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25/11/2006

RENCONTRE SUR LA LAÏCITE

Dans le cadre des "Journées de la laïcité", le Grand Orient de France accueille la Ligue de l'enseignement pour une grande conférence débat intitulée

LAICITE ET ENSEIGNEMENT

Le lundi 4 décembre, à 20 heures

Ouverture : Daniel Morfouace,
Premier Grand Maître Adjoint du Grand Orient de France,

Jean-Michel Ducomte,
Président de la Ligue de l’Enseignement,
“Ecole et République”,

Pierre Tournemire,
Secrétaire Général Adjoint de la Ligue de l’Enseignement,
“L’école et la diversité culturelle”,

Eric Favey,
Secrétaire National de la Ligue de l’Enseignement,
“L’école que nous voulons”.

Débat avec la salle.

Conclusion : Jean-Michel Quillardet,
Grand Maître du Grand Orient de France.

Invitation Invitation
Inscription recommandée auprès de cconte@laligue.org

Cette conférence-débat est ouverte à tous les publics. Entrée libre.
Hôtel du Grand Orient de France. Temple Arthur GROUSSIER
16, rue Cadet - 75009 Paris (Metro Cadet ou Grands Boulevards)

PS: je signale aussi LES ETATS GENERAUX DE LA LAÏCITE,

samedi 9 décembre à 14 heures à la Bourse du Travail,3 rue de Château d'Eau à Paris, organisés par La Libre Pensée. Comme les Internautes qui fréquentent le Blog le savent, je ne suis pas toujours d'accord avec la Libre pensée. Mais à chacun de se faire une opinion. Dans cet état d'esprit, je signale donc cette manifestation.

2èm PS: Pour Athtung-seb (cf son commentaire de la Note ci après). Oui la première Révolution anglaise eut une très grand importance: l'introducteur de la Lettre sur la tolérance dans l'édition de Flammarion donne des citations d'auteurs de cette première révolution et moi même j'en parle pendant quelques pages, dans mon ouvrage (co-écrit avec Sérerine Mathieu) sur Religion, modernité et culture au Royaume Uni et en France (Points-Histoire-Seuil)

PROCHAINE NOTE : VOLTAIRE ET LES NEO-REPUBLICAINS ACTUELS;

 

 

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14:55 Publié dans ACTUALITE | Lien permanent | Commentaires (10)

23/11/2006

LES NEO-REPUBLICAINS FRANCAIS SONT-ILS LES HERITIERS DES LUMIERES?

Dans son dernier ouvrage : Aveuglantes Lumières (Gallimard) Régis Debray  constate un « litanique et revendicateur « Voltaire reviens ! » aussi bien ressassé dans les pages du livre d’or de l’exposition récente : « Lumières ! Un héritage pour demain » que dans de nombreux articles de journaux. Ces derniers temps, cette référence à Voltaire s’est multipliée, effaçant celle à Condorcet, qui a été longtemps consensuelle dans les milieux laïques. D’une manière générale on oppose « l’esprit des Lumières » à…. La situation actuelle qui serait marquée par un obscur obscurantisme…

Cela montre bien qu’on ne peut pas s’empêcher de se référer au passé, à une période fondatrice, alors même que l’on reproche aux religions de  le faire. Il faut savoir alors si c’est avec raison, cela d’autant plus qu’il me semble me souvenir que savoir et raison faisaient partie des idéaux des Lumières.

Nous allons donc examiner cela d’un peu plus prés.

La première chose qui me frappe est que, de Condorcet à Voltaire, la référence est faite aux Lumières françaises. La laïcité serait « gauloise », franco-française, contrairement à la « tolérance » qui serait anglo-saxonne.

Amusons nous un peu : Albert Bayet, qui fut, pendant une partie de la IIIe république et pendant la IVe République, un leader laïque respecté, voyait justement l’origine de la laïcité chez nos « ancêtres les Gaulois ». Je vous raconterai cela une autre fois.

 

Aujourd’hui, je voudrais vous indiquer que s’il existe une (certaine) filiation de la laïcité française, en tout cas de la séparation et de la fameuse loi, unanimement célébrée l’an dernier lors de son centenaire (mais au prix, nous l’avons vu, de nombreux impensés !), cette filiation NE CONCERNE GUERE LES LUMIERES FRANCAISES … mais beaucoup plus un penseur de la ‘perfide Albion’. Mais oui, M’sieurs dames, un Anglais ! Horrible, n’est-ce pas !

En effet, ce que Jean Boussinescq appelle avec justesse, « la philosophie de la loi de 1905 »[1] s’enracine dans les théories séparatistes de John Locke, telle qu’il les a exposées dans sa célèbre Lettre sur la tolérance, publié en 1689,  au moment de l’émergence des Lumières[2]. Il faut préciser que cette notion de « tolérance » est à la fin du XVIIe et au XVIIIe siècle, beaucoup plus globale qu’aujourd’hui et elle peut donner lieux à des réflexions sur les thèmes qui sont maintenant ceux de la laïcité.

Aller, vous prendrez bien un peu de philosophie politique en sirotant votre whisky ou votre jus d’orange (je ne parle pas de coca, je vais déjà assez être accusé de complicité avec ces monstrueux démocrates anglo-saxons, inutile pour moi d'en rajouter)

 

 Locke affirme la « nécessité absolue » de distinguer « ce qui regarde le gouvernement civil de ce qui appartient à la religion et de marquer les justes bornes qui séparent les droits de l’un et ceux de l’autre ».

L’Etat, écrit-il, « est une société d’homme instituée dans la seule vue de l’établissement, de la conservation et de l’avancement de leurs intérêts civils » Ces intérêts civils sont « la vie, la liberté, la santé du corps, la possession des biens extérieurs. ». Le magistrat (= celui qui dispose d’un pouvoir sur les autres) dispose, à cette fin, de la « force extérieure », mais il ne peut l’étendre au-delà : le domaine de la religion est celui de la « persuasion intérieure » ; « le soin des âmes » échappe donc au pouvoir du magistrat. Le pouvoir de ce dernier est déjà limité dans les domaines qui sont pourtant de son ressort (si « les lois s’efforcent de protéger les biens et la santé des sujets (…) nul ne peut être forcé, contre sa volonté à se bien porter ou à s’enrichir »), à fortiori n’en a-t-il aucun pour le domaine du « ciel » qui n’est pas de sa compétence. Voila comment Locke envisage l’Etat, et à l’époque, cela n’a rien d’évident, au contraire.

Or, la loi de 1905, et cela va lui être vivement reprochée,  enlève à l’Etat, de nombreux moyens d’actions à l’égard des Eglises. Pour dire les choses de façon synthétique, on passe d’une surveillance a priori a un contrôle a posteriori, en cas d’infraction à la loi, loi, par ailleurs devenue nettement plus libérale (il s’agit de libéralisme politique, et le terme était positif, jusqu’à ce qu’on n’ose plus parler de « capitalisme » et de critique du capitalisme… et faute de pouvoir et savoir critiquer réellement le capitalisme, on va tomber à bras raccourci sur le « libéralisme anglo-saxon »).

Pour prendre deux exemples, dans le système des « cultes reconnus » antérieur à 1905, un évêque n’avait pas le droit de quitter son département sans l’aval du préfet et les assemblées épiscopales ne pouvaient avoir lieu sans l’autorisation du gouvernement. Or, au cours du XIXe siècle, aucun gouvernement, même les plus cléricaux, n’avait permis la tenue de telles assemblées. L’article un de la loi de séparation où la République s’engage non seulement à assurer la liberté de conscience mais aussi à garantir le libre exercice des cultes, se situe tout à fait dans la ligne définie par Locke.

