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13/11/2006

"BONNET D'ANE": LE DOUBLE JEU DE L'INTEGRISME REPUBLICAIN

APRES DEMAIN JEUDI 23 NOVEMBRE: UNE NOUVELLE NOTE: LES NEO-REPUBLICAINS SONT-ILS LES "HERITIERS" DES LUMIERES ?

ET QUE PEUVENT NOUS "APPRENDRE" LES LUMIERES SUR NOTRE AUJOURD'HUI? 

 

Depuis la parution de mon ouvrage sur L’intégrisme républicain contre la laïcité (L’Aube) j’ai reçu beaucoup de questions, d’échos, soit à l’occasion de signatures (comme à Blois pour les Rencontres de l’histoire ou samedi dernier à Marseille pour les Rencontres d’Averroès), soit indirectement, ou sur mon mel, etc. Je regrette que mes interlocuteurs ne se soient pas plus exprimés sur le Blog lui-même à propos de l’ouvrage. Il comporte un aspect de forum de discussion. Mais qu’importe.

Je passe sur les éloges, toujours agréables à entendre ; je mentionne juste, au-delà de cet aspect, que les propos tenus montrent que ce livre aide bien des lecteurs à vérifier leurs intuitions, à informer et structurer leurs idées. J’en viens aux remarques critiques.

D’abord le titre a fait…tiquer. Des personnes qui n’avaient pas encore lu l’ouvrage m’ont reproché d’ « abandonner  le plan scientifique » pour céder à la polémique. Par contre d’autres, au vu de ce titre, s’attendaient à un pamphlet, à des attaques personnelles dont ils auraient fait leurs choux gras, ils ont été déçus de trouver un contenu « sérieux », ne s’attardant pas à la polémique même si elle n’est pas absente.

Je voudrais dire d’abord que l’optique fondamentale du livre est très simple : la France aujourd’hui est beaucoup plus obsédée  par le « communautarisme » que par les discriminations, par les « dérives religieuses » que par le racisme. Je crois que tant qu’il en sera ainsi non seulement discriminations et racisme pullulent, et la lutte contre ces fléaux n’est pas véritablement engagée, mais qu’en plus, on ne se met pas en posture pour faire face efficacement au dit communautarisme et aux dites dérives religieuses.

Les raisons de cette obsession contre productive sont, à mon sens, à rechercher dans un discours, une vulgate qui fait semblant d’être LE discours républicain, alors qu’il n’en est rien. Ce républicanisme exacerbé, cette référence aux pires erreurs de la Révolution française (comme la loi Le Chapelier refusant tout intermédiaire entre l’individu et l’Etat qui était une loi antisociale) n’est certes pas le discours des fondateurs de la laïcité (faut-il le rappeler : Jules Ferry considérait le jacobinisme comme aussi dangereux que le bonapartisme, et j’ai suffisamment parlé, dans le Blog, en 2005, de Briand, pour qu’il ne soit pas la peine d’y revenir) mais plutôt d’adversaires jusqueboutistes qui n’ont eu aucune efficacité historique et contre qui la laïcité a du lutter pour pouvoir triompher. Quand à une période plus récente, beaucoup s’y réfèrent de façon idyllique à partir … de leurs souvenirs, mais n’importe quel « historien du temps présent » (c’est maintenant une spécialité de la science historique) vous dira que cela ne correspond pas à la réalité.

Surtout, cela montre un rapport au savoir assez délirant. On va y revenir.

Pour le moment, deux mots sur le titre : d’abord, il veut attirer l’attention sur un durcissement du discours. Durcissement de plus en plus grand au fur et à mesure que ce discours est décalé à l’égard de la réalité. Ensuite, employer le terme d’intégrisme, au départ, n’est pas ma tasse de thé. Je suis plutôt sobre sur ce point. Mais puisque le terme est utilisé à tort et à travers partout, je me suis dis : allons y, faisons notre travail de sociologue qui peut consister à prendre des notions utilisées socialement et à réfléchir aux conditions qui peuvent les rendre pertinentes. J’ai donc défini ce que peut être, pour un sociologue, les caractéristiques d’un discours intégriste (cf. le chapitre introductif, pages 15 à 25), sa façon de fonctionner.

