aux radicalismes religieux

 

Mona Ozouf conclut « qu’il y a plusieurs manières de définir la république. » :

 

- Celle où l’on croit que « l’égalité des êtres (provient) de leur similitude : des être semblables ne peuvent que concourir identiquement au bien collectif. » L’unité est, là, « autoritaire et étatiste, imposée d’en haut et identique pour tous. »

 

- Celle qui « se méfie des rituels qui fabriquent une fausse unité émotionnelle », qui accorde de l’importance « à toutes les médiations destinées à enrichir la délibération entre les citoyens » ; celle où l’unité est « une résultante qui se fabrique de bas en haut », où l’opinion publique s’enracine « dans la liberté des sujets. »

Son patient et long travail d’archives lui a fait comprendre « que les résistances à une république jacobine étaient apparues à l’intérieur même du projet républicain. »

 

II QUE LA REPUBLIQUE LAÏQUE N’A PAS ETE A DOMINANTE JACOBINE :

 

Ce fait est connu des historiens professionnels, mais soigneusement caché au grand public, même cultivé : l’établissement de la laïcité, en France, s’est effectué par le refus du jacobinisme, en choisissant la seconde conception de la République.

Et aussi… par l’admiration de l’Angleterre !

 

Mona Ozouf se focalise sur 2 aspects qu’elle a étudié de première main : Jules Ferry et les dits « hussards noirs de la République » (= les instituteurs et institutrices de l’école laïque).

Elle estime que se construit là, un « nouveau républicanisme ».

 

Jules Ferry récuse à la fois « Robespierre et Bonaparte ». Ce sont, pour lui, « les deux héros négatifs de l’histoire de France », ceux qui ont éteint « la possibilité de cette république autre ». Et Ferry admire « les libertés locales anglo-saxonnes ».

L’idéal de Ferry « est qu’il puisse enfin exister en France, face à l’Etat, le contrepoids d’une société autonome, riche, comme en Angleterre. »

La « cascade des lois libérales » prises dans les années 1880 (presse, « la plus libérale du siècle », réunion, et l’élection du maire démocratisant la vie locale) ont pour but de favoriser « ces aiguillons de la sociabilité que sont, en Angleterre, le club, le journal, l’association. »

Bref, il faut « tenter de faire vivre (…) un système de discussion et de réunions libres absent du paysage français. »

 

La liberté peut conduire à la « scission ». Mais Ferry « n’est jamais prêt à la sacrifier à l’unité des esprits.» Il tente « acrobatiquement » de « construire l’ordre durable d’une République unifiée sur une liberté qu’il tient pour principielle. »

Pour Ferry : « les hommes doivent être laissés libres d’errer, car la liberté, fût-elle payée par l’erreur, est plus désirable que le bien »

 

Et se sont, en fait, les différents fondateurs de cette « République transactionnelle » (Gambetta) qui se situent, de façon majoritaire, dans cette optique. M. Ozouf montre que la loi sur les syndicats de 1884 « contredit les principes du pur républicanisme »

Elle constitue une « rupture décisive » en reconnaissant « l’existence entre l’Etat et l’individu, d’intérêts collectifs qui surplombent les intérêts individuels. »

 

Sans doute parce qu’elle ne veut parler que de ce qu’elle a étudié de 1ère main, Mona Ozouf ne consacre qu’un paragraphe à la loi de 1905. C’est un peu dommage, car cela aurait renforcé sa démonstration.

En effet, « la solution conciliante de Briand et Jaurès » qui rompait avec « la politique de Combes, la plus républicaine au sens strict » va tout à fait dans le sens que ce qu’elle indique.

L’article 4 del laoi de 1905, objet d’un vif conflit interne entre républicains, et enjeu majeur possède 2 caractéristiques :

-         il a été trouvé dans la législation anglo-saxonne (américaine et écossaise)

-         il applique à la religion cette prise en compte d’intérêts collectifs que la loi de 1884 reconnaissait aux syndicats.

C’est pourquoi, d’ailleurs « aux libres penseurs radicaux qui souhaitaient ignorer les communautés de fidèles, ces groupements intermédiaires », Briand et Jaurès, qui avaient, eux,  une culture syndicaliste, ont opposé « toute une diversité vivante impossible à ignorer. »[1]

J’ai été frappé de constater l’impossibilité du Parti socialiste, en 2005, a comprendre l’héritage fabuleux dont il disposait à propos de 1905.

