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10/10/2005

UN AMOUR DE PRINCESSE

Voici, comme promis, les raisons de mon roman et surtout, dans la Catégorie Monde et laïcité, une Déclaration Internationale sur la laïcité que vous pouvez signer et faire signer. A lire absolument !

Pour les gens qui me demandent de venir participer à un débat: Merci, mais d’ici la fin de l’année, c’est archi, archi complet, je ne sais pas déjà comment je vais faire face. Rassurez-vous, la laïcité sera encore à l’ordre du jour en 2006, et consolez-vous en lisant le roman (et mes autres livres sur la laïcité, bien sûr!!)

POURQUOI J’AI ECRIT: EMILE COMBES ET LA PRINCESSE CARMELITE. IMPROBABLE AMOUR.

Aimez-vous les histoires de princesse? Moi, j’adore. Il était une fois  une belle et riche princesse de 34 ans qui, dans une improbable aventure, rencontre un vieil homme de 68 ans, issu d’un milieu d’ouvriers tailleurs. Cette princesse était une religieuse qui aurait du rester enfermée dans son couvent et l’homme un anticlerical farouche qui fermait les couvents les uns après les autres. C’est d’ailleurs à cause de cela qu’ils se sont rencontrés. Elle venait implorer l’intraitable vieillard. Et qu’arriva-t-il? Un coup de foudre réciproque, une double passion, aussi troublante pour la jeune carmélite qui n’a le droit de fréquenter aucun homme que pour le laïque intransigeant, jusqu’alors mari fidèle et qui continue sans faiblir sa lutte contre les congrégations religieuses!

L’histoire est si étonnante qu’on éprouve quelque peine à la croire vraie. Pourtant c’est le cas, comme en témoignent  les lettres, douces et enflammées, que Jeanne Bibesco (la princesse carmélite) a envoyées à Emile Combes[i]. Les réponses de ce dernier ont, comme par hazard!, disparu. Cela laisse tout loisir d’imaginer chez le président du Conseil (= premier minister de l’époque, avec plus de pouvoir) l’éternel masculin à la dérive[ii].

Quel merveilleux sujet pour un téléfilm! C’est d’abord de ce côté là que je me suis orienté, recherchant un réalisateur intéressé. Mal introduit dans ce milieu, je n’ai trouvé personne.

J’ai toujours estimé que la démarche historique est un mélange de science et de fiction. Le travail d’archives, l’étude des documents de l’époque, l’examen critique des productions des autres historiens tirent l’histoire vers la science. Mais la fiction est également présente: certains faits ont existé sans que des documents en portent témoignage, certains documents sont perdus (là, les lettres de Combes), etc. L’historien doit travailler à partir d’indices, dresser un tableau qu’il sait incomplet. Le roman historique peut, lui, compléter et tenter de reconstituer du réel grace à l’imaginaire, tel est son intéressant paradoxe.

Je donnais, alors,des cours à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes sur Combes et le Combisme. Pour cela j’effectuais un travail d’historien et je disposais d’un certain savoir. Je me suis jeté à l’eau et lancé dans l’écriture, à partir des dossiers que j'avais engrengés, d’un roman sur les amours tumultueuses de Combes et Jeanne Bibesco. Si la tentative aboutissait, ce serait mon vingtième livre et il me plaisait de penser qu’il serait d’un autre genre littéraire que les précédents. Il me plaisait également, moi qui suis un des historiens qui ont insisté sur les différences entre le projet de séparation de Combes et la loi de 1905, concoctée par Briand[iii], moi qui ait une representation de la laïcité (et de la vie et du monde) si différente de Combes, de tenter de me mettre à sa place, d’imaginer comment il pouvait vivre tout ce qu’il lui arrivait et rendre compte, en meme temps de son action politique[iv].