 

On trouve également chez Locke, une définition de l’Eglise comme organisation religieuse. Chez lui, « absolument distincte et séparée de l’Etat et des affaires civiles, l’Eglise est « une société d’hommes qui se joignent volontairement ensemble  pour servir Dieu en public, lui rendre le culte qu’ils jugent lui être agréable, et propre à leur faire obtenir le salut. » C’est « une société libre et volontaire ». Cette représentation de l’Eglise est marquée par l’effervescence ecclésiale pluraliste qui a marqué la première Révolution anglaise (car, on ne veut pas le savoir en France, mais ce sont les Anglais qui ont les 1èrs jugé, condamné à mort et exécuté un roi, en 1649, et fait la révolution avec toute ses effervescences).

 L’Eglise n’est plus considérée comme une institution dont on naît membre, « autrement, indique Locke, la religion des pères et des mères passerait aux enfants par le même droit que ceux-ci héritent de leurs biens temporels et chacun tiendrait  sa foi par le même titre qu’il jouit de ses terres » on ‘entre’ et on ‘sort’ donc librement d’une Eglise : « chacun se joint volontairement à la société dont il croit que le culte est le plus agréable à Dieu. Comme l’espérance du salut a été la seule cause qui l’a fait entrer dans cette communion, c’est aussi par ce seul motif qu’il continue d’y demeurer. Car s’il vient dans la suite à y découvrir quelque erreur dans sa doctrine, ou quelque chose d’irrégulier dans le culte, pourquoi ne serait-il pas aussi libre d’en sortir qu’il y a été d’y entrer ? »

Explicitation de l’objectif : obtenir le salut ; et chacun est juge personnellement du moyen le plus approprié pour arriver à cette fin. On n’est plus du tout dans une société organique, dans le système de la société de chrétienté (l’individualisation du religieuse : phénomène dit de l’ultramodernité pour beaucoup de sociologues est en fait pensé par Locke, à partir de cette 1ère révolution anglaise). On n’est pas plus dans une perspective de l’utilité sociale de la religion qui va être dominante dans les Lumières françaises, que dans la perspective de la religion auxiliaire et légitimatrice du politique ou dominant celui-ci.

 

Là encore, la loi de séparation française de 1905 correspond  à une telle vision. L’article deux en mettant fin au système des « cultes reconnus » qui distinguaient certains cultes (et notamment l’Eglise catholique, privilégiée par le Concordat) d’autres cultes et leur accordait une reconnaissance publique, rompt avec une vision institutionnelle et statique de la religion où, tendanciellement, on a une appartenance religieuse fixe de sa naissance à sa mort et où l’institution religieuse (au XIXe siècle) est protégée par l’Etat à cause, non plus de sa vérité dogmatique (comme cela était le cas, sous l’Ancien Régime) quand la souveraineté était sacralisée par la religion, mais de son utilité sociale.

Désormais, les Eglises sont considérées comme des réalités associatives, où l’engagement et le désengagement sont « libres et volontaires ». La proximité de la loi de 1905 avec celle de 1901 est très significative à cet égard.

 

La loi de séparation de 1905 est d’inspiration lockéenne sur plusieurs autres points. Si vous êtes pas fatigué (reprenez un peu de whisky ou de jus d’orange pour tenir le coup), acceptez que je mentionne deux d’entre eux :

Locke conserve aux Eglises le pouvoir d’excommunier leurs membres, c'est-à-dire d’exclure  celui qui, « malgré les avertissements, s’obstine à pécher contre les lois établies dans cette société ». Autrement dit : une Eglise, pour le philosophe, n’est pas une simple juxtaposition d’individus, elle a sa consistance propre en tant qu’ensemble collectif à condition, précise-t-il, qu’il ne soit fait « à l’excommunié aucun tort civil. » ce qui sauvegarde la logique séparatiste. Chaque être humain, quels que soient la religion ou les rites qu’il pratique doit avoir comme « des droits sacrés (…) tous ses droits d’homme et de citoyen ».  Cette logique est tout à fait celle du fameux article 4 (on en a beaucoup causé l’an dernier et si vous voulez une piqûre de rappel, lisez cet ouvrage que, nul ne sait pourquoi je vous recommande régulièrement : vous savez il s’appelle L’intégrisme républicain contre la laïcité).

Bref l’article 4 de la loi de 1905 demande la conformité avec « les règles générales d’organisation du culte » et il a provoqué les débats entre Buisson et Clemenceau  pour qui l’instauration d’une instance collective libre devait être compris comme le prolongement de la liberté individuelle, et Briand et Jaurès, qui conçoivent cette instance collective comme une dimension de la liberté individuelle.

 

Locke applique à la religion une règle simple : elle consiste à la mettre dans le droit commun aussi bien pour ce qui est permis que pour ce qui est interdit. Cela signifie une large liberté, une certaine égalité des religions (égalité dans la liberté, une non discrimination). Locke ne parle du fait qu’une religion puisse avoir des avantages positifs que d’autres n’auraient pas et ce silence peut être interprété de 2 manières = ce qui va être la manière anglaise et ce qui va être la manière américaine. Mais on peut retenir que la tolérance chez Locke inclut cette égalité dans la liberté (à la différence de Voltaire)

Egalité dans la liberté :

- Pour ce qui est permis : « est-il permis d’adorer Dieu à la façon de Rome ? précise Locke, Que cela soit permis aussi bien qu’à la façon de Genève. Est-il permis de parler latin en public ? Que cela soit aussi permis dans les temples (…) Et que tout ce que l’on est libre de faire dans la vie commune conformément à la loi, que chacun, à quelque église qu’il appartienne, demeure libre de le faire dans le culte divin ».

Locke met au bénéfice de la liberté des opinions (qu’il dit juger, ainsi que l’opinion anglaise largement dominante) « fausses ou absurdes » comme celle du « papiste {qui} croit que ce qu’un autre appelle du pain est le corps du Christ » n’ont pas à être réprimées car « les lois ne veillent pas à la vérité des opinions, mais à la sécurité et à l’intégrité des biens de chacun et de l’Etat.» Par ailleurs « l’idolâtrie » est peut-être un « péché » (tout le monde ou presque le pensait à l’époque) mais la loi ne punit pas l’avarice, l’absence de charité ou la paresse qui sont pourtant « tenues pour des péchés d’un consentement universel. » Si une « discrimination » était faite contre « ceux qui ont des cheveux noirs ou des yeux gris » ne deviendraient-ils pas des séditieux ? Loin de croire que l’on se défend légitimement contre une menace par la répression, il faut supprimer l’hostilité aux assemblées religieuses pour leur enlever tout danger.

- Pour ce qui est interdit : « Si quelque agitation se produit dans une assemblée religieuse contre la paix publique, elle doit être réprimée, non pas autrement, mais de la même façon que si cela s’était produit dans une foire. Si au cours d’un prêche, il est dit ou fait quelque chose de séditieux, cela doit être puni comme si cela était arrivé sur la place publique. »

Cette règle s’applique aussi aux actes du culte : immoler un enfant ou s’adonner à des prostitutions rituelles sont des actes interdits dans la vie civile et donc n’ont pas à être tolérées dans une assemblée religieuse ; par contre il doit être permis d’immoler un veau puisqu’on aurait tout aussi bien pu le consommer dans un festin.

La loi de 1905, suit cette règle, pas toujours de façon absolue car la propriété publique des édifices cultuelles empêche de réaliser une séparation aussi totale que celle prônée par Locke, mais, pour l’essentiel, la religion est bien mise dans le droit commun, alors que cela n’était pas le cas dans la situation antérieure.