Son incapacité à s’approprier le sens de l’action de Briand et Jaurès en 1905, et s’en servir pour les problèmes d’aujourd’hui.

C’est le genre d’erreur à ne pas perpétuer, Martine.

 

Mona Ozouf n’évacue pas le problème où la III république est restée marquée par un certain jacobinisme : celui de « la violence faite aux langues régionales. Elle en parle, aussi bien à propos de Ferry qu’à propos des « hussards noirs ».

Elle montre « le soupçon, hérité de la Révolution, que ces parlers locaux, poches d’archaïsme, sont une arme aux mains des prêtres »

Et la « certitude » des hussards noirs « qu’ils s’appuyaient sur les humbles calculs des familles, sûres que le français était un passeport pour la ville, l’emploi, une vie moins dure . »

 

Mais elle monte que cet aspect, si important soit-il, ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt.

Les hussards noirs, de façon dominante, « n’avaient pas la folie de croire que (l’enfant) peut apprendre dans une indifférence superbe à ses attaches et à ses intérêts propres. »

Institutrices et instituteurs tentaient de faire parvenir l’enfant « sans secousses du proche au lointain, du vécu au pensé, de l’esprit de clocher à l’orgueil de la patrie. »

Pour eux, « l’unité française restait le but ultime, mais une unité bien tempérée puisqu’elle s’obtenait non par la disparition mais  par la composition des diversités. »

 

III AUJOURD’HUI DOIT-ON CONFONDRE REPUBLIQUE ET JACOBINISME ?

 

Analysant des événements récents, Mona Ozouf conclut que « la République n’a jamais tout à fait intériorisé les lois libérales qu’elle a elle-même fait voter »

(il suffit d’ailleurs de constater l’usage réducteur au seul niveau socio-économique, et, en conséquence, extrêmement péjoratif, qui est fait actuellement en France du terme de « libéral »)

Elle continue en affirmant : « Les « républicains » continuent de méconnaître la profonde transformation du modèle légué par la Révolution française et d’associer le républicanisme à sa forme autoritaire. »

La « République absolue »a historiquement fait faillite. Le « jacobinisme n’est voué à se réaliser qu’au prix de la terreur. »

La « République absolue » a aussi engendré (comme Jules Ferry l’avait compris) le Bonapartisme. Pourtant, « son impérieuse image a scellé pour longtemps le destin des particularités ».

 

Aujourd’hui encore « les Français peinent toujours à reconnaître la tension entre l’universel et le particulier, présente pourtant dés l’origine et au cœur du républicanisme. »

Ils n’ont toujours pas compris « le lien qui unit l’abstraction et l’inhumanité. »

Du coup l’historienne fait un « constat de défaite » du jacobinisme, qui s’accompagne d’une « victoire dans l’ordre de la mémoire et des symboles », d’un « imaginaire du jacobinisme » qui perdure et porte en lui d’autres défaites.

Il existe un « surmoi jacobin » profond, dont la France n’arrive pas à se défaire.

On croit fortement (La Révellière-Lépeaux le constatait déjà en son temps) qu’une « République une et indivisible (même si le « une » a été enlevé des Constitutions de la IV et Ve République, il subsiste tel quel dans l’imaginaire) est la condition sans laquelle il ne saurait y avoir jamais de liberté. »

« Axiome faux » et « calqué sur celui de l’Eglise romaine. », du moins du temps de la chrétienté.

 

Du coup, la France incarne « un local très particulier, affublé des oripeaux de l’universel » et « en tout Jacobin sommeille un communautariste qui s’ignore », enfermé qu’il est dans « son bloc de certitudes. »

Or ces « communautaristes qui s’ignorent » prospèrent idéologiquement en brandissant, « l’épouvantail du « communautarisme », un  mot capable de déchaîner les passions, et qui offre l’avantage d’être facile à stigmatiser. »

« Les journaux, rappelle-t-elle, sont pleins de ces stigmatisations hâtives » où de pseudo penseurs mêlent « l’amalgame », la « condescendance » et « paradoxalement la peur » : « Qui la croirait aussi fragile, cette nation si constamment, si délibérément, une et indivisible ? C’est pourtant elle dont on annonce pour bientôt la balkanisation. »