Cela est valable quelque soit le contenu. Ce contenu peut être religieux, et il est possible de se servir du portrait robot, de l’instrument de mesure (de l’idéal type en langage sociologique) ainsi dégagé pour évaluer des discours religieux et savoir s’ils sont « intégristes » ou, plus exactement, s’ils sont plus ou moins intégristes. Au nom de quoi, le discours néo-républicain échapperait lui, par miracle, par un coup de baguette magique de la fée Clochette, à cette évaluation des discours ? Parce qu’il s’agit là du discours des « bons » alors que le discours religieux est celui des « méchants » ? Amis néo-républicains, vous regardez trop la télé !

J’ai parlé de « discours plus ou moins intégriste » : en effet le portrait robot construit est un instrument d’évaluation. Il n’aboutit pas à avoir un regard communautariste sur qui que ce soit, qu’il s’agisse d’adeptes de discours religieux ou d’adeptes d discours néo-républicains.

Là encore qu’est-ce qu’un regard communautariste ? Celui qui englobe l’individu, qui le classe en le réduisant à une de ses caractéristiques devenue englobante. Le discours communautariste fige les gens, essentialise c'est-à-dire fait comme si leur existence, leurs actions et leurs propos divers n’étaient que les manifestations concrètes d’une essence fixe et figée. L’intégriste serait tel en tous lieux, sur tous les sujets, et quoiqu’il fasse, qu’il dise, quelle que soit ses évolutions, il resterait toujours un (sal) intégriste. S’il tient des propos qui manifestement ne le sont pas, ce ne peut être que ruse, perversité,et cela le rend d’autant plus dangereux.

Aux moments chauds des affaires de foulards, plusieurs néo-républicains m’ont déclaré que Dounia Bouzar était plus dangereuse que les femmes voilée puisqu’elle avait accepté de dialoguer avec l’une d’entre elles dans l’ouvrage L’une voilée, l’autre pas (elle était la non voilée de ce dialogue). Et quand j’indiquais qu’elle disait des choses qui me semblaient intéressantes, on me répondait que ce n’était pas le problème, au contraire. Quand on envisage les gens comme des ennemis a priori, plus ils sont intelligents, plus ils sont dangereux, surtout (ajouterais je, avec ma méchanceté bien connue !) quand soi-même on ne brille pas de mille feux sur ce plan là !

Oui, effectivement, je pense qu’à force de raisonner de façon complètement idéologique, à force de diviser le monde en deux camps, et de se croire les chevaliers du bien combattant pour la vérité et la justice, on risque fort de s’abêtir. C’est pourquoi, il ne s’est pas agis pour moi de traiter les néo-républicains comme ils considèrent eux-mêmes leur ennemis. Si j’emploie à leur égard le terme neutre de « néo-républicains » (on est bien obligé de désigner ceux dont on parle, n’est-ce pas) c’est parce que je ne veux pas les qualifier, les figer, les englober par le terme d’intégrisme, bien que certains fassent (presque) tout pour mériter cette appellation. Voilà d’ailleurs ce que j’écris dans mon livre à ce sujet :

« Il faut espérer que les dits « républicains » sont autres que les stéréotypes éculés et répétitifs qui peuvent sortir de leur bouche laisse à entendre. Que lorsqu’ils vivent une relation amoureuse, ils parlent vraiment, inventent des phrases merveilleuses qui leur appartiennent. Qu’ils savent faire l’amour en artistes. Qu’ils sont souvent joyeux et plein d’humour. Que sur des tas de sujets ils tiennent des propos passionnants[1]. C’est tout le mal que je leur souhaite. Je ne les considère nullement comme mes « ennemis ». Je pense même que désabsolutisés, désintégrisés (néologismes nécessaires), et en triant, on peut trouver du grain à moudre dans leurs dire. Ils parlent tellement de république et de laïcité qu’il leur arrive même, entre des oukases insupportables, d’énoncer des choses justes. Etonnant, non ? » (page 24).

Il ne s’agit donc pas de tomber dans le piège des frères ennemis et ceux et celles qui ont cru, au vu du titre, que cela m’arrivait en seront pour leur frais. Il ne s’agit pas de retourner un dogmatisme contre un autre, un sectarisme contre un autre. Il ne s’agit pas de discalifier la totalité d’un discours sous prétexte qu’il comporte des aspects déconnants. Trions camarades, trions : c’est cela la laïcité de l’intelligence. Et cela n'empêche pas la polémique, à condition de garder un peu d'humour (l'humour désabsolutise).

