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16/10/2006

LIBERTE D'EXPRESSION, INFLATION MEDIATIQUE ET LIBERTE DE PENSER

De « l’affaire Redeker » à une réflexion beaucoup plus générale.

Par ma tribune dans Le Monde (cf la Note : « La liberté d’expression et les chiens de Pavlov ») et mon intervention à « Ce soir ou jamais », j’ai contribué à un débat. Le débat suppose l’absence d’unanimisme, de pensée unique et aussi de pensée dominante qui étouffe ou délégitime toute contestation. Cela on le clame partout et on ajoute que c’est précisément la possibilité d’exercer son esprit critique qui distingue la démocratie du totalitarisme et de l’intégrisme.

Et pourtant, à la première difficulté, les choses fonctionnent tout autrement. J’en ai fait l’expérience, de plusieurs manières, avec la prise de position que j’ai prise :

D’abord, des dizaines et des dizaines de gens sont venus me dire (notamment à Blois, aux Journées de l’Histoire, au hasard de rencontres aussi), m’écrire, m’envoyer des mels pour me dire : « vous avez entièrement raison », etc. Beaucoup de « bravo » que je ne sollicitais pas. Mais significativement, certains ont ajouté : « Vous avez dit tout haut ce que nous sommes nombreux à penser tout bas. »

En général, ce dernier propos émanait de personnes qui s’expriment dans les médias. Pourquoi, sauf exception (une personne avait eu un article refusé ; la Ligue des droits de l’homme a publié un communiqué auquel peu de place a été accordé,…), ces individus se taisent-ils sur un tel sujet ? Quelqu’un a répondu franchement à mon interrogation en me rétorquant : « Tu es naïf ou quoi ? As-tu idée de la puissance médiatique des signataires de la lettre ouverte que tu as critiquée ? ». Et il m’a regardé d’un air un peu triste, comme si je m’étais suicidé en tant qu’auteur qui a, comme les autres, besoin de comptes-rendus pour que les lecteurs potentiels aient connaissance de ses écrits. D’autres  interlocuteurs ont été plus allusifs, mais cela revenait au même.

Non, je n’étais pas tout à fait naïf, je savais bien qu’il était plus confortable de se taire. Mais plusieurs m’ont donné des détails montrant que, dans certains cas, c’était pire que ce que j’imaginais. Comme quoi, on apprend toujours quelque chose… Mais cela ne signifie-t-il pas que, comme l’iceberg, la liberté d’expression a 9/10 de ses aspects qui sont immergés ? Attention donc à ne pas réduire la réalité à l’écume des choses.

Ensuite, bien sûr, j’ai aussi reçu des critiques… et eu des échos de critiques qui s’effectuaient derrière mon dos. Je passe sur les injures, genre un dessin représentant 2 cochons : un musulman et moi.... Je passe aussi, sur les critiques qui, en fait, tordaient complètement la lecture de mon article puisque je m’associais pleinement à la défense de la sécurité de Redeker et je protestais, moi aussi, contre la suppression de son traitement si elle a eu lieu[1]. Je ne réclamais aucune censure, je contestais seulement le fait que la défense de Redeker inclut la sanctuarisation de ses idées (« quel que soit le contenu de l’article »).

Les critiques ‘sérieuses’ tournaient autour de 2 idées forces : « la défense de la liberté d’expression est inconditionnelle » et « il faut hiérarchiser les problèmes et ce n’était vraiment pas le moment de dire ce que vous avez dit ».

Qu’entend-on par « défense inconditionnelle de la liberté d’expression » ? Encore une fois le débat porte sur le fait suivant : doit-on pour soutenir R. R.  vouloir ignorer ce qu’il a dit ou bien : le soutenir peut-il, doit-il, s’accompagner du libre-examen de ses propos ? Si on supprime le droit au libre-examen des propos de quelqu’un, à raison que quelques fous le menacent sur Internet, alors qu’en est-il de la liberté d’expression ? Elle n’est certainement plus inconditionnelle.

Certains de mes interlocuteurs critiques l’ont bien compris, et c’est pourquoi ils ont placé leur argumentation non sur les principes (car là, la liberté d’expression des uns ne va pas sans la liberté d’expression des autres) mais sur l’opportunité : il n’est pas opportun de critiquer quelqu’un quand il est menacé ; ce n’est vraiment pas le moment.

Je reçois tout à fait cette critique. Je m’étais moi-même posé ce genre de question avant d’écrire mon propos. Je ne prétends nullement à l’infaillibilité, mais je voudrais expliquer pourquoi j’ai choisi quand même de m’exprimer dans la mesure où cela conduit à une réflexion qui dépasse de beaucoup l’affaire Redeker.

Un premier aspect est que l’on n’a pas vraiment le choix. Supposons que l’on fasse silence en se disant qu’effectivement, « ce n’est pas le moment ». On se réserve donc pour s’exprimer dés que, l’affaire sera retombée et que Redeker reprendra une vie normale (ce que, bien sûr, j’espère pour très bientôt). Mais là, quel quotidien, ayant une audience équivalente au Figaro va publier une réfutation  de l’article de Redeker? Aucun : car, alors, ce ne sera plus le moment. La réflexion, dans le système de communication de masse n’existe pas en soi et ne se fait pas à froid. Elle n’est effective qu’accrochée à l’événement. L’événement une fois passé, vos dires n’intéressent plus personne. Mille fois, je me suis heurté à ce mur de verre, en voulant laisser décanter les choses et je ne suis certes pas le seul !

L’événement n’est pas seulement roi, il est tyran.  Si ce n’est pas le moment quand les propos de Redeker sont d’actualité (et que la menace qu’il subit contribue à ce qu’ils soient diffusés, connus le plus largement possible), ce ne sera jamais le moment. Le système de communication de masse est très contraignant et, dans les contraintes qu’il génère, la liberté d’expression est très relative. Je me suis exprimé à ce moment là parce que c’était le seul moment où je pouvais le faire et, vraiment, j’aimerais beaucoup qu’il en soit autrement.

