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11/01/2007

LE RAPPORT DE LA COMMISSION MACHELON: LAÏCITE ET "SYSTEMES DE RECONNAISSANCE"

Tout d’abord pour les internautes intéressés par ce qui a été déjà indiqué dans ce blog sur la recherche d’une certaine objectivité, je signale l’article que je viens de publier dans une revue (un peu savante, mais toujours intéressante) Les Archives de Sciences sociale des religions. L’article s’intitule « Les Archives ou l’éducation à la neutralité axiologique » et il est paru dans le n° 136, octobre-décembre 2006  (éditions de l’EHESS), consacré en partie au 50ème anniversaire de cette revue.

L’axiologie c’est ce qui touche aux valeurs morales et la neutralité axiologique, c’est le fait de se distancer de ses propres jugements de valeurs, de les suspendre pour pouvoir faire une analyse d’ordre scientifique. Cela s’apprend par un exercice régulier d’objectivation (il y a des méthodes pour cela) et par la connaissance, l’utilisation de théorisations sociologiques, de travaux historiques, juridiques, etc.

Bien sûr, il s’agit de suspendre et non pas d’abandonner. L’exercice de la citoyenneté suppose aussi d’avoir des jugements de valeurs. Mais qu’il y ait un moment autonome de l’analyse change bien des choses. Et pour moi une citoyenneté laïque doit consister précisément à pouvoir relier des analyses et des jugements de valeur, sans courcircuiter l’un par l’autre. C’est précisément ce que je cherche à faire dans ce blog, avec le style propre aux blogs, naturlich.

Comme il s’agit d’un n° où il y a des retours sur l’histoire de cette revue, je raconte comment j’ai fait connaissance avec les Archives et l’équipe de sociologues qui les publiait juste après Mai 68, à une époque où l’ambiance était plutôt à un engagement total pour faire la Révolution et comment et pourquoi, alors même que je partageais ce projet révolutionnaire, j’ai été convaincu de l’importance d’une démarche qui mette en œuvre cette fameuse neutralité axiologique.

Bon, voilà, pour celles et ceux que cela intéresse, c’est dit. Et on va le voir, ce n’est pas sans relation avec le sujet du jour.

Le sujet du jour est Laïcité et système de reconnaissance, première des quatre Notes que je vous ai annoncées sur quelques problèmes rencontrés par la laïcité aujourd’hui. C’est aussi une Note de rattrapage : la Commission Machelon a rendu son rapport le 20 septembre, et je voulais en parler beaucoup plus tôt, mais comme ce rapport n’était pas encore publié, il m’a paru plus urgent de parler un peu longuement de l’ouvrage (L’école face à l’obscurantisme religieux) qui publiait, de manière tendancieuse, le rapport Obin.

Maintenant le rapport Machelon vient d’être publié par la documentation française, sous le titre Les relations des cultes avec les pouvoirs publics. Donc c’est un moment opportun pour en parler d’autant plus que ce sera sans doute un des éléments du débat électoral.

Je rappelle brièvement le contexte : depuis 4 ans, se pose la question : faut-il modifier la loi de 1905 ? Lancé par un texte de la Fédération Protestante de France de décembre 2002, mettant l’accent sur des dysfonctionnements dans l’application de la loi dont elle était parmi les victimes, le débat s’est très vite élargi au problème des subventions publiques pour la construction de mosquées. I

l y a eu notamment, en 2005, la publication  d’un ouvrage, que je vous recommande, aux PUF, dirigé par Y – Ch. Zarka : Faut-il réviser la loi de 1905 ? Ce livre publie 4 points de vue différents : 2 contributions favorables à la révision écrites par René Rémond et Christian Delacampagne, et  2 contributions hostiles à la révision écrites par moi-même et Henri Pena-Ruiz.

En octobre 2005, Nicolas Sarkozy crée, en tant que Ministre de l’Intérieur chargé des cultes, cette Commission Machelon. Il y a, me semble-t-il dés le départ mélange d’un véritable problème et de soucis électoraux. Ceci dit, j’ai tout de suite écrit dans le Blog qu’il ne fallait pas faire de procès d’intention et qu’il faudrait juger la Commission à ses résultats. Le moment en est venu.

