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30/04/2007

A UN AMI TENTE PAR L'ABSTENTION

Un ami de longue date m’écrit ceci : « J'ai bien noté sur ton blog ton soutien à  Ségolène : je t'aurais peut-être suivi si elle s'était vraiment débarrassée des éléphants du PS, mais là  il n'est que trop certain que si elle est élue elle sera bien obligée de reprendre l'ornière catastrophique des Aubry et Jospin : démagogie, lâcheté, immobilisme.

Je ne me vois pas pour autant voter Sarkozy : impulsivité dangereuse, et surtout inefficacité. Cette incapacité s'est manifestée pour la canicule, en effet la protection civile relève du ministre de l'Intérieur, qui en cette occasion a fait habilement porter le chapeau au ministre de la Santé. Et pour les émeutes de novembre 2005, au sujet desquelles je recommande le livre de mon ami Gérard Mauger, L'émeute de novembre 2005 - Une révolte protopolitique.

Alors s'abstenir ? »

 

Je reconnais bien là mon ami, il ne s’est jamais fait d’illusion sur les possibilités du politique, même quand nous militions ensemble, dans les années 1970, dans des groupes dits« d’extrême gauche ». Un humour teinté d’ironie, que je partageais largement, à l’égard des espoirs révolutionnaires accompagnait la contestation de la société dominante.

Donc voilà mon ami tenté par l’abstention le 6 mai prochain. Pourtant à le lire, il ne met nullement la balance égale entre « Sarko » et « Ségo ».Il effectue même à l’encontre du premier une critique (liée à se compétence propre), que je n’avais lue nulle part.

En revanche, il ne donne aucun grief à l’encontre de Ségolène Royal, seulement selon lui elle n’arrivera pas à se dégager des poids lourds du PS, à l’égard desquels il ne se montre pas tendre, c’est le moins que l’on puisse dire. Pourquoi : le propos est implicite (il s’agit d’un mel), mais je le décrypte facilement : il y a certaines réformes sociales qui ne sont pas faites de façon suffisamment intelligentes, d’autres qui ne sont pas faites et pourtant nécessaires : tout cela est contreproductif, tout cela est boomerang. Dés lors, rien ne sert d’avoir un discours de justice, si dans les faits, cela ne suit pas.

 

Il me semble que cette position est loin d’être isolée. Un certain nombre de personnes ne voteront certainement pas Sarkozy mais hésitent à voter Royal par crainte qu’elle soit qui prisonnière qui des « éléphants » du PS, qui « des syndicalistes FO, qui préfèrent une mainmise sur la sécurité sociale que d’envisager des réformes pourtant indispensables si on ne veut pas aller dans le mur » (dixit un autre ami), etc.

 

A tous et toutes je conseille de lire le débat entre Ségolène Royal et François Bayrou, publié intégralement par Libération ce lundi 30 avril, s’ils n’ont pas suivi le débat en direct (c’est mon cas, j’étais alors à Santiago du Chili à un colloque latino-américain sur la laïcité). La candidate a exposé très clairement son programme qui me semble à la fois ambitieux et réaliste, et sur le plan des libertés démocratiques (et de la nouvelle manière de les pratiquer) et sur le plan des réformes sociales.

Pourra-t-elle tout réaliser ? Sans doute pas, mais ne promettant pas la lune (ou le « demain on rase gratis ») d’un côté, n’étant pas dans un réformisme plat de l’autre, elle s’est mise (à mon sens), comme j’ai tenté de l’expliquer dans ma Note de lundi 23, dans la meilleure posture pour en réaliser le plus possible.

Pour avancer, il faut à la fois des objectifs crédibles et une part d’utopie. Ségolène Royal a été la seule au PS à conjuguer les deux (c’est pourquoi d’ailleurs elle a été capable de réconcilier partisans du oui et partisans du non au référendum sur l’Europe). Fabius a joué l’utopie, mais je dirai tout net qu’à tout prendre, je préfère, dans cette optique là, Marie George Buffet : au moins, elle n’est pas dans un rôle de compétition, elle ! Strauss-Kahn a pour lui sa compétence et la cohérence interne de ses idées. Mais peut-être il manque à son caractère la part d’utopie qui permet de voir loin.

