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02/08/2006

DIALOGUE AVEC LES INTERNAUTES

Un des aspects les plus intéressants du Blog est constitué par les commentaires effectués par des internautes qui lui rendent  une petite ou une grande visite. Par ailleurs, d’autres réagissent autrement, par divers moyens directs ou indirects, pour me faire connaître leurs réactions.  Il y a celles et ceux qui approuvent, qui et qui me disent en substance : continuez, c’est intéressant, on apprend des choses. Merci pour ces encouragements, nécessaires car dans la course continuelle contre le temps, je me demande parfois si j’ai raison d’en prendre autant pour le blog.  Ne craignez donc pas  d’écrire des commentaires élogieux !!! (Si vous êtes contents, bien sûr ! Vous pouvez aussi faire des suggestions)

Et puis, je m’aperçois que le blog sert… à de multiples personnes, citoyens, étudiants, profs, etc.

Ainsi, salut à Catherine Szcezsny et merci de son info sur Brême et la Basse Saxe.  Je reparlerai de l’Allemagne lors d’une prochaine Note destinée à expliquer pourquoi je suis contre le système de « reconnaissance » de certains cultes, système existant dans beaucoup de pays européens et prôné, en France même, par certains juristes avec une argumentation qu’il est nécessaire d’étudier (un des points forts consiste à dire qu’il y a, en France, un système officieux de cultes reconnus, générateur d’hypocrisie et, en fait, d’une plus grande inégalité entre cultes que certains systèmes de cultes reconnus comme celui de l’Italie ou de la Belgique. Empiriquement, ce diagnostic n’est pas faux, il faut l’admettre).

Certains se contentent de dire : « non aux cultes reconnus, car c’est contraire à la laïcité ». Mais, même si cela est plus ou moins exact (Briand parlait de « demi laïcité » à propos de ce système), il est, en fait, encore plus contraire à la laïcité de simplement l’affirmer, sans examen approfondi. En effet, la laïcité, la mentalité laïque c’est d’abord l’esprit d’examen, de libre examen, qui fait que l’on doit penser, analyser, même ce qui vous paraît néfaste. L’esprit laïque c’est se battre contre soi-même.

Un philosophe laïque, Alain, parlait du « petit tyran » intérieur qui vous oblige à dire oui à vous-même et à adopter, à votre insu, un mode de penser doctrinaire. Le combattre est le début du combat laïque. C’est pourquoi, je m’amuse et je m’attriste à la fois quand certains « laïques » aujourd’hui parlent par oukases. Quel double jeu, quel double discours : prétendre représenter les Lumières, l’esprit critique et, en fait, tenir des propos doctrinaires et dogmatiques ; s’affirmer tolérant et oublier Voltaire qui affirmait : je suis contre vos idées, mais je me battrais pour que vous puissiez les exprimer.

C’est pourquoi toute critique, tout doute est bienvenu… à condition d’argumenter, de préciser les choses, de ne pas dire péremptoirement que cela ou ceci est contraire à la laïcité. L’intégrisme est une forme de penser avant d’être un contenu de discours. J’explique cela dans le nouvel ouvrage que je publie à la rentrée (début octobre) : L’intégrisme républicain contre la laïcité, aux éditions de l’Aube. Vous y retrouverez, retravaillés, certaines Notes du blog ; en même temps il y aura aussi de nombreux textes inédits.

Ce que j’écris là ne vaut pas que pour la laïcité, bien entendu. Pierre Vidal-Naquet, un grand historien avec lequel j’avais l’honneur d’entretenir une relation de grande estime, en est un ‘vivant’ témoignage (vivant car ce témoignage perdure au-delà de son décès très récent). Quand les idées « révisionnistes » se sont exprimées, niant les chambres à gaz et le génocide des juifs pendant la Seconde guerre mondiale, il n’a pas (alors qu’il avait mille raisons de le faire) balayé cela d’un revers de manche et placé l’affaire uniquement sur le terrain de l’indignation morale, il a mené de longues recherches pour déconstruire scientifiquement ce discours, il y a consacré beaucoup de temps, d’énergie et de grand talent. Et il a écrit cet admirable ouvrage : Les assassins de la mémoire (La découverte, 1987) qui est un modèle de méthode historique rigoureuse et que toute personne intéressée par l’histoire et sa démarche devrait lire. Saluons donc en Pierre Vidal-Naquet un laïque exemplaire.

