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01/09/2008

POUR UN VERITABLE SERVICE PUBLIC TELEVISUEL

Nathalie C (elle se reconnaîtra) m’a dit, au moment de la bise de départ en vacances, qu’elle trouvait mon Blog sympa, mais avec des Notes trop longues. Cela tombe bien, je n'ai pas beaucoup de temps et je vais donc tenter de faire court.

Cette Note est la 1ère d’une série de trois Notes de rentrée. Comme depuis une semaine on nous bassine sur la rentrée scolaire, je vais commencer par la télévision avant une note sur l’école et une autre sur les blogs en général et le mien en particulier.

Je trouve fort décevant et, hélas, très significatif de l’état de décrépitude dans lequel nous sommes, les réactions dominantes au processus d’abolition de la publicité sur les chaînes publiques. Même l’hebdo sans pub, le Canard enchaîné (dans un article, en juillet, je n’ai pas noté la date) réduisait cela à un cadeau fait aux chaînes privées.

Et à peu près tout le monde fait comme si le problème principal était de ne pas diminuer d'un centime le fiancement des chaînes publiques pour qu’elles aient les moyens de faire « une télévision de qualité » (propos énoncés tout le temps, de façon stéréotypée), court circuitant quantité et qualité.

Au même moment, on vous annonce que ces chaînes ont perdu un peu d’argent dans la retransmission des Jeux Olympiques. Il est clair que, sans pub, elles en perdront encore plus, et idem pour la retransmission du tour de France.

Quand je veux me distraire, je ne boude certes pas le sport à la télé. Outre les paysages souvent magnifiques, le tour de France a un coté « petite madeleine de Proust », même si les affaires de dopage l’ont bien désenchanté (j’étais pour Poulidor contre Anquetil : on sais maintenant que ce dernier était super dopé et que Poulidor, encore 3ème du tour à 40 ans, en aurait gagné plusieurs s’il y avait eu de rigoureux contrôles antidopage)

Mais je m’égare et parle d’un temps où certains internautes, qui me font l’amitié de surfer sur mon blog, n’étaient même pas encore dans les spermatozoïdes de leur père !

Tout cela pour dire : le sport : je peux le regarder sur des chaînes privées. Pourquoi les chaînes publiques achètent, fort cher, des exclusivités de représentations sportives ? Quelles économies pourraient-elles réaliser si elles ne jouaient pas ce jeu là, en concurrence avec les chaînes privées ?

Thas is the (first) question, comme dirait le regretté William. Or je n’ai jamais lu ou entendu un journaliste posé le problème de cette manière. Tous font comme si les choses devaient continuer comme aujourd’hui.

Or tout l’intérêt d’un service public télévisuel sans pub consiste justement à ce qu’il ne soit pas en concurrence (uniformisante) avec les télés privées, mais invente une télé franchement différente. Des spots publicitaires actuels de la télé publique tentent de nous faire croire qu’elle est déjà différente. Un peu, peut-être, mais franchement le compte n’y est pas. Loin de là.

Or l’enjeu d’un service public télévisuel contrastant avec les télés privées est immense : il est comparable à celui de l’école publique il y a un siècle (ou un peu plus). Plus même peut-être : c’est la télé qui est le principal formateur culturel, mental, idéologique aussi bien pour les adultes que pour les enfants et les adolescents.

Et le fait qu’il n’y ait pas un fort mouvement d’opinion organisé et très actif (comme l’a été la Ligue de l’enseignement pour l’école publique qui, sans cet ensemble associatif, dynamique et puissant, n’aurait jamais pu réussir comme elle a réussi) pour s’enthousiasmer en faveur de la perspective d’une télé publique sans pub et dynamiser, orienter cette réforme montre peut-être que nous sommes tous déjà dépendants, intoxiqués, que nous subissons une grave addiction à la publicité.