 

Je suis un peu étonné que mon ami m’écrive : « il n’est que trop certain… ». Lui qui n’est jamais dupe des certitudes établies et des vérités médiatique, d’où lui vient cette certitude qui enferme et ne laisse par de place à l’espoir ? Non, ce n’est pas « plus que certain », ce n’est même pas certain du tout. Bien sûr, les inerties, les paralysies, les immobilismes de toutes sortes (et pas seulement du côté des éléphants du PS : dans le genre ‘sans illusion’, on pourrait largement allonger la liste) seront là et bien là.

Mais honnêtement, qui, quand Sélène Royal a commencé à être candidate à la candidature pensait qu’elle allait autant faire ‘bouger les lignes’, ne pas se laisser enfermer dans les dogmes et les carcans ?  Je suis étonné, que mon ami, qui s’est toujours montré un analyste très lucide, estime qu’elle ne s’est pas assez débarrassée des « éléphants du PS ». Je crois qu’elle a fait le maximum pour qu’ils n’encombrent pas sa route. Or c’est une contrainte démocratique indispensable (si l’on veut gagner et pas seulement présenter une candidature de témoignage[1]) de devoir tenir compte des ténors de partis politiques. On les voudrait plus rénovateurs sans doute, mais voilà, ils sont ainsi et elle a bien été obligée de faire avec. Mais, elle a quand même sacrément fait bouger les choses, non ?

 

Alors, naturellement, quand on insuffle du mouvement, il y a toujours des mécontentements possibles sur telle ou telle direction proposée, telle initiative prise. Mais comment regrouper la majorité des Français sans frustrer personne ? J’ai écrit de multiples fois que la réussite de la loi de 1905 consistait à avoir trouver un équilibre des frustrations ; ajoutant qu’elle a aussi permis à terme un certain dépassement de ces frustrations réciproques. Il me semble que Ségolène Royale est arrivée à s’inscrire dans une démarche analogue. Il me semble, qu’en un an et demi, elle a progressé à chaque étape. Elle a su, pour cela, bousculer ses petits camarades quand il voulait lui imposer un chemin tout tracé à l’avance. Elle n’a pas eu peur de l’hérésie, et cela me plait bien.

Alors s’abstenir parce qu’il y a, il y aura obstacles et blocages serait parier à l’avance que ces derniers vont complètement triompher. Mais une telle certitude à l’envers n’est-elle pas finalement aussi dogmatique que croire dans « les lendemains qui chantent » ? Et puis, comme Sarkozy est le favori, s’abstenir n’est-ce pas voter en moitié pour lui ? Or, si je t’ai bien compris, ami, tu n’en veux pas. Et nombreux sont celles et ceux qui n'en veulent pas non plus. Il faut en tirer les conséquences.

 

Je reviens, je l’ai dit,  du Chili. C’est un pays fort intéressant. Il a cru en la possibilité d’une révolution à la fois démocratique et marxiste. Cela n’a pas marché, parce que les blocages sont internes et externes, ils sont à l’échelle de la planète. Il y a eu au Chili, un 11 septembre où l’Amérique n’était pas victime mais complice, un 11 septembre 1973 où le général Pinochet a réussi un sanglant coup d’Etat. Depuis 1988-1989, le Chili remonte la pente.

La situation de la France n’est, naturellement, en rien comparable, si ce n’est qu’en février 2006, une femme socialiste a été élue présidente de la république chilienne. Un Chilien m’a dit : « Notre société est machiste et cela lui fait du bien d’avoir une femme présidente ; cela entraîne des évolutions en profondeur ».

Bien sûr, cela ne justifierait pas que l’on prône n’importe quelle femme, sous prétexte qu’elle est une femme, comme présidente. Cependant, il faut convenir que, pour en arriver à être au second tour de la présidentielle, Ségolène Royal a du vaincre un peu plus d’obstacle qui si elle avait été un homme. Et que cela mérite considération.

D’ailleurs, actuellement, dans les sourires à Sarkozy, existe aussi le machisme bête et méchant de certains[2]. Et si, contrairement à certains éléphants PS, le président de l’UMP a eu l’intelligence de ne pas tenir de propos antiféministe, je me demande si sa posture « virile », fort en gueule, n’est pas (en partie) une manière implicite de dire : « vous n’allez quand même pas voter pour une gonzesse ». Eh bien si.