Surtout que le système de communication de masse (et dans ce système il y a, à égalité, les producteurs de la consommation de masse, avec leur hiérarchie interne, et les consommateurs de ce système, c'est-à-dire nous tous) privilégie tout ce qui provoque un choc. Que de fois des journalistes m’ont dit (ou on dit à des collègues) : « vos propos sont très intéressants, mais trop subtils (variante : trop nuancés, pas assez émotionnels, etc) pour mon rédac’chef ».

Le type d’article qu’à écrit Redeker est lui typiquement médiatique, car il cogne. Et, actuellement, cogner sur l’islam = audimat garanti ! L’organisation du débat (et, bien sûr, nettement plus encore à la télévision que dans la presse écrite ; mais la télévision donne implicitement la norme) ressemble de plus en plus à un match de catch, du moins pour ce qui concerne des questions dites de « société ». Ceux qui ont regardé « Ce soir ou jamais », et ont vu (oui, il faut employer le verbe « voir » et non pas « entendre ») Romain Goupil m’insulter et m’empêcher de parler, en ont eu là un bon exemple. Mais, pour ne pas quitter le service public pour lequel nous payons une redevance, le magazine de Stéphane Bern « L’arène de France », « incroyablement affligeant » (Télérama, n° du 4 octobre), fait systématiquement ce qui n’a été peut-être (j’espère en tout cas) qu’un accident de parcours de « Ce soir ou jamais ».

De plus en plus, vous avez un double discours : la laïcité, la république française, ce serait l’esprit critique, les Lumières, le débat dans le respect des personnes (versus l’intégrisme religieux et spécialement musulman)… et, en fait, dans la réalité concrète, c’est exactement l’inverse : silence l’esprit critique, place aux propos les plus extrêmes possibles car ils sont « vendeurs » (et là, notre responsabilité de « consommateurs » est engagée) ; silence à la réflexion, place au pur émotionnel, aux petits reportages dont la mise en scène et le montage sont fait exprès pour dramatiser, place aux indignations primaires, etc.

Cela à haute dose, cela chaque jour. N’avons-nous pas, dans cette inflation médiatique, dans ce formatage d’une non-pensée, la menace la plus grande pour la liberté d’expression ? Si on continue, le jour viendra (il n’est peut-être pas loin) où toute pensée tant soit peu rationnelle ne pourra plus s’exprimer publiquement. Trop nuancée, impropre à l’audimat. Avec une pensée rationnelle, les plages publicitaires ne peuvent être vendues au prix que leur donne une bonne émotion, une bonne peur !

Par ailleurs, j’avais quelque chose à dire à propos duquel je n’ai reçu aucune critique. Au contraire, toutes les personnes qui m’ont critiqué ont fait comme si ce passage de mon texte n’existait pas. Il s’agit de la manière dont Redeker a transformé l’article de Maxime Rodinson dans l’Encyclopaedia Universalis en charge haineuse contre l’islam. Rodinson, qui a été un des éminents professeurs de l’établissement que j’ai présidé[2],  est mort récemment. Je suis persuadé que jamais une lecture aussi fallacieuse n’aurait pu être écrite du vivant de Rodinson, sans s’attirer une réplique cinglante de ce dernier. Je suis persuadé que ce n’est pas un hasard si c’est après sa mort que l’on tord ainsi ses propos.

Il existe des règles élémentaires de lecture des textes et ce fut précisément l’objectif de l’école laïque de les enseigner pour instruire à la liberté de penser. Qu’un professeur de philosophie, arguant de son titre, tronque ainsi et la forme et le contenu d’un texte, est-ce admissible ?  A cette question personne ne veut répondre parmi celles et ceux qui critiquent mon texte. Tous jouent à « cacher cette question que je ne saurais entendre ». Cherchez l’erreur !

Car la forme du propos (et le type de contenu) de l’article de Redeker ne sont nullement isolés et c’est la dernière raison qui faisait que je ne pouvais me taire. De plus en plus, il se joue un autre double jeu que je tente d’analyser dans mon ouvrage sur L’intégrisme républicain contre la laïcité[3] : d’un côté on clame que l’on défend une école enseignant le (pur) savoir, on prétend faire de cette école un lieu de résistance à la société globale où règne le libéralisme marchand, bref on prône des choses excellentes à condition de ne pas être proférées de façon unilatérale (dans mon livre j’explique que « l’école doit former à l’exigence intellectuelle en tenant compte de la diversité des élèves : si elle abandonne un des deux objectifs, elle trahit sa mission ») et, à côté de cela, une partie des mêmes jouent le jeu de la dramatisation émotionnelle, du spectaculaire, du propos tranché, quand ce n’est pas du propos purement et simplement faux, notamment quand on invoque l’histoire de la laïcité (nous en reparlerons d’ailleurs). Ce ne sont même plus des intellectuels médiatiques, l’heure est venue des pseudo professeurs show-biz. L’heure est venue du mépris triomphant de la pensée. Et, selon une recette éculée, plus c’est gros, plus cela marche.

Enfin, je voudrais dire à Fabien, internaute roumain qui a écrit plusieurs commentaires critiques que, si je comprends son propos par rapport au totalitarisme que la Roumanie a vécu jusqu’à une date récente, la démocratie est, comme l’indiquait Churchill « le pire des régimes excepté tous les autres » (et le totalitarisme est en très bonne place parmi ces autres !). Et donc, pour être vivante, la démocratie a besoin de critique interne sur son fonctionnement.

