Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

30/08/2010

L’insupportable légitimité de l’autre.

Tous concernés, et pas seulement les dits « Souchiens », par les bouleversements du monde.

 

D’abord, une annonce :

Michaël Ferrier (cf. le Blog des  27 juillet et 3 août, ainsi que les présentations élogieuses de Ph. Pons dans Le Monde du 21 août et de  Cécile Guilbert dans Le Monde des livres du 27 août) présentera son ouvrage,

Sympathie pour le fantôme (Gallimard)

à la Librairie Tropique, 63 rue Raymond Losserand, Paris XIV, métro Pernety), Samedi prochain 4 septembre à 18 Heures.

Si vous êtes francilien et que

-         vous vous intéressez à une autre façon de poser le débat sur l’identité nationale,

-         vous êtes curieux de connaître l’«excentricité [qui] s’enracine dans une riche histoire, pan attachant et largement inconnu à l’étranger[1], de la culture japonaise » (Ph. Pons, article cité),

-         ou, simplement, vous aimez la littérature jubilatoire,

venez discuter avec l’auteur.

 

Maintenant, voici la suite de la Note du …  19 août (eh, comme le temps passe….).

Petit résumé du 1er chapitre:

je rappelais qu’en 50 ans, la France est passé d’un pays « blanc », possédant le 2ème Empire colonial du monde (l’une et l’autre de ces caractéristiques étant apprises à l’école), à une nation pluriculturelle, puissance moyenne, ayant perdu une part de sa souveraineté dans le cadre de l’Union européenne.

Tout cet ensemble de bouleversements ne peut que provoquer des incertitudes, des tâtonnements, du désarroi.

Cependant toutes ces réactions ne sont pas spécifiquement françaises, même si la France est parmi les pays où elles sont exacerbées.

Pourquoi cette situation ?

 

Mon hypothèse est que nous sommes en train de quitter une époque historique qui s’est amorcé avec la Renaissance et a eu son apogée au XVIIIe-XIXe siècles, avec les Lumières et le Scientisme.

Non pas pour « retourner au Moyen-Age », comme certains les prétendent de façon vraiment « obscurantiste », mais pour basculer dans une nouvelle période.

Bien sûr, tout cela est une affaire de nomination. Dans les manuels d’histoire, vous trouverez de grandes divisions : Antiquité, Moyen-Age, Temps Modernes, Epoque contemporaine.

(les sociologues, plus imprécis sur les dates, parlent de « modernité », et suivant les auteurs cela commence au XVIe ou au XVIIIe siècle)

Cela signifie un découpage en des séquences historiques, des périodes, avec un commencement et une fin.

D’ailleurs, à un niveau au dessus des dits manuels (qui entre parenthèse, présentent depuis 12 ans vite et de façon erronée la laïcité. Nous y reviendrons) les historiens parlent d’«Antiquité tardive » et de « Moyen Age tardif ».

Mais, bizarrement, ils ne parlent pas de « Temps modernes tardifs » et, encore moins d’«Epoque contemporaine tardive ».

Au contraire, l’époque contemporaine, si elle commence en 1789, et, au fur et à mesure que « le temps passe », elle s’étire dans le temps.

Dans le Ancel de 1930, elle va jusqu’aux lendemains de ce que le manuel nomme « La guerre européenne » (cele de 14-18)

Le Mallet-Isaac de 1953 va jusqu’en 1939.

Et, pour les derniers manuels, l’époque contemporaine va jusqu’au début du XXIe siècle.

 

Logique me direz-vous. Mais cela signifie implicitement de ratifier la thèse de « la fin de l’histoire » : celle-ci est devenue immobile, et l’époque contemporaine va durer jusqu’à la fin des temps !!!

C’est absurde. C’est simplement que nous n’arrivons pas à analyser le présent de façon historienne. 

Les sociologues ont quand même l’intuition que « les temps changent » : d’où les termes de post-modernité, ultramodernité, modernité radicale, modernité avancée…

Mais il manque alors, le plus souvent, un ancrage historique. Quand ils comparent c’est, au mieux, à l’échelle d’1/2 ou de ¾ de siècle.

 

Heureusement le Grand Zorro de la science socio-historique (cad votre très humble serviteur) arrive, avec ses bottes, son ordinateur et son grand chapeau. Et il va vous expliquer le schmilbick.

Vous saurez tout sans rien payer, veinardes et veinards.

D’abord, puisque même les historiens parlent de « temps modernes », allons y pour la notion sociologique de « modernité ».

Mais à condition de la diviser en séquences, pour qu’il ne s’agisse pas d’une notion historiquement imprécise.