 

En revanche, la loi de 1905 est plus libérale que Locke quand au danger politique entraîné  par l’allégeance au pape du catholicisme. Contrairement à une opinion courante, Locke est favorable à la liberté du culte et du dogme catholique, mais, à partir de son refus des empiétements politiques d’une religion contre le pouvoir civil, il ne pense pas possible que le magistrat accepte que des citoyens soient « ipso facto au service et dans l’obédience d’un autre prince ». Il s’agit naturellement du pape, chef temporel  (inséré dans des jeux d’alliances au niveau international) et spirituel à la fois et qui avait, à partir de cette confusion des pouvoirs, excommunié et déposé la royauté anglaise en 1570.

Contrairement à certains projets antérieurs, la loi de 1905 n’impose pas de limitations aux rapports du catholicisme français avec le Saint Siège. Il est vrai qu’entre temps (plus de 2 siècles), le pape a perdu ses Etats et que Léon XIII avait admis la légitimité du régime républicain. La différence semble très explicable.

 

Cette différence entre la loi de 1905 et Locke est beaucoup plus structurelle (je cause bien quand je veux) en ce qui concerne les athées. Locke, au contraire de Bayle (dont nous avons déjà parlé), écrit : « la parole, le contrat, le serment d’un athée ne peuvent former quelque chose de stable et de sacré, et cependant ils forment les liens de toute société humaine ; au point que la croyance en Dieu elle-même supprimée, tout se dissout ».

Il faut remarquer que là avec la fin de la citation donnée sur l’athéisme, le raisonnement de Locke bascule. On n’est plus en effet, comme cela était indiqué pour le catholicisme romain dans une allégeance à un chef d’Etat étranger, on n’est plus  non plus dans une dialectique où on a le droit de choisir n’importe quelle voie (y compris à travers des « opinions fausses ou absurdes »). La logique de ce droit devrait poser la question du droit de ne pas vouloir son salut, et conduire à répondre qu’en effet, c’est un droit.

Mais Locke, de façon illogique, retrouve le lien qu’il avait pourtant distendu du politique, du social et du religieux : le lien social chez lui n’est certes plus assuré par aucune institution religieuse, il reste assuré cependant par une croyance consensuelle en Dieu, déconnectée de l’institution religieuse, puisqu’à partir du moment où l’on croit, on peut croire dans n’importe quelle Eglise (et elles sont multiples !).

Peut-être que Locke a fait là une concession à la mentalité ultra dominante du temps, car une pensée, pour être crédible doit toujours avoir un point d’accroche avec cette mentalité dominante. Il n’empêche, on constate là une congruence entre la pensée de Locke, l’univers mental des auteurs des Déclarations des droits américaines et une situation socio-culturelle qui persiste jusqu’à aujourd’hui aux Etats-Unis où la pensée dominante a toujours de la peine à considérer l’athéisme comme légitime (et bien sûr, cela est nettement plus craignos qu’en 1689 !).

 

La loi de séparation de 1905, en affirmant que la République assure la liberté de conscience établit (quoi qu’implicitement) la liberté égale de croire et de ne pas croire. Non seulement plus de deux siècles après la rédaction de l’écrit de Locke, mais la Révolution française et la radicalisation du conflit des deux France dans la seconde moitié du XIXe siècle a donné à l’athéisme une légitimité culturelle que celui-ci possède moins dans d’autres pays.

Ouf, quand même, je savais bien que les Français ne pouvaient être que les meilleurs (c’est un don du ciel, en toute laïcité !), mais cela fait du bien de le constater à nouveau. Allez, pour fêter cela, un peu de whisky ou de jus d’orange supplémentaire, plus quelques amuses gueule.

Mais, avouez (si vous avez la chance infinie d’être Français) que vous avez transpiré : où nous mène-t-il ce Baubérot de malheur. Il va quand même pas nous faire croire que l’universelle France a été à la remorque de la particulariste Angleterre !

J’ai une circonstance atténuante : La Lettre de Locke a été écrire en fait en 1686, quand Locke était exilé en Hollande. Elle a été publiée en 1689, au moment de la seconde révolution anglaise. Ah, merdrrre, cela signifie que les Anglais on fait deux révolutions, avant que la seule légitime ne commence en 1789. Damned !

 

Bon, OK pour Locke et 1905 : mais Voltaire… (À suivre).



[1] J. Boussinescq, La laïcité, mémento juridique, Le Seuil, 1994.

[2] Vous la trouverez, en version française, éditée soit chez Flammarion, soit aux PUF (avec l’original en latin, pour celles et ceux que cela tente !)

13/11/2006

"BONNET D'ANE": LE DOUBLE JEU DE L'INTEGRISME REPUBLICAIN

APRES DEMAIN JEUDI 23 NOVEMBRE: UNE NOUVELLE NOTE: LES NEO-REPUBLICAINS SONT-ILS LES "HERITIERS" DES LUMIERES ?

ET QUE PEUVENT NOUS "APPRENDRE" LES LUMIERES SUR NOTRE AUJOURD'HUI? 

 

Depuis la parution de mon ouvrage sur L’intégrisme républicain contre la laïcité (L’Aube) j’ai reçu beaucoup de questions, d’échos, soit à l’occasion de signatures (comme à Blois pour les Rencontres de l’histoire ou samedi dernier à Marseille pour les Rencontres d’Averroès), soit indirectement, ou sur mon mel, etc. Je regrette que mes interlocuteurs ne se soient pas plus exprimés sur le Blog lui-même à propos de l’ouvrage. Il comporte un aspect de forum de discussion. Mais qu’importe.

Je passe sur les éloges, toujours agréables à entendre ; je mentionne juste, au-delà de cet aspect, que les propos tenus montrent que ce livre aide bien des lecteurs à vérifier leurs intuitions, à informer et structurer leurs idées. J’en viens aux remarques critiques.

D’abord le titre a fait…tiquer. Des personnes qui n’avaient pas encore lu l’ouvrage m’ont reproché d’ « abandonner  le plan scientifique » pour céder à la polémique. Par contre d’autres, au vu de ce titre, s’attendaient à un pamphlet, à des attaques personnelles dont ils auraient fait leurs choux gras, ils ont été déçus de trouver un contenu « sérieux », ne s’attardant pas à la polémique même si elle n’est pas absente.

Je voudrais dire d’abord que l’optique fondamentale du livre est très simple : la France aujourd’hui est beaucoup plus obsédée  par le « communautarisme » que par les discriminations, par les « dérives religieuses » que par le racisme. Je crois que tant qu’il en sera ainsi non seulement discriminations et racisme pullulent, et la lutte contre ces fléaux n’est pas véritablement engagée, mais qu’en plus, on ne se met pas en posture pour faire face efficacement au dit communautarisme et aux dites dérives religieuses.

Les raisons de cette obsession contre productive sont, à mon sens, à rechercher dans un discours, une vulgate qui fait semblant d’être LE discours républicain, alors qu’il n’en est rien. Ce républicanisme exacerbé, cette référence aux pires erreurs de la Révolution française (comme la loi Le Chapelier refusant tout intermédiaire entre l’individu et l’Etat qui était une loi antisociale) n’est certes pas le discours des fondateurs de la laïcité (faut-il le rappeler : Jules Ferry considérait le jacobinisme comme aussi dangereux que le bonapartisme, et j’ai suffisamment parlé, dans le Blog, en 2005, de Briand, pour qu’il ne soit pas la peine d’y revenir) mais plutôt d’adversaires jusqueboutistes qui n’ont eu aucune efficacité historique et contre qui la laïcité a du lutter pour pouvoir triompher. Quand à une période plus récente, beaucoup s’y réfèrent de façon idyllique à partir … de leurs souvenirs, mais n’importe quel « historien du temps présent » (c’est maintenant une spécialité de la science historique) vous dira que cela ne correspond pas à la réalité.