 

Globalement, le diagnostic que je peux faire est double : d’un côté la Commission a effectué un travail très sérieux, parfois de haute technicité et je suis sûr que chacun apprendra un certain nombre de choses en lisant le rapport ; de l’autre l’optique dominante de la Commission n’est pas la mienne, et l’enjeu citoyen est notamment le problème de la « reconnaissance » de certaines « activités religieuses » (selon les termes du rapport) préconisée par la majorité de la Commission.

On retrouve le double aspect de l’analyse qui est en général excellente et de l’axiologie, du système de valeur relié à cette analyse, et relié logiquement puisque le but consistait à émettre des propositions. Et c’est sur l’axiologie que je ne suis pas d’accord.

Cela ne signifie pas que toutes les propositions effectuées soient à rejeter. Il faut y regarder de près et trier dans les principales propositions  ce qui correspond à une actualisation effectuée dans un souci d’égalité des cultes sans opérer de remise en cause de la loi, ce qui parait plus problématique et ce qui, insidieusement, remettrait en cause un élément essentiel de la laïcité à la française.

 

Il est nécessaire cependant au préalable d’effectuer un rappel de la situation actuelle car celle ci ne repose pas, loin de là, sur la seule loi de 1905 (cf la Note du 2 janvier « Scoop, nous fêtons aujourd’hui… »). En effet, nous l’avons vu, la loi de séparation prévoyait de mettre gratuitement à disposition les édifices du cultes (églises, temples, synagogues,…) propriété publique et de transférer la propriété des autres édifices et biens cultuels aux associations crées pour l’exercice du culte l’année suivant la promulgation de la loi. A l’échéance (11 décembre 1906) il n’existait que quelques centaines d’associations catholiques, ‘dissidentes’ par rapport à leur hiérarchie car le pape avait non seulement désavoué la loi mais interdit aux catholiques de s’y conformer. On se trouvait devant un terrible dilemme : soit la messe devenait un « délit », soit il fallait renoncer à la séparation! A. Briand fit preuve d’inventivité et fit voter une nouvelle loi, le 2 janvier 1907, qui modifiait assez substantiellement la loi de 1905, pour « mettre l’Église catholique dans l’impossibilité, même quand elle le désirerait d’une volonté tenace, de sortir de la légalité. (...) Elle sera dans la légalité malgré elle. ”.

 

Si certains biens (comme des Palais épiscopaux) devenaient propriété publique, l’exercice du culte (et la mise à disposition gratuite qui y était liée pour les anciens « cultes reconnus ») pouvait se faire désormais, outre les associations cultuelles loi de 1905, par des associations loi de 1901, ou même des ministres du culte occupant sans titre juridique. D’autres lois en 1907 et 1908 complétèrent le dispositif (au total la loi de 1905 a été modifiée de 9 à 13 reprises suivant les juristes). Par ailleurs, un accord négocié avec le Saint Siège en 1923-24 a permis la création d’ « associations diocésaines » présidées par l’évêque.

Cette situation complexe fait que la majorité des associations cultuelles loi de 1905 sont des associations protestantes (environ 2000) ; les catholiques bénéficiant des lois de 1907-1908 et de l’accord de 1923-24, les musulmans ayant en majorité choisi la formule prévue en 1907 d’associations loi de 1901.

Cette situation paradoxale (vu la différence quantitative entre religions) et très peu connue, est une des raisons qui explique la position de la FPF : elle estime représenter le groupement religieux qui se conforme à la loi de 1905 (le judaïsme s’en affranchit partiellement par le CRIF)… et en  pâtir. En effet, autre raison, depuis une dizaine d’années, l’application de la loi de 1905 est devenue, à plusieurs niveaux, tatillonne, voire plus, en tout cas contraire à l’esprit même de la loi dont Briand affirmait que, quand il y aurait un doute sur son application, c’était l’interprétation la plus libérale qui devait prévaloir.

La FPF, s’estimant victime de discrimination, a d’ailleurs déposé un dossier à la HALDE. Cette application a, par ailleurs, renforcé l’inégalité entre les cultes car le catholicisme a bénéficié d’un régime spécifique, suite notamment à un accord avec le Saint-Siège en novembre-décembre 2001, sous le gouvernement Jospin.