 

En gros (cela varie suivant les sociétés et les domaines)

- la modernité émergente (de la fin du XVe à la fin du XVIIe),

- la modernité ascendante (Fin XVIIe- au 2/3 du XIXe),

- la modernité établie (2/3 XIXe-2/3 XXe)

- et la modernité tardive (depuis lors).

Et oui, la modernité, elle était jalouse de constater que l’Antiquité pouvait être tardive, le Moyen Age, itou. Elle a dit : « Eh moi alors ! ». Qu’a cela ne tienne M’dame modernité, votre age tardif est avancé.

 

Pourquoi « modernité tardive » ?

Parce que nous sommes en train de quitter les 2 événements structurels majeurs qui ont été les principaux fondements de la modernité.

(je schématise un peu car, si la plupart des internautes qui surfent sur le Blog sont géniaux, il y a aussi parfois quelques handicapés de la bulbe, et j’essaye de ne pas être raciste envers mes frères inférieurs !)

 

Au fondement de la modernité émergente il y a  ce que Ch Grataloup (dans un livre qui est très belle synthèse[2]) nomme la « capture de l’Amérique » par l’Europe (p. 121 ss.).

Cette « capture » a « changé la donne », avec « la guerre bactériologique involontaire des Européens », l’afflux de métaux précieux qui a conduit au « dopage économique de l’Europe » et à faire une double coupure dans l’Eurasie (suprématie de l’Europe sur le Chine et autres ; émergence de l’Euroamérique).

Mais « l’Europe tempérée a produit le sous-développement sous les tropiques » (p. 141 ss du même ouvrage)

La globalisation remet fondamentalement en cause ce premier fondement de la modernité.

 

Au fondement de la modernité ascendante, il y a la découverte progressive que la science pouvait avoir des applications pratiques, apporter du « bien être », changer la « vie ici-bas »… que l’on va considérer socialement comme la vie tout court (« la vie dans l’au-delà devenant progressivement une croyance privée).

Bref, avoir l’utopie de la conjonction des progrès : le progrès scientifique permet le progrès technique, qui permet le progrès moral et social.

Le rôle du politique étant précisément de faire que le progrès scientifico-technique induise du progrès social et moral.

Avec la version de droite : les z’élites tirent le reste de la société vers le haut, et le progrès moral conditionne le progrès social

Et la version  de gauche : c’est plus d’égalité qui tire la société vers le haut, et le progrès social conditionne le progrès moral.

 

Quant aux femmes, droite et gauche s’accordaient pour leur dire : mouchez les marmots, nous les mecs on est rationnel pour les deux sexes, et vous, vous êtes si délicates et sensibles que s’en est un plaisir.

Un peu hystériques aussi, il faut bien l’dire[3], mais pas d’inquiétude il y a des médecins (hommes) pour cela.

Et dans sa sagesse infinie la France, pays des « droits de l’homme », a rechigné tant qu’elle a pu pour accorder le droit de vote aux femmes. Comme quoi, Gigi III, il faudrait peut être être un peu plus prudente quand on demande aux immigrés d’adopter « nos valeurs » !

 

Tout cela est exposé de façon brillantissime et définitive dans les œuvres immortelles de votre très dévoué serviteur, notamment à la fin du livre où il explique si lumineusement la laïcité à Monsieur Sarkozy[4]

(pour les franciliens, il y a un exemplaire à moitié prix chez Gibert, le 1er qui y va l’aura)

Et sera exposé encore plus lumineusement (si, si, c’est possible) dans les 2 prochains (janvier et mars 2011, on en reparlera bien sûr).

Où, pour l’attitude de la laïcité face aux femmes dans L’intégrisme républicain contre la laïcité (Aube, 2006, p. 29ss.).

 

Bref c’est cette conjonction des progrès qui est remise en question par toutes les préoccupations actuelles, écologiques, bio-éthiques etc, et plus généralement ce que l’on nomme « le principe de précaution »

Parfois, après avoir tiré très fort dans le sens de la croyance au progrès, eh bien on tire très fort, now, dans l’autre sens : cf. G. Bronner et E. Géhin L’inquiétant principe de précaution, PUF 2010 (je suis une peu moins d’accord avec eux qu’avec moi-même, mais ce livre est à lire).

 

Deux bouleversements majeurs.

Un tournant face à une période historique, en gros, de cinq siècles.

Comment voulez-vous que cela ne soit pas perturbant !

