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23/02/2008

POUR UN AUDIO VISUEL SANS PUB, CONTRE LE CLERICALISME MEDIATIQUE

Au dessus des partis, des groupes de pression, des intérêts partisans qu’il est, votre Baubérot favori. Même que depuis de Gaulle, nul n’avait vu un zigoto de cette stature. Et encore, sur de Gaulle, il y aurait beaucoup à dire. Mais ce n’est pas le sujet de cette Note.

Nulle gêne donc, après avoir décrypté les frasques du président avec les princes de « l’Eglise » (elle se nomme ainsi, pourtant il en existe de multiples) et les princes d’Arabie (s’est où, dites ?), de lui donner raison, à ce président ravissant, quand il propose de supprimer la publicité dans l’audiovisuel public.

Tenez, il est tellement vertueux, intègre et tout le Baubérot, que quand il a reçu un télégramme indiquant : « Naturellement, nous ferons une exception pour votre Blog. Ce sera la seule pub. licite. » Une seule direction : la poubelle…

Et puisque la proposition est bonne, l’accueil très réservé qu’elle a reçu est profondément décevant.

Ou plutôt significatif. Un directeur de la MIVILUDES (vous savez, le machin antisectes, qui a été sous les feux de l’actualité cette semaine, et sur lequel j’ai déjà pris position : prière de s’y référer) m’avait affirmé, quand il m’avait reçu à sa demande : « je trouve beaucoup plus préoccupant la l’abrutissement répétitif, à haute dose, chaque jour, dans chaque foyer, par les publicités qui imprègnent à leur insu l’esprit des gens de façon indélébile, que l’activité des  (dites) sectes. »

Si c’est lui qui le proclame !

Il faut croire que la gauche et la quasi-totalité des journalistes sont nettement plus royalistes que le roi. On a eu la grève la plus suivie, depuis Mathusalem, dans le service public. Et les objections présentées m’ont souvent paru tirer à côté de la plaque (exprès ?).

Tout se passe comme si les faiseurs d’opinions étaient eux-mêmes tellement intoxiqués par la drogue publicitaire, qu’ils ne pouvaient plus vivre sans.

Reprenons en quelques unes (cela n’a rien de limitatif, les internautes peuvent, naturellement, en ajouter):

D’abord, le sempiternel fait du prince : Sarko qui annonce cela tout de go, et (s’indigne-t-on), le directeur de France-Télévision n’était même pas au courant. Sans parler de Machin Truc Muche et de Dupont La Joie.

Et on ajoute que le principe est posé alors que l’on ne sait pas encore comment le réaliser.

Eh bien, pourtant, je crie « bravo », 2 fois bravo. Car c’est la seule manière d’avancer.

Je vous ai déjà expliqué à quel point des rouages administratifs, bureaucratiques (j’aurais pu ajouter : politiques) sont capables de briser la moindre réforme, s’entendent pour ne jamais rien changer, pour s’encroûter de plus en plus.

Prévenir qui que ce soit, c’est s’exposer sûrement à des fuite et à voir le projet torpillé avant même d’être lancé.

Si moi, à partir de ma petite expérience du politique, je le sais, alors vous pensez bien que les journalistes ne l’ignorent nullement. Ils font seulement semblant. Faux culs !

Il ne fallait pas que la moindre personne du service public soit au parfum, c’est la seule chance de réussite.

J’ai été, il y a quelques années membre de la Commission sur la violence à la télévision. Nous avons auditionné les membres des différentes chaînes de télé. J’en ai gardé un sacré souvenir.

Les représentants de TF1 se sont faits tout gentils, tout humbles, tout petits. Style : « Oui, on le sait, on a des efforts à faire. Mais on a commencé à les faire. Et on va les poursuivre. Mieux, les augmenter. »  Etc.

Ne s’y laissait prendre que ceux qui le voulaient bien. Mais, au moins, ils admettaient être un peu merdeux.

Telle ne fut pas l’attitude des représentants des chaînes publique. Là, c’était un tout autre style, genre : « nous on est la télé propre, la télé sans tâche et sans reproche, la télé quasiment parfaite,… »

Plus que le contenu même de ce qu’ils ont dit, il y avait l’attitude, la posture, le roulement des mécaniques.

Et quand certains d’entre les membres de la Commission ont donné des exemples précis de trucs craignos, le même refrain reprenait.

Bref, ces représentants de la télé publique m’ont fait très mauvaise impression. Ils se comportaient comme si cette télé publique était différente, par essence, de la télé commerciale.

Alors, tant mieux qu’ils n’aient pas été au courant du projet de suppression de la pub.

Ma réflexion est la même quant au fait de poser publiquement (donc irréversiblement) le principe avant d’examiner les moyens pour le réaliser.

J’ai tellement entendu des ronds de cuir m’exposer que, certes, cette proposition était excellente, que d’ailleurs, si la ministre l’avait visée, il n’y avait pas à discuter, seulement à appliquer. Oui, mais, malheureusement, c’était totalement impossible pour telle et telle raison.

Et au début, je m’y suis laissé prendre. J’ai travaillé pour pouvoir résoudre les problèmes pratiques que l’on me posait.

Tout guilleret, je retourne voir mes ronds de cuir et leur expliquer comment résoudre les difficultés qu’ils avaient soulevées.

Alors là, ils me regardent d’un air très très malheureux, et leurs yeux me disent : mais enfin, pourquoi nous persécutez-vous ainsi ! Pour un peu, ils seraient allés se plaindre à la Ligue des droits de l’homme.

Oui c’était les yeux de victimes envers leur tortionnaire. Rassurez-vous, je ne parle pas d’expérience. Sauf que, une fois, j’ai tué un lapin. Et que, manque d’habitude, j’ai du m’y prendre à deux fois et le lapin m’a regardé, d’un air de gros reproche, à peu près comme mes ronds de cuir.