Car un des reproches que l’on peut faire aux néo-républicains, sans invalider totalement leur discours, c’est le fait qu’ils pratiquent le double discours. Un exemple : ils se veulent les hérauts du savoir contre le vécu, le pédagogisme, etc. Le savoir n’est pas tout certes, mais effectivement on peut dire que dans la société du tout média, du scoop et du sensationnel, dans la « société du spectacle pour reprendre l’expression de Guy Debord, le savoir est menacé et que le défendre est nécessaire. Seulement, à partir de là, nos néo-républicains ont tendance à tricher. Et la vulgate intégriste[2] dont ils se servent très souvent consiste à défendre, dans le lieu très précis de l’école, un certain savoir, celui d’une culture franco-classique, connaisseuse des humanités grecque et latine puis des écrivains et philosophes français (là encore pour indiquer un schéma, et après on évalue si les individus collent plus ou moins à ce schéma) et à piétiner allègrement tous les savoirs qu’ils ne maîtrisent pas, à les mépriser, à refuser de les prendre en compte et… tout à coup, à transformer en savoirs leurs propres souvenirs, leur vécu (alors qu’ils reprochent au « pédagogisme » de le privilégier), leurs réminiscences scolaires, les vagues informations qu’ils peuvent avoir sur tel ou tel sujet et qui, pour des spécialistes de ces questions, sont le plus souvent archi-fausses.

Je ne leur reproche pas, naturellement, de ne pas tout savoir, je leur reproche d’une part de ne pas savoir qu’ils ne savent pas, d’autre part (pour employer un français soutenu) de s’en foutre comme de l’an quarante car au bout du compte, ce qui leur importe c’est le combat idéologique, c’est de disqualifier l’adversaire.

Exercice pratique : pour savoir si un néo-républicain tient un discours qui est plus ou moins dans cette vulgate intégriste, soyez attentifs, quand vous le lisez, à remarquer s’il cite ou non des historiens, des acquis actuels de la démarche historique quand il parle du passé : bref s’il en parle sérieusement, en se situant par rapport au savoir d’aujourd’hui sur les questions dont il parle, où s’il fonctionne à partir  de vagues souvenirs scolaires ou des stéréotypes colportés allègrement par les médias. Vous trouverez une histoire de la laïcité, faite par un non historien, qui réussit le tour de force de ne jamais citer d’historien et de ne pas prendre en compte leurs travaux.

Vous pouvez faire le même exercice à partir du discours tenu sur la société actuelle et notamment la société française, par rapport aux travaux des sociologues, des spécialistes de sciences humaines. Quand un néo-républicain parle de l’islam, si les travaux des islamologues sont pris en compte, etc…

Et il ne s’agit pas là de défendre le savoir pour le savoir : cette ignorance qui s’ignore, qui veut s’ignorer, ces Docteurs es-ignorance, du coup ont des ennemis boucs-émissaires : le « communautarisme » (non défini), l’islam, les sectes, le protestantisme évangélique assimilé aux dites sectes. Dans mon ouvrage (il faut bien revenir à un peu de pub !) je montre que « l’islam » ou « un certain islam » n’est nullement la cause de « ce qui va mal », mais bien plus une caisse de résonance de difficultés engendrées par des mutations sociales non maîtrisées. Et comment voulez-vous les maîtriser si vous vous obstinez à ne pas les connaître ? Alors certains, acceptent de les connaître plus ou moins au niveau socio-économique (cf. le Rapport Obin, par exemple), mais dès qu’il s’agit de mutations culturelles, institutionnelles, politiques, alors là, on ne veut plus rien savoir. Tout comme on prône la raison, le rationnel, mais dès qu’il s’agit de sectes...; (cf le chapitre 4 : « Aborder rationnellement le problème des sectes »).

Et le refus de savoir, le double jeu ne tarde pas à tourner à la mauvaise foi.