Et, face à cela, on trouve mille stratégies où la peur face à ces 2 bouleversements majeurs induit des attitudes rétrogressives (vous voyez, je parle savant quand je veux), nostalgiques (ah, c’était bien mieux quand on était entre Souchiens, avec nos valeurs : d’ailleurs on a tous été pour Dreyfus et Résistants, n’est-ce pas !) et/ou angéliques (s’il n’y avait pas les Souchiens, qui sont des Beaufs comme ce n’est pas possible, s’ils n’y avait pas les conservateurs, on serait bien) etc

 

 

Dans toutes ces stratégies, il existe un point commun : les bons et les méchants.

LE REFUS DE L’INSUPPORTABLE  LEGITIMITE DE L’AUTRE .

 

Mon petit fils de 4 ans, joue aux bons et aux méchants, mais il sait que c’est plus compliqué et il n’y croit pas. Moi non plus.

C’est pourquoi je ne qualifierai pas ceux qui s’affirment « Souchiens » de « racistes ». Ils sont, comme tout un chacun, complexes, pluridimensionnels (et c’est d’ailleurs cela qui les sauvera de la position où ils s’enlisent).

Je connais un dit Souchien revendiqué qui a voté FN à la présidentielle de 2002. (et s’apprêtait d’ailleurs à voter Jospin au second tour). Eh bien s’il y avait une chasse « à l’Arabe », comme il y a eu une chasse « aux Juifs » sous Vichy, je lui confierai des enfants arabes, absolument persuadé qu’il les défendrait au péril de sa vie.

Ceci dit, les propos colportés favorisent le racisme. Et il y a du racisme qui circule, qui se développe dans cette situation d’inconfort

Et le « Souchisme » le favorise, faute d’analyser ce qui est en train de se passer.

 

Il ne faut pas rejeter dans l’impensé l’une ou l’autre de ces propositions.

Un peu de dialectique, camarades.

A suivre.

 

 

 

 

 

 

 



[1] C'est-à-dire, hors du Japon. Cela me rappelle une fois où j’arrivais à Tokyo dans un avion Air France, où il y avait pas mal de Français. Pour les passeports : deux fils différentes, une courte, où attendaient les Japonais, et une longue. Un couple arrive avec une fillette et se met dans la file longue.

La fillette leur demande pourquoi ne pas aller dans cette file et pas dans la courte. Réponse d’un des parents : « Parce que nous sommes dans la file des étrangers ». Et la fillette alors de rétorquer : « M’enfin, nous sommes Français, nous n’sommes pas des étrangers ».

[2] Géo-histoire de la mondialisation, Armand Colin, 2007.

[3] Comme le rappelle http://www.osezlefeminisme.fr : « hystérique » vient de « utérus » d’où « le célèbre ‘hystériques mal baisées’ auquel les féministes répondaient dans les années 1970 ‘Mais la faute à qui, camarades’ »

[4] La laïcité expliquée à M. Sarkozy et à ceux qui écrivent ses discours, Albin Michel 2008 (cf. p. p. 235 ss)

26/08/2010

Brice et la « racaille»

Aller, une brève de comptoir pour terminer les « vacances » :

 

Selon l’AFP, une expérience scientifique inédite, menée par le CNRS de Limoges, vient d’être effectuée pour évaluer et comparer le TPR de 2 mammifères, familiers de nos contrées : le chat et le brice.

Le chat choisi est un chat Limousin, né dans mon village natal si vous voulez tout savoir. A priori le brice devait être un Brice de Nice, mais comme cela coûtait cher en transport et que le CNRS n’a pas beaucoup d’argent, on a pris un Brice d’Auvergne.

La distance était moindre, comprenez-vous.

Ah, vous ne savez pas ce qu’est le TPR ? C’est simple, c’est le rapport taille-poids-rationalité.

 

Futés comme vous êtes, je suis sûr que vous avez trouvé qui a eu (de loin) le meilleur TPR : le chat limousin, naturellement. Il n’y avait pourtant qu’un Auvergnat en compétition et, comme chacun le sait, quand il n’y a qu’un Auvergnat : no problemo…. C’est quand il y en a 3, comme au Conseil Constitutionnel, que cela devient craignos.

La nouvelle a pourtant étonné les autorités préfectorales. Elles ont objecté que le Brice possède l’irremplaçable pouvoir de la parole. Oui, mais pour dire des bêtises a rétorqué le directeur du Labo.

Et le chat Limousin s’est vexé, et comme il est super intelligent (je vous ai dit qu’il est né dans mon village), il s’est mis à parlé derechef.

Savez-vous ce qu’il a dit ? Je vous le donne en mille : « Moi, au moins, je ne fais pas partie de la racaille du 9.2 ! ».

 

PS : Maria Nowak (Le Monde, 26 août) a trouvé une belle expression, qui ne devrait pas être perdue pour tout le monde : le « bouclier social ».

