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19/02/2011

Islam de France ou Islam en france?

Ajout du 1er mars:

 La prochaine Note aura lieu à la fin de la semaine.

Merci de votre compréhension!

 

OK, je suis pour qu’on ne rejette pas dans l’impensé les sujets qui fâchent, mais le nième débat sur l’islam et la République que le chef de l’Etat a annoncé à TF1 et que l’UMP veut entreprendre début avril est déjà mal engagé.  Au point même qu’Alain Juppé, qui n’a pas l’habitude de faire dans la surenchère gauchiste !, craint les dérapages.

 

Nous aurons certainement l’occasion d’en reparler. Pour le moment, voyons quelques fausses alternatives :

 

 Opposer un « Islam de France » et un « Islam en France » ne me semble vraiment  pas une bonne façon de poser le problème. Met-on les catholiques, les juifs et les protestants devant  la même alternative ?

 

Il existe un « catholicisme de France » avec sa Conférence des évêques, les Assemblées plénières de Lourdes, etc. Il n’en existe pas moins un  « catholicisme en France ». Ce dernier n’est pas réductible au « catholicisme de France », car le catholicisme est une réalité internationale.  Sauf erreur de ma part,  son chef spirituel est, en même temps, un chef d’Etat.

L’Ambassadeur du Vatican en France, le nonce apostolique, participe même aux entrevues officielles qui ont lieu entre la délégation catholique et le gouvernement, comme le remarquait un Ministre de l’Intérieur, s’appelant Nicolas Sarkozy en réponse à une question de Ph. Verdin sur « l’indépendance des musulmans français »[1] .

 

Et on constate, certes, une souplesse plus grande de l’épiscopat français sur certaines questions : ainsi, contrairement à ce qui se passe en Colombie ou en Pologne, par exemple, les médecins catholiques qui pratiquent des IVG ne se trouvent pas menacés d’excommunication.

Mais, sur beaucoup d’autres points, comme le mariage des prêtres, ou l’accès des femmes à la prêtrise et au diaconat,  ce sont les règles générales, les « normes canoniques » du catholicisme qui s’imposent, même si les enquêtes faites montrent qu’une majorité des catholiques français, y compris chez les catholiques pratiquants[2] ont des attentes différentes.

Qui va affirmer que l’Etat devrait imposer des femmes prêtres au nom de l’égalité homme-femme ou, comme la Révolution française l’a fait, imposer l’autorisation du mariage des prêtres au nom de la liberté individuelle ?

On peut, à titre personnel, sympathiser avec celles et ceux qui luttent pour des changements internes à l’Eglise catholique, on peut aussi être indifférent en la matière. Mais aucune force politique ou sociale ne va chercher à imposer ces changements. Il est clair que c’est l’affaire du catholicisme. Et ses évolutions comportent des zigzags.

 

Eh bien, je pense qu’il en est de même pour l’islam. D’ailleurs, il y a quelque chose que je ne comprends pas.  Le même Ministre de l’Intérieur, déjà évoqué, a largement contribué, il y a maintenant 7 ans, à organiser un « Islam de France » par la création du Conseil National du Culte Musulman, et des Conseils Régionaux du Culte Musulman.

Chacun peut avoir  son avis sur ces structures (dans mon Limousin natal une femme a dirigé, dirige peut-être toujours, le CRCM). Mais l’Etat s’est fortement engagé dans cette démarche. Il ne peut ignorer ou tenir pour négligeable ce dont il est un co-auteur. Serait-ce trop lui demander d’avoir un peu de cohérence interne ?

 

Il existe donc un Islam de France et un Islam en France, car l’islam, comme le catholicisme et bien d’autres religions, est une réalité internationale. Dès maintenant, au-delà de l’organisation spécifique qui a été mise en place, des façons spécifiques et multiples d’être musulman sont en train de se forger en France (et en Europe) et une gestion teintée de néo-colonialisme risque d’être contre-productive (sur tous ces sujets cf. entre autres l’ouvrage de Franck Frégosi : Penser l’islam dans la laïcité. Les musulmans de France et la République, Fayard, 2008).

Mais c’est à un niveau international que l’islam bouge. Que, par exemple, un féminisme musulman se développe (cf. le n° 46, 2010, de Critique internationale sur ce sujet). Et aujourd’hui on constate la soif de démocratie dans l’ensemble du monde dit « arabo-musulman ».

