30/08/2009
Philippe Val, médaille d’or du Grand Bêtisier de la laïcité.
Vous toutes/tous qui avez pleuré à chaudes larmes parce que la France n’a pas obtenu de médaille d’or aux Championnats du monde à Berlin, séchez vos larmes. Désormais, un Français a obtenu celle du Grand Bêtisier de la Laïcité.
Je m’étais un peu relâché et le Blog n’avait plus décerné cette médaille depuis plusieurs années, malgré les nombreuses occasions qui s’étaient présentées.
En cette fin de vacances, j’ai décidé de pallier à cette fâcheuse erreur et j’ai convoqué sous l’Arc de Triomphe, un Grand Jury, pluraliste, paritaire, et tout et tout, composé de Moi-même personnellement, de E. J.. Rotbébau, de Naej Torébuab et de Jehan Beleros.
Un jury magnifique.
Mes vieux potes et mes vieilles potesses qui surfent sur ce blog (ainsi que l’étudiante de Paris IV qui fait son master sur l’équipe du Semeur) savent, qu’en souvenir de ma jeunesse folle, j’y aurais volontiers associé Calvin Augineau[1]. Malheureusement, il a déjà quitté cette vallée de larmes
Bref, après délibération, ce jury a élu, par bulletins ultra secrets(d'Etat), à l’unanimité plus une voix, Monsieur Philippe Val.
M. Ph. Val, ex-directeur de Charlie-Hebdo (pas celui de la Grande époque, l’autre, la pâle imitation…) a été nommé, via Carla et consort, directeur de France-Inter. Comme planait l’ombre du Seigneur Sarko Ier lui-même dans cette nomination, tout un chacun craignait le pire.
Or, nous apprend Le Monde (29/08/2009) « A France-Inter, l’arrivée de Philippe Val n’a pas été suivie du ‘coup de balai’ redouté. »
Reste notamment Stéphane Guillon, qui se complait dans des plaisanteries pipi-caca-boudin (et il n’est plus étudiant, lui !), qui s’est notamment moqué à l’antenne du physique de Martine Aubry
(signe de l’hyperpuissance de ce genre de mec, de la mollesse du féminisme en France[2] et du déclin des politiques : pratiquement pas de protestation et Martine Aubry a du prétendre que cela l’avait fait rire !).
Donc nous subirons toujours Guillon for ever. Tant mieux pour lui !
Mais Ph. Val a quand même pris une « toute première décision » : il a « renvoyé Frédéric Pommier, le titulaire de la revue de pesse de 8h30, qui aurait eu un penchant à trop citer Siné Hebdo, l’hebdomadaire concurrent [et dissident] de Charlie-Hebdo ».
Un crime qui mériterait assurément la prison, voire la torture, mais comme nous ne sommes pas (encore ?) en Iran, cela a été juste un simple renvoi.
Un renvoi dans dans une relative indifférence (sauf quand même l'intersyndicale de Radio-France et quelques articles mais rien qui passe en boucle et suscite un mouvement d'indignation, or cela aurait naturellement été le cas si une mesure semblable avait frappé Guillon. Il faut dire que les plaisanteries de Ph. Pommier n’étaient pas dégueu, mais un tantinet subtiles, elles).
Petit rappel pour celles et ceux qui auraient vécu ces dernières années au fin fond de la Sibérie : Ph. Val s’est voulu le champion du monde, médaille d’or toutes catégories de la liberté d’expression, au moment des caricatures dites de Mahomet.
Bravo, Philippe Val, ça c’est du GRAND ECART. Le French cancan, à côté, c’est TOTALEMENT du flan !
La liberté d’expression, c’est excellent vis-à-vis des musulmans. Pour le reste, c’est selon son bon plaisir...
Quel ART du DOUBLE JEU, Quelle MAESTRIA dans le DOUBLE DISCOURS! On en reste pantois, et très admiratif.
Ph. Pommier faisait très bien son travail. Grâce à sa revue de presse, on savait quel canard acheter, en plus des habituels. Et quand on lisait l’article au complet, on constatait qu’il en avait dit l’essentiel, malgré sa forte contrainte de temps.
Bref Ph. Pommier faisait ce que l’on appelle, en journalisme, du « travail propre ».
Un grand Merci Monsieur Pommier. Et bravo pour votre probité professionnelle.
Ph. Pommier a commis une faute professionnelle : il n’a pas pratiqué l’autocensure. Il a commis le blasphème suprême en citant Siné-Hebdo.
D’où l’œuvre de salubrité publique de M. Val, qui méritait bien sa médaille d’or au beau pays des droits de l’homme.
Avec en plus, une certaine dose de mépris comme cerise sur le gâteau.
PS : la suite de : Vivre libre n’est pas une mince affaire (Note du 24 août) dans quelques jours.
2ème PS: oui, je sais, je date un peu: Le Monde rappelait une mesure datant d'avant les vacances. Mais que voulez-vous, alors mon illustre jury était occupé ailleurs et ensuite, le temps de le convoquer et de demander au soldat inconnu l'autorisation de tenir une réunion tout près de lui....
[1] Pour les autres (qui excuseront, j’espère, ces quelques lignes incongrues pour eux), Le Semeur (qui était l’organe des étudiants protestants) avait, les années précédant « Mai 68 », mis en émoi le protestantisme français en publiant des articles jugés très contestataires et en proposant un abonnement à pris réduit aux « couples tentant l’union libre » (c’était avant Mai 68, vous dis-je, donc faisait hurler à l'époque). Mon pote, Daniel Joubert, signait ses articles Calvin Augineau, et mon propre pseudo était d’aussi mauvais goût (Luther Interruptus).
Pourtant, ayant relu dernièrement certains des articles publiés, suite à une demande d’étudiante en master, j’y ai trouvé une critique globale de la société et des pouvoirs (politiques et religieux) dont bien des éléments restent, plus de quarante ans plus tard, toujours valides. Cela joint à une défense du pluralisme qui n'était pas très dans le ton de l'époque.