2ème PS : Une Note « sérieuse » lundi 30 août : la suite de la Note du 19 août (les dits « souchiens » et la France aux mille visages ).

 

 

23/08/2010

L’Eglise catholique, la laïcité et le débat sur les Roms

Par la voix d’un prêtre de Lille, et par une déclaration de Benoît XVI, notamment, l’Eglise catholique intervient dans le débat actuel sur les Roms.

Avant de continuer la série de Notes sur les dits « souchiens », commencée par la Note du 19 août, voici 3 remarques, en profitant de l’actualité, pour examiner la place des interventions d’autorités « religieuses » en laïcité.

 

Premier point : l’Eglise catholique, comme d’autres religions ou familles de pensée a tout à fait le droit d’intervenir en tant que composante de la société civile, mais pas comme instance surplombant la société civile.

Cette distinction est fondamentale. Avant 1905, les « cultes reconnus », et l’Eglise catholique au premier chef  étaient des institutions liées à l’Etat. Dans cette situation, leur parole n’était pas libre. Un évêque, par exemple, pouvait être poursuivi selon la procédure « pour abus » si ses propos déplaisaient au gouvernement.

La loi de 1905 a mis globalement la religion dans le droit commun, et a (entre autres) levé les obstacles à la liberté d’expression des autorités religieuses.

Celles-ci peuvent donc s’exprimer à égalité avec d’autres composantes de la société. Le poids moral de leur parole est livré au libre jugement de chacun.

C’est donc comme organisme de la société civile qu’une religion s’exprime. Précision importante : aucune religion ne peut dire : telle est ma position, donc la société doit suivre cette voie, le gouvernement doit faire telle loi pour obéir à mes propos, etc

La religion ne surplombe pas la société laïque, elle en fait partie. Ses « propositions de sens » sont soumises au débat démocratique.

 

Second point : les propos des autorités religieuses sont-ils « audibles » ?

Les enquêtes réalisée depuis 20 ans (notamment les enquêtes européennes sur les valeurs), montrent que les déclarations des autorités religieuses, en France comme dans d’autres pays européens, sont (en règle générale) mieux reçues quand il s’agit de problèmes sociaux (au sens large) que de questions de mœurs.

Les déclarations contre le racisme, les discriminations, l’accueil de l’étranger, les conditions décentes de vie ou de travail sont, en général, bien acceptées.

Celles sur la sexualité, l’avortement, l’homosexualité, l’euthanasie, etc sont moins bien reçues.

Cela confirme mon premier point de 2 manières :

-d’abord, les gens ne récusent pas le principe même de telles déclarations, ils ne confinent pas la religion dans la « sphère privée », ou un « purement religieux » qui ne devrait rien dire sur les « problèmes de société ».

Ils se déterminent suivant le contenu des déclarations.

-ensuite, les déclarations sur les mœurs sont toujours virtuellement considérées comme susceptibles de vouloir régenter la vie des gens, et cela contribue à faire qu’elles soient moins bien acceptées ;

Ceci dit, je ne reprocherai pas à telle ou telle Eglise d’indiquer ses positions sur ces questions : même quand je ne suis pas d’accord avec leur contenu, j’estime que c’est son droit et je ne réclame pas la liberté que pour ceux qui pensent comme moi.

En revanche, je regrette que l’Etat français, qui se veut laïque, tienne beaucoup compte de positions, notamment des autorités catholiques, et qui sont minoritaires dans le pays, notamment sur les questions de l’euthanasie et du mariage entre personnes de même sexe.

 

Troisième point : comme pour toute autre composante de la société civile, les positions prises sont triées selon des critères médiatiques.

J’ai parlé de propositions livrées au débat démocratique. J’aimerais qu’il en soit ainsi, mais cela ne fonctionne pas réellement de cette manière : le système médiatique trie, entre les nombreuses propositions de sens, selon des critères non rationnels.

Un prêtre (ou un responsable associatif) prend position contre les expulsions de Roms, cela peut faire quelques lignes dans le journal local, sans plus.

Mais le prêtre de Lille renvoyant sa médaille et déclarant qu’il a prié pour que Sarkozy ait une crise cardiaque, et la télévision en a parlé pendant au moins 2 jours.

Il a réalisé un « coup » (pour la ‘bonne cause’, mais ce n’est pas le problème que je veux poser ici) et ce coup était nécessaire pour se faire entendre.

Autrement dit : l’incongru, le spectaculaire, l’inflation du geste ou du propos, compte plus que la valeur intrinsèque de l’argumentation.