Sauf que lui, il avait une bonne raison !

Bref, je n’ai pas tardé à comprendre qu’existe une sorte de gens qui haïssent les solutions et adorent les problèmes. Et dont toute l’intelligence subtile s’aiguise à effectuer de très brillantes démonstrations prouvant que les problèmes sont insolubles.

Ce n’est pas très difficile, car il y a un truc. De même que des journalistes vous disent que l’objectivité n’étant jamais absolue, l’objectivité n’existe pas (on ne la rencontre pas chez eux, effectivement,…). De même, il suffit de vouloir des solutions parfaites, pour pouvoir prétendre qu’il n’existe aucune solution.

Elles sont toutes critiquables, contestables. Donc, ne bougeons pas notre petit doigt.

Ce que je trouve d’ailleurs admirable dans la question précise de la suppression de la télévision dans l’audiovisuel, c’est que tout le monde dit : la gauche en rêvait depuis 20 ans. Et tout le monde trouve normal que la gauche n’ait aucune idée pour réaliser la chose.

Comme si le rêve devait surtout rester tel, ne jamais se réaliser.

On a de la chance : avoir à la fois un président bling-bling et une gauche complètement zin-zin ! C’est sans doute cela la fameuse « exception française » que le monde entier, que dis-je, le système interplanétaire, nous envie.

Ah, comme c’est chouette d’être français.

Vous comme moi, nous payons une redevance. Et nous avons eu Ardisson et Fogiel. D’accord on a trouvé un prétexte pour les balancer. C’est déjà ça. Mais on nous a imposé Stéphane Bern et tant que les recettes publicitaires sont indispensables, elles font plus ou moins la loi.

Alors, il n’est pas tombé de la dernière pluie, votre Baubérot bien aimé. Il ne s’imagine surtout pas que la fin de la pub soit une solution miracle. Ce n’est certes pas suffisant. Mais c’est nécessaire.

Et arrêtons les questions stupides

Style : mais avec quoi on va remplir les moments jusqu’à présent occupés par la pub ? Celle-ci nous rapporte 850 millions d’€. Il nous en faut 1 milliard 2, avec les trous dus à l’absence de pub.

N’importe quoi, pourquoi pas 4 milliards 9 que la Société Générale se ferait un plaisir de vous avancer !

Avec quoi, vous allez remplir les moments où vous ne livrerez pas des parcelles de cerveau disponible?[1] Ben, peut-être en faisant passer à 22h30 les rares émissions intéressantes qui sont actuellement à 23H30 – minuit, Ducon (comme dirait Bigard, vous voyez, moi aussi je sais être bling-bling !).

Eh puis, il y a les archives de l’INA. Des milliers et des milliers d’heures. Vous savez, du temps où la télé était intelligente. Ou elle n’avait pas de pub ! Ou Lévi-Strauss, Raymond Aron et d’autres s’y exprimer. Du temps heureux où BHL ne sévissait pas encore.

Rassurez vous, il y avait aussi de très bons divertissements : Jean-Christophe Averti, cela valait bien la Star’Ac ! Je suis sur que bien des jeunes adoreront. Et pour les… moins jeunes[2], cela aura un délicieux côté, madeleine de Proust.

Et soi jamais la loi vous interdisait de puiser dans les archives de l’INA (je n’en sais rien), eh bien modifions la loi que diable. La télé publique c’est notre télé, et on a le droit, nous et nos représentants, d’en faire ce que nous voulons.

Que mille fleurs s’épanouissent, que mille projets fleurissent. Que l’inventivité, la créativité se libère. Il y a, dans ce spectacle affligeant, une initiative heureuse : celle de Télérama qui dit : chiche et propose à ses lecteurs d’imaginer une télé sans pub.

Tant que nous y sommes, une première idée : que les journalistes de cette nouvelle télé ne parlent plus jamais de nous comme des « anonymes » : nous sommes des « personnes », à la rigueur des « gens », pas des êtres sans nom et sans visage, Messieurs-dames, les nouveaux cléricaux.

Quand certains voulaient un monopole de l’Etat sur l’enseignement, Jules Ferry, ce grand laïque devant l’Eternel, avait opposé un net et clair refus. L’enseignement privé était indispensable à un Etat démocratique. Pour 2 raisons:

-d’abord parce l’Etat risquait toujours d’imposer certaines doctrines. Un enseignement qui échappe à l’Etat était la garantie d’un véritable pluralisme des idées. Ce pluralisme supposait la coexistence de systèmes d’enseignements réellement différents.

-ensuite parce que l’enseignement privé pouvait effectuer des « expérimentations » que l’enseignement public, aux contraintes plus lourdes, ne pouvait pas forcément se permettre.

Nous ne sommes plus à la fin du XIX, mais au début du XXIe

L’influence de la télé, dans l’éducation (des enfants comme des adultes) est dominante.

Le risque de dictature provient moins de l’Etat-nation, beaucoup plus du règne sans partage du marché

C’est pourquoi, le même idéal laïque qui voulait, il y a 125 ans, un enseignement privé libre et expérimental doit lutter aujourd’hui pour une télé publique non commerciale, libre et expérimentale.



[1] Vous avez remarqué l’hypocrisie complète : tout le monde est tombé à bras raccourcis sur TF1 quand son directeur a parlé des « morceaux de cerveau disponibles », liés à la pub. Et quand on propose de supprimer la pub sur le service public,…

[2] Vous l’avez remarqué : on ne dit pas « vieux », mais « moins jeune », pas « aveugle » mais « mal voyant ». Etc. Seule exception : on ne dit pas « mal comprenant », on dit encore « journaliste ».