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22/01/2005

COMBES ET L'ISLAM

Rapport d’Emile Combes sur L’instruction primaire des indigènes en Algérie (1892) :

« Ce peuple (d’Algérie) aime sa religion qui est la base de son état social et il entend qu’on la respecte. (…) La religion se mêle à tout dans l’existence de l’arabe ; toucher à sa religion, c’est le froisser dans ses intérêts les plus immédiats comme dans ses sentiments les plus intimes. (… Ainsi) le sentiment religieux et le sentiment patriotique s’unissent pour recommander le Coran, qui est à la fois le symbole de la doctrine religieuse et le monument par excellence d’une littérature. Le Coran tenant au cœur de l’arabe par ce double lien, il est naturel que l’arabe s’irrite d’une attaque dirigée contre le Coran comme d’une offense faite à sa croyance et à sa race. De là pour nos instituteurs l’obligation étroite de témoigner le plus profond respect à la religion indigène, c’est-à-dire au livre qui en est l’expression. (…) La conclusion de ces observations c’est que l’instruction française ne rencontrera pas d’opposition systématique chez les Kabyles et même chez les Arabes, si elle est respectueuse de leurs sentiments et conciliante dans ses maximes. Quand à sa diffusion et à ses progrès, nous sommes fondés par les témoignages des inspecteurs, non seulement à les espérer mais à les prévoir rapides, si nous savons en multipliant les écoles et en les installant convenablement, les entourer d’institutions et d’annexes conformes au génie de la race indigène. »
Cf. V. Dimier, « La laïcité : un produit d’exportation ? Le cas du rapport Combes (1892) sur l’enseignement primaire indigène en Algérie », 65-82 (68-69), in J. Baudouin et Ph. Portier, La Laïcité, une valeur d’aujourd’hui ? Contestations et renégociation du modèle français, Rennes, PUR, 2001.

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Combes au milieu des "indigènes" (zoomer pour mieux voir la photographie)
Source: Exposition sur Combes, Bibliothèque municipale, Pons (Charente Maritime)


Commentaire du texte : Emile Combes défenseur de l’islam et du Coran ! Voilà un texte qui brouille singulièrement l’image habituelle du « Petit Père » et c’est pourquoi il est intéressant de le publier sur ce blog. Cela ne signifie par pour autant que Combes soit pro-musulman, mais on peut faire plusieurs constats :

1) Pour les républicains laïcisateurs l’islam est considéré, en général, comme une religion moins « clérical » que le catholicisme : elle a, disent-ils, fait historiquement preuve de plus de tolérance envers les minorités, elle ne possède pas de hiérarchie, de « clergé ». Sur le premier point, on se rapportera notamment à l’article « Mahométisme » du Grand Dictionnaire Universel de Pierre Larousse, qui eut une forte influence sur les cadres républicains : « L’islamisme a moins versé de sang (que le christianisme) » ou encore : « Les juifs et les chrétiens ont été moins persécutés par les musulmans d’Espagne, et même par ceux de Turquie, que les juifs et les hérétiques ne l’ont été chez nous jusque dans le XVIIIe siècle. » Sur le second point, il est significatif que l’aspect pluriel de l’islam, considérée aujourd’hui souvent comme gênante, rendant difficile son insertion dans la société laïque, apparaissait –au contraire- comme ce qui le rendait moins éloigné de la laïcité que le catholicisme, avec sa structure (disait-on alors) « monarchique ». CELA MONTRE A QUEL POINT LES SITUATIONS SE RENVERSENT : non seulement les religions ne sont pas des blocs figés mais des réalités qui existent dans des contextes historiques et sociaux précis, mais la conception dominante de la laïcité elle-même change suivant les contextes et les problèmes.

2) La position de Combes est gallicane plus que séparatiste, c'est-à-dire qu’il pense que le pouvoir politique doit exercer un certain contrôle sur la religion. L’ampleur de ce contrôle est implicitement proportionnelle au danger qui est ressenti. Combes aura une position beaucoup plus dure sur le catholicisme dont certaines formes d’alors menacent, à ses yeux la République, que sur l’islam qu’il voit comme un vecteur de civilisation et de développement culturel (le Coran, monument littéraire autant que livre religieux). Là encore, cela nous permet de mettre sa position ‘en situation’.

3) A la suite du Rapport de Combes, le Décret du 18 octobre 1892 précise, dans son Article 4 : « La liberté de conscience des élèves indigènes est formellement garantie dans toute école publique ou privée ; ils ne peuvent être astreints à aucune pratique incompatible avec leur religion. »




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