[2] Au Québec, par exemple, des propos aussi sexistes ne seraient jamais ainsi passés comme une lettre à la poste (d’autrefois !)
18:36 Publié dans Le Grand Bétisier de la Laïcité | Lien permanent | Commentaires (9)
24/08/2009
VIVRE LIBRE N’EST PAS UNE MINCE AFFAIRE !
Comme quelqu’un multipliait remarques et questions à mes dernières Notes sous le pseudo de « Gigi III » et qu’il était impossible de répondre, dans le cadre du Blog, à ses commentaires, je lui ai proposé de prendre un café ensemble.
J’ai également proposé une rencontre plus collective autour des thèmes du Blog aux diverses personnes intéressées et j’ai donné une adresse mel (declarationlaicite@hotmail.fr) où tout un chacun peut m’écrire de façon plus perso que par un commentaire (qui reste bien sûr, un moyen utile par ailleurs).
A cette adresse, j’ai reçu quelques mels, mais jusqu’à présent, parmi ces mels, seule 2 personnes habitent la région parisienne et peuvent venir à une éventuelle rencontre. Insuffisant pour la promouvoir. Je réitère donc ma proposition.
On verra bien.[1]
Quant à Gigi III, il (ou elle) a répondu par un long texte. Vous pouvez le lire en totalité dans les commentaires qui suivent la Note du 17 août. Je reproduis donc ici seulement le début :
« Votre proposition de prendre un pot ensemble est généreuse et élégante, je vous en remercie vivement. Toutefois, je pressens que nos désaccords sont trop profonds, sans doute des tempéraments et des expériences de la vie trop différentes.
Et précisément, vous qui défendez la démocratie, en prônant la possibilité de la critiquer, vous ne pouvez attendre de tous vos interlocuteurs qu'ils professent toujours le même avis que vous. La démocratie exige la pluralité des opinions mais je pense que la critiquer en tant que régime peut aboutir à amener à la dictature. (…) »
Je dois dire que je suis un peu étonné de cette réponse. Pour 3 raisons.
D’abord, je n’attends certes pas que quiconque ait « le même avis » que moi.
Au contraire, je déteste les clones et les disciples. Et, dans mon métier de prof, j’ai toujours veillé, le plus possible, à ne faire aucun disciple. Cela, même si j’espère que plein de personnes différentes ont pu profiter des cours et entretiens que nous avons eus.
La « pluralité des opinions » n’est pas seulement pour moi une « exigence démocratique », c’est aussi (et j’y reviendrai) une source d’enrichissement personnel. Je ne souhaite pas mourir idiot, donc vive la pluralité d’opinions !
Ensuite, il y a donc maldonne sur le but de ma proposition.
Elle ne vise pas du tout à obtenir un avis commun, une pensée uniforme. Et dire que « tempéraments » et « expériences de la vie » sont très différents, serait plutôt une raison de rencontre, de confrontation amicale. C’est grâce à cela que peut découvrir des aspects de la réalité que, jusqu’alors, on n’avait pas assez pris en compte.
Ne serait-il pas triste de s’en tenir à la rencontre de personnes qui ont le même tempérament que vous, une expérience de vie identique (à supposer que cela soit possible) ?
Pendant de nombreuses années, j’ai passé une partie de l’été à Bormes les Mimosas. Une charmante vieille dame, rencontrée par hasard et avec qui j’avais sympathisé, me louait une petite maison à un prix imbattable.
Nous allions à la plage Saint Claire. Forte promiscuité. Mais cela n’était pas gênant, à partir du moment où on engageait le dialogue avec des vacanciers du coin de sable d’à côté.
De toute façon, on entendait ce qu’ils disaient, alors autant en parler avec eux….
Ainsi, j’ai pu me lier d’amitié avec des personnes d’un milieu socio-professionnel fort différent du mien, d’opinions divergentes des miennes, et nous avons eu des discussions passionnantes.
Personne n’a convaincu l’autre d’adopter ses idées. Du moins chacun a pu mieux comprendre, précisément cette chose qui étonne toujours tout un chacun: comment se fait-il que les autres ont l’outrecuidance d’avoir un avis qui n’est pas le mien !
Enfin, je ne suis pas du tout sûr que les divergences soient « trop profondes », les avis « trop différents ».
Pourquoi ce « trop » répété ?
Il semblerait dire que nous n’ayons à peu près rien en commun. Mais c’est à tort.
- D’abord parce qu’on ne peut pas vivre dans la même société sans avoir beaucoup en commun.
- Ensuite, parce que les commentaires de Gigi III projètent des oppositions qui ne sont pas.
« A mon avis, on peut tout critiquer sauf le principe de la démocratie » écrit-elle (ou il). Mais où le « principe de la démocratie » a-t-il été attaqué ?
Pas dans Note visée en tout ça. Au contraire. La démocratie ne s’use que si on ne la pratique pas.
Et la Note visait à la pratiquer.
Cela montre bien qu’au départ, le problème n’est pas la divergence, c’est l’incompréhension de la position de l’autre. Comme à l’arrivée, le but n’est pas d’approuver, mais de mieux comprendre.
Ce qui est passionnant dans les rencontres entre personnes aux avis divergents, c’est précisément de constater qu’en fait on partage beaucoup plus qu’on ne le croit au départ.
Mais cela suppose d’accepter de se parler, naturellement. Et de ne pas croire que ceux/celles qui ne partagent pas votre avis, sont virtuellement ennemis de la démocratie !
Ce qui est encore plus passionnant, c’est -après avoir découvert tout ce qui est commun- d’arriver à localiser le point où l’on diverge, pour quelles raisons on diverge, et ce que cela entraîne.
Car les « opinions » ne tombent toutes cuites, du ciel des idées.
Je tenterai ici une petite typologie des dites opinions, car (vous le verrez) il faut relativiser ce terme.
1er type, de loin quantitativement le plus important : les opinions communes. Impossible de vivre en société sans de multiples opinions communes explicites et encore plus implicites, beaucoup de manière d’être et de faire semblables.