Oui je sais c’est Sarko qui a propulsé cette réforme, et pour certains, cela ferait mal au sein de soutenir Sarko, ne serait-ce que sur un sujet particulier (qui n’empêche certes pas de s’opposer sur d’autres, et par exemple d’exiger la création d’une instance indépendante pour gérer ce service public de télévision). Surtout que Sarko, il fait la réforme à sa manière et effectivement, elle avantagera financièrement des chaînes privées.

D’accord : ben oui, Sarko, il est de droite et les gens le savaient quand ils l’ont élu. Il ne fait pas une réforme comme la gauche aurait du la faire ; sauf que la gauche, justement, ne l’a jamais faite pendant les 15 ans où elle a été au pouvoir. Et je ne suis pas vraiment sûr, d’ailleurs, que si la gauche avait fait cette réforme, elle l’aurait faite de façon structurellement différente.

Et puis, si vous refusez de tenter de peser pour orienter (ne serait-ce qu’un peu, mais comme le chanterait Souchon « c’est déjà ça ») une réforme de ce genre sous prétexte que c’est un président de droite qui la fait, je vous conseille d’hiberner tout de suite et d’hiberner longtemps, vu l’état de la dite gauche !

D’ailleurs, au risque de vous choquer, moi cela ne me met pas totalement hors de moi qu’il y ait plus de pub sur les chaînes privée. Ceci pour 2 raisons : d’abord, soyons réaliste, cela devait arriver de toute façon un jour ou l’autre. Il suffit de regarder les chaînes d’autres pays pour s’en convaincre. Il vaut mieux, donc, que cela arrive avec, en contre partie, un service public sans pub.

Ensuite, cela fait partie de la fameuse « différence » justement : au téléspectateur de choisir : une télé avec plein de pub et qui saucissonne les émissions et qui les soumet à la logique publicitaire ; une télé sans pub et qui ne tenant pas compte de cette logique propose réellement une autre télévision. Actuellement, à cheval sur la redevance et la pub, le service public est comme l’âne de Buridan : il n’arrive pas véritablement à choisir.

Bien sûr, je ne suis pas naïf au point de ne pas me douter où ira le choix quantitativement majoritaire ! Mais ne me semble pas du tout décisif.

D’abord parce que le premier rôle de la télé publique serait, précisément, de faire comme si elle s’adressait à une « élite ». Hou la la, j’en vois déjà qui sortent leur revolver : attendez que je finisse mon raisonnement avant de me flinguer : il est beaucoup plus dialectique que vous ne le croyez.

L’inégalité, en matière de culture, de capacité de réflexion, de mentalité, d’idéologie : elle existe déjà, ne vous déplaise. Et elle a une influence sur le reste de la population. Des personnes se trouvent, socialement, en situation d’enseignant (au sens strict et surtout au sens large du terme : des travailleurs sociaux aux médecins, en passant par tous ceux qui s’expriment publiquement  et notamment les journalistes eux-mêmes, qui se copient allègrement). Et, à part, pour certains, le domaine précis qu’ils connaissent bien, ils sont eux-mêmes (et de plus en plus) influencés par la télévision.

Je suis pour ma part frappé par le fait que des émissions de qualité fort moyenne (il faut traiter les sujets à la mode et quand ils sont « d’actualité », c'est-à-dire quand un événement suscite de l’émotion et induit donc un traitement émotionnel plus que rationnel ; cela pour faire de l’audimat, nécessité absolue face à la pub) soient considérées comme des émissions de références par beaucoup de membres de cette « élite » influente.

Et les émissions où vous êtes vous-même invité ? me demanderez vous. Cela dépend beaucoup, précisément de la façon dont le sujet est traité par le journaliste (animateur ?) qui (en fait) a le pouvoir. Il est souvent beaucoup plus difficile qu’il y a 25 ans de développer un raisonnement, de proposer une argumentation.

Souvent il faut réagir à de pseudo reportages, censés reproduire la réalité (alors que le montage leur fait dire ce que le responsable de l’émission souhaitent qu’ils disent) qui servent de norme pour jauger vos dires. On vous impose une vision très orientée de la réalité et on vous demande de réagir au quart de tour et, au bout de 37 secondes, on vous coupe allègrement la parole.

