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30/08/2006

CRITIQUE DE LA SOCIETE ET LAÏCITE

EXTENSION DU DOMAINE DE LA LUTTE… LAÏQUE.

C’est la rentrée, occasion habituelle de faire le point, et de présenter quelques projets. Le Blog ne doit pas se routiniser, sous prétexte de son (relatif) succès et si j’ai parodié, en sous titre, un roman à succès, c’est pour indiquer l’orientation qui va être de plus en plus celle de ce Blog au cours de l’année 2006-2007. Orientation qui signifie une vision de la laïcité dont je vais déjà parler dans cette Note. Auparavant, juste un petit rappel. J’ai créé ce Blog fin 2004, dans la perspective du centenaire de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat. Les internautes ont été au rendez-vous, plus nombreux que je ne le pensais au départ, ce qui m’a conduit à le continuer après l’année 2005. Et si cet été a vu logiquement le nombre de visites diminuer, depuis le début de la semaine dernière ces visites ont de nouveau dépassé les 100 par jour. Merci aux internautes qui  visitent régulièrement le Blog et merci à celles et ceux qui contribuent à son dynamisme par leurs remarques, leurs questions, leurs contestations.

Les Notes liées au centenaire de 1905 se sont poursuivies en 2006, avec notamment : « Les nouveaux impensés » qui parlent des événements de 1906 à 1908, peu traités de façon générale lors du centenaire, et qui pourtant ont eu une importance décisive étant donné que la loi de 1905 n’a pas pu être appliquée comme prévue.

Comment les laïques ont-ils réagis face au durcissement catholique imposé par le pape ? Pour beaucoup, ils avaient déjà fait un grand nombre de « concessions » (trop selon certains). Fallait-il en faire de nouvelles, ou répondre au durcissement catholique par un durcissement équivalent ?

Sans plaquer l’histoire sur l’actualité, on comprend facilement qu’il existe certaines analogies entre la situation de 1906-1908 et celle d’aujourd’hui où des laïques intransigeants affirment que si l’on commence à faire des compromis, ensuite cela ne s’arrêtera plus.  Il est donc très important d’examiner de la façon la plus objective possible, et sans tordre la réalité historique, ce qui s’est passé alors et comment les laïques ont finalement gagné. On verra qu’ils ont gagné en refusant d’être intransigeant ou laxiste et en inventant des solutions intelligentes alliant fermeté sur l’essentiel (pour eux) et grande souplesse sur l’essentiel (pour les catholiques). Subtil non ?

Les Notes sur ces « nouveaux impensés » vont continuer (en gros) jusqu’à l’hiver 2006-2007. Non seulement elles montreront qu’il faudrait parler DES lois de séparation (au pluriel), mais elles vous parleront d’un dialogue qui s’est organisé peu après la séparation entre « libres-penseurs » et « libres croyants ». Un tel dialogue serait bien nécessaire actuellement et il vaut d’autant plus la peine d’indiquer comment il s’est déroulé alors que cet épisode est fort peu connu.

Par ailleurs, des actes de colloques qui ont eu lieu en 2005 vont être publiés et je signalerai les choses qui me paraîtront les plus intéressantes.

 

Mais le Blog ne saurait se limiter à l’après 1905 ou à l’après centenaire. Des le départ, ses Notes se fondaient sur une conception de la laïcité que je vais maintenant un peu expliciter. Je partirai d’une anecdote : dans les conférences que j’ai faites, en 2004-2005, une des questions qui est revenue régulièrement concernait l’attention régulière portée par les médias à l’action de Jean-Paul II, à la médiatisation très forte de sa mort et de l’élection de son successeur. Cela était considéré par certains comme « contraire à la laïcité ». Je ne sais si vous vous rappelez, mais il est exact qu’à un moment on a eu une overdose ! Il n’empêche, ce point de vue témoignait d’une façon très restrictive de considérer la laïcité ET la société.

 

Deux erreurs étaient, le plus souvent, commises.

D’abord, première erreur, derrière la question posée, se profilait l’idée (parfois exprimée explicitement d’ailleurs) que les médias d’un pays laïque ne devaient pas (ou presque pas) donner d’information touchant à la religion. Or seul un pays totalitaire fera silence sur un certain type d’information. La laïcité implique de ne pas imposer (explicitement ou subrepticement) une (ou plusieurs) religion(s), de respecter la liberté de conscience de chacun, bref de tenter d’être le plus objectif possible dans le domaine religieux, comme dans le domaine politique et d’autres domaines. Elle n’implique nullement de faire silence sur l’actualité religieuse.