Je ne connais pas assez la Roumanie pour en parler, mais je sais qu’en Bulgarie, pays voisin et qui sort lui aussi du communisme, on a tellement voulu protéger les liberté individuelles et les droits des accusés que l’on se retrouve avec un problème grave : des pratiques mafieuses prospèrent sans que l’on arrive à condamner leurs auteurs, trop bien protégés par ces mesures prises dans d’excellentes intentions. Eh bien, voyez vous, cher Fabien, c’est un peu ce qui, à un autre niveau, risquerait arriver en France si l’on n’y prenait pas garde : des personnages douteux qui instrumentaliseraient la liberté d’expression, en imposant une FORME D’EXPRESSION qui est la négation de la liberté de penser.

PS: Merci aux différents commentateurs. Certains sont très argumentés et fort intéressants. Tous, en tout cas, montrent que ce blog peut également servir à une libre discussion, y compris entre ceux et celles qui le fréquentent. Une seule règle: chercher à expliciter sereinement sa position et l'argumenter la plus rationnellement possible. C'est cela la culture laïque. Et il ne s'agit pas d'adorer une Déesse Raison pour autant, c'est pourquoi il s'agit d'une "laîcité inclusive": qui inclut dans le débat la diversité religieuse et culturelle. 

 
    


   


   




[1] Honnêtement, j’aimerais que ce point soit vérifié : ayant été président d’établissement, je sais d’expérience à quel point la machine administrative est lourde et longue à se mettre en route. Une suppression dans d’aussi courts délais m’étonne. Raison de plus pour protester si jamais celle-ci a eu lieu.

[2] L’Ecole Pratique des Hautes Etudes.

[3] L’article de Redeker étant lui-même une illustration presque parfaite du portrait robot que je fais dans cet ouvrage du discours intégriste, et son contenu une illustration également presque parfaite de ce que j’analyse : la montée d’un courant néo-conservateur à la française.

Commentaires

J'ai lu tres attentivement votre texte, cher Monsieur Bauberot. Je crois que vous etes honnet. Ca m'est bien claire. Mais nous, vous savez, les roumains, nous allons entrer maintenant dans une Europe qui veut mourir. Elle le veut! Nous sommes heureux dans ces moments, mais elle, elle tient beaucoup se suicider. Ca c'est quand meme un peu curieux, vous savez, a nos yeux... Mais si vous le voulez bien, ben... peut-etre tout est bien au meilleur des mondes. Je crois que vous etes presque perdus, car - chose unique, sauf l'empire roman au crepuscule - vous commencez deffendre pasionnement vos enemis de mort. L'Europe, deja une histoire un peu pasee, peut-etre. Je vous remercie pour avoir suligner une fois de plus nos inadmisibles illusions.

Écrit par : M. Fabian | 16/10/2006

La liberté de la presse

En matière de presse, il n'y a donc réellement pas de milieu entre la servitude et la licence. Pour recueillir les biens inestimables qu'assure la liberté de la presse, il faut savoir se soumettre aux maux inévitables qu'elle fait naître. Vouloir obtenir les uns en échappant aux autres, c'est se livrer à l'une de ces illusions dont se bercent d'ordinaire les nations malades, alors que, fatiguées des luttes et épuisées d'efforts, elles cherchent les moyens de faire coexister à la fois, sur le même sol, des opinions ennemies et des principes contraires.

TOCQUEVILLE - De la démocratie en Amérique (1833)
De la liberté de la presse

Écrit par : Hal Eurode | 16/10/2006

Je vous suis. Vous m'avez d'ailleurs doublé: j'ai commis une analyse assez proche que je ruminais depuis quelques jours. Ceci dit, vous n'avez lu qu'un des deux textes de Jules que je vous avais conseillé. J'ai tenté de tirer le fil de cette analyse. En tout cas, j'ai tenté d'en tirer le fil que je voyais. J'ai hésité à l'écrire (c'est encore un coup à se faire rentrer dedans), mais bon, après tout, puiqu'il paraît que la liberté d'expression est quelque chose avec laquelle on ne peut pas transiger, autant dire ce qu'on pense de tout ça...

Écrit par : clic | 16/10/2006

Quelle tristesse médiatique à laquelle, comme vous le rappelez, nous participons tous. Bref, je vous rejoins une nouvelle fois, il est évident que si ce n'est pas le moment, ce ne sera jamais le moment et donc : terminé la critique, on aura accepté la malhonnêteté intellectuelle et la haine.