Toute la sociologie de la vie quotidienne (popularisée par Erwin Goffman et quelques autres) repose là-dessus.
On peut décrire, étudier, analyser des comportements communs prévisibles, liés donc à des schèmes mentaux communs aux membres d’une société.
Cela part de l’observation des stratégies d’ajustement des uns et des autres, dans tous les actes quotidiens répétitifs.
Ils s’effectuent à partir d’une vision commune de ce que l’on doit faire et ne pas faire, de ce qui est « bien » et de ce qui est « mal », au sens le plus basique de ces termes, dans des contextes donnés.
Dans la vie courante, et surtout dans la vie moderne des villes où la très grande majorité des gens que vous croisez sont des inconnus, destinés à rester inconnus, les rapports entre les gens sont essentiellement fonctionnels.
Ils relèvent donc de ce type.
Vous croisez des gens qui ont des opinions, des tempéraments, des expériences de vie très différents (qui pourraient donc vous apporter beaucoup), mais vous n’en savez rien, et vous ne cherchez pas à le savoir.
Cela signifie que, hors de moments de crise ou d’activités spécialisées (distribution de tracts par exemple), chacun garde par devers soi ses idées personnelles,… ou, parfois, exprime telle ou telle d’entre elles de façon non verbale (coiffure, habillement, piercing, etc) justement parce que cette uniformisation fonctionnelle apparaît avoir des aspects étouffants.
Mais en fait, votre look ne vous est pas personnel, c’est une sorte d’uniforme qui vous différencie de l’ensemble en vous rattachant, plus ou moins, à une catégorie de gens (jeunes cadres, bonnes sœurs, etc)
De façon générale, l’uniformisation de la pensée et des comportements permet la prévisibilité de l’autre. Cela vous met en sécurité ; permet de ne pas avoir tout le temps à négocier la légitimité de ce que vous faites, et donc est opérationnel au niveau du temps, de l’efficacité,....
Mais en même temps, cet aspect fonctionnel nécessaire comporte un aspect terriblement réducteur, c’est la réduction à un petit dénominateur commun. On est un des multiples, innombrables individus anonymes qui se croisent. Chacun met son individualité entre parenthèse.
En outre, la marchandisation touchant de plus en plus tous les secteurs de la société, tend à augmenter considérablement cette standardisation. Il faut des objets et des goûts communs, des modes qui s’imposent, des émissions qui plaisent à tous, etc.
Et même quand on ne se trouve pas dans la réduction à l’un, des types de clientèle sont classés selon des critères souvent extérieurs à la personnalité de chacun, ou (en tout cas) se cantonne aux aspect où cette personnalité peut avoir du commun avec des milliers d’autres.
Là encore, il faut du prévisible, du standardisé. Là encore l’individualité est, malgré tout, réduite.
Je ne prétends pas que cela soit « mal ». Au contraire, beaucoup d’avantages sont liés à ce « petit commun dénominateur ».
Je pense, néanmoins, que cela appartient essentiellement à l’ordre (indispensable mais insuffisant) de la survie.
C’est ce qu’il est possible de demander à la collectivité, au politique (largement entendu) aussi : assurer une survie paisible. Donc dans des conditions de sécurité, de tranquillité, de salubrité, et enfin (et surtout) de relative justice. Donc organiser la coexistence pacifique.
Par ailleurs, si l’on compare (très schématiquement) cette société moderne à la société traditionnelle, de quartiers et de villages et bourg, l’anonymat (y compris à l’égard de vos voisins), la modernité supprime l’entraide (qui doit donc être pris en charge par une solidarité au niveau de l’Etat-nation) mais, fait très important, vous libère du regard surveillant et répressif d’autrui[2], de l’imposition de son système de valeur.
Il vous donne une condition virtuelle de liberté
Mais transformer le virtuel en réel, mais vivre, vivre libre, cela est une toute autre affaire. Qui n’est pas une mince affaire…
(à suivre)
[1] Quant à de nombreuses autres Notes appelant des réponses, je prends note. Je tâcherai, par exemple, d’indiquer en quoi, pour ce qui concerne le protestantisme, il me semble que l’opposition libéralisme-orthodoxie peut être dépassée
[2] A ce niveau, ce qu’on appelle (significativement) les « quartiers » sont à référer, non à une religion (même si parfois elle est invoquée comme raison ou prétexte), mais la reconstitution de type de société traditionnel dans des espaces où la modernité n’assume plus ses responsabilités.
Faire cette analyse permet de dépasser angélisme comme diabolisation.
17:37 Publié dans LA DOUCEUR TOTALITAIRE | Lien permanent | Commentaires (2)
17/08/2009
Le CATHOLICISME, CRITIQUE et DEFENSE DE la DEMOCRATIE
Deux parties dans la Note d’aujourd’hui : d’abord l’annonce
d’une conférence et d’un concert ;
ensuite une réaction à des commentaires des Notes précédentes.
D’ABORD LA CONFERENCE ET LE CONCERT :
“Les choix du catholicisme actuel : quel passé pour quel avenir ?”
Conférence de Claude Langlois
Claude Langlois va donner le SAMEDI 22 AOÛT A 16 HEURES à la FERME DE VILLEFAVARD (87190, à 15 km de la sortie 23 de la Nationale 20, par la N145, direction Bellac, puis une petite départementale à gauche) une conférence. “Les choix du catholicisme actuel : quel passé pour quel avenir ?” J’introduirai et je modèrerai cette Conférence. Le lendemain, 23 août, à 15heures 30 a lieu le 64ème CONCERT (toujours à la Ferme de Villefavard) avec l’ENSEMBLE VOCAL CANDOR VOCALISE.
Conférence et concert sont à entrée libre (participation aux frais par collecte). Si vous habitez ou passez vos vacances dans le coin, si vous avez l’occasion de prendre la N 20 pour « rentrer » de vacances, n’hésitez pas : le lieu est « magique » et les conférences et concerts que nous organisons sont toujours de grande qualité.
