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25/06/2010

Les Politiques entre vice et vertu. Nouvelles de la Pétition.

Multiplication d’« affaires » qui mettent en cause des ministres, Sarko recevant (et pas à sa demande !) Thierry Henry le jour de la grève contre les retraites, Guillon évacué pour cause de mauvais humour sur les politiques,…

Tout cela suscite en moi des sentiments très mêlés.

D’une part, je voudrais défendre la fonction du politique, indispensable, fondamentale en démocratie, je voudrais dire : attention, prière de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain.

Je pense aussi à toutes celles, tous ceux qui tentent de faire de la politique, parce qu’ils continuent d’en espérer quelque chose.

De l’autre, c’est un peu : « plaidoyer pour les indéfendables » et j’ai peur de me faire mal comprendre en tentant d’être ailleurs que dans l’indignation face à un spectacle (et il s’agit bien de cela) souvent vraiment peu ragoûtant.

 

Spectacle : un des rôles du politique est d’être sur le devant de la scène, et le développement exponentiel de la communication de masse a majoré ce rôle. Et je comprends que la partition jouée suscite la colère. A certains moments, je la partage.

A d’autres, je dis : Attention ! Le politique est dans une certaine mesure, et devrait être beaucoup plus, un contre poids face au pouvoir exorbitant de ceux (et celles, mais c’est surtout « ceux ») qui tiennent les leviers économiques et financiers.

Ceux-là ne cherchent pas à paraître, à jouer sur le devant de la scène. Ils préfèrent les coulisses : pour vivre puissants, vivons cachés ! Moins on parle médiatiquement d’eux, plus ils sont contents.

 

Alors vous me direz, les medias ne les ont pas épargnés depuis le début de la crise : parachutes dorés, évasion fiscale, stock options, etc

Outre que cela pose autre problème sur lequel je reviendrai, je constate la différence entre le fait de signaler tel ou tel fait, donner l’info une ou deux fois, et la passer en boucle.

Vous avez remarqué, au bout du compte, qu’on s’indigne plus des compromissions de la famille Woerth (et loin de moi l’idée de les minimiser) que du fait même qui en est la cause : la fortune de Mme Bettencourt elle-même et sa propre conduite.

En amont de l’affaire Woerth, il y a une affaire Bettencourt, non ?

 

Vous n’êtes pas d’accord ? C’est votre droit. Ce que je voudrais dire, et c’est difficile de le dire, certes, c’est qu’il faut faire attention de ne pas tomber, même pour les meilleures raisons du monde, dans une disqualification complète du politique, dans la croyance, qui devient de plus en plus dominante, qu’il est complètement ridicule, inefficace, etc

Qu’il est, de toute façon, composé que de pourris et de nuls.

 

J’écris d’autant plus cela, que je n’échappe pas moi-même à la critique que je suis en train de faire. Après mon audition devant la Mission parlementaire, je me disais : décidément, ils sont vraiment nuls, Nuls de chez Nul.

J’ajoutais en mon for intérieur : décidément si l’anti parlementarisme se développe, ils n’ont qu’a s’en prendre à eux-mêmes, tellement leur niveau intellectuel est bas.

De la discussion que j’avais eue, seules sortaient intacts les remarques et questions d’un député de la majorité et d’une députée du PS (la seule femme d’ailleurs à avoir pris la parole).

 

Donc, j’ai des réactions contradictoires, mais peut-être est-ce parce que le rôle du politique est lui-même très ambivalent :

-à la fois tenter d’avoir le « pouvoir de », le pouvoir d’améliorer, voire de transformer les choses

-et avoir « le pouvoir sur », être l’élu face à l’électeur, le ministre face au citoyen ordinaire, et donc le clerc face au laïc : ce n’est pas pour rien que l’on parle de « l’onction du suffrage universel » !

 

Je voudrais que l’on se focalise un peu plus sur le « pouvoir de », et ses résultats

Non dans l’effet d’annonce mais dans les conséquences concrètes

Non dans l’immédiateté mais dans la moyenne et longue durée

Non dans la seule actualité mais dans l’ensemble de la réalité, dont les 9/10ème, comme l’iceberg, sont invisibles.