La disparition de ces reportages de merde, qui coûtent cher (eux, vous c’est seulement les frais de taxi) augmenterait la qualité de l’émission tout en réduisant sensiblement son coût.

Et puis, ce n’est un secret pour personne, les émissions les plus sérieuses étant celle qui rapportent le moins de pub, elles passent tard le soir. Plus de pub, plus de nécessité à les mettre vers minuit. Si du moins, on est capable d’inventer un service public réellement différent.

Une télé pour « élites », écoutée et regardée parfois par 5% des gens seulement, mais des personnes en position de « décideurs culturels », de formateurs, d’enseignants au sens large, à qui ont donné des instruments de qualité sur de multiples aspects de la réalité, y compris ceux déconnectés de l’actualité, c’est une télé qui, à terme, peut influencer la majorité de la population.

Tout est une affaire de rythme temporel. Si la télé privée possède (déjà) l’hégémonie à court terme, le service public télévisuel peut acquérir l’influence à moyen et long terme.

Et j’insiste sur le fait que cette télé d’élite, ce service public, payé par l’impôt, est offert au choix de tous. Tous peuvent regarder, écouter, si l’envie leur prend. Tous peuvent se cultiver gratuitement. Se divertir aussi, car il ne s’agit pas de priver la télé publique de films ou d’émissions divertissantes. Simplement changer certaines choses. Par exemple le rythme de certaines émissions : vous ne pouvez pas préparer une émission de variété de qualité toute les semaines. Un rythme mensuel permet beaucoup plus d’inventivité. Et, je l’ai déjà indiqué, la télé était de meilleure qualité quand il n’existait pas de pub. Les archives de l’INA possèdent un ensemble de trésors, le service public télévisuel doit pouvoir y puiser sans vergogne.

Tous peuvent, d’une manière ou d’une autre, faire partie de « l’élite », à certains moments. Tel serait le message et la justification de la redevance. Ce serait (notamment) le rôle de l’école d’apprendre à chacun à maîtriser la télévision, d’apprendre à la regarder et à l’écouter, à la décrypter aussi, avec discernement.

L’école n’enseignerait certes pas « caca la télé privée », au contraire : quand on veut regarder du sport, par exemple, ou une bluette cinématographique qui fait pleurer ou attendrir Margot (j’adore Pretty Woman : la chanson, Julia Robert, le conte de fée, tout… je n’en suis pas dupe pour autant),… Et l’école pourrait vous apprendre à considérer certaines choses au 3ème degré. Personnellement, je m’amuse beaucoup, scotché devant certains films auquel Télérama ne donne pas le moindre T jaune et que cet hebdo assortit souvent d’un commentaire un peu grognon.

Tous dans la culture people à certains moments, je ne suis pas contre, si la capacité de la distance humoristique est là. Je connais même pas mal de gens de la dite « élite » à qui cela ferait du bien de se peopliser un peu de temps à autre.

Mais l’école pourrait aussi apprendre à chacun que, s’il veut une formation permanente de qualité, ça c’est la première mission du service public, justement parce qu’il n’est plus asservit à la pub. Le service public scolaire serait relayé par le service public télévisuel, et cela gratis.

Et, allez, vous reprendrez bien encore un peu d’utopie, les ceus (des artistes aux journalistes en passant par les différents réalisateurs d’émissions diverses) qui collaboreraient au service public télévisuel sauraient qu’ils ne vont pas gagner des mille et des cent comme dans la télé privée. Mais ils auraient un sorte (attention, je vais écrire un gros mot) de « vocation ».

Après tout les universitaires qui montrent en prenant des responsabilités administratives qu’ils ont (aussi) les pieds sur terre gagnent bien moins que dans le privé, à niveau équivalent. Mais ils ont d’autres satisfactions professionnelles.