On peut le déplorer, on doit constater qu’il en est ainsi, et que cela fonctionne de façon générale.

L’exemple du prêtre de Lille n’en est qu’une nouvelle illustration parmi tant d’autres.

Notre société fonctionne selon l’émotionnel et l’inflation, pas selon le rationnel.

Et ça, c’est un véritable problème pour le débat démocratique.

 

 PS: pour celles et ceux qui viendront à 'Université d'été du PS, à la Rochelle, je participerai à la Table ronde organisée par les Jeunes Socialistes:

 

 

Mon quartier, c’est la République

Vendredi 27 août 2010 – 16:00

La République place en son cœur le principe d’égalité, sans distinction. Mais quand les gouvernants divisent les citoyens entre eux, selon leur quartier, leur religion, leur origine, quand la République ne tient pas ses promesses, le ressentiment devient parfois violent. Comment faire pour que, dans tous les quartiers dans tous les territoires, pour chaque habitant, vivre en France, en République ait de nouveau un sens ? Comment représenter mieux la France dans sa diversité au sein de tous les pouvoirs ? Quel projet collectif construire ensemble ?

InvitésClaude Dilain, maire de Clichy-sous-Bois • Claude Bartolone, président du Conseil général de Seine-Saint-Denis • Jean Bauberot, historien et sociologue spécialiste des religions et fondateur de la sociologie de la laïcité • Réda Didi, responsable de « graine de France » • L’association « Agir pour réussir »

20/08/2010

Médaille

Le professeur Ngo Bau Chau "Français d'origine vietnamienne" selon les médias, a obtenu une médaille Field en mathématique. mais, crenieunieu, aucun média ne précise si ce Monsieur est bien Français depuis plus de 10 ans.

Dans le cas contraire, il faudra illico réexpédier la médaille dans son pays d'origine.

 

 

17:32 Publié dans ACTUALITE | Lien permanent | Commentaires (2)

19/08/2010

Les dits "souchiens" et la France aux mille visages

Sarkozy a de la suite dans les idées : il  a été un admirateur de Bush junior, du temps où celui-ci était président, et il est en train de faire en sorte que son quinquennat soit aussi calamiteux pour le France que celui de son homologue l’a été pour les USA !

Mais point n’est besoin, pour le Blog, de s’appesantir sur le sujet, beaucoup de medias, nombre de personnalités politiques, même à droite le signalent.

C’est qu’en plus d’être éthiquement très dangereux, son positionnement est assez suicidaire politiquement pour son camp : l’électorat centriste est dérouté, voire dégoutté, et comme, par rapport au discours inflationniste les résultats obtenus seront forcément « décevants », le Front National jubile.

C’est d’ailleurs, ce qu’il y a de moins compréhensible dans cette affaire : ne pas avoir compris que la manière dont le débat sur l’identité nationale a été conduit et le ‘bon’ score du FN aux régionales étaient liés.

Ou alors, il faut, pour en être réduit à de telles extrémités, que le péril dans la demeure soit encore plus grave qu’on ne le suppose, et qu’aussi bien la campagne électorale de Balladur de 1995 que celle de 2007 cachent des secrets encore plus lourds que ceux révélés par Médiapart et quelques autres.

 

Mais plus encore que les événements actuels, c’est leur sous-sol qui m’intéresse. Car des Pays-Bas à l’Italie, pour s’en tenir à l’Europe occidental, sourde cette inquiétude de ceux que Gigi 3 appelle les « Souchiens ».

Empiriquement, les dits souchiens n’existent pas, mais symboliquement ils sont en train de se construire comme catégorie socio-culturelle dans nombre de pays.

Et je pense qu’il faut dépasser la réaction morale, qui rend leurs propos détestables, pour les écouter, les comprendre, et pouvoir leur parler, même si ce n’est vraiment pas facile.

Il faut aussi dépasser cette réaction morale pour ne pas laisser une catégorie de la population au bord de la route, l’abandonnant aux sirènes fallacieuses de toutes sortes.

 

Cette écoute est un peu moins difficile d’une part quand on est sociologue, et donc habitué à retenir ses jugements de valeur dans l’exercice de son métier, ensuite quand il s’agit de personnes d’un autre pays, et donc que l’on est moins directement impliqué, même si les problèmes sont très semblables.

C’est pourquoi je souhaiterais que les personnes qui seraient étonnées, scandalisées ou intéressées par mes propos, lisent le chapitre que j’ai consacré, dans mon ouvrage Une laïcité interculturelle. Le Québec avenir de la France (L’Aube, 2008), aux habitants d’Hérouville.