Ce rappel étant fait, venons en aux propositions de la Commission. Je propose de les classer en 3 catégories :

-         celles qui améliorent l’égalité des cultes sans toucher à la loi de 1905

-         celles qui rendent comptent de problèmes réels mais peuvent en créer d’autres

-         celles qui peuvent remettre en cause l’équilibre de la laïcité française

1 : Les propositions utiles.

La majorité des propositions faites peuvent être rangées dans cette catégorie. Personne n’en a parlé, précisément parce qu’elles ne soulèvent pas de problème. Elles n’en seraient pas moins fort utiles.En général, elles ne concernent pas directement la loi de 1905, mais une application qui soit ne s’est pas adaptée aux changements depuis un siècle, soit est maintenant abusive.Ainsi, la Commission propose que les préfets saisissent « le  juge administratif de manière systématique dans le cadre du déféré préfectoral » quant les maires refusent de prendre en compte « les demandent d’édification de lieux de culte dans le cadre de l’élaboration de leurs documents d’urbanisme. »

La Commission estime également que « pour dissuader les communes de faire un usage abusif de leur droit de préemption, qui n’est d’ailleurs pas spécifique à la matière cultuelle, il pourrait être envisagé de les obliger à contresigner les fonds nécessaires, chaque fois qu’elles exercent une telle prérogative. »

Autre proposition utile, face à une « insécurité juridique » provenant de changements dans la « tutelle administrative », la Commission préconise que « toute association puisse, si elle le souhaite, interroger l’administration sur sa capacité à bénéficier des avantages liés au statut d’association cultuelle. »

Dans cette catégorie, les propositions qui concernent la loi de 1905 n’induisent pas de changement de fond mais seulement de compléments techniques ou d’actualisation : ainsi un seuil de 5000 francs de 1905, prévu à l’article 22 de la loi, est-il devenu, par suite de toutes les dévaluations,… 8€. La réévaluation du plafond relève du simple bon sens.

Il y a aussi des propositions intéressantes sur la protection sociale des ministres du culte (cela est fidèle à l’esprit de la loi de 1905 qui s’était préoccupé de faire une sorte de plan social pour les ministres des ex-cultes reconnus, cf. Les Notes du Blog en 2005 sur les « Impensés du centenaire ») et sur la législation funéraire.

Par ailleurs, des modifications de la loi de 1901 sont actuellement automatiquement répercutées sur les associations loi de 1905, alors qu’elles sont parfois fort inappropriées et qu’elles peuvent en changer l’esprit. La Commission propose d’introduire, dans le titre 1er de la loi de 1901, une disposition qui enlève ce caractère d’automaticité.

Ce qui est intéressant, c’est qu’à ce niveau, la Commission semble parfois avoir copié Briand sans le savoir. Par exemple, elle propose la possibilité « d’unions d’unions », non prévue par la loi de 1905 ; or dans la Commission chargée d’élaborer le Règlement d’administration publique précisant l’application de la loi de 1905 Briand avait explicitement indiqué qu’en ce qui concerne les « unions d’unions, on ne les empêchera pas dans la pratique».

2 : Les propositions problématiques.

Je les qualifie ainsi car elles cherchent à résoudre de réels problèmes d’inégalité entre les cultes, dues en général à des modifications de la situation depuis un siècle mais, ce faisant, elles risquent fort de créer de nouveaux problèmes. Ces propositions qui, elles, entraînent des compléments ou des modifications de la loi de 1905, concernent essentiellement deux domaines : l’objet des associations cultuelles et le problème du subventionnement de la construction de nouveaux édifices du culte.

Les associations loi de 1905 doivent avoir « exclusivement pour objet l’exercice d’un culte » (art. 19) et la FPF remarque que cela interdit des versements de fond à des « associations de bienfaisance » ou autres qui font pourtant partie (dit-elle) de l’activité religieuse des paroisses. Leur fonctionnement quotidien se trouve donc entravé. La FPF propose de remplacer l’exclusivement par « principalement ».

