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21/03/2005

AVEC OU SANS DIEU

Grace au Blog, vous allez pouvoir dialoguer avec l’écrivain
JEAN-PIERRE BRASSAC

Auteur de l’ouvrage
AVEC OU SANS DIEU
Vingt étudiants en Europe : religions et laïcité

Editions Autrement, 2005

Voici une proposition sympa. Je vous présente, grâce, à ce Blog, l’ouvrage de J.-P. Brassac
-en vous donnant la 4eme de couverture
-en vous donnant également ma préface
Si, comme je l’espère, cela vous intéresse, achetez le livre et, après l’avoir lu, faites des commentaires sur le Blog. L’ami Jean-Pierre les lira et m’enverra ses réponses qui seront publiées sur le Blog.
OK ?
Alors on commence par la 4eme de couverture :

Vingt jeunes Européens, vingt étudiants enthousiastes et curieux de tout, veulent savoir où en est leur continent de ses héritages spirituels, de ses pratiques religieuses, de la séparation des Églises et de l’État. « Quand nous employons les termes athée, agnostique, croyance, identité, sacré, laïcité, à quoi nous référons-nous dans chacun de nos pays ? Définissons les mots, dépoussiérons les notions accordons nos lexiques ! » propose l’un des personnages de cette aventure épistolaire, à la fois métaphysique et fraternelle.
Quelle est la véritable nature des liens entre les individus, les religions et l’État dans les pays de l’Union européenne ? Comment les croyances agissent-elles sur les sociétés, orientent leur évolution, cohabitent avec les démocraties ? Quelle est l’influence des cultes sur la vie culturelle, l’économie, la politique ? Comment, aujourd’hui en Europe, met-on en pratique la laïcité ?

Au fil d’une correspondance documentée, et à la faveur de rencontres internationales,
ils s’appliquent à définir et cartographier ce que l’on nomme aujourd’hui le fait religieux.
La diversité de leurs convictions, qu’elles soient « @vec ou sans Dieu », alimente tout au long de leurs échanges une réflexion de fond, tant sur la liberté de conscience que sur la situation des spiritualités et de la libre-pensée dans les démocraties d’Europe.

Rien n’est acquis d’avance : le chemin de la valorisation des différences et de l’humanisme est semé d’embûches.

Pierre-Jean Brassac est journaliste, romancier et essayiste. Il est passionné d’ethnologie et d’histoire de l’art. Il a publié Le royaume qui porte l’eau à la mer aux éditions Autrement en 2003.

On continue par la Préface


Un petit déjeuner dans les (alors nouveaux) locaux d’Autrement, en février 2003. Quelques personnes de la rédaction m’ont invité. Nous discutons. Moment agréable pour commencer une journée qui, comme les autres, va être bien remplie. C’est à cet instant précis qu’est née l’idée de ce livre, en réponse à la question : comment célébrer…autrement…le centenaire de la séparation des Eglises et de l’Etat ? Comment trouver une manière originale d’en parler, dans la forme comme dans le contenu ? Ne pas doubler ce qui va être fait, et parfois bien fait, ailleurs.
Avec comme règle du jeu que l’abstention prévaudra si une réponse satisfaisante n’est pas trouvée à ces questions. Autrement ne publie pas pour publier. C’est une des caractéristiques de la maison que j’apprécie fort.

Cela fait longtemps que je connais Autrement, et son directeur Henry Dougier. Les premiers contacts datent de l’après Mai 68. Il s’agissait alors d’une très jeune revue thématique. Sans tomber dans la nostalgie, comment ne pas garder un souvenir ému d’une période où ne régnait certes pas le « politiquement correct » ? Où les idées nouvelles, utopiques ou non, fusaient dans tous les sens. « Ce que nous voulons : tout », proclamaient mes amis de ce temps là. Certes, certains sombraient dans le dogmatisme, mais nous leur lancions alors : « Les prochinois en pro-Chine » !

Partie prenante de cette belle effervescence, Autrement possédait une place à part dans cet univers contestataire, privilégiant les analyses plurielles, propageant le souci d’inventivité, de création d’une nouvelle intelligibilité pour mieux analyser un monde que nous voulions remettre à neuf. Autrement constituait donc un instrument essentiel pour confronter et expliciter les idées qui surgissaient, approfondir la réflexion, accompagner l’action. Contrairement à Marx, ses lecteurs pensaient qu’interpréter le monde et le transformer allaient de pair
Nous étions de jeunes adultes qui désavouaient la génération précédente, celle des guerres coloniales, des institutions trop sures d’elles-mêmes, d’un universalisme occidentalo-centré. Nous voulions construire un monde plus ouvert, plus apte au partage, à l’égalité entre les sexes, les couleurs de peau et les croyances. Un monde où il serait possible d’être semblables et différents. Autrement nous a aidé à respirer le grand air du large.