 

Au lieu des propos incantatoires de ceux qu’elle appelle « les intégristes républicains d’aujourd’hui », il faudrait entreprendre une démarche de connaissance : « explorer les raisons qui poussent les hommes à rechercher la protection et l’abri du groupe. »

Elle en donne 2 :

-         « L’insertion communautaire est parfois tout ce qui reste d’humain dans les vies démunies »

-         « L’individu invité à s’affranchir triomphalement de ses appartenances y est souvent ramené sans douceur par le regard d’autrui, renvoyé à sa communauté, sa race ou sa couleur. »

Elle fait, en outre, « observer que des intégrations réussies ont pu s’opérer avec le concours des groupes particuliers » et donne l’exemple des « associations de Bretons ou d’Auvergnats de Paris. »

On pourrait ajouter l’Eglise catholique et le Parti Communistes, du temps où ces organisations étaient à la fois hostiles à la République (laïque pour l’une, capitaliste pour l’autre) et puissantes

 

Et retrouvant, après ces décennies de recherche, les interrogations de son enfance « entre l’école et la maison », Mona Ozouf nous demande : « faut-il penser qu’entre l’obligation d’appartenance et la revendication d’indépendance nulle négociation ne peut s’ouvrir ? Qu’entre les attaches et la liberté il y a une invincible incompatibilité ? »

En fait, dit-elle, « chacun de nous abrite en lui l’une et l’autre de ces exigences. »

Alors que « le discours intégriste des universalistes repose sur l’illusion d’une liberté sans attache », « l’individualité » libre, « la signature de l’individu sur sa vie » provient de la « pluralité de ces attaches ».

Dans une société démocratique moderne, « aucune appartenance n’est exclusive, aucune n’est suffisante à assurer une identité. »

 

Le « foisonnement même » des appartenances les dé-essentialise et « ménage pour chacun d’entre nous la possibilité d’une déprise ; car cette part non choisie de l’existence, nous pouvons la cultiver, l’approfondir, la chérir ; mais nous pouvons aussi nous en déprendre, la refuser l’oublier. »

Et Mona Ozouf de conclure que la « narration (par chacun de sa propre histoire) est libératrice. »

« Cette histoire, nous disent les communautaristes, est faite de notre appartenance à la communauté. A quoi les universalistes répondent qu’elle n’a rien à voir avec l’appartenance. »

Et Mona d’affirmer crânement : « Je ne crois ni les uns ni les autres. Ni les universalistes, parce que la vie est tissée d’appartenances. Ni les communautaristes parce qu’elle ne s’y résume pas. »

 

Quel souffle, né d’un laborieux et rigoureux travail. Je ne vous avais pas menti en vous annonçant (Note du 15 juin) « une belle leçon de République ».

Cela valait la peine de s’y attarder un peu, non ?

Surtout que, Chère Martine, vous avez annoncé au quotidien Le Monde, que les socialistes allaient proposer un POST-MATERIALISME.

Alors là, c’est un rude travail que vous entreprenez. Dans quelques jours, en conclusion de cette missive, je vous en parlerai un peu.

 

 



[1] Cf ; mon ouvrage : L’intégrisme républicain contre la laïcité (éd. de l’Aube, 2006). Je suis frappé de constater qu’alors que M. Ozouf n’a probablement pas lu cet ouvrage, elle aboutit, in fine, en parlant d’aujourd’hui, à utiliser l’expression d’« intégrisme républicain » (cf. ci après)

03/07/2009

COMMISSION "BURQA", REPUBLIQUE et DIVERSITE.

(DEUXIEME LETTRE à MARTINE AUBRY)

 

Chère Martine,

Rappelez-vous, j’avais commencé à vous écrire sur ce Blog, le 15 juin dernier, pour vous indiquer l’intérêt du livre de Mona Ozouf : Composition française, dans la perspective d’une « refondation » intellectuelle de la gauche.

Le 15 JUIN, c’était il y a moins de trois semaines, c’était il y a un siècle. Alors on ne parlait nullement de la dite « burqa ».