Surtout, cela montre un rapport au savoir assez délirant. On va y revenir.

Pour le moment, deux mots sur le titre : d’abord, il veut attirer l’attention sur un durcissement du discours. Durcissement de plus en plus grand au fur et à mesure que ce discours est décalé à l’égard de la réalité. Ensuite, employer le terme d’intégrisme, au départ, n’est pas ma tasse de thé. Je suis plutôt sobre sur ce point. Mais puisque le terme est utilisé à tort et à travers partout, je me suis dis : allons y, faisons notre travail de sociologue qui peut consister à prendre des notions utilisées socialement et à réfléchir aux conditions qui peuvent les rendre pertinentes. J’ai donc défini ce que peut être, pour un sociologue, les caractéristiques d’un discours intégriste (cf. le chapitre introductif, pages 15 à 25), sa façon de fonctionner.

Cela est valable quelque soit le contenu. Ce contenu peut être religieux, et il est possible de se servir du portrait robot, de l’instrument de mesure (de l’idéal type en langage sociologique) ainsi dégagé pour évaluer des discours religieux et savoir s’ils sont « intégristes » ou, plus exactement, s’ils sont plus ou moins intégristes. Au nom de quoi, le discours néo-républicain échapperait lui, par miracle, par un coup de baguette magique de la fée Clochette, à cette évaluation des discours ? Parce qu’il s’agit là du discours des « bons » alors que le discours religieux est celui des « méchants » ? Amis néo-républicains, vous regardez trop la télé !

J’ai parlé de « discours plus ou moins intégriste » : en effet le portrait robot construit est un instrument d’évaluation. Il n’aboutit pas à avoir un regard communautariste sur qui que ce soit, qu’il s’agisse d’adeptes de discours religieux ou d’adeptes d discours néo-républicains.

Là encore qu’est-ce qu’un regard communautariste ? Celui qui englobe l’individu, qui le classe en le réduisant à une de ses caractéristiques devenue englobante. Le discours communautariste fige les gens, essentialise c'est-à-dire fait comme si leur existence, leurs actions et leurs propos divers n’étaient que les manifestations concrètes d’une essence fixe et figée. L’intégriste serait tel en tous lieux, sur tous les sujets, et quoiqu’il fasse, qu’il dise, quelle que soit ses évolutions, il resterait toujours un (sal) intégriste. S’il tient des propos qui manifestement ne le sont pas, ce ne peut être que ruse, perversité,et cela le rend d’autant plus dangereux.

Aux moments chauds des affaires de foulards, plusieurs néo-républicains m’ont déclaré que Dounia Bouzar était plus dangereuse que les femmes voilée puisqu’elle avait accepté de dialoguer avec l’une d’entre elles dans l’ouvrage L’une voilée, l’autre pas (elle était la non voilée de ce dialogue). Et quand j’indiquais qu’elle disait des choses qui me semblaient intéressantes, on me répondait que ce n’était pas le problème, au contraire. Quand on envisage les gens comme des ennemis a priori, plus ils sont intelligents, plus ils sont dangereux, surtout (ajouterais je, avec ma méchanceté bien connue !) quand soi-même on ne brille pas de mille feux sur ce plan là !

Oui, effectivement, je pense qu’à force de raisonner de façon complètement idéologique, à force de diviser le monde en deux camps, et de se croire les chevaliers du bien combattant pour la vérité et la justice, on risque fort de s’abêtir. C’est pourquoi, il ne s’est pas agis pour moi de traiter les néo-républicains comme ils considèrent eux-mêmes leur ennemis. Si j’emploie à leur égard le terme neutre de « néo-républicains » (on est bien obligé de désigner ceux dont on parle, n’est-ce pas) c’est parce que je ne veux pas les qualifier, les figer, les englober par le terme d’intégrisme, bien que certains fassent (presque) tout pour mériter cette appellation. Voilà d’ailleurs ce que j’écris dans mon livre à ce sujet :

« Il faut espérer que les dits « républicains » sont autres que les stéréotypes éculés et répétitifs qui peuvent sortir de leur bouche laisse à entendre. Que lorsqu’ils vivent une relation amoureuse, ils parlent vraiment, inventent des phrases merveilleuses qui leur appartiennent. Qu’ils savent faire l’amour en artistes. Qu’ils sont souvent joyeux et plein d’humour. Que sur des tas de sujets ils tiennent des propos passionnants[1]. C’est tout le mal que je leur souhaite. Je ne les considère nullement comme mes « ennemis ». Je pense même que désabsolutisés, désintégrisés (néologismes nécessaires), et en triant, on peut trouver du grain à moudre dans leurs dire. Ils parlent tellement de république et de laïcité qu’il leur arrive même, entre des oukases insupportables, d’énoncer des choses justes. Etonnant, non ? » (page 24).

Il ne s’agit donc pas de tomber dans le piège des frères ennemis et ceux et celles qui ont cru, au vu du titre, que cela m’arrivait en seront pour leur frais. Il ne s’agit pas de retourner un dogmatisme contre un autre, un sectarisme contre un autre. Il ne s’agit pas de discalifier la totalité d’un discours sous prétexte qu’il comporte des aspects déconnants. Trions camarades, trions : c’est cela la laïcité de l’intelligence. Et cela n'empêche pas la polémique, à condition de garder un peu d'humour (l'humour désabsolutise).

Car un des reproches que l’on peut faire aux néo-républicains, sans invalider totalement leur discours, c’est le fait qu’ils pratiquent le double discours. Un exemple : ils se veulent les hérauts du savoir contre le vécu, le pédagogisme, etc. Le savoir n’est pas tout certes, mais effectivement on peut dire que dans la société du tout média, du scoop et du sensationnel, dans la « société du spectacle pour reprendre l’expression de Guy Debord, le savoir est menacé et que le défendre est nécessaire. Seulement, à partir de là, nos néo-républicains ont tendance à tricher. Et la vulgate intégriste[2] dont ils se servent très souvent consiste à défendre, dans le lieu très précis de l’école, un certain savoir, celui d’une culture franco-classique, connaisseuse des humanités grecque et latine puis des écrivains et philosophes français (là encore pour indiquer un schéma, et après on évalue si les individus collent plus ou moins à ce schéma) et à piétiner allègrement tous les savoirs qu’ils ne maîtrisent pas, à les mépriser, à refuser de les prendre en compte et… tout à coup, à transformer en savoirs leurs propres souvenirs, leur vécu (alors qu’ils reprochent au « pédagogisme » de le privilégier), leurs réminiscences scolaires, les vagues informations qu’ils peuvent avoir sur tel ou tel sujet et qui, pour des spécialistes de ces questions, sont le plus souvent archi-fausses.

Je ne leur reproche pas, naturellement, de ne pas tout savoir, je leur reproche d’une part de ne pas savoir qu’ils ne savent pas, d’autre part (pour employer un français soutenu) de s’en foutre comme de l’an quarante car au bout du compte, ce qui leur importe c’est le combat idéologique, c’est de disqualifier l’adversaire.