Non au seul niveau des ‘vedettes’, mais aussi dans tout le terreau national, régional, local.

Et, finalement, même si cela va à contre courant, que l’on soit plus attentif à l’aspect proprement politique, et un peu moins à l’aspect moral, souvent pris de façon moraliste.

 

Rassurez vous, je ne demande pas que l’on ferme les yeux quand il y a des turpitudes.

Je vais prendre quelques exemples pour tenter de me faire comprendre :

Je trouve beaucoup plus grave que Fadela Amara ait aussi lamentablement échoué dans sa politique à l’égard des banlieues (même si c’était un peu « mission impossible », mais l’action politique, au départ, est toujours plus ou moins cela), que le fait qu’elle ait fait profiter sa famille d’un logement de fonction qui n’est, au reste, pas somptueux

Je trouve que c’est manier l’amalgame que de mettre dans le même sac  comme étant autant de « privilèges attractifs », «palais et hôtels particuliers somptueux » d’un  côté, « chauffeurs, garde du corps » de l’autre (Sophie Landrin, Le Monde, 23 juin 2010, et d'autres medias ont indiqué la même chose).

 

D’abord, on confond là « privilèges » (palais, hôtel) et fonctionnel (chauffeur, garde du corps).

Ensuite, je serai prêt à accepter, la société n’étant pas égalitaire, dans une certaine mesure, de relatifs « privilèges » (des dirigeants de grande entreprise, mais aussi, il a fallu que la coupe déborde beaucoup pour le  dire, des footballeurs  en ont 10, 100 fois plus) s’ils s’accompagnaient de résultats effectifs à terme.

 

Sur le premier point (ne pas confondre privilèges et fonctionnel), vous pouvez penser qu’il s’agit un peu d’un plaidoyer pro domo. En effet, ma propre ambivalence est d’être un citoyen ordinaire ayant eu une expérience d’un Cabinet ministériel.

Là, effectivement, je bénéficiais d’un des chauffeurs du Cabinet pour mes déplacements.

Il ne me semble pas qu’il s’agissait d’un « privilège »

(la question me semble beaucoup plus la coupure qui s’instaure si on ne prend plus jamais les transports en commun, si on n’a plus jamais la vie de l’individu ordinaire) :

Cela me permettait de relire mes dossiers avant une entrevue importante, voire de téléphoner à ma secrétaire pour vérifier tel ou tel point.

Cela me faisait gagner du temps, dans des journées qui commençaient à 8 heures du mat, et finissaient le plus souvent à 22 ou 23 heures (remarquez, je dirai en toute modestie que cela ne me changeait guère des journées d’enseignant-chercheur)

 

Au sujet de la durée des journées de travail, j’ai un souvenir assez drôle : un journaliste avait demandé de pouvoir faire un reportage sur une journée de la vie du Cabinet.

Il était arrivé à 9 heures, et surtout… il était parti à 17 heures, estimant SA journée de travail terminée. Et, dans le reportage, il faisait comme ci la journée du Cabinet s’arrêtait à 17 heures !

Ca, c’est de l’info, Coco !

 

Par ailleurs, quand il y a eu une grève dure des profs dans le 93[1], on m’a imposé, quand j’allais rencontrer les dits profs, une protection. Alors là, c’était vraiment une contrainte et non un « privilège ».

I had a dream : me faire prendre en otage par mes collègues professeurs grévistes, et pouvoir discuter avec eux des heures et des heures.

Voyez vous, je ne craignais pas qu’ils me torturent !

Plus sérieusement, j’ai souvent observé que la Ministre, à ce moment là, était en tension avec son garde du corps.

 

Je me souviens, notamment, d’une fois où les grévistes empêchaient la voiture ministérielle d’avancer. Ségolène avait ouvert la vitre pour dialoguer avec des personnes qui l’invectivaient, de manière assez chaude.