Les années dix neuf cent soixante dix finirent. Le « vieux monde » avait, certes, changé mais pas autant que nous l’espérions, et il était loin d’être toujours allé dans le sens que nous souhaitions. Se posa alors, le problème de l’intégration, pas celle des immigrés, mais la notre ! Fallait-il refuser de jouer le jeu, au risque de devenir des « soixante-huitards » attardés et vieillissants, anciens combattants ressassant sans cesse d’antiques luttes ? Fallait-il abandonner toute contestation et devenir, chacun dans sa sphère, des décideurs dynamiques et fonctionnels, quitte à passer du compromis aux compromissions ?
Mais toute réussite sociale est-elle mauvaise ? Mais la marginalité constitue-t-elle une valeur en soi ? Ces questions nous ont taraudé, des années durant, alors que la contestation sociale se muait en, et se réduisait à l’alternance politique. Nous regardions, inquiets, autour de nous, ce qui arrivait à nos divers compagnons de route.
Pour certains l’aventure se terminait tragiquement en impasse, le suicide était au bout de la route. D’autres devenaient des citoyens, des pères et des mères de famille « poids moyens », menant une vie, en apparence du moins, sans grande saveur. Ils avaient, disaient-ils « jeté par-dessus bord leurs illusions de jeunesse ». D’autres, par contre, possédaient de longues dents et surenchérissaient dans les gages donnés à la société établie, comme pour mieux désavouer leur passé gauchiste. Entre ces extrêmes, une voie étroite… où l’on trie sans renoncer à ses fidélités de jeunesse.

Cette voie étroite, Autrement a su l’emprunter et la suivre. L’entreprise a réussi à grandir, se développer, se diversifier en gardant l’essentiel de son état d’esprit originel, de sa volonté tenace de promouvoir et de propager des idées et des œuvres originales. Elle a évolué sans se renier, sachant articuler changement et continuité. Dans une économie de marché aux contraintes lourdes, Autrement, aux yeux de l’observateur extérieur que je suis en tout cas, a conjugué l’inventivité de la pensée et le nécessaire réalisme d’une gestion rigoureuse et efficace.
Le passage de générations semble s’être bien effectué et, dans l’œil d’Henri Dougier, on constate toujours un brillant, une lueur qui montre l’envie de poursuivre des routes non balisées. Les diverses publications de la maison sont de qualité et abordent les problèmes… autrement… que l’idéologie implicite d’extrême centre qui domine la vie sociale. C’est pourquoi, si ma collaboration demeure occasionnelle (j’ai suivi mon propre chemin et il est bien rempli), elle s’effectue toujours avec plaisir.

Revenons à ce matin de février 2003. Les idées fusent, sont impitoyablement critiquées au plan intellectuel comme à celui de leur faisabilité, cela dans un climat joyeux. L’une d’elles résiste à cet examen aussi exigeant que convivial. Elle reste encore assez informelle, et je l’expose à peu prés ainsi : le grand livre de la morale laïque, a été Le tour de la France par deux enfants, par deux écoliers. Cet ouvrage a suscité de nombreux épigones, moins bien réussis car ils se sont contentés d’actualiser le concept.
En fait, il serait possible de le reprendre, de façon totalement différente. Non plus des écoliers, mais des étudiants, non plus un tour de la France, mais un tour de l’Europe. Non plus l’éducation à la morale laïque mais la confrontation des religions et des laïcités. J’explique à la petite équipe le fonctionnement d’Erasmus, qui permet à des étudiants et à des professeurs (je suis moi-même en partance pour Rome dans ce cadre) de cheminer dans la quête du savoir…et aussi de l’aventure, à travers différents pays européens.

L’idée lancée, l’ouvrage reste à écrire. Je suis en train d’en rédiger un, comparant la passion et la raison laïques en 1905 et en 2005, d’en diriger un autre, confrontant religions et libertés de par le monde. Je ne veux pas trop charger ma barque. Mais, sans doute, on pourrait trouver dans les écrivains de la collection Passion complice… Surgit alors le nom de Pierre-Jean Brassac. On me demande si j’ai lu, Le Royaume qui porte l’eau à la mer. Non, mais je ne demande qu’à réparer cette erreur.
Quand nous nous séparons, j’emporte un exemplaire du livre. Je le dévore, et partage l’enthousiasme de l’équipe pour le récit et l’écriture. Brassac aime les Pays-Bas de façon contagieuse. Il sait donner une saveur forte au quotidien, rendre au familier son épaisseur pleine d’inconnu, nous entraîner à sa suite dans des routes aux mille découvertes, inclure les informations de l’essai dans une forme littéraire romanesque. Or, l’idée est précisément cela. Pourvu qu’il accepte…

