30/08/2006
CRITIQUE DE LA SOCIETE ET LAÏCITE
EXTENSION DU DOMAINE DE LA LUTTE… LAÏQUE.
C’est la rentrée, occasion habituelle de faire le point, et de présenter quelques projets. Le Blog ne doit pas se routiniser, sous prétexte de son (relatif) succès et si j’ai parodié, en sous titre, un roman à succès, c’est pour indiquer l’orientation qui va être de plus en plus celle de ce Blog au cours de l’année 2006-2007. Orientation qui signifie une vision de la laïcité dont je vais déjà parler dans cette Note. Auparavant, juste un petit rappel. J’ai créé ce Blog fin 2004, dans la perspective du centenaire de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat. Les internautes ont été au rendez-vous, plus nombreux que je ne le pensais au départ, ce qui m’a conduit à le continuer après l’année 2005. Et si cet été a vu logiquement le nombre de visites diminuer, depuis le début de la semaine dernière ces visites ont de nouveau dépassé les 100 par jour. Merci aux internautes qui visitent régulièrement le Blog et merci à celles et ceux qui contribuent à son dynamisme par leurs remarques, leurs questions, leurs contestations.Les Notes liées au centenaire de 1905 se sont poursuivies en 2006, avec notamment : « Les nouveaux impensés » qui parlent des événements de 1906 à 1908, peu traités de façon générale lors du centenaire, et qui pourtant ont eu une importance décisive étant donné que la loi de 1905 n’a pas pu être appliquée comme prévue.
Comment les laïques ont-ils réagis face au durcissement catholique imposé par le pape ? Pour beaucoup, ils avaient déjà fait un grand nombre de « concessions » (trop selon certains). Fallait-il en faire de nouvelles, ou répondre au durcissement catholique par un durcissement équivalent ?
Sans plaquer l’histoire sur l’actualité, on comprend facilement qu’il existe certaines analogies entre la situation de 1906-1908 et celle d’aujourd’hui où des laïques intransigeants affirment que si l’on commence à faire des compromis, ensuite cela ne s’arrêtera plus. Il est donc très important d’examiner de la façon la plus objective possible, et sans tordre la réalité historique, ce qui s’est passé alors et comment les laïques ont finalement gagné. On verra qu’ils ont gagné en refusant d’être intransigeant ou laxiste et en inventant des solutions intelligentes alliant fermeté sur l’essentiel (pour eux) et grande souplesse sur l’essentiel (pour les catholiques). Subtil non ?
Les Notes sur ces « nouveaux impensés » vont continuer (en gros) jusqu’à l’hiver 2006-2007. Non seulement elles montreront qu’il faudrait parler DES lois de séparation (au pluriel), mais elles vous parleront d’un dialogue qui s’est organisé peu après la séparation entre « libres-penseurs » et « libres croyants ». Un tel dialogue serait bien nécessaire actuellement et il vaut d’autant plus la peine d’indiquer comment il s’est déroulé alors que cet épisode est fort peu connu.
Par ailleurs, des actes de colloques qui ont eu lieu en 2005 vont être publiés et je signalerai les choses qui me paraîtront les plus intéressantes.
Mais le Blog ne saurait se limiter à l’après 1905 ou à l’après centenaire. Des le départ, ses Notes se fondaient sur une conception de la laïcité que je vais maintenant un peu expliciter. Je partirai d’une anecdote : dans les conférences que j’ai faites, en 2004-2005, une des questions qui est revenue régulièrement concernait l’attention régulière portée par les médias à l’action de Jean-Paul II, à la médiatisation très forte de sa mort et de l’élection de son successeur. Cela était considéré par certains comme « contraire à la laïcité ». Je ne sais si vous vous rappelez, mais il est exact qu’à un moment on a eu une overdose ! Il n’empêche, ce point de vue témoignait d’une façon très restrictive de considérer la laïcité ET la société.
Deux erreurs étaient, le plus souvent, commises.
D’abord, première erreur, derrière la question posée, se profilait l’idée (parfois exprimée explicitement d’ailleurs) que les médias d’un pays laïque ne devaient pas (ou presque pas) donner d’information touchant à la religion. Or seul un pays totalitaire fera silence sur un certain type d’information. La laïcité implique de ne pas imposer (explicitement ou subrepticement) une (ou plusieurs) religion(s), de respecter la liberté de conscience de chacun, bref de tenter d’être le plus objectif possible dans le domaine religieux, comme dans le domaine politique et d’autres domaines. Elle n’implique nullement de faire silence sur l’actualité religieuse.
Nous sommes donc renvoyés du contenu à la FORME et là, certes, il y aurait beaucoup à dire. Mais c’est une seconde erreur que de critiquer la manière dont le système médiatique dominant (et les médias réels y collent plus ou moins) rend compte de l’actualité (et des faits de société) uniquement quand il s’agit de religion. Il serait dérisoire d’être critique face au traitement de l’actualité religieuse et de se montrer une véritable grenouille de bénitier médiatique sur les autres traitements de l’actualité.