En moins de 20 jours, elle est devenue LE problème national: Sarko a ajouté un passage dans son discours versaillais et une Commission parlementaire est déjà en place.

Elle va se réunir le 8 juillet.

 

La crise est très profonde (« structurelle » pour faire savant), le chômage explose, 60% des Français ne partiront pas en vacances, une enquête du CNRS prouve que les contrôles d’identité s’effectuent au faciès, ce qui est un racisme d’Etat et provoque des révoltés, des extrémistes (avec des bandes qui se justifient de cela et en rajoutent). Bref, les banlieues sont de nouveau au bord de l’embrasement, etc, etc.

Mais c'est la façon dont s’habille quelques milliers de femmes (on dit : 5000, mais je ne sais d’où sort ce chiffre tout rond) qui capte l’énergie, le débat national. certes, cette façon pose problème mais...

C’est fou, non ? 

Sauf à penser que la dite burqa est la goutte qui fait déborder le vase, pour certains élus confrontés à de multiples problèmes.

Sauf à penser également, qu’il y a là un coup politique qui vise la gauche. On ne parle pas de cet aspect, qui me semble pourtant une composante du problème

Nous allons reparler de ces 2 aspects.

 

Car ce qui me frappe dans cette affaire, c’est son caractère paradoxal.

A priori, l’affaire est très simple, la cause est même entendue :

La burqa, à part quelques dizaines de milliers de salafistes (sur 60 millions d’habitants), tout le monde est contre. A première vue, l’interdire ne devrait donc pas faire problème.

Et une fois de plus (plus encore que pour les signes dits ostensibles), on s’offrirait, à peu de frais, de la communion sociale

Pourtant, depuis 15 jours, dans les nombreux coups de téléphone que je reçois des journalistes (et ce sont surtout des journalistes femmes qui m’appellent), je ressens comme une inquiétude.

Comme si l’affaire apparaissait trop simple pour être honnête.

Comme si envisager de réglementer la façon dont on s’habille dans la rue, c’était craignos, cela menaçait à terme les libertés publiques.

Comme si, envisager une seconde loi qui, sur le plan symbolique, va (qu’on le veuille ou non, et même si empiriquement la dite « burqa » est rejetée par 90% des musulmans) viser l’islam provoquait un malaise.

Bref, pour une fois, j’ai trouvé que non seulement les médias ne mettent pas de l’huile sur le feu, mais que nombre de journalistes estiment que le problème est beaucoup plus complexe qu’il en à l’air.

 

De toute façon : « Aléa jacta est », comme disait Obelix.

La Commission existe, et elle comprend 11 députés socialistes (sur 32, soit plus d’1/3), qui vont donc jouer un rôle important. Une minorité de blocage s’ils s’entendent.

En fait, à mon humble avis, un rôle décisif à la fois pour l’avenir de votre parti, et aussi pour l’avenir de ce pays.

 

Rôle décisif pour un PS qui est dans les cordes. J’ai écouté ce matin Cécile Duflot (d’Europe Ecologie) sur France Inter.

Le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle a le vent en poupe : elle est convaincue qu’elle est portée par une sorte de nouveau sens de l’histoire, et qu’elle et ses amis vont transformer l’essai l’an prochain au 1er tour des régionales.

C’est une possibilité car, d’ici là, on va continuer à parler de tous les problèmes où sa mouvance apparaît plus crédible que votre parti : l’environnement, le réchauffement climatique, la biodiversité, etc.

Et je rencontre actuellement pas mal d’amis qui votaient PS, qui ont voté Europe –écolo aux européennes, et semblent bien décidés à faire de même au 1er tour des régionales.

Y compris quelques uns qui ont la carte du PS. Ah les secrets de l’isoloir !

Et si ce scénario se réalise, alors en 2012, peut-être de nouveau, le PS ne sera pas présent au 2ème tour.

Mais cette fois cela n’engendra aucune culpabilité, car ce ne sera pas un extrême droite, mais un écolo qui lui ravira la place.

C'est inquiétant, pour vous, non?

 

En attendant, la Commission sert aussi d’autres intérêts. Ceux de la droite et ceux des extrêmes communistes.

C’est un aspect dont curieusement on ne parle pas, alors que l’on ferait bien d’investiger un peu de ce côté.