De même, actuellement, il est tout à fait légitime d’être indigné par ce qui se passe au Liban, je partage cette indignation, notamment devant le massacre qui a eu lieu à Cana. En même temps, il me semble nécessaire d’analyser le tournant que manifeste ces événements. On n’en est plus à l’époque où, en six jours, Israël pouvait vaincre plusieurs adversaires. Le rapport de force s’est modifié. Raison de plus d’ailleurs, de désapprouver la politique suivie par le gouvernement israélien ; non seulement elle est meurtrière (même si, au départ, elle a voulu répondre à une provocation), mais elle est également suicidaire pour le peuple d’Israël. La paix, par le retrait des territoires occupés depuis 1967 n’est pas seulement une solution de justice pour les Palestiniens, mais elle apparaît à terme comme la seule manière pour les Israéliens eux-mêmes d’espérer vivre en paix. Malheureusement, depuis trois semaines, la possibilité d’une progressive pacification est piétinée et le Liban fait les frais de l’emboîtement de deux conflits.

 

Le blog est parfois comme une bouteille à la mer. Je viens de recevoir un bel ouvrage, d’un auteur portugais Fernando Catroga : Entre Deuses et Césares ; Secularizaçào, laicidade e religiào civil. Uma perpectiva historica. Edition Almedina.  Sécularisation, religion civile, laïcité : voila des thèmes qui ont été largement traités dans les Notes un peu théoriques du blog. Eh bien justement, il s’avère, dans cet ouvrage, qu’il a été largement consulté et cité. Chouette.

Certains internautes font des objections, posent des questions. Un internaute qui signe Démos a été choqué que j’ai fait, dans une Note sur « laïcité et diversité culturelle », provenir le terme laïcité de « laïkos » et non de « laos ». Ce latin avait pour lui un parfum… ecclésiastique ! Or laos (en grec) et laïkos, en latin, veulent (au départ) dire la même chose, ce que j’indiquais précisément (je me cite) : « le peuple, l’ensemble des citoyens qui ne détiennent pas des pouvoirs directs ». le sens ne change pas entre le grec et le latin, comme le remarque d’ailleurs Jez, un autre internaute commentateur.

Ensuite, au Moyen Age, le frère lai, le laïc est l’envers du moine, du clerc. Cela appartient à l’histoire et cette opposition entre  le « laïc » (qui ne fait pas partie du clergé, qui n’a pas reçu les ordres de cléricature en parlant d’un chrétien baptisé) et le « clerc » (celui qui est rentré dans l’état ecclésiastique) fait aussi, que cela plaise idéologiquement ou non, partie de la préhistoire du terme « laïcité ». Un certain « anticléricalisme » n’a-t-il pas été nécessaire à l’établissement de la laïcité ?

Mais bien sûr, on trouve d’autres strates : au Moyen Age, laïc a un sens négatif, c’est celui qui n’est pas…. Au XVIe siècle, Calvin a été le premier à attribuer un sens positif à l’adjectif « laïc » et à le sortir de la sphère proprement religieuse : il parle de « juge laïc », pour désigner un juge qui ne tient pas compte du droit canon pour rendre son jugement. Ce n’est pas pour rien que, pour le meilleur et pour le pire (c’est un texte très antiféministe), le Code Civil de 1804 est un document fondateur pour la laïcité.

D’une manière plus générale, la Réforme protestante a relativisé cette distinction  (entre clercs et laïcs) en donnant un certain pouvoir religieux aux laïcs, à tel point qu’on a pu parler au XIXe siècle d’Eglises « laïcocéphales » (= ayant des laïcs à leur tête) pour désigner certaines Eglises protestantes, notamment dans les pays scandinaves et en Grande-Bretagne.