Pour terminer deux exemples qui me concernent :

D’abord celui de l’affaire Redeker : on noie le problème que j’ai soulevé dans ma tribune du Monde en parlant du droit de « critiquer l’islam » Cf. entre autres un internaute en commentaire de la Note sur ce sujet.  Mais si seulement il s’agissait de « critique »,… Et nulle part personne ne m’a répondu sur mon argument clef : un professeur qui a tronqué, et interprété de façon intellectuellement non soutenable, un écrit de Maxime Rodinson. Qui est allé comparer le texte de Rodinson et les citations qui en sont faites par Redeker ? C’est vraiment au poil d’être un chevalier du bien, cela dispense de tout travail intellectuel : on a priori raison, pas la peine de se prendre la tête !

Et d’une manière générale, vous pouvez examiner, dans les commentaires de ce Blog, ceux qui argumentent, discutent, et ceux qui procèdent par insinuation, tentent de mettre un soupçon global, faute d’être capables discuter de ce qui est écrit.

Ensuite, parfois cela devient : « Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose… »

Un exemple précis, la perle que me signale un Internaute : Dans son Blog, J. Cl Brigheli écrit (21 octobre) dans une Note intitulée : « Pour solde de tout compte »  les propos suivants :

« Dialoguant avec Jean Baubérot, spécialiste officiel de la laïcité, le seul à ne pas avoir voté le rapport final de la Commission Stasi sur les signes religieux à l’école (voir le Point du 19 octobre), j’ai appris -un peu stupéfait tout de même- que la République ne respectait pas les femmes, puisqu’elle ne les distinguait pas en tant que femmes. Mais qu’une religion qui est voile, ou qui les engloutit sous une burka, qu’elle les reconnaît comme femmes, quand elle ne les lapide pas, les respecte davantage… » Un peu plus loin : « Et je m’étonne que des féministes convaincues, qui brûlaient leurs soutiens-gorge à l’aube des années 1970 parce qu’elles y voyaient un signe d’aliénation, tolèrent tant de voiles sur la tête des jeunes femmes d’aujourd’hui. Le progrès, ces temps-ci, avance à reculons (….) Encore un effort, et nous retournerons à l’âge de pierre. » Et il conclut en citant Laclos : « les vices se sont changés en mœurs » et en annonçant, face à ses détracteurs : « j’abandonnerai ce blog après les élections, parce que j’en ai un peu marre de me faire insulter par des cloportes. »

Quel beau commentaire de texte, les profs peuvent proposer à leurs élèves à partir de cette anthologie !

D’abord, si vous vous reportez à l’article cité du Point, vous ne trouverez pas bien sûr, le moindre début de commencement des propos qui me sont attribués. Brighelli fait donc référence à son souvenir (non vérifiable) de la partie de la discussion non publiée (elle a duré près de 2 heures, et la journaliste disposait de 2 pages) et son souvenir est complètement faux (ce qui donne à penser sur les autres,…) : on peut facilement le vérifier en lisant le passionnant, le sublime, le magnifique chapitre 1 de mon livre (que j’ai résumé, puisque c’était le deal de l’entretien : chacun résumait les thèses de son ouvrage) : « la laïcité est-elle gage d’égalité des sexes » (p.29-54, et je reviens sur le sujet notamment aux chapitres 3 sur l’islam et 5 sur le multiculturalisme à la française)

Ensuite : quel bel exemple de pensée figée : le féminisme consisterait à répéter ce qui s’est fait il y a 30, 35 ans sans tenir compte des mutations sociales arrivées depuis (et dont parle le merveilleux livre que je ne saurais trop vous recommander, et que Brighelli venait pourtant de lire ce qui le rend naturellement d’autant plus impardonnable). En fait, il raisonne à partir d’un pseudo sens de l’histoire, conçu à la façon simpliste d’un progrès linéaire. Il devrait lire quelques ouvrages sérieux sur la question, cet homme… (il est « trop », ce Brighelli : d’habitude on nous menace seulement du Moyen Age, là c’est carrément l’âge de la pierre : il lit trop Rahan, le fils des âges farouches…, la BD de Pif)

Enfin, ce grand défenseur du savoir se garde bien de signaler ma compétence intellectuelle (là encore, je ai déjà signalé la même chose à propos de Seksig et son L’école face à l’obscurantisme religieux : c’est significatif de retrouver les mêmes procédés): le fait d’être titulaire de la chaire « histoire et sociologie de la laïcité » à l’EPHE et d’avoir écrit plusieurs ouvrages sur la question. Il parle de « spécialiste officiel » : extraordinaire aveu : pour ne pas prendre en compte le savoir, on en fait un discours officiel, comme si j’avais été nommé à mon poste par des politiques et non élu par des universitaires, à partir d’un dossier scientifique, de doctorats, et selon les procédures de recrutement ! Quelle mauvaise foi. Ensuite, il mentionne ce qui pour lui est discalificateur a priori : ma position lors de la Commission Stasi sans s’apercevoir qu’il se contredit : car cette position est justement le contraire de celle d’un « spécialiste officiel » ! Mais qu’importe les contradictions quand on est un chevalier du bien !