M. Fabian : quel ennemi de mort ?

Écrit par : Achtungseb | 17/10/2006

Merci d'avoirr rectifié mon erreur.
Suite à vos dernières réflexions:
1/ C'est bien ce qui est très inquiétant. Le rouleau compresseur est si violent que l'on peut en arriver, (surtout si , confrontés à des situations ou problèmes "complexes" , toute une "guerre du faux", une "novlang" on essaye de réfléchir, on "suspend" son jugement, on a des conclusions nuancées, on est prêt à modifier son point de vue à cause de bons arguments)
à préférer "la boucler", renoncer à discuter, débattre...
Ou on en arrive à se dire que l'on doit, quelque part, totalement raisonner de travers puisque tant de personnes , proches ou étoiles intellectuelles "reconnues" ,vous assènent des "vérités" avec un tel aplomb que l'on risque d'être déstabilisé.
Quelques exemples très récents:
+ La grossièreté avec laquelle R.Goupil vous a traité
+ Ripostes, dimanche dernier. Débat d'une certaine tenue avec des invités "compétents" sur le nucléaire ( Corée; Iran...). Monsieur Lelouch, expert UMP sur les problèmes de Défense nationale et défenseur de la politique de l'etat d'Israël, emploie une expression très choquante. Les états ayant décidé le traité de non-prolifération étaient "blancs" même si ( je n'ai pas retenu la formule exacte) il y en avait un pas tout à fait "blanc")...CQFD: les "blancs" ont été assez raisonnables pour surmonter x crises graves mais actuellement...
X invités, un peu interloqués mais très civils font répéter à Lelouch le terme "blanc"; Lelouch répète... Je n'aurais jamais imaginé que l'on puisse en 2006, se permettre de faire appel implicitement à une théorie des races ( blanche= raisonnable ; Staline ou Poutine malgré tout moins dangereux que...) Evidemment la jeune femme, chercheuse du CNRS, spécialiste de l'Iran, essayant de façon ferme mais mesurée, argumentée d'expliquer ( très bien) la position de l'Iran a eu quelques difficultés à garder la parole.
+ Zalea ( l'alter TV) tentait une émission sur la politique d'Israël...Danielle Bleitrach, par téléphone, de Marseille,expliquait le sens de son article au titre "provocateur" ( cf site Bellacio) qui lui a valu de véritables menaces infâmes de mort ( qu'elle a publiées avec les références au site intégriste juif). Aucun des "défenseurs de la liberté d'expression" n'a évidemment exprimé son soutien à D.Bleitbrach qui ne bénéficie évidemment d'aucune protection mais elle a conclu, elle, que ce serait indécent de faire tout un tintouin alors que des centaines de milliers de morts sont victimes des croisades de l'occident libre..
Un réalisateur de film qui était présent dans le studio de Zaléa et dont le film devait passer en seconde partie de l'émission s'agite, déclare qu'il refuse radicalement que Zaléa ( qui l'a totalement aidé à le faire ) passe son film. Les animateurs essayent de le calmer, de lui faire expliquer ses raisons.Le réalisateur se met quasiment à crier , traite de tous les noms D.Bleitrach , indigne de la liberté d'expression puisqu'elle est "communiste" ( tant pis si D.B. a été exclue du PCF, s'en explique avec ses anciens camarades, est d'origine juive, a perdu une partie de sa famille dans le génocide, refuse qu'on annexe les morts...). Et persiste: mon film ne passera pas après ces propos de D.B. ...
j'ai arrêté de regarder, écouter...ignore la suite...Et je crains que cette télévision "libre" ne soit étouffée plus qu'elle ne l'est parce qu'elle ose, artisanalement, proposer des émissions qui exigent, certes, de prendre le temps de regarder, écouter, réfléchir.
3/ ce qui m'a décidé à faire un commentaire sur votre blog a été les premières infos sur de nouvelles " violences des banlieues". Je lisais par ailleurs le bon dossier de Manières de Voir sur le sujet et retrouvais une sélection de la presse sur les violences de novembre dernier.
Particulièrement significatif: article de Redeker dans le Figaro et de x de nos "philosophes". Sachons que ces violences c'est la faute aux sociologues qui ont substitué à "la culture" des philosophes "les cultures", la volonté d'analyser, de proposer des mesures ...BHL, Glucksman, tous les mêmes réseaux "républicains" ne supportent pas de risquer de ne plus avoir le monopole de la pensée , et continuent à se prétendre les seuls à pouvoir éclairer nos gouvernances et les citoyens, les jeunes dans nos voies de formation des élites... Je me répète donc: tout ce que vous analysez fort justement est d'autant plus grave que ça ne peut que mettre le feu dans nos sociétés, favoriser des politiques (auto) destructrices et que sont traitées de tous les noms, intimidées,privées de parole (et n'ont plus les moyens de faire leurs boulots, bénévoles ou très précaires) les personnes qui encore essayent d'analyser et d'agir.
4/ Un peu d'honnêteté intellectuelle et de travail sur les oeuvres de nos philosophes des "lumières" impliqueraient que l'on ne cache pas de sacrées ombres et contradictions...Voltaire, par exemple, n'échappait pas à un antisémitisme certain, bien de son époque et de son milieu ( anti peuple juif) et ces passages n'étaient pas à censurer quand on essayait d'analyser rigoureusement avec les élèves les textes les plus célèbres des Lumières...
5/ enfin faut pas trop s'étonner: c'est à la mode de dénigrer a priori en appelant "droits d'l'hommistes" ( invention de Le Pen, je crois), "angéliques", "naîfs" , "irréalistes" ceux et celles qui de plus en plus minoritaires et hélas divisés, refusent de renier les conquêtes de tant de droits universels et les diversités des humains.
amarie

Écrit par : anne-marie lepagnol | 17/10/2006

J’ai découvert récemment sur votre blog, votre article concernant celui de M. Redeker paru dans le Figaro et je respire à nouveau. Dans le concert assourdissant des agités de la pensée unique et de leurs perroquets, votre analyse est un véritable havre de bon sens et de mesure. Je précise d’emblée que c’est en tant que membre ou produit, entre autre, de la civilisation musulmane, que je condamne sans réserve et sans ambiguïté les menaces qui pèsent sur Redeker.

S’agissant de la question lancinante de l’inhérence supposée de la violence à la religion ou à la civilisation musulmane (entre autre parce qu’incarnée par son prophète), la méthode à la mode consiste de plus en plus à réduire le débat en une bagarre à coup de versets coraniques contre citations de la bible pour prétendre, avec un regard totalement anachronique et hors de contexte, déterminer la religion la plus violente. Je propose humblement une autre méthode, certes plus ennuyeuse, moins appréciée par les simplificateurs, et qui s’appelle la comparaison historique (dans le calme). Rapidement. Quel est l’équivalent musulman de l’inquisition ? Quelle agression aussi violente de l’Islam contre la chrétienté est comparable à celle des croisades contres les musulmans et les juifs ? Quel équivalent musulman y à t’il à l’extermination totale de civilisations entières comme celles des Amériques, au nom entre autre de la religion ? (plusieurs dizaines de millions d’être humains ?). Sur le registre des civilisations, les deux seules guerres mondiales de l’humanité ont-elles été déclenchées par des fatwas musulmanes? Le communisme, le nazisme, le fascisme (dont je propose de ne pas faire l’inventaire des crimes ici !) sont-ce des idéologies issues du monde musulman ?