Un second petit déjeuner avec l’auteur pressenti. L’affinité est immédiate. C’est un peu comme si nous nous connaissions de longue date. Pierre-Jean Brassac rentre si bien dans le projet, qu’il le transforme immédiatement. Non, les étudiants ne se déplaceront pas physiquement, tant pis pour Erasmus ! Aujourd’hui, les voyages s’effectuent souvent sur le Web. Après s’être rencontrés, ou même avant, on échange par email.
Cette vue des choses me plait bien. Je connais des étudiants de différents pays, de différents continents même, qui se sont connus et, pour certains, ont formé un couple grâce à internet. Comme si, dans cette société qui a aboli les obstacles à la rencontre et notamment à la rencontre sexuelle entre jeunes (à mon époque, les jeunes filles devaient commander diaphragmes et stérilet en Grande Bretagne, subir souvent le regard désapprobateur du médecin prescripteur…), il fallait réinventer de la distance, permettre aux « âmes » de se mettre progressivement à nu avant que les corps ne le fassent.

Nous échangeons donc mille idées. Nous percevons presque physiquement une ébauche de livre prendre forme dans l’esprit de Pierre-Jean. Manifestement, le projet correspond à ses envies et il le fait très facilement sien. Imprudemment, je l’assure qu’il pourra toujours me demander des informations sur tel ou tel aspect, tel ou tel pays. Je veux bien jouer un rôle officieux de ‘conseiller scientifique’.
Débordé par mille sollicitations, s’ajoutant à la vie personnelle et au travail professionnel, embarqué dans la « Commission Stasi » et ses suites, non prévues à l’agenda, je me contenterai, en fait, de donner des indications bibliographiques.

Du reste, la lecture des premiers chapitres du futur ouvrage me convainc que mon nouvel ami se débrouille très bien tout seul et n’a nul besoin d’un quelconque mentor. Il effectue avec une grande aisance un beau parcours dans l’Europe des religions et ses personnages échangent, de façon heureuse, convictions, informations, interprétations et sentiments.

Le projet d’aborder, d’une manière originale, le fond commun laïque européen, qui -comme l’a bien montré Edgar Morin - est la confrontation permanente entre foi et raison, spirituel et temporel, religion et monde séculier, traditions religieuses et critiques de la religion, se concrétisait donc de façon heureuse. S’y ajoutait la restitution, à travers d’attachants personnages, de l’histoire tourmentée et complexe des différents pays d’Europe, de leur (souvent) brûlante actualité, des richesses de leurs arts et de leurs cultures, de la diversité de leurs mœurs, sans parler des itinéraires propres, des aventures personnelles des jeunes gens mis en scène.
Le jeu de l’aller et retour entre les lettres mels et les fichiers attachés échangés par les différents correspondants permet de diversifier la forme elle-même et de conjuguer ensemble plusieurs niveaux d’écriture et de contenu. Si bien qu’au fur et à mesure qu’elle se bâtissait, l’œuvre en donnait bien davantage que ne l’indique son titre et son sous-titre.

Le livre est maintenant fini et proposé au public. On peut parier que chaque lecteur va avoir ses étudiants préférés, ceux avec lesquels il se sentira en proche affinité. J’ai les miens, et je laisse ceux qui me connaissent deviner de qui il s’agit.
Ces prédilections n’empêcheront d’ailleurs personne d’apprécier chacun des vingt héros de l’histoire et de se laisser entraîner par leur itinéraire propre. Ils me semblent bien typiques de la jeunesse européenne, de préoccupations étudiantes d’aujourd’hui, même si, comme tout écrivain digne de ce nom, Pierre-Jean Brassac a imaginé leur personnalité et leur vécu en créateur, n’a voulu nullement construire des portraits-robots d’échantillon représentatifs, ce qui leur donne véritablement épaisseur humaine.

On peut parier également que chaque lecteur ne va pas tarder à réagir, à s’insérer dans la dialogique qui circule d’un bout à l’autre de l’ouvrage ; à se trouver en accord profond avec telle assertion ou description de situation ; au contraire à contester ce qu’écrivent d’autres personnages ; à considérer qu’un tel ou une telle exagère, qu’il n’est pas possible que… Comment le lecteur pourrait approuver la totalité ce qui est dit, les étudiants mis en scène eux-mêmes n’étant pas forcément d’accord entre eux ?
Mais justement, Pierre-Jean Brassac ne prône ni doctrine, ni croyance, idéologie. Il ne défend aucune dogmatique, religieuse ou séculière, même si, en filigrane, une certaine vision d’ensemble des rapports du religieux et du laïque se dégage peu à peu, même si son amour de la beauté des choses se trouve présent du début à la fin et si l’ouvrage est sous tendu par une éthique de la relation entre êtres égaux et différents, autonomes et solidaires.

