14/09/2006
REGARD CRITIQUE SUR LA SOCIETE ?
Les internautes habitués de ce blog peuvent le constater : le blog a été « relooké ».
Nouvelle mise en page, et nouveau sous-titre. Certes, je suis toujours « titulaire de la seule chaire en France consacrée à la laïcité » (comme l’indiquait le sous titre précédent), mais (ainsi que je l’ai annoncé dans la Note du 30 août), l’année du centenaire de la séparation s’éloignant, le blog doit se montrer en mouvement pour être toujours intéressant. Il y sera toujours question de laïcité, mais le lien entre laïcité et regard critique sur la société sera plus explicite.Quelques mots sur ce nouveau sous titre : que signifie « regard critique sur la société » ? Je vais le préciser en prenant un contre-exemple . Certains internautes écoutent le matin France-Inter et j’ai déjà fait allusion à cette chaîne de radio. Il y a, dans la tranche du 7-9, un nouveau rédacteur fort sympathique (Nicolas Demorand). Mais, je ne sais si vous êtes comme moi, je suis horripilé par la chronique de Guy Carlier. Cela se veut une sorte de propos critique et humoristique sur la société, de chronique non-conformiste, impertinente. En fait c’est du persiflage pire que vide (les internautes vivant ailleurs qu'en France trouveront facilement des équivalents dans leur propore pays).
Le propos de Carlier revient à ressortir tous les stéréotypes caricaturaux sur les uns et les autres, à démolir tout le monde, à prétendre implicitement donc que tout le monde est nul (sauf, bien sûr, l’humoriste qui, ne disant jamais rien de positif, ne faisant aucune proposition de sens, est lui à l’abri de toute critique).
C’est pire que du rien, puis que le rien au moins n’occupe ni le temps ni l’espace. Et bien sûr, j’ai pris un contre-exemple qu’il est possible de généraliser. Voyez ce que sont devenus les « Guignols de l’info » de Canal+, regardez ou écoutez les émissions dites d’humour … des medias de masse, c’est en général la même chose. On vous sert de la critique stéréotypé et vide, on vous débite du rien à haute dose. Parfois, au milieu du n’importe quoi arrive une sortie bien sentie, mais vraiment c’est fort rare. Et l’on s’indigne ensuite que les gens aient soif de certitudes, on fustige doctement « tous les intégrismes », alors même que le trop vide induit forcément du trop plein.Je ne voudrais pas verser dans trop de nostalgie, mais Brassens, Brel ou Raymond Devos, c’était quand même tout autre chose. La preuve, ils existent toujours comme références, on les voient et écoutent encore volontiers, alors que les inepties des pseudo humoristes actuels, c’est du vite usé, vite jeté. Pourquoi ? Parce que chez Brassens, Brel, Devos existait une véritable critique de la société, un véritable regard. Et le propos critique en même temps était source d’enrichissement, de plaisir, voire parfois de bonheur. Virtuellement, une autre société, d’autres rapports sociaux plus humains, un véritable art de vivre se trouvaient présent. Bref, il s’agissait d’artistes…
Je ne prétends en rien être un artiste, mais je pense qu’il est urgent de restaurer une fonction critique qui ne soit pas dans le rien. Trouver un regard qui prend quelque distance avec les stéréotypes, avec les propos mille fois ressassés et qui font le succès de leurs auteurs parce que, sous couverts de critique de l’extrémisme, de refus d’une « tentation obscurantiste », ils collaborent avec l’idéologie dominante partagée par la droite comme par la gauche caviar (on ne parle jamais de la droite caviar, sans doute parce que l’association est naturelle ! mais la droite caviar, ce n’est pas mieux que la gauche caviar !!). Avec maintenant d’ailleurs un féminisme caviar qui vient donner une super bonne conscience à peu de frais intellectuel, c'est-à-dire en dispensant de faire preuve d’intelligence.
Beaucoup de celles et ceux qui avaient peut-être commencé par une démarche contestataire s’y laissent prendre. C’est tellement agréable d’être récupéré, applaudi par les « gens biens », les personnes installées dans la société et qui disposent de pouvoir politique ou médiatique.
Dans la conjoncture d’aujourd’hui, il suffit en effet d’avoir un peu de style, de faire régulièrement sa petite crotte médiatique, et, hop, on est très vite encensé par celles et ceux qui veulent insidieusement nous persuader que l’on vit dans la meilleure société possible, qui y arrivent très facilement même si les pseudos humoristes viennent de faire rire par des propos qui signifie que l’on vit entouré de nuls (voire de « pourris »).