(« Hérouville : discours « anti », identité rebelle », c’est pages 57-78 du dit livre ; en 20 pages on peut aussi davantage décrypter les choses).

Hérouville, avec son refus des « accommodements raisonnables », est l’exemple type de « souchiens ».

Mais on retrouve une mentalité analogue ailleurs.

 

Pour nous en tenir à la France, celle-ci a vécu, en un demi siècle un changement considérable. Les manuels scolaires de géographie de la fin des années 1950 la décrivent encore comme le second empire colonial du monde, après le Royaume Uni. Et les mappemondes mettent en violet tous les territoires « français ».

D’autre part, dés l’école primaire, on enseignait que les « blancs » habitent en Europe, les « jaunes » en Asie, les « noirs » en Afrique… noire, etc

(entre parenthèse les dits manuels qualifient de « blancs » tous les habitants de l’Afrique du Nord, les subdivisant ensuite entre « Européens » et « musulmans »)

 

Cinquante ans après, ces deux certitudes se sont effondrées : la France est devenue un pays de 550000 Km2 et une nation qui n’est plus que « blanche » et doit consentir à des « abandon de souveraineté », dans le cadre d’une Union européenne aux contours flous et au fonctionnement peu démocratique, pour pouvoir continuer à exister dans un « monde globalisé ».

Monde où les nouvelles puissances s’appellent Brésil, Chine, Inde, etc

 

Croire que des mutations aussi importantes, dans un laps de temps historiquement aussi court, peuvent s’accomplir sans un profond désarroi d’une partie de la population serait faire preuve de naïveté.

Le raidissement actuel face à la « diversité » (mot, nous allons en reparler bientôt dont l’usage est très ambiguë) me fait penser à la panique qui a saisi les bons Républicains à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, quand les femmes ont commencé à investir quelques lieux d’autorité, sinon de pouvoir.

C’est pourquoi je vous propose, pour la rentrée une série de Notes sur le dit problème des dits « souchiens ».

 

PS : Parmi les commentaires de la Note du 11 août, celui signé « Belles de Jour » me demande, mi sérieusement mi avec humour, de préciser « la manière dont (je) considère les femmes ». Patience, ce sera fait !

 

 

           

11/08/2010

Face à la xénophobie et à la politique du pilori : liberté, égalité, fraternité

Tout d’abord, puisque c’est l’été, une petite plaisanterie :

Savez-vous pourquoi les blagues sur les blondes sont toujours très courtes ?

Pour que les hommes puissent s’en souvenir.

 

Bon, cette nuit j’ai fait un horrible cauchemar :

J’ai rêvé que Jean-Marie le Pen était devenu président de la République.

Heureusement, je me suis réveillé.

J’étais tout content. J’ai allumé la radio, et j’ai constaté que ce n

’était guère mieux…

 

Donc je vous recommande la pétition de mon ami Gilbert Meynier

 

Signez l’appel en ligne !

Les plus hautes autorités de l’Etat ont fait le choix de jeter à la vindicte publique des catégories entières de population :

Gens du voyage accusés comme les étrangers d’être des fauteurs de troubles, Français d’origine étrangère sur lesquels pèserait la menace d’être déchus de leur nationalité, parents d’enfants délinquants, etc. Voici que le président de la République accrédite aussi les vieux mensonges d’une immigration coûteuse et assimilée à la délinquance, et offre ainsi à la stigmatisation des millions de personnes en raison de leur origine ou de leur situation sociale.

Ce qui est à l’œuvre dans cette démarche ne s’inscrit pas dans le débat légitime, dans une démocratie, sur la manière d’assurer la sûreté républicaine.

Le nécessaire respect de l’ordre public n’a pas à être utilisé pour créer des distinctions entre les habitants de ce pays et désigner des boucs émissaires. Ni pour instituer des peines de prison automatiques, contraires aux principes fondamentaux du droit pénal, à l’indépendance de la justice et à l’individualisation des peines.

La Constitution de la France, République laïque, démocratique et sociale, assure « l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ».

Nul, pas plus les élus de la nation que quiconque, n’a le droit de fouler au pied la Constitution et les principes les plus fondamentaux de la République.

Notre conscience nous interdit de nous taire et de laisser faire ce qui conduit à mettre en péril la paix civile.

Nous appelons à une manifestation le samedi 4 septembre 2010, place de la République à Paris, à 14h00, et partout en France, afin de fêter le 140e anniversaire d’une République que nous voulons plus que jamais, libre, égale et fraternelle.