Il ne s’agit en aucune façon pour moi de réfuter les enjeux essentiels auxquels le monde musulman est confronté aujourd’hui, à savoir la violence de l’islamisme, l’adaptation à la modernité, les rapports à la démocratie et l’autocritique. Mais l’idéologie rampante qui consiste à relier les déviances de l’Islam à son essence même est inacceptable.

Concernant la question de la liberté d’expression, certains, comme les signataires de l’appel en faveur de Redeker, tendent à sacraliser cette notion en lui donnant un caractère absolue. Un sacré d’inspiration laïque s’oppose alors au sacré religieux. Or le cadre sacré confère le droit de se dispenser, de refuser même, (comme le sacré religieux) la mise en question du contenu. C’est ce qui se passe pour l’article de Redeker. Cette liberté d’expression absolue va-t-elle alors s’appliquer avec la même intransigeance en toute circonstance ? Demain devra ton défendre la publication de propos homophobes dans un grand quotidien ? Devra t’on soutenir avec la même énergie les auteurs d’articles à tendance antisémite s’ils sont menacés de censure? Etc.…Bien sûr que non. Et pourquoi non ? Parce que précisément nous tenons compte d’autres facteurs (historiques, sociaux), que le seul droit absolu de tout exprimer et de quelque manière que soit (comme la shoah, la lutte longue et difficile des homosexuels pour leur reconnaissance, etc.) ; car précisément, la liberté d’expression ne doit pas prévaloir sur l’atteinte à la dignité. Ce n’est pas l’article de Redeker qui présente un quelconque intérêt mais la raison pour laquelle il a été publié. Dans un éditorial du Point, Franz Olivier Giesberg défend la parution de cet article en précisant qu’il n’aurait pas, lui, tenu ces propos là, mais qu’on ne peut reprocher à Redeker de les avoir tenu il n’est pas un spécialiste de l’Islam ! Quel est donc l’intérêt pour un grand quotidien national (et pour les lecteurs) de publier un article dont les défenseurs même reconnaissent le caractère violent et la vacuité du sens. C’est pour le moins une forme partisane et dirigée de la défense de la liberté d’expression. Se pose alors la question de la responsabilité des medias et de leur pouvoir. Pour qu’un propos puisse s’exprimer il faut, certes, qu’il soit libre en principe, mais il faut aussi qu’il soit entendu. La liberté d’expression n’est-elle pas aussi déterminée par l’aptitude du propos exprimé à être entendu ? Le figaro, en publiant un article clairement haineux et inconsistant, et en refusant nombre d’autres sur le sujet, participe t’il vraiment à la défense de la liberté d’expression ? Ou, est-ce une défense sélective et partiale de celle-ci ?

L’interprétation du texte de Redeker est claire : les musulmans sont adeptes d’une religion dont le prophète, et donc le fondement même, est l’incarnation de la haine. Ils constituent donc une population désignée en tant que telle. Cette étape, comme le rappelle Jean Baubérot dans son texte, est l’étape nécessaire et fondamentale dans le processus de stigmatisation et d’installation d’un climat de méfiance à l’égard d’une partie de notre population, et qui pourra aboutir, comme dans le passé à des affaires telle que l’affaire Dreyfus ou pire. Les musulmans de France et plus largement ceux issus du monde musulman (et ne parlons que de nos concitoyens), sont de plus en plus pris en otage entre ce courrant ostracisant à leur égard et les extrémistes islamistes qui ne font que le renforcer. Je propose qu’ils n’acceptent pas ce chantage ignoble et les rejettent tout deux en affirmant avec fierté leur particularité culturelle, leur attachement aux valeurs de la République, leurs rejet des déviances islamistes, et aussi en acceptant le principe de la critique raisonnée de leur religion.

Écrit par : avisena | 17/10/2006

Si il compare l'Islam au communisme on peut dire qu'on assiste au retour du mccarthysme

Écrit par : thc2 | 18/10/2006

Monsieur Bauberot,

Je vous remercie de votre texte paru dans le Monde.

Ce qui m'avait particulièresment scandaleux était l'utilisation du nom de Maxime Rodinson dont j'ai lu quelques livres pour cautionner ses propos. La consultation rapide de l'article de l'EU auquel Robert Redeker prétend se référer m'a tout de suite montré la malhonnêté intellectuelle de ce "philosophe"ce qui est à mon sens bien plus grave que sla teneur intrinsèque de ses propos de bistrot.

Je n'ai pas du tout été étonné de la liste des initiateurs de la pétition, ce sont les mêmes qui ont soutenu Alain Finkielkraut et attaqué vivemment John Le Carré pour son point de vue sur la guerre du Liban paru dans le Monde .


Ce petit groupe effectivemernt a acquis en effet depuis la célèbre émission de Bernard Pivot dur les "Nouveaux Philosophes une influence démesurée dans les médias.



Internet est heureusement un lieu où l'on peut encore résister. Quelles que soient nos divergences, nous sommes un certain nombre à contourner la tyrannie des pseudo-républicains . Et qu'un intellectuel de votre stature intervienne dans le débat public est un précieux encouragement.