En complément, vous pouvez également visiter, toujours à la Ferme, une excellente exposition (entrée 4 €), ouverte de 15 à 19 h, tous les jours en août et le samedi et le dimanche en septembre:
Utopies et Paternalismes.
PATRIMOINES INDUSTRIEL ET TERRITOIRES SOCIAUX.
Photographies de Georges Fessy.
Claude Langlois est professeur émérite de la chaire « Histoire et sociologie du catholicisme » à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes. Il a été le fondateur, avec Régis Debray, de l’Institut Européen en Sciences des Religions (IESR), dont il a été le 1er directeur.
L’IESR forme des enseignants, mais aussi d’autres agents publics à une meilleure connaissance des religions, comme phénomène de société, d’histoire, de culture. CL. Langlois est aussi président d’honneur de la Section des Sciences religieuses de l’EPHE.
Claude Langlois a publié de nombreux ouvrages, dont sa thèse d’Etat sur Le catholicisme au féminin (Cerf). Il a collaboré à la monumentale entreprise dirigée par Pierre Nora sur Les Lieux de Mémoire.
Depuis une dizaine d’années, il s’intéresse également à la figure de Thérèse de Lisieux et aux représentations la concernant. Son dernier livre : Thérèse de Lisieux et Marie-Madeleine. La rivalité amoureuse (Jérôme Million, 2009) est une belle enquête (faite un peu à la manière d’un roman policier, par la découverte progressive d’indices) pour trouver la façon dont Thérèse de Lisieux se représentait le personnage de Marie-Madeleine, et les rapports de cette dernière avec Jésus.
Pour indiquer cela très rapidement, donc trop schématiquement, la figure de Marie-Madeleine permet à Thérèse de passer de la représentation d’un « Dieu justicier » à un « Dieu d’amour » ; et il y a un « affrontement » avec « sainte Madeleine », pour savoir laquelle est la plus aimée.
Présentation de la Conférence :
Le catholicisme, ces derniers mois, s’est trouvé sous le feu de l’actualité, à travers des propos et les décisions de ses responsables, notamment en matière de relation avec les « intégristes ». C’est la rançon de l’exposition médiatique et de la moindre maîtrise du pape actuel, en ce domaine, par rapport à son prédécesseur.
Mais ces péripéties masquent une question de fond, portant sur la lisibilité des choix actuels d’un catholicisme en perte de vitesse et en quête de son identité. Or le projet d’avenir est inséparable du rapport que cette Confession entretient avec son passé. Le catholicisme cherche en fait cet avenir dans la relecture de son passé.
On peut le voir dans l’interprétation du Concile de Vatican II : celui-ci a-t-il constitué une rupture avec ce qui a prévalu jusqu’alors, comme l’indique la vison des acteurs qui l’ont fait aboutir, ou s’inscrit-il dans la continuité de la longue tradition conciliaire de l’Eglise, notamment les Conciles de Trente et de Vatican I comme Benoît XVI voudrait le faire prévaloir ?
Or, dans les années du Concile Vatican II, les théologiens qui ont fait passer les réformes pastorales s’appuyaient sur la relecture des Pères de l’Eglise des premiers siècles de notre ère ; leurs opposants étaient souvent des « néo-thomistes », faisant de Thomas d’Aquin, le maître de la scolastique du Moyen-Age, le théologien de référence.
On pourrait montrer que, dans des domaines aussi variés que le choix du célibat pour les prêtres (et autres choix quant aux moeurs et à la bioéthique), l’appropriation du passé monumental chrétien ou la création de nouveaux modèles de sainteté, etc, le passé impose ses choix, sans que, souvent, on s’en rende compte. Cela, sans compter le passé qui ne passe pas, dont on se débarrasse par la repentance ou par l’oubli.
Dans ce contexte, comment faire face à l’avenir, comment lutter à la fois contre la sécularisation en Europe et la concurrence dans le monde ? Comment réformer, comment proposer, comment évangéliser tout en conservant son identité propre ? Tel est le dilemme…
Conférence et débat promettent d’être passionnants.
Renseignements supplémentaires au 0555765992 ou au 0555765472
***
"J'avoue ne pas comprendre les dénonciateurs de la démocratie occidentale ! Voudraient-ils que leur liberté d'expression soit muselée ? Voudraient-ils voir leurs libertés individuelles entravées ? Voudraient-ils se prosterner devant un tyran face contre terre, pouvoir lui dire merci chaque fois qu'il ou l'un de ses représentants lui botteraient l'arrière-train, pour so bon plaisir ? J'avoue que ce genre de contestation me dépasse ! Je n'ai pas l'audace de penser que "la république islamique d'Iran" ou tout autre de ces infects régimes où la charia est peu ou prou appliquée aurait la préférence des détracteurs de la démocratie occidentale. Ou encore un régime coco quelconque. Alors je m'interroge : comment est-ce possible ?"
Voilà ce qu'écrit Gigi III dans son dernier commentaire. En effet, mes Notes ont induit beaucoup de réactions. Il me faudrait faire presque une Note-livre pour pouvoir répondre! Ce n'est pas la formule du Blog (déjà que certains trouvent mes Notes trop longues!). Mais je peux quand même donner une brêve réaction au commentaire que je viens de citer, et ensuite faire 2 propositions.
Ma réaction est la suivante : L’Iran était ces dernières années, un des pays très ambivalent. Il comportait des aspects dictatoriaux, comme l’imposition du foulard aux femmes, en même temps c’était un des pays de « culture musulmane » où la société civile prenait de plus en plus d’importance et où de réels débats commençaient à exister.
Maintenant le pouvoir iranien est en train de dériver vers un système dictatorial et totalitaire : les récents procès sont analogues aux procès staliniens, avec aveux extorqués, etc. Comme quoi, les totalitarismes, qu’ils prétendent être religieux ou athées, se ressemblent.[1]
Sur ce diagnostic, no problemo ! Nous sommes bien d’accord.
Nous sommes également d’accord : la démocratie et la liberté d’expression sont des biens très précieux qu’il faut sauvegarder.