En effet, y compris dans l’overdose, Jean-Paul II a été traité (globalement, bien sûr, et en tenant compte des spécificités du personnage) comme une star des médias, et presque parfois comme une vedette du show-biz. Si on accepte, à son insu, le fait que la télévision notamment traite l’ensemble de l’information comme un vaste show-biz, si on ne fait pas la critique du message publicitaire, des injonctions dominantes données par la télé (qui reste le média dominant et dont la forme de penser -et de non penser- influence les autres médias), alors on est dans une vision très rabougrie de la laïcité. C’est vision à la fois inefficace et non pertinente.
C’est une vision très inefficace de la laïcité en ceci que la critique concernant la religion sert de cache-sexe à un conformisme sur tout le reste et que la laïcité se marie très mal avec le conformisme. Il est d’ailleurs dérisoire de penser que les médias vont fonctionner de façon différente sur la religion et sur les autres domaines de la société.
C’est une vision non pertinente de la laïcité car cette vision fonctionne selon le schéma « deux poids, deux mesures ». En fait, il s’agit là plus d’anti-religion que de laïcité. Ma Note de la semaine dernière sur « Culte de la personnalité et laïcité » a cherché à donner une vision de la laïcité où celle-ci est l’absence d’un sacré social, imposé explicitement ou implicitement, ce qui me semble être le corollaire du respect de la liberté de conscience, mais est peut-être plus difficile à réaliser que certains le pensent.
J’ai pris un exemple qui me semble important, qui comporte de multiples aspects sur lesquels je compte revenir. En effet, pour le pire comme pour le meilleur (aussi), les agents du système médiatique sont aujourd’hui des clercs confrontés à ce que Guy Debord appelait « la société du spectacle » (à celles et ceux qui ne connaissent pas l’œuvre de Debord, je signale un passionnant article de Guy Scarpetta dans le dernier n° du Monde Diplomatique d’août 2006). C’est donc cette société là, où le spectaculaire est étroitement relié à la marchandisation des relations sociales, y compris de l’intime, et où la distinction public privé est, de fait, complètement bousculée, qui doit être l’objet d’un regard critique, cherchant à être le plus lucide possible.
Le Blog va donc tenter de s’orienter aussi dans cette direction, dont il a d’ailleurs donné déjà quelques éléments (ses Archives en témoignent). C’est pourquoi j’ai parlé d’extension du domaine de la laïcité.
D’autres Notes traiteront de la laïcité à un niveau international, pour incorporer les expériences d’autres pays à la réflexion sur la laïcité en France, et aussi ailleurs.
Sans parler de l’imprévu : l’intérêt d’un Blog est de pouvoir être très réactif et de tenir compte de l’événement.
Alors, en avant pour de nouvelles aventures…. Et si ce Blog vous plait (un peu, beaucoup, passionnément, à la folie) signalez le à vos amis et amies. Merci d’avance.
12:15 Publié dans ACCUEIL | Lien permanent | Commentaires (3)
Commentaires
J'ai rencontré votre blog sur un autre parlant de l'Eglise Adventiste (sociologiser.hautetfort.com). En le parcourant, puisque je suis un adventisme qui aime les regards critique sur ma religion, il me semble que l'entrée de l'adventisme dans la FPF marque une étape (je ne sais pas s'il faut dire tournant) dans la continuité historique de mouvement religieux minoritaires protestant venant des Etats-Unis et de la FPF même. Ma question est donc : en quoi ces mouvements permettent-ils de réinterroger la laïcité, ou plutôt l'image, qu'ont décideurs politiques, et acteurs institutionnels du religieux historique français (protestantisme d'origine européenne, catholicisme). Merci de me répondre en déshabillant mon questionnement de ces maladesses.
J. Charles
Écrit par : JCharles | 31/08/2006
Cher ami. Je suis heureux de reprendre contact avec toi par le biais de ton blog qui m'intéresse. J'essaie de suivre avec compréhension et sympathie ton cheminement vers une laïcité "ouverte". Pourtant, il m'arrive parfois d'éprouver un certain malaise devant ce "retour" envahissant du "religieux", non seulement dans les medias français, mais aussi dans notre monde "unipolaire" américanisé! Je suis bien d'accord de "ne pas faire silence sur l'actualité religieuse". Mais il m'arrive de me demander s'il ne s'agit pas davantage d'un "fait institutionnel" de "survie", que d'un phénomène général et profond. Et je redoute, malgré tout, une nouvelle tentative de "cléricalisation" de la société (cf l'offensive actuelle du nouveau pape!!)
Tu cites l'overdose que les medias nous ont fait subir lors des derniers jours de Jean-Paul II, nous montrant "en boucle" souvent, un homme diminué présenté à la foule: cela frisait l'indécence et le mauvais goût! D'accord aussi avec toi pour "ne pas se montrer une véritable grenouille de bénitier médiatique sur les autres traitements de l'actualité" (cf les grands'messes politiques, style Sarko et cie)!
Amicalement,
Pierre Curie
cf: "Analyse référentielle et archéologique" (http://www.alain.auger.free.fr
Écrit par : Pierre Curie | 11/09/2006
Petite erreur d'adresse de on blog...Il s'agit de: http://pierrecurie.blogspot.com
P.Curie
Écrit par : Pierre Curie | 11/09/2006
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