Et faire moins gagner d’argent à la télé publique qu’à la télé privée, c’est se prémunir contre le retour de certains animateurs crades qui, pendant un temps, y ont prospéré (je reconnais volontiers qu’elle a fait, ces derniers temps, quelques progrès, sur ce plan)

Vous m’avez compris, je ne dis nullement qu’il faut réduire la télé publique à la misère, je dis qu’il est vraiment très désolant que l’on nous bassine avec des arguments financiers, et que cela masque les vrais problèmes.

Je dis que nous sommes en train de rater magistralement une magnifique occasion de changer quelque chose dans ce pays.

Pardon, Nathalie, une fois encore, j’ai été trop long...

PS : bien sûr, cela ne signifie aussi qu’il faut s’opposer à la nomination du président de la télé publique par le président de la République et/ou le gouvernement. Mais on serait d’autant plus fort pour mener cette opposition qu’on serait dynamique dans les propositions d’un nouveau service public télévisuel. Tandis que la mollesse actuelle…

 

12:50 Publié dans ACTUALITE | Lien permanent | Commentaires (2)

Commentaires

Je suis absolument convaincu par le message. J'ajoute que la télévision publique devrait être comme un bon livre. Difficile d'accès peut-être mais quand on fait l'effort d'y pénétrer, on en ressort avec un peu plus de connaissance, celle qui nous a été apportée par un auteur qui avait quelque chose à nous faire partager : un imaginaire, un sens aiguë de la réalité, une perception de la vie, une pensée originale.... C'est à ce titre que l'éducation doit comprendre une partie consacrée à l'apprentissage de la télévision comme elle en consacre à l'apprentissage de la lecture. Le problème avec la télévision actuelle -hormis Arte- c'est qu'elle n'est le reflet d'aucune réflexion, d'aucune analyse, d'aucun échange sur la société. On n'y partage plus rien que l'air du temps et encore.

Écrit par : nucnuc | 02/09/2008

1°) La façon dont a été annoncée, par celui qui « fait président » la suppression de la pub à la télé publique est proprement scandaleuse.

2°) Cette décision qui prouve une fois encore la justesse de la remarque d’Antoine Prost (il n’est pas besoin de réfléchir pour décider) est totalement improvisée, puisqu’il faut réunir une commission pour tenter de trouver les financements compensant la perte de la pub, commission sabotée – nouveau fait du prince – par un oukase interdisant d’envisager la hausse de la redevance !

3°) En revanche, presque simultanément, on décide d’autoriser de nouvelles coupures publicitaires pour les chaînes privées (avec, en corolaire, une menace aggravée pour la presse écrite qui ne pourra plus espérer ne serait-ce que quelques miettes de la pub disparue des télés publiques).

4°) L’adolescent capricieux qui fait président s’arroge le droit de nomination du futur PDG des chaînes.
5°) La chute prévisible de l’audience attisera les volontés de démantèlement du service public de l’audio-visuel (au moins une chaîne généraliste de trop, entend-on déjà).

6°) Le défi est de faire des émissions de qualité et populaire et non pas de viser 5% d’audience, pour cela, la BBC le prouve il faut des moyens !

7°) Il est un domaine où le service public a failli, c’est celui de l’information où le moteur à émotions tourne à plein régime et où il n’y a pas le commencement du début de l’amorce d’une analyse sur l’arrière-plan, les enjeux, les perspectives (même un fait divers devrait le permettre) et où la planète est quasiment oubliée (un coup de projecteur sur la Géorgie au plus fort de la crise, puis plus rien, sauf si notre Ouf 1er se déplace à Moscou ou Tbilissi, l’Amérique latine existe-t-elle depuis la libération d’I. Betancourt ? à part les inondations, il ne se passe rien en Inde ? etc.)

Alors gageons que l’on aura la perte massive d’audience et une baisse globale de la qualité. Tout a été fait pour cela et l’on bradera sans vergogne la 2 ou la 3, dans une République qui est plus que jamais celle des copains et des coquins.

Écrit par : J. F. Launay | 03/09/2008

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