Pouvoir dire ce que l’on pense, exprimer son désaccord, manifester sans risquer de se retrouver en prison ou sous la torture est effectivement inestimable.
Mais ne voyez-vous pas, Gigi III, qu’il existe une énorme contradiction dans vos propos ?
Car, à vous suivre, il faudrait renoncer au droit à la critique, précisément parce que la démocratie permet ce droit, et qu’en la critiquant, on se ferait complice des régimes qui la combattent !
Autrement dit : pas de liberté pour les AMIS de la liberté !
Eh non, ce n’est pas ainsi que la démocratie peut être vivante. Faire vivre la démocratie, c’est, précisément, le contraire : la pratiquer, exercer son droit à la critique, débattre, attaquer les conformismes sociaux qui tentent toujours d’uniformiser la pensée.
Si, en démocratie, il devient impossible de critiquer, sous prétexte que l’on peut le faire sans aller pourrir sous la paille humide des cachots, alors nous dérivons vers ce que j’appelle « la douceur totalitaire »
J’ai même eu un vif débat avec le philosophe Claude Lefort à ce sujet, il y a environ 10 ans. Je ne sais plus si je l’ai déjà reproduit sur le Blog. Si je ne l’ai pas fait, je le ferai, car ce débat me semble très significatif.
La démocratie (et la laïcité) est le roseau de la Fable de La Fontaine : elle ne rompt pas précisément parce qu’elle peut plier, qu’elle peut être ballottée à tous vents d’opinions et de doctrine sans être déracinée pour autant.
Vous voudriez une démocratie chêne, parce que vous croyez que c’est ainsi que l’on peut se défendre face aux pays totalitaires. Non, car alors on entrerait dans un engrenage où l’on finirait par leur ressembler.
Ce sont les Etats totalitaires qui sont des chênes : ils semblent puissants face à la bourrasque, bien plus que les frêles roseaux. Mais un jour ou l’autre, leur manque de flexibilité, fait qu’une tempête les déracine. Ils rompent parce qu’ils sont incapable de plier.
DEFENDRE LA DEMOCRATIE, CONSISTE A LA FAIRE RESSEMBLER A UN ROSEAU, ET NON A UN CHÊNE. Et il en est exactement de même de la laïcité.
Aujourd’hui, je pense que nous nous trouvons face à un triple péril :
- un péril permanent : il y a toujours eu des stéréotypes dominants qui ont cherché à s’imposer sans partage, des idées reçues idéologiquement orientées :
un exemple : au milieu du XIXe siècle, l’idée admise était que l »intelligence humaine avait principalement son siège dans les lobes frontaux du cerveau, plus développés (naturellement !) chez l’homme que chez la femme. On était mal pensant de prétendre le contraire.
Oui mais, certains mal pensants s’obstinèrent et montrèrent, à la fin du XIXe, par leurs recherches, que les lobes frontaux des femmes étaient plus gros que ceux des hommes.
Que croyez vous qui arriva ? Une nouvelle théorie dominante déclara, aussi satisfaite et sûre d’elle-même que l’ancienne, qu’en fait l’intelligence dépendait les lobes pariétaux, naturellement plus importants chez ces Messieurs !!!
ET IL FAUDRAIT ËTRE VRAIMENT NAÏF POUR REFUSER LE FAIT QU’AUJOURD’HUI, IL N’EXISTE PAS DES IDEES RECUES EQUIVALENTES qui paraîtront particulièrement stupides dans un siècle ou deux.
D’où mon injonction de la semaine dernière : Résistez aux Rois des Cons.
Ce péril permanent est maintenant renforcé par 2 autres :
- l’aspect uniformisant du système médiatique de communication de masse : pour obtenir le maximum d’audience, il faut que le maximum de gens aient les mêmes affects, les mêmes réactions, les mêmes stéréotypes qui imprègnent leur cerveau, cela de façon immédiate.
La réflexion personnelle, c’est très mauvais pour l’audimat !
- la volonté de défendre un Occident menacé, ce qui risque induire le processus que je viens de dénoncer (faire comme si la démocratie était parfaite et que la critiquer devenait blasphématoire ; alors que la démocratie « est le plus mauvais régime excepté tous les autres » ; ce sont les régimes totalitaires qui se veulent parfaits, non critiquables.
Maintenant voilà ma double proposition :
La première à Gigi III qui, justement, depuis plusieurs Notes, s’est insérée dans le débat, a fait tellement de remarques, posé tellement de questions qu’il devient difficile de continuer le dialogue uniquement par le Blog.
Donc, je lui propose, si cela l’intéresse, soit d'indiquer ses coordonnées, soit, de façon plus discrète, de m’envoyer un mel à declarationlaicite@hotmail.fr et, en septembre, nous prendrons un pot ensemble, et nous pourrons discuter plus à loisir.
Mais comme elle est loin d’être la seule à faire des commentaires, j’ai une seconde proposition plus générale : est-ce que cela intéresserait les parisiens et assimilés (hélas, le lieu ne peut être que Paris) de participer à une petite rencontre autour du Blog et des débats qu’il tente de promouvoir ?
Seule exigence : que chacun/chacune apporte un truc soit à manger, soit à boire pour que la rencontre se termine de cette façon conviviale.
En 2005, j’en avais fait une pour les étudiants, autour de la loi de séparation. Il y a avait eu pas mal de monde. Il y avait eu 111 personnes selon les syndicats et 32,74 selon la police.
Mais la conjoncture était très favorable.
C’est pourquoi avant d’organiser une telle rencontre (qui pourrait avoir lieu de 17H30 à 19H30 ou de 18h à 20H un jour de septembre) j’ai besoin de savoir s’il y a des gens intéressés. Merci de l’indiquer en commentaire de cette Note ou par mel (à l’adresse déjà indiquée).
[1] Heureusement, des chefs religieux eux-mêmes, ainsi que d’autres, prennent (courageusement, vu le climat actuel) leurs distances avec cette dérive.