Un des buts même de Avec ou sans Dieu consiste à promouvoir l’idée d’un nécessaire débat sur les question de sens de la vie et de spiritualité (au sens le plus large possible du terme), et à montrer que ce débat s’effectue de manière nouvelle, à distance des institutions qui ont, historiquement, imposé des normes et du sens d’abord, en traversant allègrement les frontières nationales ensuite, en mêlant des références différenciées enfin.
Cette novation ne fait nullement du passé table rase. Les traditions religieuses, culturelles, les contextes nationaux, régionaux et locaux, les ordres de discours enfin sont présents de façon constante ; personne ne peut en faire fi. Mais ces éléments divers sont perpétuellement travaillés, décomposés et recomposés par les individus eux-mêmes, dans l’autonomie de leur jugement et l’épaisseur propre de leur vie personnelle. C’est pourquoi, les connaissances et les savoirs de nos étudiants sont perpétuellement filtrés à travers leur ressenti, leur vécu.
Des lors des impressions propres, des événements singuliers, des itinéraires spécifiques balisent la route. Il ne servirait à rien au théologien de trouver étrange, voire paradoxale telle affirmation eut égard à ce que serait la « véritable » religion, ou au sociologue d’insister sur la particularité de telle situation et l’impossibilité de généraliser.
Le propos est autre : une œuvre littéraire donne vie à des possibles, elle ne prétend pas délivrer des paroles orthodoxes ni effectuer une mise en perspective globalisante. L’important pour elle, consiste à le faire avec talent, et le talent ici ne manque pas, si l’abondance et la richesse des pistes tracées.

Cependant, je l’ai indiqué, une certaine vision d’ensemble des rapports entre religion et laïcité émerge, et ceci constituait bien un enjeu de départ. Cette vision me semble en affinité avec la laïcité européenne telle que la définit Jean-Paul Willaime, directeur du Groupe de sociologie des religions et de la laïcité (CNRS-EPHE) :

- la double neutralité, c'est-à-dire d’une part, la neutralité confessionnelle de l’Etat et de la puissance publique, ce qui implique son autonomie, ainsi que celle des pouvoirs publics par rapports à tous les pouvoirs religieux et, d’autre part, le respect par l’Etat, dans les limites de l’ordre public et des lois, de l’autonomie des religions ;

- la reconnaissance de la liberté de conviction, ce qui implique non seulement la liberté religieuse et la liberté de non-religion, mais aussi la reconnaissance de l’autonomie de la conscience individuelle. Cette reconnaissance comporte la liberté personnelle de l’homme et de la femme par rapport à tous les pouvoirs religieux et philosophiques ; la réflexivité critique appliquée à tous les domaines (religion, politique, science, etc.), le libre-examen et le débat contradictoire ;

- le principe de non discrimination, c'est-à-dire l’égalité de traitement des personnes quelles que soient leurs convictions, la dissociation de leurs droits, en particulier de citoyens, et de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une religion ou à une philosophie. »

Notre univers public est envahi par le spectaculaire médiatique, la réification publicitaire, le fonctionnel bureaucratique et le politiquement correct. Nous sommes cernés par ce totalitarisme d’extrême centre sans camps de la mort ni barbelés mais qui nous incite à, voire parfois nous impose de penser en rond.
Dans ce contexte réducteur, dévoreur d’humanité, je me réjouis souvent de la fraîcheur intelligente de nombreux étudiants qui m’enrichissent par leurs expérimentations et leurs tâtonnements, par leur pensée en devenir, par les risques qu’ils prennent pour oser vivre. J’ai même parfois l’espoir, illusoire ou réel peu importe, qu’ils me transmettent une part de leur jeunesse et de leur ardeur. Que leur contact me facilite remise en cause et constructions de projets.
Etudiantes et étudiants ont compris quelque chose d’essentiel : ce qui est censé appartenir à la sphère privée n’a pas à être réduit au silence. Sphère privée signifie seulement que rien, dans ce domaine, ne peut, ne doit être socialement obligatoire, que les divergences ne présentent rien de troublant ou de grave et qu’aucun consensus n’a à être recherché. Par contre, confronter les itinéraires et les routes s’avère essentiel à l’humanisation de tous et c’est ainsi que chacun apprend lui-même et aide l’autre à vivre.

Par la richesse propre de son univers personnel, par ses qualité d’écrivain, Pierre-Jean Brassac nous ouvre ce monde d’artistes du sens. Qu’il en soit ici chaleureusement remercié.

Jean Baubérot
Président d’honneur de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes
Chaire « Histoire et sociologie de la laïcité »






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