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27/11/2008

POURQUOI LE PARTI SOCIALISTE A PRESQUE TOUT FAUX EN MATIERE DE LAÏCITE?

Reconnaissez le, je ne vous ai pas bassiné avec les problèmes du PS. On en parlait suffisamment ailleurs et il paraît qu’il ne faut pas tirer sur une ambulance. Mes sympathies pour Ségolène Royal sont connues. Elle s’est montrée cohérente dans cette affaire et l’autre personne qui a également montré beaucoup de cohérence est Benoît Hamont.

Quant à Martine Aubry, maintenant première secrétaire, portée au pouvoir par une coalition hétéroclite qui comporte pas mal de tontons-flingueurs, il lui faudra faire preuve d’intelligence, de courage, de sens tactique et stratégique pour que le PS retrouve un véritable rôle d’opposant et soit capable de mettre sur la place publique des idées un peu neuves.

 

Tout est à faire, notamment en matière de laïcité. C’est de cela dont je vais parler en commençant par une anecdote significative. Après la parution de mon livre, La laïcité expliquée M. Sarkozy (Et à ceux qui écrivent ses discours, complète bien sûr le choeur du fan club)[1], je suis interviewé par un journaliste de l’Hebdo des socialistes qui m’abreuve de compliments sur un ouvrage qui lui semble extraordinaire (il a bien raison cet homme !)[2].

Je tempère son enthousiasme en lui rappelant que, dans cet ouvrage, je critique aussi François Hollande (pages 204-205) et lui demande si, étant donné cela, il est sûr que l’interview va être publiée. Avec un air de vierge effarouchée, il s’indigne d’une telle supposition : M’enfin, pour qui je prends le PS ? Pour un parti communiste de la période stal ou quoi ?

Je remarque quand même qu’aucune de ses questions n’aborde ce passage de mon livre. Tout porte sur Sarko et rien sur ma critique de la pratique hollandaise en matière de laïcité. Peut-être la grand mère de ce journaliste lui a souvent dit, dans son enfance : « la curiosité est un vilain défaut ».

Plusieurs semaines after, l’interview n’étant malgré tout pas parue, je recontacte le journaliste qui répond, un poil gêné que l’abondance des matières…,  l’actualité débordante…. mais bref pas de problème, cela va paraître incessamment, sous peu et plus vite encore. Au jour d’aujourd’hui, j’ai publié un nouveau livre, mais j’attends toujours la publication de la dite interview.

 

Le plus drôle de l’affaire (le plus triste aussi, et pas pour moi ! car c’est un petit indice significatif de la merde dans laquelle est ce parti), c’est que ma critique d’Hollande portait justement sur  le fait que, consulté à différentes reprises par le PS, j’avais eu « la désagréable impression (et je ne suis pas le seul) d’avoir un tantinet perdu mon temps », d’avoir parlé dans le vide, de m’être heurté à un « cause toujours tu m’intéresses ». Et je concluais en disant à Hollande : « Vous aurez compris que je n’aime pas cela » (perdre mon temps)

Or, avec cet interview, que s’est-il passé ? Exactement ce que j’ai reproché au PS dans mon livre : le PS m’a, une fois de plus, fait perdre mon temps, en m’interviewant pour rien! Eh puis, pour un parti qui monte au créneau quand la liberté d’expression concerne la religion…

 

Précisons le reproche, car si le PS veut renouer avec les intellectuels, il faut qu’il change sa pratique et soit clair sur les règles du jeu.

Pourquoi ai-je eu la désagréable impression de perdre mon temps ?

Non parce que je voudrais que le PS adopte mon point de vue sur la laïcité. Ce n’est pas cela le problème.

De même, je ne mets pas du tout en cause la sincérité et les efforts réels faits, depuis des années, Jean Glavany, ‘Monsieur laïcité’ au PS, pour organiser une réflexion qui dépoussière les choses. J’apprécie Glavany, même si nous ne sommes pas d’accord du tout sur Ségolène (nous en avons discuté, bien sûr).

 

Alors où est le problème ? Il est triple.

D’abord, et c’est ce qui a occasionné mon ire dans l’ouvrage précité, lors de mes différentes interventions, ou participation à des débats, Hollande était absent, et il est venu in fine donner…les conclusions. Celles-ci, forcément, ne se positionnaient pas sur ce qui avait été dit mais tenaient, de manière roublarde, des propos rituels qui ne faisaient en rien avancer le schmilblick.