On a juste signalé les liens entre André Guérin, le député du PC à l’origine du processus: il est très ami avecEric Raoult, député UMP et partisan  d'une ligne "sécuritaire".

La Commission est construite de telle manière qu’elle taille des croupières au PS, à la gauche. L’UMP (Rault au poste essentiel de rapporteur, et une majorité –forcément- de députés UMP) et, pour la présider, Guérin un ultra PC (hostile à la direction de son parti).

UMP et PC (quasi dissident) s’en partagent donc la direction, comme au beau temps où l’on voulait qu’entre les gaullistes et les communistes, ce soit le désert politique.

La hâte de Sarko de prendre le problème à son compte, « m’interpelle quelque part» (en utilisant cette expression, je m’amuse un peu : nous sommes en juillet, non)

Il y aurait derrière une manœuvre de pseudo ouverture très tordue que cela ne m’étonnerait guère.

 

J’ai également été frappé de constater que le discours de Fadéla Amara (dans l’émission, très regardé par la classe moyenne, Mots croisés sur Fr2) était bien passé auprès de téléspectateurs, pourtant plutôt intelligents par ailleurs (ça, c’est pour m’amuser à lancer une vanne aux dits téléspectateurs qui m’en ont parlé !).

En reprenant le thème éculé du « complot »,[1] en privilégiant la militance sur l’analyse, Fadéla arrive à faire oublier l’absence totale de résultat de son action ministérielle.

Après plus de 2 ans de pouvoir de F. Amara, la situation des banlieues est tout autant calamiteuse. Mais personne ne s’interroge sur ce triste bilan.

Cela s’appelle se refaire, à très bon compte, une virginité !

 

En tout cas, quelle que soient les arrières pensées, la situation est objectivement telle que, vraiment, camarades (et pseudos camarades) du PS, vous êtes fort mal embarqués dans cette satanée galère.

 

Vous avez cependant une carte (mais attention, c’est la seule !) à jouer : prendre votre faiblesse comme un levier.

Martine, et les autres, vous devez montrer extrêmement inventifs. Vous êtes en telle perte de vitesse, que vous n’avez plus rien à perdre en changeant de cap, et beaucoup en revanche en attendant que cela se passe.

 

Sans vouloir vous faire de peine, moi, honnêtement, la débâcle du PS, je m’en remettrai sans problème!  Et je suppose qu’il en sera de même de la plupart des internautes qui surfent sur ce blog.

Cela même parmi vos membres. Vous savez les militants à vie, c’est fini (tiens, il faudra que l’on parle une fois du processus socio-historique qui a abouti à la privatisation de la décision)

Pour ce qui me concerne, je n’ai jamais été encarté, bien qu’à plusieurs reprises certains dirigeants du Parti m’ait dit qu’ils aimeraient bien avoir « plus de non membres » tels que moi.

Mais j’ai entretenu un long compagnonnage, et cela fait tant d’années que, gratis pro Jaurès, avec beaucoup d’autres, je tente de vous souffler quelques idées…

Surtout, je me dis que le PS, avec la Commission « burqa », a une chance, paradoxale mais historique d’apparaître comme un parti en train de se rénover, de surprendre les Français, de jouer un rôle d’éclaireur, d’être utile au pays.

 

Et c’est cela qui m’importe : comment sortir, « ce cher et vieux pays » (pour paraphraser de Gaulle) des ornières dans lesquelles il s’enfonce ?

Comment transformer une Commission, créée à la hâte, sans véritable réflexion préalable, en instrument qui fasse avancer la réflexion, le débat démocratique ?

C’est là que, miraculeusement pour vous, les intérêts du PS et ceux de la France, se trouvent liés.

 

L’idée c’est, dés le départ, d’avoir des exigences très fortes.

De partir de l’hypothèse que si les choses se sont tellement enflées en moins de 3 semaines, c’est que la « burqa » est un symptôme d’un problème beaucoup plus général.

A partir de là, d’exiger d’élargir substantiellement  le champ d’intérêt de la Commission. D’affirmer que la question fondamentale est celle des rapports entre République et diversité.

De la consistance et des limites (mais, attention, on ne peut tracer les limites que si, d’abord, on a construit de la consistance) des changements dans une France qui, il y a 50 ans, était encore le second Empire colonial du monde, et qui, aujourd’hui, devient une nation pluriculturelle.