 

Ce thème de « l’islam de France » me rappelle un certain discours laïque traditionnel sur les femmes : elles étaient suspectes d’être sous influence cléricale. Il fallait les « éduquer » avant de leur donner le droit de vote. Et naturellement, on considérait qu’elles n’étaient jamais assez éduquées pour l’obtenir. Si bien que le premier projet donnant le droit de vote aux femmes, fut le projet de Constitution élaboré par Vichy !!!

De même, d’année en année, on a l’impression que les musulmans français ne sont jamais assez français… 

 

La seconde fausse alternative concerne la sempiternelle question : « faut-il modifier la loi de 1905 ? »

Nous  la dépasserons la semaine prochaine.

 

PS : Pour  Marco Huaco : Merci des remarques. On peut dire que la laïcité interculturelle fait partie du type : laïcité de reconnaissance. Ceci dit, l’intérêt de cette typologie consiste à sortir de la querelle des adjectifs, et de montrer que suivant les pays, les périodes et les domaines, la laïcité se concrétise de façon différente.

 

PS : Pour David Weber : d’abord je voudrais vous rassurer le Blog en est à sa 440ème Note et….je n’ai publié que 31 livres (cf. ma biblio. A la fin de Laïcités sans frontières, dont la majorité  avant d’avoir créé le Blog.

Ensuite, je n’ai pas obligation de répondre à tous les commentaires : cela dépend de mon temps disponible, de ma forme, de mon humeur, etc. Les commentaires se font aussi entre internautes, et je les laisse de manière très libérale (je crois), même quand il me semble qu’il y a des propos un peu craignos, à partir du moment où il n’y a ni insultes, ni diffamations, ni instrumentalisation du blog pour de la pub,…

Enfin, ceci votre question sur la déclaration de Sarko sur les « racines juives » était effectivement intéressante : tout ce qui indique que la France n’a pas de racines uniques est bon à prendre. Ceci dit, je regrette que l’on parle du catholicisme à Rome, du protestantisme à la Fac de théologie protestante, du judaïsme au CRIF, etc.

Je rêve d’un Président qui aurait inauguré un débat sur l’identité nationale en expliquant que les racines de la France sont plurielles, ainsi que son histoire. Et que l’histoire est une dynamique qui continue et où le rôle du politique consiste à projeter tous les français dans un avenir vivable pour tous.  

 

 

 

 

 



[1] N. Sarkozy, La République, les religions, l’espérance. Paris, Cerf, p. 93.

[2] 61% contre 36% pour le mariage des prêtres,  51% contre 44% pour l’accès des femmes à la prêtrise (respectivement 81% contre 16% et 67% contre 31% chez les catholiques pratiquants irréguliers) (Enquête CSA-La Vie : « Les attentes des français à l’égard du prochain pape », 15 avril 2005.

14/02/2011

Un tournant?

Même si tout n’est pas joué, loin de là, et si de très nombreux problèmes demeurent, ce qui s’est passé depuis deux mois,  constitue un réjouissant contraste avec  la plupart des autres événements.  Les clichés médiatiques ont volé en éclat et la « révolution » pacifique est venue là où on ne l’attendait guère.

Il y a eu d’abord la Tunisie : on a sympathisé sans trop croire que cela pouvait aboutir. Et quand ce fut victorieux, et que les Egyptiens ont pris le relais, rappelez-vous, le commentaire dominant a consisté à dire : « l’Egypte n’est pas la Tunisie et Moubarak n’est pas Ben Ali. »

 Et ce n’était pas faux, mais justement, a posteriori, cela montre bien l’ampleur de l’élan et l’importance de cette marche de l’histoire.

 

Alors, comme des espoirs un peu fous se sont réalisés, on se prend à continuer à rêver. A rêver que la Méditerranée ne soit plus une frontière séparant deux mondes, mais un lien nouveau ; à rêver que des formes originales de démocratie puissent s’inventer sur la rive sud et… continuer à faire tâche d’huile.

A rêver que les médias occidentaux continuent de nous parler d’autre chose que de « l’islamisme radical ». A rêver d’un Lula arabe, ce qui serait une chance, même si cela ne réaliserait pas le Paradis sur terre !

 

A rêver aussi que l’Occident donne une autre image de lui-même. Quand j’effectuais mon enquête sur la laïcité interculturelle au Québec, un Québécois musulman me disait, en souriant : « en Occident, on croit facilement que  les femmes voilées sont des intégristes ; dans le monde musulman on croit facilement que les Occidentales se promènent presque à poil ».