A juste titre, je crois, la Commission Machelon ne propose pas cela (risque de voir mêler des activités religieuses et des activités commerciales, par exemple)  elle prend cependant en compte le problème.

Un réel problème d’égalité des cultes se pose en effet car l’ « accord international » de décembre 2001 avec le Saint Siège permet à l’Eglise catholique d’échapper en partie à cette disposition. On voit bien là une évolution récente favorable au catholicisme et défavorable aux autres religions.

La Commission envisage donc une autre solution qui, a priori, pourrait paraître plus satisfaisante (ajouter aux associations cultuelles des associations de bienfaisance ou reconnues d’utilité publique),… sauf que cette solution peut constituer une étape vers « la création d’une forme particulière de reconnaissance d’utilité publique pour les activités religieuses », qui peut être envisagée de l’avis de la « majorité de la commission ». Cela me semble particulièrement dangereux (cf. le 3).

Je pense qu’il serait plus pertinent d’explorer une troisième voie et la Commission donne, à son insu semble-t-il, une piste. En effet elle indique pages 43-44 que cet « exclusivement cultuel » est interprété selon  une « acception traditionnelle et étroite de la notion de culte » qui le réduit à sa « célébration publique », au rituel. Mais page 38, quand elle parle du principe du non-subventionnement des associations cultuelles  (principe dont il sera question au point 3), elle écrit que « la jurisprudence a adoptée une interprétation large de la notion de « culte » au sens de l’article 2 en y incluant les activités religieuses en général, qui dépassent les seules activités rituelles de l’article 19 de la loi de 1905».

Et elle remarque que les associations « mêlant des activités rituelles et d’autres activités étroitement liées à l’exercice du culte » sont ainsi « doublement pénalisées ». Pourquoi alors, ne pas poursuivre dans cette voie et proposer une définition claire de la notion de culte (une et une seule), par exemple à mi chemin entre les 2 interprétations actuelles ?

J’écris « actuelles » car je ne pense pas, contrairement à la Commission, que  la loi de 1905 soit aussi large dans sa définition du culte dans l’article 2 et aussi restrictive dans l’article 19. S’il y a une différence, ce serait plutôt l’inverse. En effet, les laïques intransigeants ont accusé les députés d’avoir été de plus en plus libéraux au fur et à mesure des débats.

D’autre part, ce sont ces dix dernières années que l’on a effectué une interprétation aussi restrictive de l’article 2. La pratique était plus libérale et quand certains laïques intransigeants protestèrent en 1947 lors du gouvernement à direction socialiste de Paul Ramadier, le ministre de la jeunesse, le résistant Pierre Bourdan (UDSR), que quand un mouvement rend des services dans le domaine éducatif « peu importe qu’il soit teinté ou bien de politique ou bien de confessionnalisme », il peut recevoir des subventions.

La Commission Machelon attire également l’attention sur un autre problème important : la loi de 1905 met  gratuitement à la disposition des anciens « cultes reconnus » les édifices du culte propriété publique, permet leurs réparations sur fonds publics tout en énonçant le principe de non subvention des cultes ; cela est devenu, vu le changement de situation socioreligieuse, profondément inégalitaire.

La Commission propose d’autoriser une aide directe des collectivités publiques, sans plafond particulier, au financement des édifices du culte.

Comme l’écrit La Ligue de l’enseignement « le renvoi vers les collectivités territoriales de la responsabilité de gérer les adaptations de la loi de 1905 constitue un facteur de renforcement des inégalités et crée le risque d’émergence d’une laïcité à la carte gérée en fonction des opportunités politiques locales et des sympathies religieuses »[1]

Pour la Ligue « des solutions existent, évoquées par la Commission {elle-même}, comme le recours à des baux emphytéotique administratifs (…) ou la garantie d’emprunts. ».  Ces solutions peuvent être « améliorées, mieux encadrées, mieux assurées juridiquement. » Là encore, l’enjeu consiste à ne pas aller vers une « reconnaissance » feutrée de cultes, or la Commission est conduite par sa logique à mettre en cause l’article 2 de la loi de 1905 (cf. 3).

3 : Les propositions dangereuses.