Exercice pratique : pour savoir si un néo-républicain tient un discours qui est plus ou moins dans cette vulgate intégriste, soyez attentifs, quand vous le lisez, à remarquer s’il cite ou non des historiens, des acquis actuels de la démarche historique quand il parle du passé : bref s’il en parle sérieusement, en se situant par rapport au savoir d’aujourd’hui sur les questions dont il parle, où s’il fonctionne à partir  de vagues souvenirs scolaires ou des stéréotypes colportés allègrement par les médias. Vous trouverez une histoire de la laïcité, faite par un non historien, qui réussit le tour de force de ne jamais citer d’historien et de ne pas prendre en compte leurs travaux.

Vous pouvez faire le même exercice à partir du discours tenu sur la société actuelle et notamment la société française, par rapport aux travaux des sociologues, des spécialistes de sciences humaines. Quand un néo-républicain parle de l’islam, si les travaux des islamologues sont pris en compte, etc…

Et il ne s’agit pas là de défendre le savoir pour le savoir : cette ignorance qui s’ignore, qui veut s’ignorer, ces Docteurs es-ignorance, du coup ont des ennemis boucs-émissaires : le « communautarisme » (non défini), l’islam, les sectes, le protestantisme évangélique assimilé aux dites sectes. Dans mon ouvrage (il faut bien revenir à un peu de pub !) je montre que « l’islam » ou « un certain islam » n’est nullement la cause de « ce qui va mal », mais bien plus une caisse de résonance de difficultés engendrées par des mutations sociales non maîtrisées. Et comment voulez-vous les maîtriser si vous vous obstinez à ne pas les connaître ? Alors certains, acceptent de les connaître plus ou moins au niveau socio-économique (cf. le Rapport Obin, par exemple), mais dès qu’il s’agit de mutations culturelles, institutionnelles, politiques, alors là, on ne veut plus rien savoir. Tout comme on prône la raison, le rationnel, mais dès qu’il s’agit de sectes...; (cf le chapitre 4 : « Aborder rationnellement le problème des sectes »).

Et le refus de savoir, le double jeu ne tarde pas à tourner à la mauvaise foi.

Pour terminer deux exemples qui me concernent :

D’abord celui de l’affaire Redeker : on noie le problème que j’ai soulevé dans ma tribune du Monde en parlant du droit de « critiquer l’islam » Cf. entre autres un internaute en commentaire de la Note sur ce sujet.  Mais si seulement il s’agissait de « critique »,… Et nulle part personne ne m’a répondu sur mon argument clef : un professeur qui a tronqué, et interprété de façon intellectuellement non soutenable, un écrit de Maxime Rodinson. Qui est allé comparer le texte de Rodinson et les citations qui en sont faites par Redeker ? C’est vraiment au poil d’être un chevalier du bien, cela dispense de tout travail intellectuel : on a priori raison, pas la peine de se prendre la tête !

Et d’une manière générale, vous pouvez examiner, dans les commentaires de ce Blog, ceux qui argumentent, discutent, et ceux qui procèdent par insinuation, tentent de mettre un soupçon global, faute d’être capables discuter de ce qui est écrit.

Ensuite, parfois cela devient : « Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose… »

Un exemple précis, la perle que me signale un Internaute : Dans son Blog, J. Cl Brigheli écrit (21 octobre) dans une Note intitulée : « Pour solde de tout compte »  les propos suivants :

« Dialoguant avec Jean Baubérot, spécialiste officiel de la laïcité, le seul à ne pas avoir voté le rapport final de la Commission Stasi sur les signes religieux à l’école (voir le Point du 19 octobre), j’ai appris -un peu stupéfait tout de même- que la République ne respectait pas les femmes, puisqu’elle ne les distinguait pas en tant que femmes. Mais qu’une religion qui est voile, ou qui les engloutit sous une burka, qu’elle les reconnaît comme femmes, quand elle ne les lapide pas, les respecte davantage… » Un peu plus loin : « Et je m’étonne que des féministes convaincues, qui brûlaient leurs soutiens-gorge à l’aube des années 1970 parce qu’elles y voyaient un signe d’aliénation, tolèrent tant de voiles sur la tête des jeunes femmes d’aujourd’hui. Le progrès, ces temps-ci, avance à reculons (….) Encore un effort, et nous retournerons à l’âge de pierre. » Et il conclut en citant Laclos : « les vices se sont changés en mœurs » et en annonçant, face à ses détracteurs : « j’abandonnerai ce blog après les élections, parce que j’en ai un peu marre de me faire insulter par des cloportes. »

Quel beau commentaire de texte, les profs peuvent proposer à leurs élèves à partir de cette anthologie !

D’abord, si vous vous reportez à l’article cité du Point, vous ne trouverez pas bien sûr, le moindre début de commencement des propos qui me sont attribués. Brighelli fait donc référence à son souvenir (non vérifiable) de la partie de la discussion non publiée (elle a duré près de 2 heures, et la journaliste disposait de 2 pages) et son souvenir est complètement faux (ce qui donne à penser sur les autres,…) : on peut facilement le vérifier en lisant le passionnant, le sublime, le magnifique chapitre 1 de mon livre (que j’ai résumé, puisque c’était le deal de l’entretien : chacun résumait les thèses de son ouvrage) : « la laïcité est-elle gage d’égalité des sexes » (p.29-54, et je reviens sur le sujet notamment aux chapitres 3 sur l’islam et 5 sur le multiculturalisme à la française)

Ensuite : quel bel exemple de pensée figée : le féminisme consisterait à répéter ce qui s’est fait il y a 30, 35 ans sans tenir compte des mutations sociales arrivées depuis (et dont parle le merveilleux livre que je ne saurais trop vous recommander, et que Brighelli venait pourtant de lire ce qui le rend naturellement d’autant plus impardonnable). En fait, il raisonne à partir d’un pseudo sens de l’histoire, conçu à la façon simpliste d’un progrès linéaire. Il devrait lire quelques ouvrages sérieux sur la question, cet homme… (il est « trop », ce Brighelli : d’habitude on nous menace seulement du Moyen Age, là c’est carrément l’âge de la pierre : il lit trop Rahan, le fils des âges farouches…, la BD de Pif)

Enfin, ce grand défenseur du savoir se garde bien de signaler ma compétence intellectuelle (là encore, je ai déjà signalé la même chose à propos de Seksig et son L’école face à l’obscurantisme religieux : c’est significatif de retrouver les mêmes procédés): le fait d’être titulaire de la chaire « histoire et sociologie de la laïcité » à l’EPHE et d’avoir écrit plusieurs ouvrages sur la question. Il parle de « spécialiste officiel » : extraordinaire aveu : pour ne pas prendre en compte le savoir, on en fait un discours officiel, comme si j’avais été nommé à mon poste par des politiques et non élu par des universitaires, à partir d’un dossier scientifique, de doctorats, et selon les procédures de recrutement ! Quelle mauvaise foi. Ensuite, il mentionne ce qui pour lui est discalificateur a priori : ma position lors de la Commission Stasi sans s’apercevoir qu’il se contredit : car cette position est justement le contraire de celle d’un « spécialiste officiel » ! Mais qu’importe les contradictions quand on est un chevalier du bien !

Enfin (bis), je laisse aux Internautes bien-aimés qui me font l’honneur de me lire, d’ apprécier les qualités de grand humaniste d’un auteur de Blog qui traite de « cloportes » ceux qui le lisent en ayant l’outrecuidance blasphématoire de le contredire. Les injures sont révélatrices : Frèche a parlé de « sous hommes », lui de « cloportes ». Bravissimo.

Ah j’oubliais : le Blog de Brighelli s’intitule : « Bonnet d’âne »… avec un dessin le représentant. Mais pourquoi donc a-t-il oublié son bonnet ?

PS: le nec plus ultra des néo-républicains consiste à se proclamer "voltairien". Nous allons examiner cela de plus près...