Pour signer c'est  ici

PS: Cela ne doit pas vous faire oublier la pétition que j'ai lancée en juin (Cf. les Notes des 11, 14 et 18 juin, que vous trouverez en cliquant dans "Archives" sur le mois de juin): "La france que nous aimons, vous la quittez....". Signez et faites signer. Surtout qu'il la quitte de plus en plus, et que la rentrée va être xxxxxxx [censuré!]

 

19:00 Publié dans ACTUALITE | Lien permanent | Commentaires (7)

03/08/2010

Michael Ferrier (bis) et la France aux mille visages

D’abord, merci aux Internautes, toujours fidèles au Blog : presque 10500 visites en juin (10459), et en juillet, mois de « vacances » où la fréquentation est traditionnellement basse, un peu plus de 9000 (9031 exactement).

 

La présentation du roman de Michael Ferrier, Sympathie pour le fantôme, a suscité des critiques de 2 ordres différents.

 

Avec Gigi 3, cela risque fort d’être le dialogue de sourds. Mais, allons y quand même.

Voici des extraits de ce qu’elle écrit[1] :

«(…) les "trois histoires" déterminantes pour l'identité nationale ne mettent en scène que des héros de "couleur". Je veux bien croire qu'ils ont contribué en tant que "marges" selon votre expression. Mais un tel livre n'intéressera que les gens qui s'y reconnaîtront, pas les "souchiens" qui ont d'autres ancêtres et qui trouvent qu'en ce moment, on les oublie trop souvent et qu'on ne vise qu'à les enterrer définitivement.

Ce roman est communautariste, il peut être bien écrit, mais ce qu'il dit aux "souchiens" est : vous êtes racistes si vous ne reconnaissez pas que nous avons joué un rôle égal à celui de vos aïeux. » (…)

 Césaire «  évoquait pour la Guadeloupe et les Antilles en général "un génocide par substitution" à propos de "l'invasion des blancs" sur la terre ancestrale. Alors, ce qui est racisme pour les blancs, ne le serait pas pour les adorateurs de Césaire ? Faut nous expliquer ça. »

 

D’abord, il faut apprendre à lire, Gigi 3. J’ai écris : « trois récits s’entremêlent dans le roman. Trois récits décalés : la France construite par ce que l’on croit être ses marges. » Donc il est clair que je ne prends nullement à mon compte (et Ferrier non plus d’ailleurs), l’expression de « marge ».

Il n’y a de « marges » que parce qu’il y a des gens qui marginalisent, et qui se croient au centre.

Et précisément, le roman de Ferrier intéressera tous ceux/celles qui pensent autrement qu’en termes de « centre » et de « marges ».

Ce ne sont pas parce qu’ils sont « de couleur » que Ferrier s’intéresse à ces trois héros, mais parce qu’étant « de couleur », leurs apports à l’histoire de France ont été « rejetés », « dédaignés », « ignorés ».

Ce qui l’intéresse, ce sont « ceux qu’on a enlevés de l’Histoire ou qu’on a pas laissés entrer ». Les « oubliés du destin, les morts pour rien ».

C’est l’exact contraire du « communautarisme », puisque cela vise à englober tout le monde. « Communautarisme » qui est précisément votre logique, en séparant les gens en « souchiens » (expression vraiment étrange) et autres.

Autrement dit, ce serait la naissance qui cliverait les gens : 1789 et l’abolition des privilèges dus à la naissance, il faudrait peut-être s’en souvenir.

Césaire parlait d’une domination, justement de ce qui a privé certains de reconnaissance. C’est un cas de figure tout à fait différent.

 

Et d’ailleurs, Ferrier vous répond dans le roman lui-même : le dit Jean-Christophe reproche au personnage principal :

« Vous croyez à une France multiculturelle coupée de ses racines, c’est ça ? »

Et le dit personnage de répondre :

« Mais non. Je suis à l’écoute de quelque chose de plus lointain. Ce sont, comment dire ? Des essais de littérature parallèle. Petits portraits, situations vécues… (…) Tout un peuple de brassage, de montage… Cela donne des être uniques, forcément. Dérangeants. »

 

En 1985, le Figaro Magazine, se situant tout à fait dans les mêmes eaux de vous, prédisait que la France serait « musulmane » dans trente ans… c'est-à-dire en 2015 !

Rendez-vous dans 5 ans, pour constater qu’on a attisé des haines.

Alors qu’ « il y a tellement de façons d’être Français ».

 

Mais plus profondément, ce que vous pourriez retirer de Ferrier, Gigi 3, c’est que les 3 héros mis en scène, et beaucoup d’autres bien sûr (il s’agit d’un roman, pas d’un manuel !), contribuent, par ce qu’ils ont faits, à enrichir votre vie actuelle.

La peinture, la poésie, le goût de la vanille !