Le garde du corps avait refermé la vitre, et avait intimé l’ordre au chauffeur de foncer pour que les gens s’écartent. Ce à quoi, Ségolène avait donné contre ordre au chauffeur, lui demandant d’aller doucement et de ne prendre aucun risque.

Un garde du corps, c’est contraignant, ce n’est vraiment pas un « privilège ».

 

Donc je suis inquiet quand je constate qu’on mélange tout.

Pour l’hôtel particulier, rassurez-vous, cela n’a plus rien d’un plaidoyer pro domo (ni de le cautionner, simplement de prendre la mesure des choses).

Et ayant été dans l’appart. de la Ministre, je peux dire qu’il était bien,  mais sans être luxueux, et qu’il m’est arrivé de dormir dans le même hôtel qu’elle, et qu’il ne s’agissait pas d’un 5 étoiles.

 

C’est donc uniquement une position de principe : l’efficacité réelle, intelligente, qui ne jette pas de la poudre aux yeux mais change les choses de façon plus juste (et c’est extrêmement difficile, car si on ne tient compte ni du rapport de force ni des effets contre productifs possibles, l’un et les autres vous pètent à la figure, tels des boomerangs) c’est ce que je demande d'abord au politique

 

L’efficacité politique réelle plus que l’exemplarité morale.

Que le politique fasse bien son boulot, pas besoin qu’il soit un saint.

Au contraire, les saints, en politique comme ailleurs, je m’en méfie plutôt.

Ni le vice, ni la vertu ne conviennent au politique.

 

Le moralisme, c’est quand le jugement moral supplante l’analyse ou  en tient lieu. Quand la vertu devient LE critère, au lieu que ce soit l’intelligence de l’action.

Ce moralisme cache souvent une paresse intellectuelle. Et il est aussi souvent hypocrite.

Puisque je me suis laissé aller à des confidences, encore une pour la route : dans cette petite expérience d’un Ministère, quelque chose m’a stupéfait.

 

Il s’agit de coups de téléphone que j’ai reçu, de connaissances (se prétendant amis), ou même d’amis d’amis (que je ne connaissais absolument pas, mais qui, sans vergogne, empruntaient le nom de mes amis pour passer le barrage de la secrétaire)

Et là, oui, on me demandait (parfois on exigeait presque), que j’use de mon influence supposée pour faire obtenir à ces M’sieurs dames, tel ou tel « privilège ».

Par exemple : « J’ai mon fils qui est prof en ZEP, il faudrait le faire nommer dans un établissement plus tranquille ».

Et le refus rendait les gens furieux

 

La surprise du 1er coup de fil passé, j’avais une réponse toute prête : « J’ai moi-même un fils qui enseigne en ZEP, et je n’ai pas pensé le 8ème d’un quart de seconde, faire une quelconque démarche en sa faveur. »

En fait, d’ailleurs, il se débrouillait fort bien.

Mais là n’est pas la question : ce que je voulais dire c’est que, personnellement, j’ai retiré de cette expérience (très partielle, j’en conviens) surtout la demande de « privilèges » de la part des dits citoyens ordinaires, et non un Cabinet ou des Ministres qui chercheraient à en avoir.

 

Un mot pour finir sur Guillon. Je l’ai déjà indiqué, en déplaisant aux internautes (mais je ne vais pas commencer à m’auto censurer pour plaire !) : Guillon m’a très rarement fait rire et je trouve qu’il participait à la dérision envers le politique et non à sa critique.

 

Ceci dit, 3 choses :

- D’une part je trouve scandaleux, indigne d’une démocratie, dangereux pour les libertés publiques, que ce soit le président de la République qui nomme les dirigeants des chaînes de radio, de France-télévision, etc.

Tout ce qu’ils font est, du coup, entaché de suspicion.

Et j’en veux à D. Schnapper, la dite « républicaine », d’avoir laissé Joxe défendre tout seul la démocratie, de ne pas avoir voté l’inconstitutionnalité de cette mesure.