Là aussi, les stéréotypes  médiatiques ont  volé en éclat, et ce dans les médias eux-mêmes : les téléspectateurs ont vu des milliers de femmes voilées lutter pour la démocratie ; et, hier, à Rome, des milliers de femmes occidentales manifester contre la réification de leur corps. Leur féminisme n’était plus contre d’autres femmes, mais bien contre un insupportable crétinisme macho.

 

Pour une fois, les évidences trompeuses se sont brouillées. Nous avons eu droit à autre chose que l’ordinaire. Peut-être l’ordinaire va-t-il prendre sa revanche. On ne peut l’exclure. Peut-être, cependant, une brèche a-t-elle été faite. Et de l’irréversible construit.

 

 PS: Andro Denis, je n'ai pas trouvé de commentaire que vous auriez mis sur mon Blog en janvier.

 

18:54 Publié dans ACTUALITE | Lien permanent | Commentaires (14)

07/02/2011

Sacrée Médecine

J’ai déjà présenté l’ouvrage Laïcités sans frontières (Seuil), que j’ai écrit avec Micheline Milot (352 p., en 6 parties relativement autonomes : chacun peut donc se focaliser sur les parties qui l’intéresse le plus ! 21 €), dans ma Note du 23 janvier.

Voici un autre ouvrage, que j’ai rédigé cette fois avec Raphaël Liogier (prof à l’Institut d’études politiques d’Aix en Provence), et qui vient également de paraître : Sacrée médecine. Histoire et devenir d’un sanctuaire de la Raison (Entrelacs ; 196 p., 17€). Merci à Roger Mulot de m’avoir signalé le compte rendu élogieux du mensuel Alternatives Economiques. Je suis abonné et cela m’avait échappé.

 

Je vous reproduis le résumé, donné en page 4 de la couverture, et rédigé par l’éditeur :

« La médecine est-elle en danger ? L’hôpital est-il une institution en perdition ?

Nous vivons en France une crise de la médecine, plus ambivalente que celle de l’école, mais tout aussi profonde.

 

Au XIXe et XXe siècles, un transfert d’espérance s’est opéré de la religion vers la médecine, devenue un véritable sanctuaire de la Raison. Mais la médecine a progressivement perdu son statut sacré. La distance qui existait naguère entre le médecin et son patient s’est considérablement réduite.

On n’hésite plus à demander des comptes au « docteur » qui n’est plus le détenteur intouchable d’une science sacrée, grand prêtre d’un sanctuaire inviolable. On souhaite pouvoir « mourir dans la dignité » : rester jusqu’au bout un sujet autonome et responsable. On demande à l’hôpital et à ses personnels une perfection impossible : soigner, guérir, consoler, apaiser, à tout moment et à moindre coût.

 

L’institution hospitalière serait-elle plus qu’un service public ? Elle est en tout cas le reflet du prix que nous accordons à la santé. Aucune réforme de l’hôpital, aucune politique médicale ne peut réussir sans tenir compte des bouleversements des valeurs, des croyances et des modes de vie qui ont secoué nos sociétés depuis la seconde moitié du XXe siècle.

 

Plaidoyer pour une voie républicaine originale qui, sans renier l’aspiration à l’universel, se dégage d’un absolutisme scientiste séculaire, cet ouvrage remarquable tente de décrypter l’histoire et de penser le devenir d’une médecine au service de l’homme.

L’effritement des murs du temple offre peut-être l’opportunité de bâtir une nouvelle médecine à la fois plus scientifique et plus humaine, moins mystérieuse et arrogante, moins froide aussi, et pourtant tout aussi, sinon plus efficace. »

 

Et voici maintenant la Table des matières :

Introduction

Partie I : Sacralisation et désacralisation de la médecine éléments socio-historiques.

1.       La sacralisation de la médecine, face cachée de la laïcisation en France.

2.       Médecine triomphante et laïcité établie : ces extraordinaires « hommes en blanc »

3.       Le médecin et la femme : Cléricalisme médical ?

4.       Du clerc triomphant au clerc incertain

 

Partie II : La crise de la Raison médicale

5.       La médecine, reflet de la société et de ses contradictions

6.       Santé industrielle, santé postindustrielle

7.       La médecine, l’hôpital : théâtre d’illusions

8.       Pour une médecine désillusionnée, mais néanmoins républicaine

 

Conclusion : Vers une médecine de moins en moins sacrée et pourtant de plus en plus vitale.

Bibliographie.