Je veux bien qu’Hollande ait été très occupé. Encore que moi aussi, et les autres parties prenantes aux débats (quand il s’agissait de débats) itou. Et nous venions bénévolement donner de notre (très précieux, j’insiste !) temps au PS. Cela impliquait non seulement de la considération, mais aussi de l’écoute.

Or l’absence répétée d’Hollande, et aussi (sauf exception) des autres ténors, de ceux qui s’expriment dans le parti sur ce sujet, fait que jamais (sauf une fois, en 1998) nous avons pu avoir l’impression que nous participions à une réflexion commune du parti et de la mouvance qui tourne autour (pour ma part, je ne suis pas « encarté » comme on dit).

J’ai parlé de « propos rituels ». C’est bien de cela qu’il s’agissait  : on m’invitait (interventions), ou on nous invitait (débats) à des rituels.

L’exemple le plus frappant a été le centenaire de 1905. Il y a eu une Journée d’Etudes tout à fait à la fin de l’année 2005. D’abord ce n’était pas le parti lui-même qui l’organisait. Puis le parti s’est rendu compte que ne rien faire d’officiel, c’était quand même gros. Alors il s’est approprié l’initiative faite en son sein par des francs-tireurs. Mais il n’a pas effectué de réflexion soutenue, effectué un débat de fond, cette année là qui pourtant aurait été l’occasion qui aurait pu faire le larron !

 

Ensuite, et cela s’emboîte sur ce que je viens de dire, si les choses se passent ainsi c’est parce que Glavany me semble fort isolé dans sa conviction que le PS a peut-être des choses à changer dans son discours sur la laïcité.

De façon dominante, le PS (= l'appareil du PS) croit qu’il n’a rien à apprendre en matière de laïcité. Qu’il doit seulement avoir des « convictions laïques », les plus laïques possible, mais sans devoir les appuyer sur un savoir. Cette CONCEPTION QUANTITATIVISTE de la laïcité est désastreuse pour plusieurs raisons.

 

-         elle est profondément MORALISTE. Le moralisme c’est quand on croit que le jugement de valeur, la défense de la bonne cause, dispense d’avoir à acquérir du savoir. N’importe qui pourrait être « profondément laïque » dans ce cas. Mais précisément, dans son histoire, la laïcité s’est liée à la recherche du savoir. C’est donc une attitude profondément anti-laïque qu’adopte le PS.

 

-         Elle est profondément REDUCTRICE. Les débats-rituels qu’il organise mêlent, le plus souvent, chercheurs (sans doute leur participation au rituel a pour fonction de masquer précisément qu’on ne cherche pas à savoir) et militants qui, dans le cas présent, ont pour fonction de neutraliser les vues déviationnistes que risquent présenter les chercheurs. Ce n’est pas compliqué : Il suffit de terminer sa péroraison en condamnant « le communautarisme anglo-saxon ». Les applaudissements durent 5 minutes et cela vous laisse le temps d’aller pisser (le propos semble grossier. Mais, attention, c’est la paraphrase d’un propos historique, un peu comme Ségolène se faisant siffler en citant implicitement Jaurès). Et maintenant que c’est Obama le président US, il va falloir peut-être trouver autre chose camarades !

 

 

-         Elle est profondément DISCRIMINATOIRE : laïcité douce avec le catholicisme, dure avec l’islam et les évangéliques (que ces ignares appellent « évangélistes », montrant par là que la seule connaissance qu’ils en ont provient de la télé !). Sans revenir aux fameux accords Lang-Cloupet (vraiment symboles d'une laïcité que même ma pomme trouve très très douce!), c’est, en effet, Jospin qui a instauré un « dialogue INSTITUTIONNEL » avec l’Eglise catholique, où la délégation de cette Eglise est dirigée par le Nonce (stricto sensu le représentant d’un Etat étranger : même Sarko, comme je le raconte dans mon livre, en est resté baba quand il s’en est aperçu ; lui n’aurait sans doute pas été si loin). C’est le même Jospin qui, à la fin de 2001, a pris avec le Saint-siège, ce « qui présente toutes les formes d’un accord international » (Rapport Machelon, publié par la Documentation française, p. 46) permettant au catholicisme d’échapper à un durcissement dans l’application de la loi de 1905.