 

 



[1] Etant frimeur comme pas d’eux, je ne résiste pas (longtemps) à rapporter le propos (très complaisant, of course) d’un ami : « mais c’est tout toi que tu décris là ». Merci, merci. J’aime bien les fleurs.

[2] J’explique bien sûr dans l’ouvrage ce que j’entends par là : je ne vais quand même pas tout vous dévoiler ici !

04/11/2006

TIENS, VOILA DU BOUDIN: LA SUITE ET LA FIN DU RAPPORT OBIN, OUF!

Cher(e)s Internautes,

Comme promis, la suite et la fin du « Rapport Obin » ; quelques commentaires sur l’ouvrages qui le publie et, enfin, un dialogue avec celles et ceux qui ont fait des commentaires, soit sur les dernières Notes, soit sur mon livre L’intégrisme républicain contre la laïcité.

I Le Rapport Obin (suite et fin)

Nous avons vus dans les 2 dernières Notes (cf. ci après : comme le monde est tête à l’envers ; les Notes du Blog le sont aussi) les carences du Rapport Obin (Rapport de l’Inspection de l’Education Nationale sur Les signes et manifestations d’appartenance religieuse dans les Etablissements scolaires) et comment ces carences aboutissent logiquement à un obscurantisme fonctionnel.

En effet, le Rapport en vient à désavouer l’ « apport de connaissances historiques et/ou philosophiques » sur la laïcité donné dans certains IUFM et voudrait que l’on concentre cet apport sur « les religions et les groupes qui influencent aujourd’hui les élèves ». Comme le note très justement Esther Benbassa (p. 266), un tel apport (surtout après le refus de l’enseignement de connaissances un peu plus distanciées) risque fort d’avoir en « arrière fond la projection d’un certain nombre de fantasmes véhiculés par la propagande antimusulmane ». Ceci est d’ailleurs confirmé par l’analyse interne du rapport qui cite un ouvrage polémique de journalistes de Charlie-Hebdo et passe sous silence des analyses d’ordre scientifique d’universitaires et de chercheurs.

 

Un chouia d’insistance encore sur la gravité de ce refus d’un apport de connaissances historiques, sous prétexte qu’elles seraient abstraites et inutiles pour aujourd’hui. Les Inspecteurs feraient bien de lire Mona Ozouf et ses travaux sur l’école laïque de la IIIe République. Cette grande historienne nous apprend que les instituteurs laïques, s’ils estimaient « que le but de l’éducation n’est pas d’immerger l’enfant dans l’eau-mère de sa culture d’origine », se montrèrent également convaincus, « que les êtres humains n’ont de densité et de substance que par la collectivité à laquelle ils appartiennent » et qu’il n’existe « aucun enseignement efficace qui ne s’appuie sur les intérêts immédiats des enfants, sur les voisinages et sur les fidélités. »

Et Mona Ozouf nous apprend aussi que les instituteurs « ont souvent été des passeurs entre deux cultures »[1]. Ils ont pris appui sur les particularités et ne les ont pas combattues ;  elle conclut que leur pratique laïque « tissée de compromis et d’accommodements (a été) fort éloignée du modèle intégriste qu’on s’est remis aujourd’hui à vanter (…comme) antidote aux particularismes et communautarismes qui menacent notre société. (…) Au total ils ont vaincu en eux ce qui, depuis Sieyès, est une tentation du républicanisme français : unir mais en excluant l’élément impur ou gênant. Eux ont su hiérarchiser c'est-à-dire ne pas exclure.[2]».

 

Depuis Sieyès (c'est-à-dire les débuts de la Révolution française) : eh oui, on ne vit pas dans l’immédiat et le scoop (c’est pourquoi, prétendre qu’il faut seulement enseigner des connaissances sur l’aujourd’hui me paraît stupide) ; on vit (sans en avoir forcément conscience) dans l’historicité, dans une pesanteur d’histoire, et si l’Education Nationale d’aujourd’hui n’est pas aussi vigilante que celle d’hier, elle tombe, cul par-dessus tête, dans cette « tentation du républicanisme français » : vouloir « unir en excluant l’élément impur ou gênant ». L’absence de mise en perspective, de démarche d’objectivation, d’intégration des allusions un peu critiques dans les propositions, de hiérarchisation dans les incidents rapportés font que le Rapport ne peut qu’être influencé par cet « intégrisme » que décrypte Mona Ozouf.

En effet, j’aurais voulu terminer l’analyse du Rapport en donnant des aspects positifs, mais ceux-ci sont tronqués.

D’abord, le Rapport consacre une seule page sur les 75 qu’il compte (en enlevant les annexes) aux établissements « parmi les plus exposés » qui  « ont su traiter avec une remarquable efficacité les tentatives dont ils ont été l’objet » (p. 370). Une page sur 75 ! Pourtant le non-événement pacifique est un construit et il aurait été diablement intéressant d’analyser avec minutie comment s’effectuent les « éléments de ces réussites ». Cela aurait donné une autre tonalité au Rapport. Celui-ci se contente de quelques indications sommaires, où manifestement les auteurs ont sélectionné ce qui allait dans leur sens et où ils n’entrent absolument pas dans le concret dont ils nous abreuvent par ailleurs. On nous parle d’un « important travail collectif en interne » : quel est-il ? On aimerait avoir des exemples. On nous dit : « jamais de transaction sur les principes ». OK mais peut-être alors des transactions sur ce qui n’est pas vraiment de l’ordre des principes, non ? Etc.

Ce n'est pas par hasard que le Rapport accorde aussi peu d'importance à ce qui est pourtant essentiel : la construction d'une situation maitrisée par l'ensemble du personnel éducatif. En effet, le postulat de leur "enquête" était , dés le départ, complètement orienté idéologiquement, et donc réducteur. "Nos hypothèses de départ étaient que les manifestations d'appartenance religieuses, individuelle et collective, avaient tendance à se multiplier et à se diversifier, avec une rapidité et une dynamique forte" (p. 296). On peut donc dire que nos Inspecteurs chéris ont trouvé ... ce qu'ils estimaient savoir dés le départ.

Outre qu'une enquête sérieuse ne doit JAMAIS procéder ainsi, mais doit toujours ce donner les moyens d'infirmer son hypothèse de base, il faut remarquer qu'ils  ne se posaient pas la question clef de la maîtrise de la situation par certains établissements et des moyens mis en oeuvre pour y parvenir . Or c'est cela le plus intéressant. Que la situation soit difficile, OK (mais pour des tas de raisons objectives qu'il aurait fallu mieux mettre en lumière), et cela a déjà été indiqué à diverses reprises (sans que l'on ne puisse jamais cependant savoir vraiment ce qu'il en est, car pour le savoir il faudrait utiliser une autre méthode que l'accumulation d'exemples). La véritable enquête (et ce ne sont pas des supérieurs hiérarchiques qui ne sont pas des chercheurs qui pourraient la mener) consisterait à savoir pourquoi certains établissements sont débordés et pourquoi d'autres ne le sont pas.

Ensuite, il y a dans le Rapport 6 lignes qui auraient pu constituer le début d’une mise en perspective, l’amorce d’une analyse, mais qui, malheureusement, tournent court. Le Rapport écrit : « La réalité semble bien, en effet, être la suivante : pour la première fois dans notre pays, la question religieuse se superpose –au moins en partie- à la question sociale et à la question nationale ; et ce mélange à lui seul détonnant, entre en outre en résonance avec les affrontements majeurs qui structurent désormais la scène internationale. » (p. 364).