Nous sommes donc renvoyés du contenu à la FORME  et là, certes, il y aurait beaucoup à dire. Mais c’est une seconde erreur que de critiquer la manière dont le système médiatique dominant (et les médias réels y collent plus ou moins) rend compte de l’actualité (et des faits de société) uniquement quand il s’agit de religion. Il serait dérisoire d’être critique face au traitement de l’actualité religieuse et de se montrer une véritable grenouille de bénitier médiatique sur les autres traitements de l’actualité.

En effet, y compris dans l’overdose, Jean-Paul II a été traité (globalement, bien sûr, et en tenant compte des spécificités du personnage) comme une star des médias, et presque parfois comme une vedette du show-biz. Si on accepte, à son insu, le fait que la télévision notamment traite l’ensemble de l’information comme un vaste show-biz, si on ne fait pas la critique du message publicitaire, des injonctions dominantes données par la télé (qui reste le média dominant et dont la forme de penser -et de non penser- influence les autres médias), alors on est dans une vision très rabougrie de la laïcité.   C’est vision à la fois inefficace et non pertinente.

C’est une vision très inefficace de la laïcité  en ceci que la critique concernant la religion sert de cache-sexe à un conformisme sur tout le reste et que la laïcité se marie très mal avec le conformisme. Il est d’ailleurs dérisoire de penser que les médias vont fonctionner de façon différente sur la religion et sur les autres domaines de la société.

C’est une vision non pertinente de la laïcité car cette vision fonctionne selon le schéma « deux poids, deux mesures ». En fait, il s’agit là plus d’anti-religion que de laïcité. Ma Note de la semaine dernière sur « Culte de la personnalité et laïcité » a cherché à donner une vision de la laïcité où celle-ci est l’absence d’un  sacré social, imposé explicitement ou implicitement, ce qui me semble être le corollaire du respect de la liberté de conscience, mais est peut-être plus difficile à réaliser que certains le pensent.

 

J’ai pris un exemple qui me semble important, qui comporte de multiples aspects sur lesquels je compte revenir. En effet, pour le pire comme pour le meilleur (aussi), les agents du système médiatique  sont aujourd’hui des clercs confrontés à ce que Guy Debord appelait « la société du spectacle » (à celles et ceux qui ne connaissent pas l’œuvre de Debord, je signale un passionnant article de Guy Scarpetta dans le dernier n° du Monde Diplomatique d’août 2006). C’est donc cette société là, où le spectaculaire est étroitement relié à la marchandisation des relations sociales, y compris de l’intime, et où la distinction public privé est, de fait, complètement bousculée, qui doit être l’objet d’un regard critique, cherchant à être le plus lucide possible.

Le Blog va donc tenter de s’orienter aussi dans cette direction, dont il a d’ailleurs donné déjà quelques éléments (ses Archives en témoignent). C’est pourquoi j’ai parlé d’extension du domaine de la laïcité.

 

D’autres Notes traiteront de la laïcité à un niveau international, pour incorporer les expériences d’autres pays à la réflexion sur la laïcité en France, et aussi ailleurs.

Sans parler de l’imprévu : l’intérêt d’un Blog est de pouvoir être très réactif et de tenir compte de l’événement.

Alors, en avant pour de nouvelles aventures…. Et si ce Blog vous plait (un peu, beaucoup, passionnément, à la folie) signalez le à vos amis et amies. Merci d’avance.

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23/08/2006

CULTE DE LA PERSONNALITE ET LAÏCITE

ZIDANE, GÜNTER GRASS ET SARTRE 

Cet été, deux personnes ont chuté de leur piédestal : Zinédine Zidane qui, devant 2 à 3 milliards de téléspectateurs a donné un coup de tête, lors de la finale de la coupe du monde de football, au défenseur italien Marco Matterazzi qui l’avait insulté et Günter Grass qui a reconnu, soixante ans après les faits, et… peu avant la parution de son autobiographie, qu’il avait été un Waffen SS à la fin de la Seconde Guerre Mondiale.