Double changement considérable. Il est logique que cela ne s’effectue pas sans tâtonnements ni tensions.

Mais gare aux instrumentalisations politiciennes de ces problèmes.

 

République et diversité. Depuis des années, on tourne autour du pot sur ce sujet.

Martine, vous étiez ministre de Lionel. Vous savez donc qu’autant il s’est engagé dans le problème de l’inégalité politique homme-femme, autant il a foiré sur le thème de la diversité.

Résultat, c’est Chirac qui a créé la HALDE, c’est Sarko qui a pu se prévaloir de ministres « issus de la diversité »

(En fait le terme de « diversité » devrait englober tout le monde, mais c’est ainsi que l’on cause)

 

Coup de bol inespéré (pour vous) si vous savez le prendre en marche, le train repasse avec la création de cette Commission. Vous avez 11 représentants, les Verts 1 (après les législatives de 2012, la rapport de force risque de vous être beaucoup moins favorable).

C’est donc à vous de jouer, tout de suite.

Car, contrairement au film, le train ne sifflera pas trois fois !

 

Certes, sur la diversité, vous n’êtes intellectuellement pas prêts. Tant pis, vous allez réfléchir, en ayant votre cerveau poussé aux fesses (si je puis me permettre une métaphore osée!) par l’urgence.

Vous allez prendre l’affaire très au sérieux, car c’est votre dernière chance.

Le dernier moment où vous pouvez prouver que vous êtes encore utiles à la nation.

Vous avez encore des intellos qui acceptent de dialoguer avec vous. S’il ne se passe rien, dans un an, ce sont les Verts et leurs alliés qui feront des thing-tank.

 

Coup de bol pour moi aussi, je retombe sur mes pieds, c'est-à-dire sur l’ouvrage, la belle leçon de République qui, au départ, avait motivé ma première missive, celle du 15 juin.

(retenez bien la date, elle remplace l’Appel du 18 juin, et désormais, dans les livres d’histoire, les écoliers blacks-blancs-beurs apprendront que la fameuse Lettre que, ce jour là, le chevalier blanc, Jehan Beléros, a envoyé à la chef d’un parti qui…n’était pas au mieux de sa forme, a marqué le début du commencement des prémices du Renouveau)

Donc, ce qui avait motivé ma missive : l’ouvrage de Mona Ozouf, comporte trois pistes super importantes (et même plus) sur République et diversité.

Vous voulez savoir lesquelles? Suspens!

Promis, je ne vous laisse pas tomber : je vous livre cela au plus tard, mardi 7, avant la 1ère réunion de la Commission.

En attendant, vous pouvez lire (ou relire) des Notes d’avril et mai de ce blog (et aussi sur celui de Laurent Bloch : http://laurent.bloch.1.free.fr/spip.php?article125) sur l’ouvrage de Tom Shepard : 1962, Comment l’indépendance algérienne a transformé la France.

1962 : une date clef dans la relation République – diversité.

A très très bientôt donc….

 

 

PS (c'est le cas de l'écrire!): un grand Merci à Aziz Djaout pour ces 2 commmentaires à ma Note sur 26 juin.

Vous avez eu raison de vous référer au Sénégal, même si (comme vous le notez dans votre second commentaire, le cas est complexe).

Quand même, globalement, il existe une laïcité sénégalaise et les islamistes sont contenus.

Connaissez vous les écrits d'un grand philosophe sénégalais: Souleymane Bachir Diagne?

Je recommande à tous les internautes ses ouvrages, et notamment, son livre: Comment philosopher en islam (Panama, 2008)

 

 



[1] Thème que l’on nous sort régulièrement, y compris dans votre propre parti, depuis de nombreuses années. Mais, bordel, s’il y a complot, qu’on le montre et que l’on prenne des mesures contre les dits comploteurs, non contre des femmes.

Pour un spécialiste comme O. Roy, en tout cas (Métro, 2 juillet), la « burqa » correspondrait plus à la branche anti-sociétale du salafisme, celle qui veut vivre en contre société (il compare avec les carmélites), qu’à sa branche politique.

15:33 Publié dans ACTUALITE | Lien permanent | Commentaires (5)