Par un tour de passe passe, la démolition par le vide permet de réenchanter illico presto tout ce que l’on a prétendu complètement nul. Puisque c’était du rien, du vide, juste pour ricaner un peu, cette pseudo démolition n’a pas (en fait) tiré à conséquence. Redevenu (en apparence) sérieux, il suffit de prononcer, très sentencieusement, quelques expressions toutes faites qui traînent dans toutes les poubelles de la non pensée, style (pour ce qui concerne la laïcité) « communautarisme anglo-saxon », « intégrisme religieux », « laïcité avec adjectif » (sans jamais vraiment argumenter) pour que ce qui était nul deux secondes auparavant, devienne inattaquable, prenne la figure du bien combattant le mal. On se moque de Bush, et pourtant l’on fait exactement pareil, en invoquant de façon incantatoire et sacrale les « valeurs de la République », comme lui invoque « Dieu ». Ces « valeurs » et ce « Dieu » sont là des expressions et mots feuilles de vigne de réalité que l’on veut rejeter dans l’impensé.
Je ne suis pas Brassens, Brel ou Devos, mais je voudrais apprendre d’eux à savoir être à la fois ludique et sérieux, à attaquer ce qui domine véritablement nos sociétés modernes, c'est-à-dire non pas les extrémismes (certes détestables) mais l’extrême centre, la douceur totalitaire qui instaure un conformisme mimétique où vous devez suivre les modes, des habits que vous portez à votre pensée et à vos comportements.
Paradoxalement peut-être, une critique radicale ne déclare jamais : « c’est nul ». Elle doit comprendre ce qu’elle critique, afin de le critiquer de manière à la fois plus véridique et plus efficace.
Mais attention, comprendre comporte aussi le risque de trouver tellement de circonstances atténuantes, que finalement on accepte. On accepte d’autant plus quand on ne voit pas comment échapper à l’emprise de ce que l’on voudrait récuser. Ainsi, l’emprise de la publicité est globalement beaucoup plus forte que celle des « sectes ». Si l’on fait 2 poids, 2 mesures, c’est parce qu’il est facile de combattre les sectes, il l’est beaucoup moins d’échapper, si peu que ce soit, à l’emprise de la publicité.
Alors, on a tendance à se bercer d’illusion, à croire que cette emprise n’a rien de totalitaire, qu’on est si intelligent qu’on sait y échapper,… D’ailleurs, qu’il ne s’agit même pas d’une emprise. Bref, on est prêt à croire tout ce qui va rassurer, permettre de ne pas être lucide. C’est pourquoi une véritable critique doit comprendre le pourquoi de ce qui existe, mais aussi parfois cogner fort sur ce qui s’impose de façon trop évidente, proposer quelques pistes pour s’en sortir.
Aujourd’hui j’ai cogné (un peu). Ma prochaine Note, qui poursuivra la réflexions sur les « idées reçues » cherchera à la fois à comprendre pourquoi elles ont un tel impact (pourquoi tout ce que je viens d’indiquer fonctionne), et à faire deux propositions pour pouvoir concrètement prendre de la distance avec ces idées reçues, ne pas vivre complètement dominées par elles.
En attendant, un peu d’humour quand même, un scoop, en première mondiale, avant que Paris-Match ou Gala ne s’en emparent. Une photographie commentée qui révèle tout.
Le professeur Baubérot est très fier d’avoir donné des cours et des conférences sur la laïcité dans 30 pays des 5 continents (dont dans certains pays : Japon, Canada, Etats-Unis, Russie, Mexique,… a moult reprises). Il frime à mort. Mais ce qu’il ne nous cache soigneusement, et que PROUVE cette photographie, c’est que, dans ses voyages, il exige d’avoir l’avion pour lui tout seul. Halte au professorat caviar !
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23:10 Publié dans LA DOUCEUR TOTALITAIRE | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
Merci à vous pour porter encore cette voie dont malheureusement il est difficile de dire qu'elle porte. J'ai bien entendu dans un reportage sur le Liban un homme remercier la France de son intervention et de parler de "laïcité"; je dois reconnaître que cela m'a semblé quelque peu surréaliste. Mais c'était la vérité même si la caméra agissait comme une loupe; pour une fois la laïcité a eu sa tribune
Juste un petit lien pour enrichir la discussion : http://www.alterinfo.net/index.php#mod_695619
Écrit par : citoyen | 15/09/2006
Depuis le temps que vous tenez ce blog vous n'avez pas encore produit le minimum, soit un commentaire critique de l'article laïcité dans le supplément du Littré et surtout de l'article laïcité dans la nouveau dictionnaire pédagogique de Ferdinand Buisson, avec notamment la question de savoir en quoi le mot laïcité est "correctement formé" selon son affirmation ...
Etait-ce Léo Ferré qui en 1992 déclara que Jean baubérot serait le Guy Carlier de la laïcité ?
Écrit par : citoyenne | 17/09/2006
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