12:32 Publié dans ACTUALITE | Lien permanent | Commentaires (4)
11/08/2009
RESISTER AU ROI DES C...
Le pluralisme : on s’interroge beaucoup sur le pluralisme et ses limites. Style : « il faut être tolérant, mais on ne peut tolérer l’intolérable. »
Cela permet beaucoup de tolérance pour les stéréotypes sociaux, les idées dominantes, et fort peu pour les marges sociales.
Tolérance à quatre ou cinq vitesses. Tolérance selon le bon plaisir social.
En fait, pour ma part, j’applique une bien meilleure règle.
Desproges affirmait que « l’on peut rire de tout mais pas avec n’importe qui. » De même on peut adopter tous les points de vue (ou presque), mais pas avec n’importe qui et respecter tous les points de vue (ou presque), mais pas de la part de n’importe qui.
Quand une idée est massivement adoptée par un ensemble impressionnant d’handicapés de la bulbe, alors il faut y regarder à quatre ou cinq fois avant de la faire sienne.
Sinon, on risque fort d’hurler avec les loups et de s’indigner avec les cons.
Je ne dis pas que tous ceux qui ont adopté l’idée sont des cons.
Non, je suis un gentils, mignon tout plein (toutes les belles vous le confirmeront) et n’irai pas jusque là.
Il y a des con-formes qui ne sont pas forcément des cons.
Simplement, on ne peut réfléchir sur tout et la démocratie tend à vous faire croire que vous devez avoir une opinion sur tout.
Opinion que la communication de masse vous livre prête à con-sommer. Et on s’y laisse tous prendre, plus ou moins.
Il faut se montrer vigilants pour que cela soit moins que plus.
On n’est pas forcément tout à fait con quand on pense une connerie. Car la connerie, c’est très con-tagieux.
Plus que la grippe A, figurez-vous.
Des fois, il suffit que l’on sorte le cerveau un peu découvert… Et hop, on a attrapé le microbe.
Comment reconnaître ce microbe si con-tagieux?
Quand vous avez devant vous une forte con-centration de cons qui pensent la même chose, il y a toutes les chances qu’il s’agisse alors d’une connerie, au moins dans la forme, et souvent dans le con-tenu.
Et a stéréotyper tous en cœur, on devient vite con-tent mieux.
Pour ne pas être con-damné à la connerie perpétuelle, quand vous entendez des stéréotypes à la con auxquels on vous somme de croire, repassez dans votre tête la chanson de Brassens : « quand on est con, on est con » !
Ou encore cette autre chanson, « Le Roi » où Brassens affirme à la fin des années 1960 (de façon prémonitoire !) que l’on pourra se débarrasser de Franco, le dictateur espagnol, du Shah d’Iran ou du Négus, empereur d’Ethiopie,
« Mais ce n’est pas demain qu’on
Détrônera le roi des Cons »
Enfin, pour en finir avec ce sujet, je vous invite à (re)découvrir cette chanson, un peu méconnue du dit Brassens, qui s’intitulé Le Blason est qui est un véritable petit joyau.
Brassens rend hommage à une «vraie merveille » :
« Tendre corps féminin, ton plus bel apanage
Que tous ceux qui l’on vu disent hallucinant »
Et il trouve que « c’est la grande pitié de la langue française », son « déshonneur »
Que « cet incomparable instrument de bonheur »
Soit qualifié par « un petit vocable de trois lettres ».
Et il poursuit : « Honte à celui (qui…)
Dota du même terme en son fiel venimeux
Ce grand ami de l’homme et la cinglante injure
Celui-là, c’est probable, en était un fameux. »
Brassens termine sa chanson en trouvant « exécrable » et « scabreux » cette « homonymie » : « C’est injuste, Madame, et c’est désobligeant
Que ce morceau de roi de votre anatomie
Porte le même nom qu’une foule de gens. »
Admirable illustration de ce que je vous disais au début de ma Note :
On peut parler de tout, mais pas avec n’importe qui.
Parce que n’importe qui en parle n’importe comment.
Or, l’important c’est la forme.
En plus, il faut entendre chanter cela, avec beauté et tendresse, par Brassens, c’est absolument magnifique.
Et à écouter cette chanson, comme d’autres de lui, on se prend à éprouver un peu de nostalgie.
(style: c'était mieux avant. Je sais c'est souvent illusoire, mais parfois ce n'est pas faux quand même...)
Car on ne peut s’empêcher de penser que nous avions là un véritable anticonformisme, talentueux, réellement contestataire, bien différent des Stéphane Guillon et autres, que tout un chacun (y compris Télérama dans un récent numéro) considère aujourd’hui comme tel. Le pseudo anticonformisme de masse, et des artistes, des questionneurs de la société comme George Brassens ou Raymond Devos : rien à voir.
Mais un Brassens pourrait-il « percer » dans les médias aujourd’hui ?
Il existe peut-être des Brassens inconnus, ignorés, voire méprisés, des Brassens avortés.
Pendant que les « Rois des Cons » règnent sans partage.
Ne soyez pas dupes
Ne vous laissez pas duper.
Dites vous bien que la société dominante et vous, vous n’avez surtout pas à avoir les mêmes valeurs
RESISTEZ !
PS: le "modèle de Toronto"(en prenant le terme de "modèle dans un sens neutre: je ne dis pas qu'à Toronto, on a réalisé le paradis sur terre), c'est simplement le fait de se dire qu'étant donné
1) qu'il est devenu clair que la façon de vivre occidentale n'est pas universalisable (elle conduit à une surconsommation qui rend l'atmosphère irrespirable, pour dire les choses très vite)
2) que nous vivons de plus en plus dans un monde globalisé
il faut assumer une diversité de plus en plus grande, et redéfinir les frontières: trop de frontières et c'est effectivement l'Etat totalisant (vous ne trouvez pas inquiétant, vous, que l'Etat prétende savoir -et pas par des études de chercheurs indépendants mais par ses propres services, qu'il y aurait 367 "burqas" en France, pas une de plus pas une de moins!