Rapprocher ces deux faits semble incongru, et à ma connaissance (mais je suis loin d’avoir tout lu), personne n’a osé le faire. Pourtant par delà l’énorme différence des deux actions : donner un coup de tête, même vif, n’a rien à voir avec un engagement nazi, il existe une ressemblance. Zidane, comme Grass, était considéré comme un personnage moralement emblématique et son coup de tête l’a fait redevenir un simple être humain comme nous l’ont expliqué de doctes commentateurs. Et c’est aussi cette humanité fragile et faillible qu’ont mise en avant les défenseurs de Grass pour expliquer et son engagement de jeunesse et son long silence. Cette insistance montre, a contrario, qu’avant leur geste ou leur aveu ces deux hommes n’étaient pas socialement considérés comme de simples humains !

 

Zidane est plus qu’un sportif, c’est un artiste à sa manière, comme le montre très bien le film qui a été réalisé sur lui. Grass est un grand écrivain. Pourquoi l’un et l’autre ont-ils été érigés en modèle moral, en conscience morale collective comme si la conduite morale n’était pas la responsabilité de chacun ? Quelle est la cohérence de cette société qui dénonce à temps et contretemps ceux qu’elle appelle les « gourou » et qui s’empresse de  considérer des célébrités comme des « gourou » ?

 

La déception  est  ensuite à la mesure de la ferveur.

 

 

Et si la laïcité, c’était aussi le refus de l’érection médiatique d’une personne en conscience morale collective, en sur être humain. Si la « faute » était là : dans cette religiosisation (si l’on peut dire) sociale d’êtres humains.

La laïcité, cela veut dire que socialement il n’existe ni Dieu ni maître. Libre à chacune et chacun de croire et de suivre qui il veut ; le rôle de la société laïque et démocratique consiste seulement à faire en sorte (notamment par l’instruction qui, aujourd’hui, ne peut plus se réduire à l’école !) que croyance et suivance soient des actes personnels, réfléchis.

 

Mais ce n’est pas ce qui se passe, loin  de là. Des personnalités qui, à un titre ou un autre, sont médiatisées sont propulsées maîtres es morale. En général il s’agit de vedette du show-biz (chanteurs, acteurs, sportifs), pour qui défendre une cause dite humanitaire est pratiquement un exercice imposé et qui permet de la montrer à l’admiration béate des foules comme un quasi saint ou une quasi sainte. Mais il peut s’agir également d’un intellectuel médiatique, style BHL en France, ou Grass (qui lui, au moins, écrit de bons livres) en Allemagne. Alors là, même beaucoup de membres de la classe moyenne intellectuelle sont dupes, tellement il est difficile de vivre sans être un mouton de panurge.

Il s’agit pourtant d’une mise en scène, tout autant que le cas précédent et ne veut RIEN dire sur la « « « valeur morale » » » de la personne en question. Et à supposer qu’elle soit effectivement « très bien », elle a sûrement sa part d’ombre quelque part.

 

On a parlé de  « culte de la personnalité » pour des leaders politiques comme Staline, Mao, des dictateurs d’Amérique latine, etc. Mais ne s’agit-il pas d’une nouvelle forme de culte de la personnalité que cette fabrication médiatique et sociale des maîtres de morale ? Et cela ne devrait-il pas constituer une différence entre le service public de radiotélévision et le service privé que de faire en sorte que les artistes, les vedettes, les philosophes et les écrivains (voire les papes : cf. Jean-paul II) soient ramenés à leur humanité ? La redevance ne se justifie que s’il existe une véritable différence entre ce service public et des chaînes privées. Manifestement on est, le plus souvent, loin du compte.

Il existe un aspect adolescentrique dans cette érection sociale de maîtres de morale, de consciences morales collectives. Il y a là une fuite de ses propres responsabilités. Et, un jour ou l’autre, on est sur d’être déçu.

Non pas que l’on ne puisse pas apprécier moralement tel ou tel : la gentillesse habituelle de Zidane (quand on ne le provoque pas !), beaucoup de propos écrits par Grass (et notamment sur le nazisme), etc. Mais il faut savoir qu’il s’agit là d’un aspect de leur personnalité, qui comme toute individualité comporte des aspects multiples, complexes, paradoxaux et même, sans doute, contradictoires. Il ne faut pas auréoler tel ou tel, le considérer globalement comme une saint ou une sainte car toute vision globale et unifiante d’un être humain est totalement réductrice et s’avère un jour boomerang. C’est, au contraire, en sachant qu’on ne vit pas avec des saints (et dans sa vie médiatique, et dans sa vie publique et dans sa vie privée) que l’on peut pleinement apprécier ce que chacune et chacun veut vous apporter, peut vous enrichir sur un plan ou un autre.