Si vous ne comprenez pas cela, Gigi3, je vous plains.

 

 

 

Un autre commentaire provient de ‘Diane chasseresse’ :

 

 

« (…)  je ne sais pas si ce que vous avez écrit est fidèle au livre, mais je note que dans 2 des 3 histoires racontées, les personnages -2 hommes- sont actifs tandis que dans la troisième histoire le personnage -comme par hasard il s’agit d’une femme !- est simplement

« l’inspiratrice » d’un homme en l’occurrence Baudelaire.

Curieuse conception de l’égalité homme-femme !

Mon malaise est renforcé quand vous écrivez que l’auteur aime la ville de Tokyo, « comme on aime une femme ». Là encore le point de vue est masculin.

D’ailleurs ce n’est pas la première fois que vous parlez très favorablement du Japon. C’est votre goût du paradoxe car vous vous voulez non conformiste et le Japon est un pays où règne l’esprit de groupe. Mais l’art du paradoxe suffit-il à faire une pensée ? Je ne le crois pas. »

 

J’espère avoir été fidèle au roman. Si Michaël Ferrier veut intervenir, il le fera. Mais je voudrais déjà répondre.

D’abord pour Jeanne Duval, la « belle d’abandon », je pense qu’il y a maldonne. Ferrier célèbre, au contraire une femme libre, et il n’y a pas tellement de différence entre elle « inspiratrice » de Baudelaire, et Ambroise Vollard qui n’est pas peintre, mais permet à des peintres de donner leur mesure.

Vous avez entendu parler de Jeanne Duval ? Pas moi avant Ferrier. Et mon édition des Fleurs du mal commence par une présentation de la vie de Charles Baudelaire où il n’en est nullement question.

Jeanne accumule les handicaps dans la société du milieu du XIXe, de la croyance en des« races supérieures », en des « classes cultivées » et en… un sexe  supérieur.

Le XIXe siècle est un des pires siècles pour les femmes. Les voies de libération sont peu nombreuses.

Claude Langlois a montré qu’être religieuse permettait de sortir du carcan dans lequel de Code napoléonien confinait les femmes.

 

Jeanne Duval a choisi une voie plus « scandaleuse »,  moins « légitime », que Ferrier magnifie. Je ne pense pas qu’on puisse lui en faire grief.

De même, quand on pense que « l’individu abstrait » est un mirage où l’on tente de marginaliser, le dominer, voire de refuser l’autre en donnant valeur universelle à sa particularité, alors on assume cette particularité.

Quand on est un homme, on peut avoir un « point de vue masculin ». L’important est de le vivre comme tel, en le sachant particulier. En donnant autant de légitimité au point de vue de l’autre.

Avoir des rapports sexués entre individus fait partie des charmes de la vie. Ce qui serait ‘craignos’, en revanche serait d’englober les autres dans une de leur caractéristique, quelle qu’elle soit.

Mais que serait la littérature, les romans, si les rapports entre les humains étaient abstraits,  exempts de sensualités, de désirs ?

Et la vie elle-même n’aurait-elle pas beaucoup moins de charme.

 

 

Enfin, le Japon. Effectivement depuis longtemps, je subis des critiques analogues à celles que vous me faites.

Mais je tiens bon, car « l’esprit de groupe », ce n’est qu’une vue très partielle du Japon, des Japonais.

Une vue qu’il faut transpercer pour découvrir, non pas la « vraie » réalité, mais une autre réalité.

Et de cela aussi, Ferrier parle de façon magnifique.

Alors je vais lui laisser le dernier mot :

Tokyo « Ville sans cesse et depuis des siècles quadrillée, fichée, policée, et depuis des siècles rebelle à toute base de données, à tout moteur de recherche, à toute mise à l’index. Ville peuplée de salarymen au costume monotone et pourtant irréductible aux conformismes du vêtement et de la pensée. (…)

Ville traversée de toutes part de lignes, de couloirs, de ponts, de réseaux, de voitures et de vélos,de véhicules, de trains, et qui connaît finalement un monde de transport privilégié l’errance, et un mode de vie : le questionnement.

Ville où des millions d’histoires, des millions de voix dans l’air, sous terre, au large s’interpellent. Chacun, avec le mode de vie qui lui appartient ou qu’il est en train d’inventer.

Ville fantôme, tout en apparitions, en disparitions, en rencontres diasporiques… »

 

 PS: Sur les déclarations de Sarko: cf. la tribune d'Esther Benbassa  sur "Rue 89" et intitulée : "Inventer des « sous-Français », jeu dangereux de Sarkozy" ?



[1] Texte complet dans les commentaires de la précédente Note.