Où c'est bidon (ce qui est probable), où cela signifie une surveillance totale (car en plus, une burqas, cela s'enlève et cela se met : ce peut donc être volatile) des gens.
Il faut donc sereinement débattre des critères à partir desquels on établi les frontières.
J'en ai proposé un: la distinction réversible-irréversible :
L'excision c'est irréversible; le mariage forcé quasiment aussi. Là, il me semble nécessaire de contraindre. Il y a une urgence.
Le foulard, voire la dite "burqa" (qui pose des problèmes de relations sociales, de sociabilité, je ne l'ai jamais nié, au contraire) est plus dans l'ordre du convaincre.
On peut ne pas être d'accord, et argumenter mais il ne faut pas faire comme si je n'opérais pas cette distinction.
Gigi III, je vous accorde volontiers le bénéfice du doute; mais (conseil amical) réfléchissez à ce qu'a écrit Gérard sur la contradiction entre être pour une loi interdisant la "burqa" , source d'anonymat social, et le fait que prendre un pseudo sur Internet, ce qui est effectivement une autre façon d'exister en "burqa".
Je n'y avais pas pensé, mais trouve la comparaison intéressante.
11:24 Publié dans LA DOUCEUR TOTALITAIRE | Lien permanent | Commentaires (7)
03/08/2009
TOLERANCE ET LIBERTE
Précision à propos des commentaires sur la Note de la semaine dernière :
Oui, bien sûr, je défends le ‘modèle’ de Toronto (et non Montréal) d’une grande diversité d’habillement qui va des femmes aux seins nus dans les parcs, aux jeunes filles à foulard dans les écoles
Et j’ai moi-même mis cela en contraste avec la France où on interdit les seins nus sur Paris-plage et le foulard dans les écoles publiques.
(cf. Note du 6 avril 2009)
Mais, boun Diou, relisez mes Notes un peu calmement : I’m not pour l’interdiction des seins nus sur les plages, ni contre les combats qui ont permis cela.
Je dis simplement que ces combats, comme les autres ont été marqués d’ambivalence. Ils n’ont pas instaurés le paradis sur terre, loin s’en faut.
Et, constatant que les jeunes filles d’aujourd’hui sont souvent dans d’autres combats, je dis qu’elles en ont le droit.
Que leur imposer la répétition des combats de la génération précédente, c’est figer les choses, transformer la contestation d’hier en dogme d’aujourd’hui.
Dans des sociétés de plus en plus pluriculturelles, le problème est d’apprendre à vivre avec la diversité des modes de vie.
Certaines personnes peuvent être (sont) choquées par des gens trop peu vêtus, à leur gré, ils doivent prendre sur eux pour le tolérer.
D’autres, choquées par des gens trop vêtus à leur gré, eh bien, ils doivent tolérer itou.
D’autant plus que, comme le disait ma grand-mère (aussi sage que Socrate, Aristote, Habermas et Michel Druker réunis, c’est dire !) « l’habit ne fait pas le moine »[1].
J’emploie à dessin le verbe TOLERER qui a mauvaise presse chez certains.
Tolérer, disent-ils en substance, est condescendant, car c’est penser que son système de valeurs est mieux que celui du copain.
Et ils prônent la liberté contre la tolérance.
Une liberté égale pour tous, où on s’abstient de tout jugement de valeurs.
Eh bien, je ne suis pas d’accord, pour deux big raisons :
D’abord parce que ces bons apôtres de la liberté, prônent au bout du compte (quand on les écoute un peu attentivement) une liberté bien limitée.
En fait, ils ne conçoivent la liberté que pour ce (et pour ceux) qui ne les choque(nt) pas.
Et dés que cela les choque, boum badaboum, interdisons en chœur.
Et c’est logique, puisqu’ils refusent la tolérance et que l’on ne peut pas vivre dans le pur relativisme des valeurs.
Mais comme on ne saurait multiplier les interdits dans une société (surtout quant elle se réclame de la démocratie), les interdictions prônées sont à géométrie très variable.
Il y a plein de choses qu’ils acceptent passivement (même s’ils prétendent ne pas être d’accord), ne serait-ce que parce qu’elles font partie du fonctionnement social routinier.
Et que, bon gré malgré, on est bien obligé de faire avec.
Toutes les injustices structurelles, les discriminations récurrentes relèvent, pour la plupart des gens, de ce cas de figure.
En revanche, pour des réalités plus marginales, celles où l’on peut s’indigner facilement, alors là, vas-y coco, c’est bon, c’est bon.
Donc, le plus souvent les partisans de la liberté contre la tolérance sont, de façon non consciente qui leur donne bonne conscience, des tricheurs.
Secondly, tolérance et liberté n’ont pas à être opposées, car, en général, elles ne relèvent pas du même niveau sociétal (j’cause vraiment bien, hein, avec les nuances et tout et tout! J’en connais qui auraient écrit « social» et sont quand même à l’Académie françoise : pas de justice, vraiment !).
La liberté est une caractéristique de la société politique : quand il la limite, le politique produit des obligations sociales.
Et, bien sûr, dans toute société y compris démocratique, il existe des limites.
Mais les 2 caractéristiques principales d’une société démocratique sont les suivantes :
1- la limitation des libertés doit surtout servir à d’autres libertés.
La diffamation est une limite à la liberté d’expression, car vous n’êtes vous-même pas libre si vous pouvez être diffamé en toute impunité.
L’ordre public induit des contraintes légitimes, au service d’un équilibre des libertés.
2- les limitations apportées à la liberté constituent elles mêmes un enjeux politique où on a le droit d’être en désaccord.
Et cette légitimité là à tendance à se trouver réduite par les médias de la communication de masse qui, d’une part, ne prennent guère en compte les pensées dialectiques
Ainsi un député m’a dit qu’il est contre une loi sur la burqa, mais qu’il est fort possible qu’il la vote quand même car, si les médias cet automne sont pour la loi, il deviendra impossible « d’expliquer à la télévision, qu’on est contre la burqa et contre la loi ».