Enfin (bis), je laisse aux Internautes bien-aimés qui me font l’honneur de me lire, d’ apprécier les qualités de grand humaniste d’un auteur de Blog qui traite de « cloportes » ceux qui le lisent en ayant l’outrecuidance blasphématoire de le contredire. Les injures sont révélatrices : Frèche a parlé de « sous hommes », lui de « cloportes ». Bravissimo.

Ah j’oubliais : le Blog de Brighelli s’intitule : « Bonnet d’âne »… avec un dessin le représentant. Mais pourquoi donc a-t-il oublié son bonnet ?

PS: le nec plus ultra des néo-républicains consiste à se proclamer "voltairien". Nous allons examiner cela de plus près...

 

 



[1] Etant frimeur comme pas d’eux, je ne résiste pas (longtemps) à rapporter le propos (très complaisant, of course) d’un ami : « mais c’est tout toi que tu décris là ». Merci, merci. J’aime bien les fleurs.

[2] J’explique bien sûr dans l’ouvrage ce que j’entends par là : je ne vais quand même pas tout vous dévoiler ici !

Commentaires

Bonjour, et bravo pour votre travail, dont personnellement j'ignorais tout. Je confesse n'avoir pas (encore) lu votre livre, mais vous pointez dans ce billet avec justesse, cette façon dont l'épaisseur historique, entêtante résistance de faits qui ne collent pas, se dilue peu à peu dans l'idéologie, ou comment le Bien Absolu rejoint le Mal Absolu dans ces effets (pour plagier Baudrillard).

A lire ce billet, je me demandais ce que vous pensiez du communautarisme: j'ai connaissance d'un communautarisme subtil, représenté par les écrits de Charles Taylor, dont on ne trouve jamais d'écho dans les media, préférant s'opposer avec fougue à un communautarisme islamiste jamais formulé nulle part (et pas non plus chez les pires des imams, qui défendent l'assimilation d'après leur lecture du Coran, à ce que je sais).

Depuis la révolution, il a souvent paru du meilleur aloi pour l'auto-gratification (nous les républicains) de se parer des atours des pourfendeurs de barbarie.

Cordialement.