La loi de 1905 comporte 44 articles dont beaucoup sont circonstanciels. Pas tous cependant, ainsi l’article 4  est celui qui a fait l’objet de débats les plus passionnés car, d’origine anglo-saxonne, il relativise l’universalisme abstrait dit républicain[2].

Ceci indiqué, les deux premiers articles de la loi donnent ces « Principes ». Ils en posent donc les fondements. L’article 1 engage la République à garantir la liberté de conscience et le libre exercice du culte ; l’article 2 indique  que « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte »,  hors « les dépenses relatives à des services d’aumônerie ».

Or la Commission, prend le problème du non-subventionnement comme levier pour affirmer que cet article 2 n’a pas de valeur constitutionnelle et, en particulier, que la « non-reconnaissance »ne constitue pas « une règle constitutionnelle ». Nous l’avons vu, la majorité de la Commission est favorable, à terme, à certaines formes de reconnaissance.

Or le principe de non-reconnaissance ne signifie pas du tout de méconnaître les religions ou ne n’avoir aucun rapport avec elles. Il s’agit d’un terme juridique, d’un terme technique qui consiste à refuser tout caractère officiel des religions.

D’abord par un tel principe, l’article 2 signifiait, comme l’indique la Commission, « l’abrogation des statuts des cultes reconnus selon le droit public existant alors pour y substituer un statut commun de droit privé ».

Mais, contrairement à la Commission, je ne pense pas que l’on puisse « s’en tenir aujourd’hui à cette signification historique ». La non-reconnaissance consiste actuellement à ne pas être dans le système de reconnaissance qui est celui de beaucoup de pays d’Europe, notamment des pays ayant un Concordat avec le Saint-Siège (Italie, Autriche,…) et qui subsiste en Alsace-Moselle (ministres des « cultes reconnus » catholiques, juifs, protestants payés par l’Etat, cours de religion à l’école publique, Concordat, la Commission propose d’étendre cela à une partie de l’islam, ce qui pérenniserait le système).

Or, la Commission pose des jalons pour un tel système. D’abord en affirmant que la non reconnaissance n’a pas la caractéristique d’une règle constitutionnelle, ensuite, en se déclarant en majorité qu’« à plus long terme (…) devrait être envisagée la création d’une forme particulière de reconnaissance d’utilité publique pour les activités religieuses. »

Le flou du vocabulaire (« les activités religieuses ») tranche avec la rigueur de termes dont la Commission fait preuve par ailleurs, mais ce n’est peut-être pas totalement par hasard !

Une partie de la Commission, en tout cas ses 2 membres alsaciens, sont favorables au système de reconnaissance et ils ont publié un ouvrage très savant à ce sujet[3], où là encore analyse objective de pays qui ont adopté ce système et choix citoyen se croisent. Ils souhaitent  une extension à la France entière d’un régime analogue à celui de l’Alsace Moselle.

Le système de reconnaissance est, nous disent-ils, un système à deux étages dont « l’objectif est de privilégier les religions dont les membres épousent les valeurs communément partagées ».

L’obsession passionnelle (et non la vigilance rationnelle contre ce qui peut porter atteinte à l’ordre public) contre les mouvements religieux qualifiés de « sectes » fait que beaucoup de gens, et des députés eux-mêmes » parlent de « religions reconnues » sans que des laïques, par ailleurs intransigeants, s’en émeuvent. On voit là que leur attachement à la laïcité est un cache-sexe pour dissimuler une religion civile (nous en reparlerons).

Donc le système de reconnaissance postule une certaine congruence de valeurs entre l’Etat et les religions reconnues. Au contraire, dans la séparation française,  la République « garantit le libre-exercice des cultes » sans se prononcer sur leur valeur (cela relève d’un option personnelle) : l’égalité entre les croyances et entre les ‘croyants’ et ‘non-croyants’ est ainsi mieux respectées.

Outre une divergence de fond, il y a de la naïveté dans le critère indiqué : en effet, la première religion reconnue est en Alsace-Moselle (et serait en France) le catholicisme. Or, peut-on dire que le catholicisme épouse les « valeurs communément partagées » quand, par exemple, il refuse l’accès de la prêtrise aux femmes et condamne la contraception ?