 

Donne moi un argument, un seul me demande un autre ami. OK, le voilà : toutes les mesures concrètes proposées  pour démocratiser la République. On s’est moquée de la phase d’écoute des Français que Ségolène Royal s’est imposée. Ou, avec plus d’intelligence, on a dit qu'elle prenait un gros risque. Certes. Pourtant, le risque a permis de rompre avec la pratique d’appareils, il a mécontenté beaucoup de clercs divers, et c’est tant mieux. Tout le début de son dialogue avec Bayrou porte sur ce sujet, il est très intéressant et le fait même d’avoir préconisé et réussi cet inhabituel dialogue, qui casse l’inflation idéologique si courante en politique, est novateur.

 

Notre république est semi monarchique : c’est le constat qui est fait hors de France dans pratiquement tous les pays démocratiques, alors même qu’a régné, jusqu’à présent, en France, une invocation incantatoire et acritique de la Rrrrépublique. Proposer une république plus démocratique, c’est proposer une république plus républicaine.



[1] Ce qui est également une démarche honorable, quand on en profite pour poser de bonnes questions (j’estime pour ma part que c’est ce qu’a fait, par exemple, Dominique Voynet). Mais, il faut bien aussi que quelqu’un y aille pour la gagne !

[2] Michel Charasse par exemple : quand « la présidente de la région Poitou-Charentes s’était lancée à l’assaut de l’investiture PS, Charasse avait emporté haut la main la palme du machisme en lui promettant l’échec en ces termes ‘Ségolène, poum, poum dans le popotin !’ », Libération 28-29 avril 2007.

19:45 Publié dans ACTUALITE | Lien permanent | Commentaires (3)

Commentaires

Tput ca est d'autant plus logique que M. Bayrou n'est plus le représentant de l'UDF, il est désormais, grace ou malgrès lui, le représentant d'une forme nouvelle de contestation.

"45% des électeurs Bayrou revendiquent un vote contestataire" - Sondage des internautes sur http://www.ExtremeCentre.fr

Écrit par : JeanHuguesRobert | 30/04/2007

Oui, s'abstenir, ou voter blanc, cela revient quasiment à voter Sarkozy... Ah! je n'étais pas emballé par la candidature Royal, et j'ai toujours beaucoup de mal (notamment au niveau économique)... mais je reconnais qu'elle a participé au mouvement qui est en train de bouger les lignes, qui sait de les pulvériser? Emmanuelli a déjà dit qu'il était proche de la scission, DSK veut saisir "l'occasion historique"... Royal n'y est pas pour rien, il faut le reconnaitre. Et puis, oui, il faut lire ou plutôt regarder ce débat Royal - Bayrou, un moment de dialogue constructif, c'est suffisamment rare pour être signalé en politique ! A moi, il m'a convaincu que je n'aurais aucun regret à voter Royal malgré toutes les différences d'opinions que je peux avoir avec elle, et avec les "éléphants" du PS.

Écrit par : Achtungseb | 30/04/2007

Effectivement, le vote blanc, l'abstention semblent tenter bien des citoyen(ne)s dont ce n'est pas l'habitude.
A/J'ai cru remarquer quelques données lors d'échanges divers:
1/ Cette tendance serait celle de personnes, de milieux qui, après tout, ont assez de "sécurités" personnelles pour penser que les politiques menées par les uns et les autres ne les concernaient pas directement et "vitalement". Leur distance avec le "politique" ( au sens où ils n'y investissent pas de temps, d'énergie en d'autres modes que celui de "s'informer") relève ,dans le sens le plus noble , du "jeu". Dans nos milieux se réclamant de critères culturels, intellectuels, artistiques ...dans des conditions de vie, de travail relativement "protégées"( et soumis à bien des remises en question politiques) les indéniables retards pris par les diverses "gauches" à "penser" un monde qui évolue beaucoup trop vite a mené, et mène à se reconnaître de moins en moins dans les "offres" politiques...diverses...Bref à , selon les élections, enfiler des gants rouges, noirs , verts ou blancs et critiquer tous les "apparitchiks" du PS...
2/En revanche des "gens" qui certes n'ont pas épluché les programmes, n'ont guère de formations économiques, politiques mais "vivent" dans x "détails" quotidiens et durs les effets pour eux, leurs proches des diverses "politiques" ne tergiversent certes pas...Nous avons tous pu constater les records de nouveaux inscrits, de votants , de "passions" pour ces élections ( n'oublions pas, vu nos institutions, toutes celles qui suivent et interfèrent déjà avec les présidentielles). Et, aussi, des majorités déjà absolues pour Ségolène Royal dans les circonscriptions et "territoires" des plus secoués par les effets des politiques de "droite", sauvagement libérales,sécuritaires...J'ai vraiment apprécié les expressions qui sont employées dans les "cités": "on vote tous et toutes pour la "femme" (sic), c'est notre "roue de secours". Si Sarkozy passe ce sera "la haine", la "guerre civile", des "violences" dont on ne veut pas...