Écrit par : Ismaël | 17/11/2006

Je dois dire que je n'ai pas encore eu le temps de lire votre livre. Il faut dire que je prépare le CAPES et il y a beaucoup à lire. Mais justement, cela me fait dire que je vis ce double discours, tout ce que vous critiquez dans cette note et celles consacrées au Rapport Obin. Il me parait assez suprenant que la formation ne comprenne en tout et pour tout que 2 journées (facultatives par-dessus le marché, c'est-à-dire programmées en même temps que d'autres cours difficiles à rater...) de conférences et réflexion sur le métier d'enseignant : - 1 demi-journée sur la laïcité - 1 demi-journée sur la connaissance du milieu éducatif - 1 demi-journée sur la question de l'échec scolaire (tellement simple qu'on se demande pourquoi perdre autant de temps là-dessus hein) - 1 demi-journée sur, je crois, une comparaison européenne. Et voilà. Le reste n'est qu'accumulation de connaissances sur les questions du concours. Il n'est certes pas inutile d'avoir des connaissances historiques et géographiques pour enseigner l'histoire-géo, mais cela suffit-il ? en sachant qu'en plus les jeunes enseignants vont dans les "quartiers difficiles" puisque ceux ayant des points les fuient. Et alors ensuite, les mêmes hurlent au loup, ou luttent contre le diable en présentant non pas des croix, mais des mots : "laïcité", "anti-communautarisme", "égalité" ... sans se rendre compte qu'ils sacralisent des "valeurs" et que c'est précisement cette séparation, cette volonté de pureté, qui conduit au clash, ce que (vous le rappelez souvent) a précisément su éviter la laïcité de Briand ! On a bonne mine à crier "égalité, égalité" mais surtout ne pas se pencher sur les travaux qui montrent comment l'école créé des inégalités. On pleure sur l'échec scolaire, mais à aucun moment ne viendrait à l'esprit de s'intéresser à la psycho-pédagogie (à noter que les entraineurs sportifs eux sont très forts pour ça, ils ont compris l'intérêt des neurosciences, des théories de l'apprentissage, des théories de la motivation etc ... peut-être est-ce la culture du résultat qui les pousse vers là ?). On parle toujours du "Munich de l'Ecole républicaine" et on esquive les travaux sur la laïcité. On pourrait multiplier les exemples. Bref, ce n'est pas reluisant. Ce qui me laisse assez pessimiste, c'est cette manie politique et médiatique de traiter les sociologues de bien-pensants, de complaisants, d'intellegentsia aux bons sentiments mais enfermée dans sa tour d'ivoire, etc... Evidemment, journalistes et hommes politiques ne comprennent pas que le calendrier d'un sociologue travaillant sur les banlieues n'est pas dicté par le championnat de France des voitures brûlées, mais qu'il a en général perçu les malaises, les discriminations, les violences bien avant que les médias ne s'y intéressent. Et ils ne voient donc pas que le travail d'analyse et de compréhension ne signifie pas une légitimation de la violence ("les pauvres, ils brulent des voitures, mais c'est parce que ce sont des victimes"). De là découle une disqualification du discours de critique sociale (pourtant seule voie pour se remettre en cause non ?) qui me parait assez grave. C'est pour ça qu'à titre personnel j'essaye de comprendre et d'analyser, et c'est pour ça que j'aime ce blog !

Écrit par : Achtung_seb | 20/11/2006

Bonjour Jean, je fut le catechete de tes enfants il y a bien longtemps. J'ais lu le rapport Odin. et donc ai fini par me retrouver sur ton blog. Je ne suis pas toujours d'accord sur tous mais je concois la difficulte de defendre une vision assez protestante de la laicite et une definition Ellulienne du christianisme. J'ais ecrit un truc sur le rapport et aurais aime te le soumettre et avoir ton avis puis je avoir une adresse courriel ?
Amities Moscovites
Eric

Écrit par : eric kaltenbach | 22/11/2006

Cher Monsieur, Préparant activement votre venue à Mont-Saint-Martin (54) , nous organisons un groupe de réflexion et d'abord de lecture critique de votre dernier livre sur "l'intégrisme républicain", groupe de 6 à 7 personnes, militants associatifs et élus, avec un calendrier. Pour le lundi 4 janvier 2007, où il y aura une "mise en commun" nous devons avoir lu (travaillé !) le chapitre I, jusqu'à la page 141 . Mais il n'y aura pas "d'interro écrite" ! C'est une excellente occasion pour nous lancer dans "une nouvelle aventure" d'ouverture d'esprit, afin d'en examiner, à l'aide de références à vos autres livres, d'éventuelles limites. Nous "baubérotons", mais sans "perroquetter "(p 18 b), ce qui signifie une honnête intention critique. Penser , c'est juger. Lors d'un café citoyen, quelqu'un qui avait lu le début de votre livre m'a dit que vous étiez "idéaliste"... On est toujours l'idéaliste ou l'intégriste d'un autre..., avec l'adjectif "dangereux" sous-entendu devant. Nous aussi disons "merde" aux raisonnements binaires (p 25h) , et nous savons déjà que cette républicaine capacité d'auto-critique des républicains que nous sommes favorisera sur le terrain le dialogue, sans concessions excessives, avec diverses" minorités". Serait-on d'autant plus républicain qu'on aurait moins de capacité auto-critique ? Cette capacité ne serait-elle qu'une forme de laxisme,voire de faiblesse ? Mais vous voyez déjà, dans ces réflexions, l'influence de quelqu'un que vous connaissez de près. En tout cas, soyez inquiet car nous accentuerons la force de nos critiques par cette interjection terrible : "Et toc !!!!"(p272) Bien amicalement. Pierre

Écrit par : JOSEPH | 23/11/2006

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