- D’autre part,  je trouve très significatif que ce soit sous la direction de Philippe Val, l’ex directeur de Charlie Hebdo, qu’une telle décision soit prise. J’avais déjà indiqué que le Charlie de Val c’était la big décadence

- Enfin, si j’ai bien compris, tout humour ou pseudo humour va disparaître de la tranche horaire du 6-9 de France-Inter. Alors là, je regretterai vraiment la chronique du vendredi de François Morel.

Cette chronique, c’était elle, de l’humour fin et caustique, intelligent et qui allait loin. Il me semble très significatif, et inquiétant pour l’état mental de la société française, que ce soit Guillon la vedette, et non  Morel. La finesse ne paye pas, braves gens !

Allez, pour nous consoler ensemble, je vous invite cet été dans mon humble île aux Seychelles (que j’ai oublié de déclarer, quel étourdi je fais !)

 

PS : La famous pétition, où en est-elle ? Moderato cantabile. Après un départ en fanfare qui m’a tout à fait surpris, j’ai eu une surprise inverse : une fois le verre a moitié plein, il ne se remplit plus qu’au compte goutte.  On va vers les 300, mais pianissimo.

(je publierai la 3ème liste de signataires la semaine prochaine)

La faute aux Bleus bien sûr !, ils ont accaparé toute l’attention par leurs si brillantes prestations, reflétant l’état général de la France ![2]

Je ferai le point plus en détail dans une prochaine Note.

 

Ceci dit : merci à celles/ceux qui ont signé, se sont mobilisé, l’on diffusé et la diffuse encore.

L’intérêt, déjà, est la diversité des signataires (malheureusement certains ne mettent pas de précision sur eux), leurs engagements et qualité, les débats qu’elle a suscités, et dont je vous reparlerai.

Je sais que les vacances sont une fort mauvaise période, mais les problèmes qu’elle traite, nous allons les retrouver en septembre. Donc s’il est possible de la « muscler » encore un peu d’ici là,….

A bon entendeur, salut….

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1] Entre parenthèse, cette grève, on l’avait senti venir, la Ministre en premier. On avait prévenu Jospin à l’avance et on lui avait indiqué les mesures à prendre pour l’éviter. Sans résultat. Et donc Jospin me fait bien rire quand il tente maintenant de déprécier Ségolène. Il aurait mieux fait de l’écouter davantage.

[2] Heureusement pour moi, comme je me sens également Japonais et Mexicain, je peux toujours vibrer pour la suite de cette Coupe du Monde.

12:20 Publié dans ACTUALITE | Lien permanent | Commentaires (1)

Commentaires

1°) Il faut rappeler que si Hees a parlé de tyrans à propos des humoristes lesdits tyrans exerçaient leur tyrannie de 7h 55 à 7h58 ! Une telle tyrannie est sans doute insupportable. En revanche, nous avons droit à jets continus, et plus de 3 mn, au moindre propos, déplacement de celui qui fait président.
2°) On peut préférer Morel à Guillon - mais au fait Porte ? - mais on peut aussi apprécier les trois (pas à tous les coups, bien sûr, car l'exercice quotidien de l'humoriste est aussi casse-gueule que celui du chroniqueur politique par exemple : il m'est arrivé de trouver Thomas nul). Le problème n'est pas là. Le petit Monsieur qui est à l'Elysée ne supportait pas Guillon, quand Porte a sorti son "J'entube S......", Hees avoue que le petit homme lui a téléphoné. Donc Hees (et Val, en partie d'ailleurs désavoué) étaient bien en service commandé.
3°) Pour avoir été un très modeste collaborateur d'un obscur parlementaire , je partage, en revanche, la crainte d'un total discrédit du "politique" qu'alimente le vieux fond poujadiste. Un Alain Savary - un de nos plus grands ministres de l'éducation nationale - était un homme de la plus grande intégrité. Combien d'autre avec lui et après lui. Evitons donc les amalgames avec les "copains et les coquins" actuels.
http://deblog-notes.over-blog.com/article-hees-val-sinistre-duo-52836939.html

Écrit par : J. F. Launay | 25/06/2010

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