2/ j'ai regardé en direct le débat entre Royal et Bayrou et me suis forcée aussi à regarder la vidéo du meeting à Bercy .Autant se faire son avis et les visages, les gestes, les corps, les voix, les mises en scène en disent autant ou plus que les mots...et que bien des commentaires de commentaires...
J'étais, personnellement, certes pas contente de ne pas pouvoir au premier tour voter pour un(e) des candidat(e)s les plus proches de mes convictions ( et laquelle, lequel ??!!) , mais assez estomaquée par les "arguments" que je trouvais finalement "déconnectés" du "réél", des "réalités" et des "possibles" dans la france, l'Europe et le monde...des personnes refusant radicalement , malgré toutes leurs convictions et pratiques de faire la différence entre des propositions politiques quand même pleines de ces "petites différences" qui sont "grandes".Ne voulant pas comprendre non plus que, après tout, la France n'a pas une sociologie "révolutionnaire" , ni même "de gauche de gauche" ; que très bien "gouverner au centre" mais qui représentera alors les citoyen(ne)s de plus en plus nombreux qui sont exclus de cette représentation?
Et si les "lignes" bougent, certes trop tard, tant mieux certes .N'allons pas nous plaindre que, avec des tactiques différentes, le débat soit vif et public dans les partis, syndicats,associations se réclamant des valeurs qui restent les socles de notre démocratie, de notre république.
Ce débat entre S.R. et F.B. a été un grand moment de vrai débat démocratique et public. il n'apprenait certes rien sur le fond ( ni évidemment ses enjeux en termes de voix pour le second tour).En revanche les réactions assez terrifiantes de N.S., des états-majors UMP...et F.N, en disaient très long : s'abstenir, voter blanc c'est se garantir( si on ne l'a pas compris avec les lois déjà votées, celles que les gouvernances UMP annoncent...c'est à désespérer de la culture politique de bien des "clercs"!) un avenir pas triste...les plus élémentaires droits dont ceux de la sacro-sainte liberté d'expression, d'opinion seront piétinés ainsi que les contre-pouvoirs indispensables dans une démocratie.
J'ai aussi trouvé ahurissants ces arguments à la mode dans nos milieux ( en x variantes)qui ont vraiment la "mémoire courte" sur notre histoire de France et ce à quoi mènent ces genres de choix politiques
Tout faire pour hâter la fin du P.S., du PCF, de x partis , syndicats, associations...(archaîques, trahissant le peuple..., pas "modernes", trop, pas assez réalistes..., trop ou pas assez...laîques...)
bref: "table rase."...Et le champ libre aux pires aventures...Qui trinquera? qui saura trouver des jardins privés ou publics où se protéger?
3/ Pour sourire et revenir à des petits intérêts catégoriels intellectuels...
Et bien ça s'agite dans certains sites! Les masques tombent toujours un jour ou l'autre...Grand scoop
Sarkozy avec Darcos ou Valérie Pecresse comme ministre de l'EN...et quelques conseillers qui hors de quelques slogans sauveront l'Ecole républicaine et laîque en exigeant " qu'on pende par les couilles" ( sic. Excusez-moi...J'espère que les élèves ne lisent pas le blog-site de J.P. Brighelli) une bande de "khmers rouges" sévissant dans le mammouth, les IUFM et les cabinets , entourages du PS...
" Vomissures d'un certain Baubérot"...aussi...
Décidément il est temps pour certains de se faire pardonner leurs excès de jeunesses et d'aider N.S. à "liquider mai 68"...
A tous et toutes: un petit brin de muguet...et une rose rouge!

Écrit par : anne-marie lepagnol | 01/05/2007

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