22/01/2005
Pourquoi parler d'Emile Combes?
EMILE COMBES
Oublié ou bouc émissaire de la commémoration ?
Il y a 15, 20 ans, si on avait demandé au « grand public cultivé » quel était l’auteur de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat (9-11 décembre 1905), la réponse quasi unanime aurait été : Emile Combes, le « Petit Père Combes », figure emblématique du combat laïque, pourfendeur (disait-on) de nonnes et de curés. Les historiens (Maurice Larkin – un universitaire britannique peu connu du public français et qui pourtant a écrit la meilleure synthèse, à ce jour, sur l’histoire de la loi , Jean-Marie Mayeur, Emile Poulat et quelques autres) ont rectifié le tir en insistant sur le fait que Combes a quitté le pouvoir en janvier 1905 et que la loi a été élaborée par une Commission dirigée par Aristide Briand et en montrant qu’il s’est effectué un passage d’un anticléricalisme militant à un politique libérale d’apaisement. Moi-même j’ai contribué, en 1990, à ce changement de regard par les trois chapitres consacrée à la loi et à son contexte dans Vers un nouveau pacte laïque (cf. notamment, la comparaison entre le projet déposé par Combes en novembre 1904 et la loi de 1905). Je reviens sur ce sujet dans Laïcité 1905-2005 entre passion et raison.
S’il est probable que certains croient toujours que Combes est l’auteur de la loi de 1905, il est également probable que le « message » des historiens a fini par passer et que, maintenant, pour ceux qui s’intéressent au sujet l’opposition entre un « mauvais » modèle (la laïcité de Combes) et un « bon » modèle (la laïcité de Briand) est devenu un lieu commun. De là à reprendre (sous une forme un peu atténuée) les attaques dont Combes a été l’objet de son vivant (les plus douces étant celles de « sectaire » et d’ « esprit borné »), il y a un pas qui risque d’être vite franchi. Combes peut être le bouc émissaire de la séparation. Autre possibilité, qui est complémentaire : oublier Combes et la période conflictuelle de 1902-1904 pour pouvoir effectuer une célébration consensuelle de la loi.On permettra à quelqu’un qui a contribué au changement du récit historique et qui l’assume (il a apporté un gain de scientificité) de réagir contre l’idéologisation de ce changement. On peut dire aussi que face à une thèse partiale et partielle, il fallait mettre en avant l’antithèse. Maintenant, lors de l’année commémorative, il est grand temps de passer à la synthèse. EMILE COMBES NE DOIT PAS ETRE LE BOUC EMISSAIRE OU L’OUBLIE DE LA COMMEMORATION DE 1905. Le personnage et sa politique sont plus complexes, moins monocolores qu’on pourrait le croire.
C’est pourquoi, avec le Cercle Condorcet d’Auxerre, a été organisé un colloque exceptionnel des Entretiens d’Auxerre (Yonne), en novembre 2004, célébrant le centenaire du discours prononcé par Emile Combes dans cette ville, discours où il se prononçait officiellement, pour la première fois, en faveur de la séparation. Les Actes vont paraître très bientôt et nous en reparlerons.
C’est pourquoi aussi, je compte donner des textes et des photographies de Combes pour faire mieux connaître ce personnage attachant, montrer qu’il n’est en rien un « sectaire » ni quelqu’un d’esprit étroit. Par contre, il est très représentatif de ce que Claude Nicolet appelle « l’idée républicaine » avec sa grandeur et ses limites. Faire preuve d’esprit critique à l’égard de Combes (et la laïcité ne se présente-t-elle pas comme ce qui permet de développer l’esprit critique) consiste à la fois à ne pas le dénigrer, à le comprendre et à analyser pourquoi sa conception de la laïcité n’a pas été tenable. Cela nous en apprendra beaucoup sur NOS fuites, nos peurs, notre propre lâcheté intellectuelle.
Dés cette semaine, donc, ce blog publie un texte commenté: COMBES ET L'ISLAM. A chaque actualisation du blog, d’autres textes suivront. Bonne Lecture.
(Vous pouvez zoomer pour mieux voir la photo.)
A lire sur Emile Combes: Gabriel MERLE, Emile Combes, Fayard. Un bel ouvrage qui parle aussi bien de la vie politique que de la vie personnelle de Combes.
14:40 Publié dans EMILE COMBES | Lien permanent | Commentaires (0)
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