Écrit par : Philinte | 18/10/2006

bonjour ou bonsoir à tous et toutes,
je supposais avec quelque naïveté que l'info sur l'arrestation d'un "suspect" ayant rédigé un mail avec menaces de mort contre R.R., le 29 septembre, c.a.d. 10 jours après la tribune de R.R. ( du 19/09), 8 jours après toutes les mesures de protection de sa personne et de sa famille par divers ministères ( E.N., Intérieur si on en croit nos diverses gouvernances) et alertes tout azimut médiatiques... calmerait nos "croisés".
D'après le communiqué A.F.P. le "suspect" n'aurait agi que pour des raisons dites "personnelles " de "haine "contre ce "professeur de philosophie". Il serait totalement exclu, d'après des "sources" "proches du dossier qu'il ait la moindre accointance avec le "terrorisme", des mouvances "islamistes" ,plus ou moins extrêmes. il n'aurait à son casier judiciaire que des problèmes dits de "droit commun". Mais va savoir pourquoi dans une "république laîque" il est signalé qu'il serait un "musulman pratiquant".
Ce "suspect" a semblé ne plus relever des interrogatoires du Parquet de Paris et de la cellule antiterroriste du bien connu juge brughière, ni de la D.S.T. Donc transféré en garde à vue aux bons soins de la justice, à orléans. Car cet homme travaille, "téléopérateur" d'après le communiqué (repris en boucle, plus ou moins avec des guillemets, des sources assez "anonymes" )à Orléans.
Il risque vu nos lois quelques années de prison pour lui apprendre à réfléchir à la gravité de menaces de mort contre qui que ce soit par internet ou autrement et que la "haine" ne fait pas partie de notre espace démocratique.La justice tranchera .
Par ailleurs le même communiqué note que l'enquête continue , menée toujours de Paris ( Parquet, sevices experts antiterroristes )puisque l'on n'a toujours pas identifié et trouvé les auteurs des menaces "proférées" entre la publication de la tribune de R.R. et les décisions de protéger R.R.
Ma "naîveté" a donc consisté à me dire trois choses:
1/ Bien entendu cet homme habitant et travaillant en France a commis un délit tout à fait répréhensible, et c'est légitime qu'il soit jugé après enquête de la police et vu nos traditions d'Etat de Droit ( certes bien malmené ) il est encore "présumé innocent", a droit à toutes les garanties ( ???) de tout "suspect" dans toute inculpation et tout procès.Circonstances dites aggravantes ou atténuantes, études de toutes les "contextualisations" de ses menaces...faisons confiance à la justice de notre pays. Si possible sans médiatisations et pressions qui troublent sa sérénité et son indépendance.
2/ Bien entendu toujours naîvement et, un peu trop vite ,un peu rassurée j'attendais que tous nos "croisés" de la "République en danger" toujours prompts à nous submerger des nouvelles des plus alarmistes sur " l'islamisation" et nos "libertés" prennent acte du fait que ce "suspect", enfin trouvé par toutes nos polices, semblait bien ne pas faire partie de ces réseaux fort inquiétants, je ne le nie pas ,et qu'ils, elles auraient l'honnêteté de faire un "point d'information", daté: spécifiant que , d'après les informations policières et judiciaires, hélas il y avait des personnes qui avaient "la haine de professeurs de philosophie" ( le "suspect", "téléopérateur" a peut-être le tort de lire la presse, regarder la télé, zapper sur le net et a disjoncté)et étaient assez irresponsables pour ignorer les risques qu'on prend à écrire n'importe quoi (contre un professeur qui lui aussi disait n'importe quoi avec haine)
Mais que, jusqu'à preuve du contraire, ouf, ce n'était que la réaction, le délit d'un individu qui n'avait que des motivations "personnelles", et qu'il aurait aussitôt "reconnu" sa responsabilité ( avec ou sans avocat, en quelle procédure de garde à vue... vu certaines pratiques et lois liberticides???) , Bref, ouf,ce n'était pas un signe du grand Axe du Mal.
3/ et puis: toujours naîve j'ai hélas, hors du silence assourdissant des ténors habituels des croisades, lu quelques réactions effarantes dans des blogs contents que "la baudruche ( affaire redeker)se dégonfle" ( D. Bleitrach) . C'est bien la preuve que les fous d'allah sont vraiment...( je censure!) puisque ce fou, "pratiquant", tout seul, menace de mort...C'est la faute au Coran, à l'Islam, on vous le disait bien...

Voilà. C'est inommable que l'on ait spécifié ( même si c'était de l'ordre de propos destinés à relativiser...même si ça suffit ces propos distillés à l'AFP, avec des passages, citations "tronquées" de "sources proches du dossier) que le "suspect" était un "musulman pratiquant". A-t-on en France, république laïque, l'habitude de spécifier que x, y, z, "suspect", repéré pour des problèmes de "droit commun" , est catholique, juif, protestant, bouddhiste ...ou athée, agnostique pratiquant...
et au point où on en est espérons que ce "suspect" ne va pas trop en subir, dont des doubles peines, des gardes à vue pénibles, des détentions fort longues avant le procés et qu'il a tous ses papiers en règle, que se déclencheront des solidarités pour des défenses auxquelles il a droit...Fait-il partie de l'immigration choisie ou non?
je me permets de dire aux blogueurs de ce site que ça me fait vraiment très mal ce déni de la laîcité , de la démocratie et que j'apprécie beaucoup ce que vous m'apprenez.
ne vous inquiétez pas: R.R. est assuré par le ministre de l'education nationale de toutes les protections, il est déchargé de tout service d'enseignement et reçoit évidemment son traitement. J'ai fini par trouver la réponse du ministre,De Robien, Assemblée nationale ( questions au gouvernement. 3 octobre. en l'occurrence d'une députée UMP, Meurthe et Moselle, alertée par une communauté éducativesde sa circonscription).
en revanche , en toute impunité, x groupes des plus connus, intégristes enfreignant toutes nos lois, se permettent tout, y compris des menaces de mort, des agressions physiques contre qui ne partage pas leurs opinions sur l'état théocratique d'israël et ses violations du Droit International.
Je suis, heureusement, marseillaise, entourée de personnes de toutes les convictions religieuses ou agnostiques , qui y tiennent à la laïcité et m'en apprennent beaucoup sur l'Islam pratiqué et des plus intimes, assumés avec le sourire, du courage (ramadan),tolérants... dans tous les milieux... pas seulement les "intellos"!