On risque fort avoir des religions qui par essence devraient être reconnues et d’autres qui, par essence, seraient considérées comme suspectes. Et l'égalité entre 'croyants' et 'incroyants' serait également menacée. La loi de 1905 est encore aujourd'hui le meilleur équilibre possible quant à la question des cultes. le problème est de se montrer aussi inventif qu'elle sur les nouveaux défis du XXIe siècle.


[1] Les idées en mouvement, n° 143, novembre 2006,18.

[2] Cf. mon ouvrage L’intégrisme républicain contre la laïcité, l’Aube, 2006.

[3] Etat et religions en Europe. Les systèmes de reconnaissance. Strasbourg, Institut du droit local alsacien-mosellan, 2004.

Commentaires

Machons le rapport Machelon ...

Le rapport de la commission Machelon est disponible sur internet dans son intégralité (en bas de la page web indiqué).

Faites votre opinion par vous-même : c'est le libre examen !

http://www.communautarisme.net/Les-principales-preconisations-de-la-Commission-Machelon-de-reflexion-juridique-sur-les-relations-des-cultes-avec-les_a820.html

Écrit par : Zébulon | 11/01/2007

Je ne veux pas de ce rapport de la commission Machelon qu'on vous apporte.
Pourquoi ? Messieurs ce rapport de la commission Machelon est une arme. Une arme n'est rien par elle-même, elle n'existe que par la main qui la saisit.
Or, quelle est la main qui se saisira de cette loi ? Là est toute la question.
Messieurs, c'est la main de la commission cléricale Machelon !
Je redoute cette main, je veux briser cette arme, je repousse ce projet.
Cela dit, j'entre dans la discussion.
Je m'adresse au parti Machelon qui a, sinon, rédigé, du moins inspiré le rapport de la commission Machelon, à ce parti à la fois éteint et ardent, au parti clérical Machelon. Je ne sais pas s'il est dans l'assemblée, mais je le sens un peu partout. Il a l'oreille fine il m'entendra. Je m'adresse donc à la commission cléricale Machelon, et je lui dis ce rapport Machelon est votre rapport.
Tenez, franchement, je me défie de vous. Instruire, c'est construire. Je me défie de ce que vous construisez.
Je ne veux pas vous confier l'enseignement de la jeunesse, J'âme des enfants, le développement des intelligences neuves qui s'ouvrent à la vie, l'esprit des générations nouvelles, c'est-à-dire l'avenir de la France, parce que vous le confier, ce serait vous le livrer.
Il ne me suffit pas que les générations nouvelles nous succèdent, (mais) qu'elles nous continuent. Voilà pourquoi je ne veux ni de votre main, ni de votre souffle sur elles. Je ne veux pas que ce qui a été fait par nos pères soit défait par vous. Après cette gloire, je ne veux pas de cette honte.
Votre rapport Machelon est un rapport qui a un masque. Il dit une chose et il en ferait une autre. C'est une pensée d'asservissement, qui prend les allures de la liberté. C'est une confiscation intitulée donation. Je n'en veux pas.
Je repousse votre rapport de la commission Machelon. Je la repousse parce qu'elle confisque l'enseignement primaire, parce qu'elle dégrade l'enseignement secondaire, parce qu'elle abaisse le niveau de la science, parce qu'elle diminue mon pays.
Je la repousse parce que je suis de ceux qui ont un serrement de cour et la rougeur au front toutes les fois que la France subit, pour une cause quelconque une diminution de territoire, ou une diminution de grandeur intellectuelle, comme par votre rapport de la commission Machelon!
Avant de terminer, permettez-moi d'adresser, du haut de la tribune, à la commission cléricale Machelon, au parti qui nous envahit, un conseil sérieux.
Ce n'est pas l'habileté qui lui manque. Quand les circonstances l'aident, il est fort, très fort, trop fort ! Il sait l'art de maintenir une nation dans un état mixte et lamentable, qui n'est pas la mort, mais qui n'est plus la vie. Il appelle cela gouverner. C'est le gouvernement par la léthargie...

Écrit par : Victor Hugo | 12/01/2007

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