 

 

Je pensais également à cela en écoutant deux émissions (très intéressantes par ailleurs) de Deux mille ans d’histoire (France-Inter) consacrées à Jean-Paul Sartre. Patrick Gélinet insistait sur le fait que Sartre a été beaucoup admiré et beaucoup détesté. Pour ma part, j’ai admiré Sartre quand j’étais lycéen, je n’ai pas tardé à m’apercevoir ensuite qu’il énonçait aussi (et de façon très péremptoire) beaucoup de grosses bêtises. Je ne l’ai nullement rejeté ou détesté pour autant, même si étudiant, il m’est arrivé d’écrire un article ou, reprenant l’expression de Boris Vian, j’affirmais que « Jean-Paul Sartre est devenu pour moi Jean-Saul Partre ». A dire vrai, à son insu, Sartre est un de ceux qui m’a appris qu’il ne fallait laisser personne guider votre réflexion, qu’il fallait absolument penser par soi-même et rejeter tous les conformismes, y compris les conformismes anti-conformistes ou prétendus tels, les plus séducteurs et les plus fallacieux.

Par contre, il est intéressant de ruminer des propos de Sartre (et de bien d’autres) et d’examiner là où on est d’accord, là où on n’est pas d’accord et pourquoi. On doit penser par soi-même, mais sans jamais croire que l’on pense tout seul ! Je ne sais si vous êtes comme moi, mais les ouvrages qui m’intéressent le plus sont ceux avec lesquels je suis à moitié d’accord.

 

Parmi les grosses bêtises écrites ou dites par Sartre, il y en a une que m’a appris cette émission de France Inter : Sartre aurait dit : « Si quelqu’un me dit que la liberté religieuse n’existe pas en URSS, je lui casse la gueule ». Phrase extraordinaire, non seulement à cause de l’affirmation complètement fausse (sur ce plan, on pourrait écrire un florilège des propos sartriens) mais à cause du « je lui casse la gueule ».

C’est quand on n’a pas la maîtrise du langage, du raisonnement, quand on ne peut pas argumenter en raison, que l’on « casse la gueule » ou que l’on fait le coup de poing. Qu’un des « plus brillants intellectuels du XXe siècle » ait utilisé cette menace constitue un (pour faire savant) aveu épistémologique, c'est-à-dire une reconnaissance implicite qu’il était en train de complètement déconner (pour parler en français courant !).

Comment, avec de tels propos, peut-on admirer Sartre intellectuellement, sans être soi-même plus ou moins, pour citer une autre philosophe célèbre (le commissaire San Antonio) un « handicapé de la bulbe » ? Un des deux spécialistes interrogés dans l’émission m’a semblé être ainsi, quand il s’agissait de Sartre en tout cas : il était uniquement laudatif et célébrait son « anti-conformisme », sans se rendre compte que louer benoîtement l’anti-conformisme de quelqu’un de célèbre, c’est du conformisme. L’autre était à la fois empathique et critique de temps à autre.

Aucun des deux n’a soulevé le véritable problème : dans leurs désaccords entre « l’anticonformiste » Sartre et le « conformiste » Raymond Aron, qui s’exprimait dans Le Figaro, c’est pourtant ce dernier qui avait raison, parce que c’est ce dernier qui parlait en raison et qui intégrait dans son raisonnement l’apport de connaissance des sciences humaines.

 

Cela pose la question du statut de la philosophie en France. Celles et ceux qui transforment la laïcité en religion civile sont également, en général, celles et ceux qui ne veulent pas que la philosophie s’inscrive dans un partage intellectuel du savoir, où les démarches des sciences humaines constituent des apports. Ils et elles en veulent spécialement à la sociologie et parlent du passé sans connaître les études historiques sérieuses, car intégrer la sociologie et la recherche historique les obligerait peu ou prou à prendre une certaine distance avec leur dogmatisme essentialiste.