Je me suis lancé dans cette aventure sans aucune obligation de résultat. Pour la première fois depuis plus de 20 ans, je n’avais pas passé de contrat préalable avec un éditeur, je pouvais donc m’arréter dés que je le désirais si j’avais le sentiment que ce que j'avais entrepris me conduisait dans une impasse ou que le temps pris sur le sommeil était trop lourd. Je me suis pris au jeu car j’ai eu l’impression d’accéder à une nouvelle dimension de l’histoire: l’histoire subjective. De plus, le travail d’imagination, d’écriture libérée de contraintes de type universitaire, la possibilité de mélanger anecdotes d’époque, clins d’oeil et mise en scène de personnages historiques, etc, tout cet ensemble m'a amené à prendre beaucoup de plaisir dans l'écriture de ce roman. J’espère que ce plaisir sera communicatif et que lecteurs et lectrices en éprouveront également.

A propos de lecteurs et lectrices, j’ai été amené par la logique de l’histoire à insister sur les rapports homme-femme. D’abord cet amour est assez emblématique de ces rapports: un vieil homme et une jeune femme, mais en meme temps, il inverse l’habitude (ce n’est pas le prince et la bergère mais la princesse et de fils de l’ouvrier tailleur, il est vrai que ce fils est devenu president du Conseil). Certains faits (le mariage de Combes avec une fille de 16 ans qui ne le rencontre que quand on a déjà décidé pour elle qu’elle l’épouserait) était l’occasion de revenir sur la condition et la representation de “la” femme à la belle époque, theme déjà present dans mes ouvrages précédents[v]. Je publie notamment un très beau texte féministe jusqu’alors inconnu (légèrement postérieur, mais un roman permet de courcircuiter quelque peu les dates) et très significatif. Les affrontements de 1902-1904 entre “cléricaux” et “anticléricaux” sont l’occasion d’une entrée des femmes en politique (des deux côtés), aspect que j’ai aimé souligner un peu. Enfin, les rapports homme-femme sont centraux, en 2005 comme en 1905 et j’ai tenté de le dire à ma manière. Laquelle? Vous le verrez bien!

Oeuvre de fiction, ce roman est délibérément à tiroirs. Il commence ainsi : “Il s’agirait d’un film.” Dans ce film imaginaire, un sociologue de la médecine (Combes était médecin)  découvre un journal intime de Combes et le retranscrit sur son ordinateur portable. Mais pendant que lectrices et lecteurs ont leur attention focalisée sur les aventures politiques et sentimentales de Combes, ce petit coquin de Mag en profite pour rencontrer Carla, la charmante directrice des ressources humaines de l’université où il va donner quelques cours. Elle ressemble à Jeanne. De multiples rebondissements sont à prévoir, les 2 histoires vont peut-être finir par s’entrecroiser.

Je ne vous en dis pas plus. A partir de vendredi 14 octobre, le roman (qui paraît aux éditions de l’Aube) doit se trouver dans toutes les librairies dignes de ce nom.



[i] Conservées à la bibliothèque de Pons, ces lettres ont été publiées par le grand spécialiste de Combes, Gabriel Merle chez Gallimard, en 1994.

[ii] Je m’amuse, ayant lu sous la plume d’un journaliste dans un article sur un film, que l’actrice manifestait  « l’éternel féminin à la dérive »

[iii] cf not. mon Vers un nouveau pacte laïque, Seuil, 1990, pages 49-99.

[iv] Si, dans les documents d’archives, Combes ne parle pas de sa relation avec Jeanne, il a tenté de justifier son Ministère en 1907 (manuscrit publié par Maurice Sorre chez Plon en 1956).  Si cela a été une source d’inspiration, le manuscrit se perd un peu trop dans les détails et fleure souvent le règlement de compte. J’ai essayé de synthétiser et de resituer l’action de Combes dans ses grands enjeux, d’imlaginer aussi comment il pouvait vivre, en même temps, son action politique et sa relation amoureuse

[v] En particulier, La morale laïque contre l’ordre moral, Une haine oubliée, Laïcité 1905-2005 entre passion et raison et le « que sais-je » sur l’Histoire de la laïcité en France, surtout dans sa 3ème édition)

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