Écrit par : anne-marie lepagnol | 18/10/2006

Bonsoir Monsieur,

Ne vous inquiétez pas! On continue à lire Rodinson. En voici la preuve (courriel mis en ligne sur le site de La Dépêche du Midi le 29 septembre) :

Quand le philo-sophisme trahit la philosophie

Qui a écrit : « [Mahomet] montra, en bien des cas, de la clémence, de la longanimité, de la largeur de vues et fut souvent exigeant envers lui-même. Ses lois furent sages, libérales (notamment vis-à-vis des femmes), progressistes par rapport à son milieu. »? Maxime Rodinson, dans l’article de l’Encyclopædia Universalis (tome 11, p. 520, éd. 1985) que cite M. Redeker et dont il ne mentionne que des extraits choisis conformes à sa thèse d’un Prophète des musulmans « chef de guerre impitoyable, pillard, massacreur de juifs et polygame ». Le comble étant ici pour un polémiste qui revendiquait naguère de mettre le « savoir au centre de l’éducation », d’avoir ajouté : « tel se révèle Mahomet à travers le Coran », quand Maxime Rodinson en dit ceci : « […] son texte est en grand désordre. On ne peut y rétablir qu’avec peine et avec bien des incertitudes l’ordre chronologique. Les événements de la vie du Prophète n’y sont évoqués que de façon allusive. C’est donc une source difficile à utiliser » (p. 517). M. Redeker s’est ainsi inventé un Coran imaginaire inconnu de Maxime Rodinson et des islamologues. Il fabrique en outre un personnage hors du commun quand il n’était qu’un parmi tant d’autres selon, toujours, Maxime Rodinson (« [Mahomet] recourut à la guerre privée, institution courante en Arabie où la notion d’État était inconnue » [p. 519]).

Notre philo-sophiste trahit la philosophie qui édicte que la connaissance commence par l’apprentissage de la lecture des œuvres et la compréhension de leur sens, de tout leur sens. Que Maxime Rodinson ait produit, en historien matérialiste, un article apparemment contradictoire (mais qui ne l’est pas, rendant compte d’une réalité historique elle-même pétrie de contradictions, comme toute réalité historique) sur la vie et l’œuvre politique et théologique de Mahomet, aurait dû être sujet à réflexion pour un professeur de philosophie : polygame et législateur libéral « notamment vis-à-vis des femmes » en dit assez sur les premières années médinoises de l’Islam pour qui veut bien lire sans œillères. M. Redeker est passé outre, poursuivant sa querelle en s’annexant un Maxime Rodinson qui désormais n’en peut mais.

Que ses élèves lisent attentivement l’article de leur professeur, qu’ils le comparent avec l’article de Maxime Rodinson dans l’Encyclopædia Universalis et s’en inspirent pour surtout ne jamais céder aux sophismes ni trahir leurs sources s’ils veulent apprendre à philosopher.

Pierre Granet, parent d’élève

Écrit par : Pierre Granet | 19/10/2006

"Une chose peut être vraie même si elle est au plus haut point nuisible et dangereuse ; il se pourrait même que la constitution foncière de l’existence impliquât qu’on ne put la connaître à fond sans périr, de telle sorte que la vigueur d’un esprit se mesurerait à la dose de « vérité » qu’il pourrait à la rigueur supporter, ou au degré auquel il aurait besoin que cette vérité fut diluée, voilée, édulcorée, assourdie, faussée".

Friedrich Nietzsche

Si je m’interroge sur la doxa de M. Redeker (dans mon article M.Redeker, ou l’expertise foulosophique d’un sophiste http://www.oulala.net/Portail/article.php3 ?id_article=2605) c’est parce que l’impératif de "libre expression" — appellation d’origine contrôlée par une poigné d’intellectuels dogmatiques— n’est trop souvent devenu aujourd’hui que l’occasion d’une imposture morale pour ceux qui tiennent à leur rôle dans ce monde en danger où ils ont tant d’intérêts idéologiques que la justification de LEUR pratique philosophique n’est plus que la préférence pusillanime pour les améliorations microscopiques du plus petit nombre.

Se pose donc à nouveau la question de "l’engagement des intellectuels".

Comment définir ce qui est peut-être devenu une arlésienne : " L’intellectuel " ? Car la notion d’« intellectuel » a, en France, une histoire bien chargée. Au croisement de la figure du philosophe des Lumières et du combat dreyfusard - où le mot même émerge -, elle associe un type d’activité (aux contours relatifs), un magistère moral aux visées universalistes et un engagement dans la vie de la cité.

Si, de cette conception française de l’« intellectuel », il faut sans doute garder le souci de l’action publique, ne devons-nous pas faire un effort pour nous arracher à certaines lourdeurs attachées à un statut, à une pose, à des prétentions excessives ?

Il est sans doute temps d’abandonner de tels tropismes intellectualistes, et "corporatistes" sous leurs allures universalistes.

Maurice Merleau-Ponty notait déjà que la " tentation d’un philosophe est de croire qu’il a vraiment rejoint les autres et atteint l’universel concret quand il leur a donné un sens dans son univers, parce que son univers est pour lui l’être même " !

Or, le texte de M. Redeker ne trahit que les obsessions de son auteur. Et pour mieux accréditer ces idée qui n’appartiennent qu’à lui, il se permet de dénaturer le sens même de l’engagement intellectuel et de nous rendre comptable de ces propos.

Comme le signifie très justement Henri Pena-Ruiz, "les droits de l’homme, la démocratie, les idéaux de liberté et d’égalité, de paix et de fraternité, l’émancipation laïque, ne sont pas les produits d’une histoire ou d’une civilisation particulières, encore moins l’héritage d’une religion. Ils sont des conquêtes de l’humanité refusant l’oppression, conquises souvent dans le sang et les larmes, à rebours de traditions rétrogrades. Leur portée universelle transcende tous les héritages et réside dans l’exigence d’une vie d’homme debout, rétif à toutes les servitudes ".

Ainsi pour Henri Pena-Ruiz, la définition de la démocratie ou au moins des droits de l’homme n’est pas circonscrite par une vision unilatérale, ni par un dangereux sentiment de supériorité, le sentiment de supériorité d’une civilisation ayant validé l’asservissement de peuples dits inférieurs ("les nègres sont-ils des hommes ?"les indiens ont-ils une âme ?).... et les entreprises politiques aux visées dangereusement "monolythique".