Voila qui est intéressant. On peut, bien sûr, débattre sur ce diagnostic qui aurait du être complexifié (ainsi on ne saurait parler de la « question nationale » sans insister sur le fait qu’avec la construction de l’Europe et la mondialisation/globalisation, le développement d’outils technologiques permettant une communication de masse à l’échelle de la planète, cette « question » est en complète mutation). Mais au moins là, on trouve une certaine mise en perspective, qui aurait pu engendrer une analyse. Malheureusement ces lignes sont complètement isolées dans le Rapport : elle n’informent en rien l’exposé des faits, elles n’informent pas non plus les propositions faites[3].

II, l’ouvrage : L’école face à l’obscurantisme religieux (ou le rapport Obin se trouve en  "Annexe")

Il n’est donc pas étonnant que ces 6 intéressantes lignes ne soient pas reprises dans l’ouvrage qui, AVANT de nous donner le Rapport lui-même, en fait le commentaire, l’interprétation. Publié sous le titre significatif de L’école face à l’obscurantisme religieux, avec l’indication en couverture que le Rapport est « un rapport choc », bref avec toutes les règles de l’inflation idéologique qui conduit à la délégitimation de l’enseignement scolaire (les pompiers sont donc des pyromanes !), le livre manipule le Rapport à qui mieux mieux.

On nous livre 20 commentaires, de « personnalités » (dont certaines le sont uniquement grâce à la méthode Coué !) soigneusement choisies. Près des ¾ versent dans l’inflation idéologique (quelques autres sont plus nuancées, mais on sait très bien que la règle médiatique basique est que les propos « chocs » frappent plus que les autres) et elles citent le Rapport en le tirant vers la dramatisation que celui-ci prétend vouloir éviter. « Pitié pour les filles » ; « Les compromis suicidaires » ; « La colère et le dégoût » ; « Le communautarisme voilà l’ennemi ! » ; « Un climat d’intimidation permanente » ; etc : voilà quelques titres bien alarmistes pour mettre le lecteur dans l’ambiance (avec, ensuite, un contenu conforme au titre !) et neutraliser les précautions indiquées au début du Rapport lui-même. Je ne développe pas : feuilletez cela sur le comptoir d’une librairie, vous serez édifié(e).

Juste deux exemples, tirés de la prose de Jean-Paul Brighelli.

Le premier montre la manière dont on met le lecteur en condition avant de publier le Rapport Obin : « le rapport Obin énumère cette mise en tutelle  {des jeunes femmes} morale et physique avec une insistance et une précision telles que l’amateur de thriller satisfera à sa lecture, sa fascination pour l’horreur » (sic) (p.97).

Le second exemple, typique des références idéologiques au passé, auxquelles le  Rapport donne un monopole puisqu’il est contre l’apport de connaissances historiques : Brighelli met ensemble la laïcité scolaire des lois Ferry et des lois Combes (p. 100), comme s’il s’agissait de la même laïcité, alors qu’il s’agit de deux types divergents de laïcité et que la « laïcité intégrale » des partisans de Combes se définit explicitement CONTRE les accommodements de la laïcité de Ferry. Mais nos orthodoxes laïques veulent cacher qu’il a existé différents types de laïcité.

    

D’une manière générale, dans la majorité des commentaires, la méthode est toujours sempiternellement la même : accumuler des exemples (certains cités 3 fois pour bien en imprégner le lecteur), exemples extraits du Rapport ou ajoutés à lui, exemples toujours donnés au premier degré, de façon littéraliste, sans aucun décryptage ni pondération. C’est cette méthode qu’emploie d’ailleurs, dés son long exposé mis en tête du livre, un de ces deux éditeurs, Alain Seksig racontant des « Choses vues à l’école laïque (1989-2006)».

 

 Il faut dire et redire que l’accumulation d’exemples, que chaque auteur rapporte de la façon qui l’arrange (et Seksig, très naïvement, polémique contre le « vain et sot projet » de profs qui font raconter leur « vécu » à leurs élèves, p. 22 et 35, alors qu’il passe son temps à raconter le sien, voire celui des autres –cf. p. 23, 39s, 42,… !!) et sans que l’on puisse vérifier le moindre dire, ne constitue en rien, pour les sciences humaines, une preuve de quoi que ce soit.

Il existe des règles minimums à respecter et sur lesquelles (comme le dit le Rapport 0bin p. 370, mais uniquement contre les élèves !) on ne peut « transiger ». Bien sûr, Seksig est assez futé pour que ses divers souvenirs n’aillent pas tous dans le même sens, mais (on l’aura compris) il ne s’agit pas de récuser ou d’approuver des contenus. Non, c’est l’approche elle-même, le genre littéraire adopté qui n’est pas pertinent.

 

Seksig ne respecte pas les règles minimales qui feraient de son propos un exposé de l’ordre d’une démarche de connaissance. Ainsi, il fait parler et croit réfuter (!!!) des personnes, auxquelles il s’est bien gardé de demander de rédiger un  des 20 commentaires, comme Wieviorka et moi-même (pages 43-47 pour M. W. et 23-27 pour votre très humble serviteur). Faisant comme si nous n’avions jamais écrit d’ouvrages sur les questions qu’il traite, Seksig cite un entretien donné par Wieviorka à un mensuel, et pour moi il se réfère à des propos oraux que je lui ai tenus, qu’il raconte selon un vague souvenir qui ne correspond pas au mien (ce qui montre que ses « choses vues » sont à prendre avec de longues pincettes)[4]. Il offre ainsi à ses lecteurs deux réfutations monologues : c’est plus facile bien sûr en nous réduisant au silence qu’en nous donnant la possibilité de nous expliquer, mais cela montre que quand Seksig parle de «la mauvaise foi voire la manipulation » (p. 29), il tient des propos totalement boomerang !

Aller un peu d’humour : avant de me mettre en scène de façon tendancieuse, Seksig me définit comme membre de la Commission Stasi « le seul à s’être abstenu lors du vote final sur la proposition d’une loi sur la laïcité scolaire » (= la loi d’interdiction des signes religieux). Cette précision montre qu’il veut informer ceux qui ne me connaissent pas. Le faire de cette seule manière (un engagement) est très significatif : rien sur le fait que je suis titulaire de la seule chaire spécialisée sur la laïcité dans l’enseignement supérieur français ; rien sur le fait que j’ai écrit une bonne demi-douzaine d’ouvrages sur la laïcité, bref rien sur les raisons qui ont fait que j’ai été membre de la commission Stasi. Pour lui, ces raisons n’existent pas. Cela signifie sans nul doute que, selon lui, j’ai été membre de cette Commission uniquement parce que je suis extraordinairement sexy et adorablement mignon. Mesdames internautes, tenez vous le pour dit !

 Les éditeurs, voulant une caution sociologique du Rapport Obin, l’ont  demandée à Dominique Schnapper : ils ont bien fait car elle se montre très complaisante : devant dire (bien sûr) que le Rapport n’a pas de validité quantitative, elle prétend qu’il s’agit d’une « recherche sur le terrain que les spécialistes appelleraient qualitative » (p. 279). Vraiment ? Quand on multiplie (comme le fait le Rapport) l’usage de formules comme « on a parlé de… », « on nous a dit que… », « nous ont été décrits comme…», « dans telle cité… », « dans tel lycée… », « il ne semble pas… », etc dans quel genre littéraire sommes nous ? Certainement pas dans la recherche qualitative. Le qualitatif ne permet JAMAIS de connaître indirectement des faits, par ouïe dire: le qualitatif permet d'étudier le discours des personnes que l'on questionne. Or un des (multiples) aspects frappants de cette "enquête" est que jamais les élèves sont questionnés. On parle d'eux, mais ce qu'ils pensent, on ne veut pas le savoir. Comment voulez-vous, dans cette optique, que leurs actes fassent sens?

