01/06/2011
Officiel: Il existe des "Eglises officielles" dans la France umpétisée
Rapidement, car j'ai 2 articles sur le feu: un qui doit être fini fin avril dernier et l'autre le 20 mai dernier! Mais, chose promise chose due, j'avais indiqué que je réagirai à certains commentaires, notamment celui de misafir sur la neutralité et celui de R. Mulot sur la laïcité sans qualificatif.
D'abord, en toute immodestie, si vous voulez vraiment approfondir le débat, sur ces 2 sujets comme sur d’autres, lisez Laïcités sans frontières, que cela ne soit pas pour rien que Micheline Milot et moi, nous nous soyons « décarcassés » pendant 3 ans.
Bien sûr, c’est 21€. Mais « faut c’qui faut » comme dirait notre sublime Président dans son français très littéraire.
Ceci dit, quelques précisions quand même.
Le commentaire de misafir sur la neutralité montre bien à quel point l’idéologie dominante dénature la laïcité, et notamment ce que la neutralité en matière de laïcité.
Car la neutralité laïque n’est en rien ce que vous croyez qu’elle est quand vous la dénoncez. Elle en est même le contraire
Je vais vous citer le juriste le plus favorable à une loi contre le voile intégral. : Guy Carcassonne, prof de droit public à Paris X. Auditionné par la Mission parlementaire, il déclare :
« La laïcité n’est pas un fondement imaginable [à une loi] ; comme vous le savez ce principe s’impose à la République, en aucun cas aux citoyens. La République peut se fixer des règles procédant de la notion de neutralité, mais elle ne peut y soumettre les consciences. Sur le plan pratique, une loi d’interdiction ouvrirait une brèche : tous les signes extérieurs d’appartenance religieuse seraient prohibés, sauf à introduire des discriminations injustifiables. »(p. 554 du Rapport publié par la Documentation française, 2010)
(Admirez le « comme vous le savez » : si ce n’est pas de l’ironie, c’est bien imité !)
Or ce que réfute Carcassonne est ce qui se passe, et n’a rien à voir avec la laïcité.
Car, précisément, ce qui se passe est le contrairede ce qu’indique Carcassonne :
- on impose et veut encore plus imposer, de plus en plus, des « discriminations injustifiables » à une catégorie de citoyens, et surtout de citoyennes
- on porte atteinte à la laïcité de l’Etat, à sa neutralité arbitrale, impartiale.
Le n° du 31 mai du Monde, nous apprend en effet une chose ahurissante : pour un représentant de l’Etat, un Monsieur président interministériel, ex-député UMP, il existe en France actuellement des EGLISES OFFICIELLES.
Oui, vous avez bien lu ! Il existe des Eglises officielles, une voix officielle (c’est le cas de le dire !) l’affirme, et PERSONNE NE MOUFFTE, et surtout pas des de la pensée laïque unique (« sans adjectif »).
Explication :
La Cour d’appel vient de rejeter une requête de la chancellerie contre 3 aumôniers de prison bénévoles des Témoins de Jéhovah. Et le président de la Miviludes Georges Fenech de déclarer au quotidien qui le cite : « On sent bien qu’à travers leurs actions, les Témoins de Jéhovah recherchent une RESPECTABILITE D’EGLISE OFFICIELLE. »
Et il ajoute que le fait que des témoins de Jéhovah emprisonnés puissent recevoir une aide spirituelle du même type que celle que reçoivent, par exemple, les catholiques emprisonnés, « serait la porte ouverte à toutes sortes de DISSIDENCES RELIGIEUSES dans les prisons : pentecôtistes, mormons, adventistes. »
Et la journaliste du Monde de commenter froidement : « Des aumôniers pentecôtistes travaillent déjà dans les prisons ».
Constatons que le terme de « dissidences religieuses » est le terme administratif utilisé au XIXe siècle, avant 1905, quand existait le régime des « cultes reconnus » et le Concordat avec le Saint Siège.
Situation à laquelle la loi de 1905 a mis fin en indiquant dans son Article 2 :
- que la « République ne reconnait, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». Le « ne reconnait » indique clairement l’abolition du régime des cultes reconnus
- que « les services d’aumônerie » dans les lieux fermés, eux, sont destinés non pas à donner la moindre officialité aux religions, ou à revenir au système des cultes reconnus, mais « à assurer le libre exercice des cultes ».
M. Fenech, c’est « Monsieur Anti-Article 2 de la Loi de 1905 »
Comme il est incapable d’être partisan du libre exercice des cultes et donc de percevoir les aumôneries dans cette perspective républicaine, il est forcé de prétendre qu’il y a des Eglises officielles en France et des cultes dissidents et que les premiers ont droit à des aumôneries et pas les seconds.
LA LAÏCITE FENECHISEE ET UMPETISEE MARCHE SUR LA TÊTE. ELLE EST LE CONTRAIRE DE LA LOI DE 1905. ELLE EST LE CONTRAIRE DE LA NEUTRALITE.
Le problème, c’est que cette laïcité-là a de NOMBREUX COMPLICES, dont certains (pas tous, heureusement) PARTISANS DE LA LAÏCITE SANS ADJECTIF.
Ceux-là méritent une laïcité lepénisée. S’ils continuent ils l’auront ! Le problème : ils l’imposeront à nous tous par la même occasion !
(La suite, demain, sur justement la dite laïcité sans adjectif et ses pièges).
16:01 Publié dans Le Grand Bétisier de la Laïcité | Lien permanent | Commentaires (17)