 

-         Elle est profondément REPRESSIVE. A l’automne 2003, alors que siégeait la Commission Stasi, ne respectant donc pas un moratoire pour laisser cette Commission rendre son avis, le PS a déposé un projet de loi tendant à interdire tout signe religieux à l’école (et pas seulement les dits « ostensibles »). Intention louable : mettre toute les religions sur le même plan (mais en contradiction avec ce qui s’est fait par un gouvernement PS : cf le paragraphe précédent, et sur le même plan...dans la répression). Enfer pavé de bonnes intentions : je me rappelle que plusieurs membres de la Commission, pourtant favorables à une loi, ont été atterrés : « C’est le meilleur moyen de faire condamner la France par la Cour européenne des droits de l’homme » déclaraient-ils. Propos significatif, que je laisse le soin aux internautes de ruminer. La laïcité doit être inventive et trouver le moyen de "convaincre plutôt que de contraindre" (ça aussi c'est une citation, je vous laisse en trouver l'auteur)

 

 

-         Elle est profondément IGNORANTE. La boucle est bouclée, puisque nous en revenons au moralisme, à la croyance que la morale, cad la "défense" des « justes » causes, dispense du savoir. Outre son aspect d’atteinte aux droits de l’homme, l’idée d’interdire « tous signes religieux » à l’école reposait sur l’ignorance qu’il n’existe pas, en France (comme dans les autres démocraties), 5 ou 6 religions bien répertoriées, mais des dizaines voire des centaines ; que tout signe peut virtuellement devenir religieux et que l’on engageait les professeurs et les élèves dans le jeu sans fin du gendrame et du voleur.

 

Enfin, toutes ces années là, j’ai pu constater une coupure entre deux PS, celui que je viens de décrire et un autre, voulant réfléchir, se rendant compte que la laïcité « c’est plus compliquée que cela en à l’air» (un militant dixit).

Cette coupure ne divisait pas toujours l’appareil et la base car certains militants pouvaient être du côté de la répétition du rituel et certains élus du côté des réfléchissants. Mais elle m’a frappé. Et pour revenir à 2005, au centenaire de 1905, il était quand même frappant de constater à quel point on n’avait rien à apprendre rue de Solférino alors qu’on avait des questions plein la tête dans les régions.

Je me suis demandé où se situaient les blocages. Tout le monde répète maintenant qu’une des erreurs d’Hollande a été de maintenir, de manière générale, la réflexion sous le boisseau. Donc le problème est plus global et cela a joué. Mais il me semble avoir repéré un blocage plus précis (qui, peut-être, a joué aussi dans d’autres domaines) : la peur de déplaire à des « alliés » : il m’a semblé qu’il se produisait des rappels à l’ordre, des demandes que le PS reste dans la ligne de la part de syndicalistes et de francs-maçons. Mais là encore, la même coupure existe et si certains hommes d’appareils syndicaux et franc’mac ont un discours fixiste, voire sectaire et ignorant, plein d’autres, rencontrés partout savent qu’ils ne savent pas (c'est cela le noeud du problème: ne pas ignorer qu'on ne sait pas, ne pas être dans une naïve ignorance arrogante) et cherchent à apprendre. Et, dans une loge, on vous écoute sans applaudir, ce que le PS ferait bien d’imiter car cela facilite l’exposé de propos non démagogiques.

Or, c’est quand même un hénaurme paradoxe : depuis 20 ans, il est paru un nombre vraiment considérable d’études sur la laïcité, en France, mais aussi ailleurs où toute une réflexion internationale s’est développée. Mille fleurs ont fleuri. Et le PS ressemble à Arlette Laguiller. Il fait du play back. Se répète. Etonnant sur place. Mais il est vrai qu’il n’est pire sourd…

 

Bon, enfin, mille fois sur le métier… je vais tenter de déterminer le minimum syndical que le PS doit assimiler, en matière de laïcité, s’il ne veut pas mourir idiot. L’occasion est propice : il a vraiment touché le fond. Et donc il n’a plus rien à perdre, il peut prendre des risques. S’il n’en prend pas, l’affaire est faite : un second tour en 2012 Sarzo-Bayrou.

(à suivre donc).



[1] Je sais que n’énerve par ce genre de parenthèse. C’est bien pourquoi, mauvais esprit, j’adore le faire !

[2] Cf. note 1.

09:03 Publié dans ACTUALITE | Lien permanent | Commentaires (6)