La tolérance, elle, est une caractéristique de la société civile.
C’est le droit de chacun de se rattacher à un système de valeur, à « une conception du bien » comme dit (notamment) John Rawls.
La tolérance c’est le fait de supporter des choses avec lesquelles on n’est pas du tout d’accord.
C’est donc le fait de ne pas renoncer à porter des jugements de valeur, mais sans les rendre obligatoires pour celles et ceux qui, en leur âme et conscience, ne les partagent pas.
D’avoir des repères sans leur donner une fonction répressive.
La tolérance, c’est notamment le fait d’avoir compris que la contrainte en matière de conscience (justement), cela ne marche pas.
Cela produit même des effets contre productifs.
Mais en même temps, de ne pas renoncer à convaincre de la validité de son système de valeurs, de sa conception du bien.
Il existe donc une double manière de ne pas être tolérant :
- vouloir rendre socialement obligatoire son propre système de valeur
- renoncer à émettre un jugement de valeur sur ce qui vous paraît condamnable.
Pour prendre un exemple : Robert Redeker a droit fondamentalement à la vie, même s(il a écrit des choses assez ignobles sur Mohamed (notamment parce qu’il a prétendu s’appuyer sur les études de Maxime Rodinson en déformant complètement ses propos, ce qui, de la part d’un professeur, est contraire à toute règle déontologique).
Mais, comme l’on fait des zintellectuels show-biz de mes deux, et même d’autres qui ont cédé ce jour là au conformisme le plus plat, défendre Redeker en refusant d’indiquer son désaccord revient
- soit à dire que l’on est dans la même escroquerie intellectuelle à l’égard de Rodinson (c’était sans doute le cas de certains, d’autant plus loués par les grenouilles, qu’ils racontent absolument n’importe quoi)
- soit ne pas se montrer tolérant, mais faire preuve d’un laxisme irresponsable (et qui ira de pair avec de l’intransigeance dans d’autres cas de figure)
Dernier point, la société civile et la société politique ne sont pas des parallèles qui ne se rejoignent jamais, ce sont des sociétés en interaction.
Et cette interaction peut produire de la tolérance politique et juridique.
Autrement dit : il existe des jugements de valeur sociétaux, qui n’aboutissent pas à des libertés égales, sans aboutir pour autant à des interdictions.
Ce fut le cas en 1989 avec l’Avis du Conseil d’Etat sur le ports de signes religieux à l’école publique : ces signes furent tolérés, c'est-à-dire permis sous réserve qu’ils ne soient pas accompagnés de comportements ostentatoires (prosélytisme, mise en cause de la discipline scolaire, des programmes de l’école,…)
- Ce toléré, différent du permis et de l’interdit, les médias n’aiment pas : pour elles (de façon dominante) il faut que ce soit tout blanc ou tout noir
- L’institution scolaire s’est montrée incapable de mettre le foulard dans le « toléré » et d’appliquer l’Avis du Conseil d’Etat (contamination de l’institution par la logique médiatique ?).
C’est beaucoup plus cette conviction (= l’incapacité de l’institution scolaire), que le péril d’un « danger islamiste » qui a convaincu certains membres de la Commission Stasi de la nécessité d’une loi[2]. Autrement dit : on a fait payer aux jeunes filles l’incapacité de l’institution et de la société politique qui produit cette institution.
Et si la loi de 2004 était un indice d’une certaine incapacité (temporaire ? Peut-être mais s’engager dans une série de lois n’aidera pas à résoudre le problème, au contraire) de la société française (civile et politique) de maîtriser le développement de son caractère pluriculturel.
On ferait bien de ruminer tout cela avant de faire une loi pour les « 367 femmes » (sic les rapports de police, mais moi je pense que le chiffre exact est plutôt de 367,5) qui portent un niqab. Les dits rapports parlent -pour ces 367 cas- d’une minorité de niqabs subies[3] et d’une majorité de « provocation » à l’égard de la société.
Ma grand-mère (aussi sage que Platon, Kant et Laurence Ferrari réunis) affirmait qu’il faut savoir résister aux provocations, pour ne pas faire le jeu des provocations.
PS: pour bénéficier dedifférents points de vue sur le thème "burqa et loi", je vous renvoie:
1. au blog de C. Kintzler (qui comme d'hab est la + intelligente, la + rigoureuse des néo-republicains)
2. à l'article de Farhad Khosrokhavar dans Le Monde daté du 1er août
3. à la Note du 14 juillet 2008 de ce Blog (facile d'accés par la rubrique "Archives" du Blog) où j'avais pris position face au refus de donner la nationalité française à une femme en "burqa": je n'ai pas repris dans ma Note actuelle le problème de l'attitude d'une société face à qui ne partage pas ses valeurs, car j'avais longuement et concrètement analysé cela dans cette Note du 14/07/08, à partir de la valeur "égalité homme-femme".
Big bisoux et à bientôt.
[1] Dans mon bouquin L’intégrisme républicain contre la laïcité (L’Aube, 2006) je montre qu’en 1905, on a utilisé, pour prôner l’interdiction du port de la soutane par les curés en dehors de la messe (dans la rue), des arguments tout à fait semblables à ceux mis en avant pour justifier l’interdiction du foulard à l’école publique.
Sauf qu’en 1905, cela a été refusé (et certains continuent quand même à raconter que la loi de 1905 était anticléricale, et que la laïcité est devenue tolérante seulement récemment….)
[2] Dans les explications très embarrassées (et qui, le plus souvent, tournent autour du pot) de Touraine sur son ralliement à la proposition de loi, il y a des phrases qui le reconnaît implicitement (cf. A. Renaut – A. Touraine, Un débat sur la laïcité, Stock, 2005, 60-64)
[3] Donc autour de 100, 150 grand maximum de burqa - niqabs subis : cela relève d’une prise en charge par les services sociaux, pas d’une loi.
12:43 Publié dans Laïcité et crise de l'identité française | Lien permanent | Commentaires (19)