Vraiment du « qualitatif » de cet ordre (cf. aussi tout ce que j’ai déjà indiqué précédemment) permettrait-il à un étudiant d’obtenir un master ? Pas chez moi, chère Dominique. Il revient donc à Esther Benbassa, une des deux voix dissidentes (sur 20 contributions) que se sont autorisés, dans leur (trop !) grande largeur de vue les éditeurs, d’effectuer les indispensables critiques qui s’imposent (p. 258ss) : certaines rejoignent en bonne part les miennes, d’autres les complètent.

Deux remarques conclusives :

Pour devancer tout de suite (je cite) « l’erreur ou la mauvaise foi de ceux qui récusent la validité de ce rapport au prétexte qu’il pourrait être récupéré politiquement » (présentation, p. 15), Anne Coulon, multiplie les références sur ce qui est dit du « terreau social  sur lequel se développent ces évolutions » (p. 178ss.) (cf. ma 1ère Note). Mais les bonnes intentions des auteurs ne ont pas en cause, seulement on ne fait pas un bon Rapport avec de bonnes intentions et si les éditeurs avaient été honnêtes dans leur choix de « personnalités », c’est ce que beaucoup auraient souligné. C’est par ses faiblesses intellectuelles et par son instrumentalisation avec l’inflation idéologique qu’effectue l’ouvrage qui le publie, que ce Rapport fait le jeu de l’extrême droite. Ce n’est pas par la mise en lumière de faits (si seulement ils étaient mis en lumière !!!)

 

Autre remarque : alors que les auteurs du Rapport ne veulent pas que l’on donne aux futurs profs des connaissances historiques sur la laïcité, et sans critiquer cela en aucune manière, Seksig affirme à la fin de son propos que « il n’est [pas] de tâche plus urgente (…) que de revenir aux sources de la laïcité républicaine » (p. 49).

Contradiction ? Hélas je ne le pense pas car l’importance donnée aux « souvenirs, souvenirs… » (selon le titre d’une chanson des années yéyé ; vous voyez moi aussi j’ai des souvenirs !), l’absence complète de références aux ouvrages qui traitent des sources de cette laïcité, le fait qu’aucun historien de la laïcité ne soit parmi les 20 « personnalités » (non plus que d’islamologues, de sociologues de la religion, etc… d’ailleurs) et ne puisse donner une analyse de ces « sources », tout cela montre qu’il s’agit de la « laïcité républicaine » selon l’idée reçue dominante (on ne cherche pas à savoir quelles sont ces fameuses « sources » qu’il faut pourtant retrouver de toute urgence).

 

C’est, dans ces conditions, pour que cette idée reçue dominante ne puisse pas être mise en cause que la Rapport polémique contre les maigres connaissances historiques données aux futurs profs. Lyssenko pas mort ! Derrière ce mépris du savoir, cette coupure avec la culture universitaire et avec la recherche, derrière cet obscurantisme fonctionnel existe une volonté d’emprise idéologique. Encore une fois, dans cette voie là, nul doute que l’institution Education Nationale ne soit pas capable d’apporter les solutions que les défis actuels imposent. Voilà, s’il ne se produit pas un réveil des intelligences, ce qui nous promet un Rapport Obin bis (d’un émule, bien sûr), dans 10 ou 20 ans. L’obscurantisme n’est pas forcément là où on le croit.

PS : Damned ! Une fois de plus, je me suis laissé entraîné, j’ai été plus long que prévu et donc, si j’en ai au moins fini avec ce satané Rapport Obin, je n’ai plus le temps d’écrire la IIIème partie prévue, de dialogue avec les Internautes. Ce sera pour la prochaine fois.

Mais, quand même, voici 2 poires pour la soif :

D’abord, la nouvelle formule de ce Blog est un beau succès : 5631 visites en octobre. Environ 200 souvent les jours de semaine et un peu moins le week-end : petits coquins : est-ce que vous allez sur ce Blog pendant votre travail ? Vous ne serez ‘pardonnés’ que si vous faites du bouche à oreille pour faire connaître ce Blog à vos amies et amis. Notamment, les Notes sur le Rapport Obin intéressent des profs qui tombent sur le le Blog par une chance hasardeuse. Alors faites que 'on ne viendra plus sur le Blog par hasard' (mais grâce à vous)..

 

Ensuite, on m’a demandé ce que je pensais de la dernière loi sur le génocide arménien, et plus globalement de ce type de loi. Toujours à la pointe de l’actu., je vous livre la future loi que nos députés ne vont pas manquer d’adopter, à l’unanimité plus 4 voix. Elle provient d’un distingué collègue universitaire (si, si) dont je livre les initiales : a. h. :

Proposition de loi : Exposé des motifs : Vu le texte biblique affirmant que lorsque Il " vit que la méchanceté des hommes était grande sur terre (…) l'Eternel se repentit d'avoir fait l'homme sur la terre  [et dit] J'exterminerai de la face de la terre l'homme que j'ai créé " (Genèse 6,5). Ce qu’Il fit promptement en provoquant le Déluge ; L’Assemblée nationale adopte la loi suivante : Article unique :

« La République reconnaît le génocide de l’Homme provoqué par le Déluge. Toute négation sera punie d’une lecture obligatoire de la Bible ou au choix, dix cours de natation ou de secourisme. »

  



[1] Cette pratique des instituteurs était d’autant plus possible que la politique de l’administration  incitait les enseignants à faire carrière dans leur département d’origine. Ainsi, pour prendre un exemple, la leçon d’histoire qui cherchait à faire comprendre l’état de la France à la veille de 1789 s’effectuait souvent à travers le Cahier de doléance de la paroisse ou du baillage de la localité des élèves. Ainsi les « morceaux choisis » de littérature du cours de français comportait, la plupart du temps, les gloires littéraires locales.
[2] M. Ozouf, Préface à J.-F. Chanet, L’école républicaine et les petites patries, Aubier, 1996, 13-15. Je recommande vivement cette étude rigoureuse qui au terme d’une enquête précise (elle !), démonte nombre d’idées reçues sur l’école laïque républicaine. Cela, sans cacher les aspects conflictuels que cette école a pu avoir. Ainsi Chanet traite longuement la question de la lutte contre les langues régionales et, sans aucunement la minimiser, il montre qu’elle fut plus complexe qu’on ne le croit.

[3] Encore une fois, celles-ci ne reprennent pas les allusions faites aux manquent de l’Education Nationale. Bien sûr est demandée une « action  positive d’ensemble » contre les discriminations. Mais ce ne sont pas de telles généralités déjà mille fois dites qui peuvent être efficaces, mais des propositions précises et critiques qui concerneraient  l’Education nationale comme institution.

[4] Le mien ne fait pas plus foi que le sien, mais il rappelle qu’il en est toujours ainsi avec les souvenirs : on sélectionne, on déforme, on idéalise le passé (exemple très significatif p. 42). On connaît très bien la fragilité des témoignages (rappelez vous celui du RER D, où on a ému la France entière avec une fabulation. Même il n’y a pas fabulation, les témoignages sont au mieux des réalités arrangées).  Cela ne signifie pas qu’il faille refuser tout témoignage ou souvenir, mais il faut savoir les décrypter (souvent ils en disent au moins autant sinon plus de la personne qui les énonce que de ce dont elle parle), les relativiser, les vérifier, les analyser, les mettre en perspective. C’est la (non) pensée-télé qui fonctionne de façon dominante au témoignage.