La signification moderne du terme de laïcité est donc née d’un glissement de sens. Jules Ferry lui-même référait ce glissement précisément à la divergence entre des pays de culture protestante et des pays de culture catholique : le laïc, en pays protestant, expliquait-il, peut avoir un certain pouvoir religieux et, donc, enseigner une morale biblique, chrétienne de façon indépendante du clerc, de l’homme d’Eglise. C’est ce qui se passe en Grande Bretagne avec les écoles qui ont instauré la « neutralité confessionnelle ». Mais, dans un pays catholique comme la France, la morale religieuse est forcément sous influence cléricale, et il justifiait ainsi le fait d’aller plus loin, jusqu’à la « neutralité religieuse ».

Ainsi, la laïcité ne tombe pas du ciel et elle ne vient pas davantage directement de la Grèce antique et non chrétienne. Elle possède toute une pesanteur d’histoire, se trouve composée par diverses strates historiques. Et, naturellement, une laïcité vivante, est une laïcité qui bouge, qui mute, qui est en mouvement. Une laïcité riche et complexe. C’est pourquoi, pour mieux la cerner, on peut lui appliquer -cher Y.S. (autre internaute commentateur)- tous les adjectifs que l’on veut, sans blasphème, sauf à sacraliser la laïcité et à vouloir être son gardien orthodoxe. Le laïquement correct est le plus sûr moyen de tuer la laïcité.

D’ailleurs, les expériences de chacun sont différentes : Y. S. est pour la loi du 15 mars 2004, interdisant les signes dits « ostensibles » à l’école publique, ce qui est bien son droit. Mais il ajoute qu’en 1989 (lors de la première affaire de foulards) on pouvait s’interroger, mais aujourd’hui, cela ne lui semble plus possible (sous entendu, il faut interdire le foulard). Ma trajectoire est différente : en 1989, je m’interrogeais, j’étais dans une position intermédiaire : celle de la stratégie de longue durée, pour faire enlever le foulard (et non l’interdiction par décret…). Mais, depuis, j’ai évolué, notamment parce que la pratique de jeunes filles (ou femmes) portant le foulard dans des pays démocratiques (où donc elles ont la possibilité de le porter ou de ne pas le porter : il est clair que je suis contre l’obligation du port du foulard, comme c’est le cas en Iran et dans quelques autres pays) a prouvé que l’on pouvait porter le foulard en étant libre et responsable. Pourquoi croyez-vous que beaucoup d’associations qui ont déposé devant la Commission Stasi (y compris l’Union rationaliste) étaient contre la loi (ou, pour certaines, au minimum, très réservées à son égard) ? A cause de cette raison. L’habit ne fait pas le moine, dit le dicton. On ferait bien de méditer cette sagesse dite « populaire », mais plus subtile que l’inflation idéologique de celles et ceux qui transforment la laïcité en religion civile.

Y.S. précise qu'il va surfer sur différentes Notes du Blog pour mieux comprendre: bonne navigation, pour lui et pour tous les internautes: un petit conseil: lire (ou relire) les Notes qui ont trait  au processus de séparation pour mieux connaître la laïcité de 1905. 

A toutes et à tous les internautes : Bon été, un peu de farniente ne fera pas de mal. N’oubliez pas de lire les Notes sur l’après séparation  de 1905 (Note du 31 juillet et Notes de la catégorie « Les nouveaux impensés ») … et les conseils de lecture (Note : « A lire en vacances »)

 

 

17:03 Publié dans EDITORIAL | Lien permanent | Commentaires (1)

Commentaires

Bonjour : J'ai lu votre note avec grand intérêt. Votre ton mesuré me plaît beaucoup. Je vois que vous faites de la laïcité une attitude d'esprit et non une espèce de police pour les principes républicains. J'ai été très choqué, personnellement par la réglementation mise en place pour contraindre des jeunes filles à quitter le voile, ou les jeunes Sikhs à enlever leur turban (ce qui fait que beaucoup ont préférer quitter le lycée). J'ai trouvé que la laïcité à la française apparaissait mesquine et inquisitoriale, à se battre sur des fronts qui touchent de très près à la liberté de penser. Beaucoup de français sont fanatiques en éthique et ne peuvent penser que par lois et principes.

Écrit par : sancho | 04/08/2006

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