 

Autant la philosophie est une discipline précieuse autant elle ne peut pas prétendre aujourd’hui se confondre avec la réflexion. Et c’est trop souvent une confusion française. Quand vous dites cela, on vous rétorque souvent : « mais, Monsieur, MOI j’ai appris à réfléchir en classe de philosophie » (comme si les autres matières n’induisaient pas à réfléchir). Et 9 fois sur 10 vous avez la langue qui vous démange : seule la politesse vous empêche de répondre : « Justement, vous voyez bien le déplorable résultat » !!!

 

 

17/08/2006

Politique et religion aux USA

SAMEDI 19 AOUT A 16 Heures

à LA FERME DE VILLEFAVARD (87190), très belle salle de 300 places au Nord de la Haute-Vienne  (lieu où s'était tenue l'Université de printemps sur la laïcité en 2005)

ne ratez pas (si vous etes en Limousin, au Poitou ou dans la région)

la conférence de Sébastien FATH

"POLITIQUE ET RELIGION AUX ETATS-UNIS"

Sébastien Fath est l'auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet dont

Dieu bénisse l'Amérique, la religion de la Maison Blanche (Le Seuil)

Militants de la Bible aux Etats-Unis (Autrement).

Le DIMANCHE 20 AOUT à 15 heures 30

CONCERT du célèbre ENSEMBLE DE CUIVRES EPSILON E 11 Direction Franck PULCINI.

La semaine prochaine: reprise des Notes du Blog


 

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02/08/2006

DIALOGUE AVEC LES INTERNAUTES

Un des aspects les plus intéressants du Blog est constitué par les commentaires effectués par des internautes qui lui rendent  une petite ou une grande visite. Par ailleurs, d’autres réagissent autrement, par divers moyens directs ou indirects, pour me faire connaître leurs réactions.  Il y a celles et ceux qui approuvent, qui et qui me disent en substance : continuez, c’est intéressant, on apprend des choses. Merci pour ces encouragements, nécessaires car dans la course continuelle contre le temps, je me demande parfois si j’ai raison d’en prendre autant pour le blog.  Ne craignez donc pas  d’écrire des commentaires élogieux !!! (Si vous êtes contents, bien sûr ! Vous pouvez aussi faire des suggestions)

Et puis, je m’aperçois que le blog sert… à de multiples personnes, citoyens, étudiants, profs, etc.

Ainsi, salut à Catherine Szcezsny et merci de son info sur Brême et la Basse Saxe.  Je reparlerai de l’Allemagne lors d’une prochaine Note destinée à expliquer pourquoi je suis contre le système de « reconnaissance » de certains cultes, système existant dans beaucoup de pays européens et prôné, en France même, par certains juristes avec une argumentation qu’il est nécessaire d’étudier (un des points forts consiste à dire qu’il y a, en France, un système officieux de cultes reconnus, générateur d’hypocrisie et, en fait, d’une plus grande inégalité entre cultes que certains systèmes de cultes reconnus comme celui de l’Italie ou de la Belgique. Empiriquement, ce diagnostic n’est pas faux, il faut l’admettre).

Certains se contentent de dire : « non aux cultes reconnus, car c’est contraire à la laïcité ». Mais, même si cela est plus ou moins exact (Briand parlait de « demi laïcité » à propos de ce système), il est, en fait, encore plus contraire à la laïcité de simplement l’affirmer, sans examen approfondi. En effet, la laïcité, la mentalité laïque c’est d’abord l’esprit d’examen, de libre examen, qui fait que l’on doit penser, analyser, même ce qui vous paraît néfaste. L’esprit laïque c’est se battre contre soi-même.

Un philosophe laïque, Alain, parlait du « petit tyran » intérieur qui vous oblige à dire oui à vous-même et à adopter, à votre insu, un mode de penser doctrinaire. Le combattre est le début du combat laïque. C’est pourquoi, je m’amuse et je m’attriste à la fois quand certains « laïques » aujourd’hui parlent par oukases. Quel double jeu, quel double discours : prétendre représenter les Lumières, l’esprit critique et, en fait, tenir des propos doctrinaires et dogmatiques ; s’affirmer tolérant et oublier Voltaire qui affirmait : je suis contre vos idées, mais je me battrais pour que vous puissiez les exprimer.