Rappelons au passage qu’il n’est pas incompatible pour M. Redeker (d’associer la défende des idéaux de liberté et d’égalité a un soutien inconditionnel à la lecture politique de l’état d’Israël dont le président Moshè Katsav, déclare à un grand quotidien Israelien en mai 2001 :

"Il existe une immense fracture entre nous [les juifs] et nos ennemis, pas seulement en ce qui concerne les capacités, mais aussi sur le plan morale, de la culture, du caractère sacré de la vie et de la conscience[..]. Ils sont nos voisins ici, mais on a l’impression qu’a une distance de quelques centaines de mètres il y a des gens qui ne sont pas de notre continent, de notre monde, mais qui finalement appartiennent à une autre galaxie’. Sont-ils humains, ces Palestiniens ? "

L’idéologie anxiogène dont Redeker ne se départit guère, l’entraîne, "du haut de son Jubé", ultime paradoxe, à céder aux excès et aux anachronismes qu’il reproche au monde musulman**, l’intolérance entre-autre...

(**momification d’un pan-arabisme mort avec Nasser pour justifier de la peur d’une multitude, — d’une masse homogènéifiée par Huntinghton pour accréditer quelques obscurs desseins géostratégiques, mais cela n’engage que moi !...)

Omet-on au nom de la liberté d’expression le caractère anxiogène de ces populations — non plus simplement des croyants mais des peuples, des esprits — qui, des accords colonisants de Berlin au renversement de Mossadegh en 1953 dans un Iran pluriel, de la mise au pas du nationalisme arabe au profit d’obscures dictatures plus avenantes, à l’expédition franco-britannique de Suez, du conflit israélo-palestinien à celui d’irak, ou du Liban, estiment qu’il existe manifestement deux poids deux mesures, ou plus simplement que les uns sont libre et ques les autres ne le sont pas ?

On peut déplorer de ne savoir jamais ce qu’il serait advenu de notre monde si en l’espace d’une quinzaine d’années les principaux architectes des mouvements révolutionnaires du tiers-monde et du projet élaboré lors de la conférence de BANDUNG en 1955, n’avaient pas été "écartés" dirons-nous par euphémisme.

Rappelons-nous en effet à cette époque, de l’essor politique et intellectuel des mouvements d’émancipation nationale d’Asie du Moyen-Orient, d’Afrique d’Amérique latine, et de ce que fut la réponse des gouvernements des deux grands blocs... !!!

(source : Le Monde diplomatique)

Ce monde "privé de sens", c’est aujourd’hui précisément notre héritage à tous ! et c’est par un discours sans ambages et un dialogue véritable qu’il nous faut sauver ce qui peut encore l’être !

Écrit par : firestome | 26/10/2006

Étrange que ce soit au nom de la liberté d'expression qu'on se déchaîne contre l'expression d'une menace.

Des Libanais, des Palestiniens, des Iraquiens sont tués tous les jours*. On ne prend même pas la peine de les menacer, eux et elles, on tue sans hésiter. Et il suffit que les militaires et les commerçants baptisent les victimes de terroristes, islamistes, Talibans, insurgés pour que les médias nous annoncent ces meurtres sur un ton qui les justifie...

Et nos islamophobes de service se gargarisent d'indignation complaisante quand cette certitude de rester bien à l'abri de notre propre violence est le moindrement remise en question.

La liberté d'expression est nécessaire à condition de ne pas être sélective !

Que dire alors des intellectuels, des journalistes français ou élus de la République, écartés de leurs fonction, poursuivis ou menacés pour de spécieux soupçons d'antisémitisme par des groupes de pression rassemblé pour la circonstance comme un seul homme (souvent le même d'ailleurs ! autour d'un gibier**.
(liste non exhaustive)
**Jean-Claude Willem, Maire de Seclin, Pascal Boniface, Alfres Grosser, Daniel Mermet, Bernard Langlois, Edgard Morin, Catherine Nay, Jean Ferrat, Alain Gresh, Dominique Vidal, Joss Dray, Denis Sieffert, Sami Naïr, Danielle Bleitrach, Danièle Sallenave, Israël Shamir.....

Que dire de ces vie et de ces parcours entaché par l'opprobre savamment orchestrée par une stratégie de harcèlement judiciaire, d'actions d'intimidation de campagne de dénigrement ?

Que dire de la pression exercée sur les médias et les journalistes accusés "de nuire à l'Etat d'Israël" selon M. Gilles-William Goldnadel, avocat - qui se définit lui-même comme "juif de combat"- qui s'est fait le spécialiste des poursuites judiciaires et des actions d'intimidation tous azimuts ?

Que dire du "collectif contre la désinformation" présidé par ce même Goldanel et qui rassemble des organisations aussi extrémistes que la Ligue de Défense Juive (interdite en Israel, aux USA , "acceptée" et même protégé en France... ) ou Migdal ?

Qu'ils ne méritent pas la sollicitude de notre chère "Republique" ?

Et si ces gens se rassemblaient sporadiquement autour d'un même canal d'information.....pour le compte ? chiche !

Écrit par : firestome | 26/10/2006

C'est assez étrange ce que ce blog est en train de devenir... pour un sociologue, pour le coup, c'est assez intéressant. Pour vous, ça risque de devenir problématique, car on aura vite fait de ne plus faire la différence entre ce que vous dites et ce que les gens disent en commentaire, surtout si ça dérape.

En tout cas, je regrette toujours qu'alors que ces questions traduisent un vrai enjeux et de vrais ruptures politiques, il n'y a pas grand monde pour s'y investir (en dehors de formules très creuses). Peut-être qu'on débattrait moins ici si on en débattait ailleurs.

Écrit par : clic | 26/10/2006

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