19/02/2005
LAÏCITE ET CONSTITUTION
LA LAÏCITE ET LA CONSTITUTION
DE LA REPUBLIQUE
QUESTION : « De mémoire, il me semble bien que le mot « laïque » m’apparaisse en 1946 que dans le préambule de la Constitution à propos de l’école. A contrario, la Constitution de 1958 indique dans son Article I que la France est une « République laïque ». Il a donc fallu attendre la Ve République pour que la laïcité de l’Etat soit affirmée. EST-CE EXACT ?"
REPONSE : Non, pas vraiment. Vous avez raison de dire que dans le Préambule de la Constitution de 1946, apparaît l’adjectif « laïque » à propos de l’école.
Voici exactement la phrase où ce mot s’insère : « L’organisation d’un enseignement public, gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’Etat »(à noter que, quand il s’agit de laïcité, l’adjectif laïque s’écrit avec à la fin que, même quand il est au masculin)
Mais l’article Ier du titre Ier de la Constitution de 1946déclare :
« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ».
La laïcité de l’Etat est donc devenue constitutionnelle dés la IVe République et la Constitution de « notre » République actuelle n’a fait que reprendre cette définition avec des ajouts.
Voici en effet ce que déclare l’article 2 du titre Ier :
« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. »
DEUX REMARQUES :
1) Quand la laïcité de l’Etat est devenue constitutionnelle, le gouvernement était tripartite : communiste, socialiste, MRP. Le président du Conseil était MRP (Mouvement Républicain Populaire), or ce parti était d’obédience démocrate-chrétienne. Il s’agit là d’un intéressant paradoxe. Il faut noter que le MRP s’est cru autorisé à accepter la constitutionnalisation de la laïcité de l’Etat à cause d’une Déclaration de l’Assemblée des Cardinaux et Archevêques de France (13 novembre 1945) qui accepte une laïcité non antireligieuse (le parti communiste partageait le pouvoir et regardait vers l’URSS de Staline, avec son athéisme d’Etat, mis en sourdine pendant la guerre, mais qui n’allait pas tarder à resurgir) et qui condamne le cléricalisme.
2) L’égalité devant la loi étant reconnue dés la Déclaration de 1789 (devenue, elle aussi, constitutionnelle en 1946), la nouveauté introduite par la Constitution de 1946 est le fait que la République « respecte toutes les croyances ». D’autres pays mentionnent la laïcité dans leur Constitution, mais (sauf erreur de ma part) sans cette précision. Maintenant, ce respect est-il toujours effectif ? C’est une autre histoire. L’intervention d’un député-maire lors de cultes, sous prétexte de sécurité permet d’en douter (cf. « Une incontestable dérive sectaire » dans le Grand Bêtisier de cette semaine).
12:15 Publié dans QUESTIONS-REPONSES | Lien permanent | Commentaires (0)
05/02/2005
Liberté-égalité-propositions de sens
Le 03février, j’ai donné une conférence à La Rochelle devant un très nombreux public (chaises rajoutées, personnes assises par terre,…) et je n’ai pas pu répondre à toutes les questions . On m’a alors suggéré d’y répondre par le moyen de mon blog. C’était une très bonne idée qui m’a amené à créer cette nouvelle rubrique QUESTIONS-REPONSES qui partira soit de questions posées lors de conférences, soit des questions que vous poserez vous-même, visiteurs du blog, au moyen de la rubrique Commentaires . Ainsi le blog pourra être un outil de dialogue en cette année du centenaire de la loi 1905.
REPONSE A UNE DES QUESTIONS POSEES A LA ROCHELLE
« Que faites-vous des simples individus qui ne revendiquent d’appartenir à aucune sorte de « religion » ou « philosophie » et qui n’ont d’autre prétention que d’exister dans leur simple Nature d’Humains, vivant dans la société et dans l’espace naturel terrestre . Peut-on être un interlocuteur social et politique si on appartient à un groupe installé autour de ses « croyances ».
(question posée par écrit)
Réponse : cette question provenait d’un moment de ma conférence où j’avais tenté d’expliquer que des questions de sens se posaient de nouveau dans l’espace public (par exemple les problèmes liés à la bioéthique ou à l’environnement) et qu’elles pouvaient donner lieu à des débats pluralistes où des religions et des philosophies non religieuses avaient le droit de faire librement des « propositions de sens ». J’insistais sur la nécessité de ne pas faire de ces questions l’apanage des seules religions mais de traiter à égalité des philosophies non religieuses. Je donnais l’exemple de la Belgique où il existe des « conseillers humanistes » à côté des aumôniers dans les hôpitaux, prisons, etc.
Je comprends cette question comme la crainte d’une inégalité de traitement pour des « simples individus »,comme le dit mon interlocuteur, qui n’estimeraient pas être représentés par les religions ou les philosophies non religieuses dont il vient d’être question .
Mais je poserai à mon tour trois questions .
Première question : si le droit à l’abstention, à la désappartenance doit être respecté ce droit peut-il limiter l’expression des autres sous prétexte d’égalité ? Je ne le pense pas, le droit à la non parole ne prive pas autrui du droit de parler. Vous pouvez vous abstenir d’aller au théâtre ou au café, pas réclamer leurs suppressions.
Deuxième question : les personnes qui veulent s’abstenir de tout référent religieux ou philosophique ne peuvent-elles pas avoir la curiosité intellectuelle de connaître des propositions de sens présentées au libre choix de chacun par diverses familles de pensée ? L’essentiel, me semble-t-il est que ces propositions de sens ne soient en aucune manière des normes imposées à qui que ce soit.
Troisième question : est-il vraiment possible de vivre sans avoir aucune référence religieuse ou philosophique explicite ou implicite ? Je ne le pense pas. Je constate que mon interlocuteur parle de la « Nature d’Humains » et réemploie le terme de nature en parlant tout de suite après « d’espace naturel terrestre ». Il s’agit là d’une option philosophique, certes implicite et toute aussi respectable qu’une autre mais réelle. La majuscule mise à nature est significative. Nous ne trouvons donc pas là dans une impossible neutralité absolue.
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