C’est pourquoi toute critique, tout doute est bienvenu… à condition d’argumenter, de préciser les choses, de ne pas dire péremptoirement que cela ou ceci est contraire à la laïcité. L’intégrisme est une forme de penser avant d’être un contenu de discours. J’explique cela dans le nouvel ouvrage que je publie à la rentrée (début octobre) : L’intégrisme républicain contre la laïcité, aux éditions de l’Aube. Vous y retrouverez, retravaillés, certaines Notes du blog ; en même temps il y aura aussi de nombreux textes inédits.

Ce que j’écris là ne vaut pas que pour la laïcité, bien entendu. Pierre Vidal-Naquet, un grand historien avec lequel j’avais l’honneur d’entretenir une relation de grande estime, en est un ‘vivant’ témoignage (vivant car ce témoignage perdure au-delà de son décès très récent). Quand les idées « révisionnistes » se sont exprimées, niant les chambres à gaz et le génocide des juifs pendant la Seconde guerre mondiale, il n’a pas (alors qu’il avait mille raisons de le faire) balayé cela d’un revers de manche et placé l’affaire uniquement sur le terrain de l’indignation morale, il a mené de longues recherches pour déconstruire scientifiquement ce discours, il y a consacré beaucoup de temps, d’énergie et de grand talent. Et il a écrit cet admirable ouvrage : Les assassins de la mémoire (La découverte, 1987) qui est un modèle de méthode historique rigoureuse et que toute personne intéressée par l’histoire et sa démarche devrait lire. Saluons donc en Pierre Vidal-Naquet un laïque exemplaire.

De même, actuellement, il est tout à fait légitime d’être indigné par ce qui se passe au Liban, je partage cette indignation, notamment devant le massacre qui a eu lieu à Cana. En même temps, il me semble nécessaire d’analyser le tournant que manifeste ces événements. On n’en est plus à l’époque où, en six jours, Israël pouvait vaincre plusieurs adversaires. Le rapport de force s’est modifié. Raison de plus d’ailleurs, de désapprouver la politique suivie par le gouvernement israélien ; non seulement elle est meurtrière (même si, au départ, elle a voulu répondre à une provocation), mais elle est également suicidaire pour le peuple d’Israël. La paix, par le retrait des territoires occupés depuis 1967 n’est pas seulement une solution de justice pour les Palestiniens, mais elle apparaît à terme comme la seule manière pour les Israéliens eux-mêmes d’espérer vivre en paix. Malheureusement, depuis trois semaines, la possibilité d’une progressive pacification est piétinée et le Liban fait les frais de l’emboîtement de deux conflits.

 

Le blog est parfois comme une bouteille à la mer. Je viens de recevoir un bel ouvrage, d’un auteur portugais Fernando Catroga : Entre Deuses et Césares ; Secularizaçào, laicidade e religiào civil. Uma perpectiva historica. Edition Almedina.  Sécularisation, religion civile, laïcité : voila des thèmes qui ont été largement traités dans les Notes un peu théoriques du blog. Eh bien justement, il s’avère, dans cet ouvrage, qu’il a été largement consulté et cité. Chouette.

Certains internautes font des objections, posent des questions. Un internaute qui signe Démos a été choqué que j’ai fait, dans une Note sur « laïcité et diversité culturelle », provenir le terme laïcité de « laïkos » et non de « laos ». Ce latin avait pour lui un parfum… ecclésiastique ! Or laos (en grec) et laïkos, en latin, veulent (au départ) dire la même chose, ce que j’indiquais précisément (je me cite) : « le peuple, l’ensemble des citoyens qui ne détiennent pas des pouvoirs directs ». le sens ne change pas entre le grec et le latin, comme le remarque d’ailleurs Jez, un autre internaute commentateur.

Ensuite, au Moyen Age, le frère lai, le laïc est l’envers du moine, du clerc. Cela appartient à l’histoire et cette opposition entre  le « laïc » (qui ne fait pas partie du clergé, qui n’a pas reçu les ordres de cléricature en parlant d’un chrétien baptisé) et le « clerc » (celui qui est rentré dans l’état ecclésiastique) fait aussi, que cela plaise idéologiquement ou non, partie de la préhistoire du terme « laïcité ». Un certain « anticléricalisme » n’a-t-il pas été nécessaire à l’établissement de la laïcité ?

Mais bien sûr, on trouve d’autres strates : au Moyen Age, laïc a un sens négatif, c’est celui qui n’est pas…. Au XVIe siècle, Calvin a été le premier à attribuer un sens positif à l’adjectif « laïc » et à le sortir de la sphère proprement religieuse : il parle de « juge laïc », pour désigner un juge qui ne tient pas compte du droit canon pour rendre son jugement. Ce n’est pas pour rien que, pour le meilleur et pour le pire (c’est un texte très antiféministe), le Code Civil de 1804 est un document fondateur pour la laïcité.

D’une manière plus générale, la Réforme protestante a relativisé cette distinction  (entre clercs et laïcs) en donnant un certain pouvoir religieux aux laïcs, à tel point qu’on a pu parler au XIXe siècle d’Eglises « laïcocéphales » (= ayant des laïcs à leur tête) pour désigner certaines Eglises protestantes, notamment dans les pays scandinaves et en Grande-Bretagne.

La signification moderne du terme de laïcité est donc née d’un glissement de sens. Jules Ferry lui-même référait ce glissement précisément à la divergence entre des pays de culture protestante et des pays de culture catholique : le laïc, en pays protestant, expliquait-il, peut avoir un certain pouvoir religieux et, donc, enseigner une morale biblique, chrétienne de façon indépendante du clerc, de l’homme d’Eglise. C’est ce qui se passe en Grande Bretagne avec les écoles qui ont instauré la « neutralité confessionnelle ». Mais, dans un pays catholique comme la France, la morale religieuse est forcément sous influence cléricale, et il justifiait ainsi le fait d’aller plus loin, jusqu’à la « neutralité religieuse ».

Ainsi, la laïcité ne tombe pas du ciel et elle ne vient pas davantage directement de la Grèce antique et non chrétienne. Elle possède toute une pesanteur d’histoire, se trouve composée par diverses strates historiques. Et, naturellement, une laïcité vivante, est une laïcité qui bouge, qui mute, qui est en mouvement. Une laïcité riche et complexe. C’est pourquoi, pour mieux la cerner, on peut lui appliquer -cher Y.S. (autre internaute commentateur)- tous les adjectifs que l’on veut, sans blasphème, sauf à sacraliser la laïcité et à vouloir être son gardien orthodoxe. Le laïquement correct est le plus sûr moyen de tuer la laïcité.

D’ailleurs, les expériences de chacun sont différentes : Y. S. est pour la loi du 15 mars 2004, interdisant les signes dits « ostensibles » à l’école publique, ce qui est bien son droit. Mais il ajoute qu’en 1989 (lors de la première affaire de foulards) on pouvait s’interroger, mais aujourd’hui, cela ne lui semble plus possible (sous entendu, il faut interdire le foulard). Ma trajectoire est différente : en 1989, je m’interrogeais, j’étais dans une position intermédiaire : celle de la stratégie de longue durée, pour faire enlever le foulard (et non l’interdiction par décret…). Mais, depuis, j’ai évolué, notamment parce que la pratique de jeunes filles (ou femmes) portant le foulard dans des pays démocratiques (où donc elles ont la possibilité de le porter ou de ne pas le porter : il est clair que je suis contre l’obligation du port du foulard, comme c’est le cas en Iran et dans quelques autres pays) a prouvé que l’on pouvait porter le foulard en étant libre et responsable. Pourquoi croyez-vous que beaucoup d’associations qui ont déposé devant la Commission Stasi (y compris l’Union rationaliste) étaient contre la loi (ou, pour certaines, au minimum, très réservées à son égard) ? A cause de cette raison. L’habit ne fait pas le moine, dit le dicton. On ferait bien de méditer cette sagesse dite « populaire », mais plus subtile que l’inflation idéologique de celles et ceux qui transforment la laïcité en religion civile.

Y.S. précise qu'il va surfer sur différentes Notes du Blog pour mieux comprendre: bonne navigation, pour lui et pour tous les internautes: un petit conseil: lire (ou relire) les Notes qui ont trait  au processus de séparation pour mieux connaître la laïcité de 1905. 

A toutes et à tous les internautes : Bon été, un peu de farniente ne fera pas de mal. N’oubliez pas de lire les Notes sur l’après séparation  de 1905 (Note du 31 juillet et Notes de la catégorie « Les nouveaux impensés ») … et les conseils de lecture (Note : « A lire en vacances »)

 

 

17:03 Publié dans EDITORIAL | Lien permanent | Commentaires (1)