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29/12/2006

LE RAPPORT DE LA COMMISSION PARLEMENTAIRE, SUITE

Hou la la, que de passion : ma dernière Note sur la Commission parlementaire a déchaîné des passions, je crois que jamais il n’y avait eu autant de commentaires. Manifestement, les dites « sectes » est un sujet qui vous accroche plus que Miss France ! Figurez vous que moi, à priori, je n’ai pas d’intérêt particulier pour la question, et si la France (officielle) avait une attitude plus raisonnable à ce sujet, je ne m’y attarderai pas. Mais, voilà, il y a des choses qu’on ne peut laisser passer sans réagir.

Et notamment cette distinction qui, par ce biais, est en train de faire comme si elle était laïque, entre « religions reconnues » et « sectes ». Un des principaux membres de la Commission l’a utilisée à la télévision. Il faut alors redire que depuis 1905 et la séparation des Eglises et de l’Etat, il n’y a plus de religions reconnues en France. Il est scandaleux, après avoir célébré un an durant cette loi, de la piétiner ainsi ; surtout lorsqu’on se prétend parlementaire, c'est-à-dire législateur.

Et le plus scandaleux, c’est que, régulièrement, depuis le Rapport parlementaire de 1996,  qui utilisait l’expression, on nous bassine avec de pseudos « religions reconnues » (que l’on oppose aux dites « sectes ») sans que les défenseurs sourcilleux d’une laïcité intransigeante y trouvent à redire. S’ils étaient francs du collier, ils devraient être les premiers à s’indigner et à protester. Mais non, ils se taisent et font semblant de ne pas entendre. Double jeu, double discours.

Un des commentateurs (Olivier) reproche à la « communauté savante », historiens et sociologues son « silence ». Mais Olivier, elle n’est pas silencieuse. Elle s’exprime, dans la difficulté, certes, mais elle le fait. Je vous recommande d’excellents ouvrages sur le sujet, notamment deux d’entre eux :

-         Sectes et démocratie, collectif dirigé par Françoise Champion et Martine Cohen (2 chercheuses au CNRS), paru au Seuil en 1999

-         La religion en miette ou la question des sectes par Danièle Hervieu-Leger, l’actuelle présidente de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, chez Calmann-Lévy en 2001.

Par ailleurs, quand la MIVILUDES était plus raisonnable, avait eu lieu la série de conférences à laquelle j’ai fait allusion dans ma dernière Note. Elle est parue à La documentation française sous le titre Sectes et Laïcité, en 2005, avec des contributions de plusieurs historiens, sociologues, anthropologues. Au-delà de la diversité de leurs points de vue, ces contributions témoignent toutes d’une volonté de distance critique avec préjugés et stéréotypes.

Pour ma part, j'ai publié dans mon dernier livre (L'intégrisme républicain contre la laïcité, L'Aube) l'exposé que j'ai donné à cette occasion.

Mais quand la MIVILUDES est devenue…déraisonnable, à l’automne 2005, la sociologue Nathalie Lucas (CNRS-EHESS) a démissionné de son Comité directeur, et Sébastien Fath (CNRS) a refusé d’y entrer car les conditions d’un travail sérieux n’étaient pas réunies.

Enfin, il faut aussi signaler que les universitaires laïques belges de l’Université libre de Bruxelles (Université fondée sur le « libre examen » et qui, depuis le XIXe siècle, est un bastion de la pensée laïque) se sont courageusement opposés au sectarisme anti-secte qui existe aussi dans leur pays en organisant un colloque (et en publiant ses Actes dans les éditions de leur université, sous la direction d’Alain Dierkens et Anne Morelli) : « Sectes » et « hérésies », de l’Antiquité à nos jours (2002).

Je donne le petit résumé de la 4ème de couverture de ce dernier livre : « « Secte » ou « religion », « hérésie » ou « vraie foi » ? Comment obtient-on ou non un label religieux honorable ? Comment devient-on « religieusement correct » ? Qui en décide ? Quel est le poids des pouvoirs politiques dans ce choix ? Les exemples réunis ici traversent les siècles pour témoigner de la permanence de ces questions sur les rapports entre le pouvoir et les formes institutionnelles du sentiment religieux. »

De ‘bonnes’ questions sont donc posées. Pourquoi ‘bonnes’ ? Cela m’amène à répondre à Michel Naud qui, sur son blog, explique que, pour une fois, il est d’accord avec moi (il ne l’était pas sur Redeker) mais qu’il reste en désaccord avec « l’angle d’attaque » : défendre « l’intelligence » et la « raison » contre la « bêtise ». Pour lui, il s’agit d’une « divergence de nature politique » entre (si j’ai bien compris) les parlementaires et les défenseurs de la laïcité et de la liberté de conscience. Et il poursuit en indiquant que se « parer de ses titres universitaires »  court le risque de faire preuve « d’arrogance », de manier « l’argument d’autorité ».

La question soulevée est importante mais relisez la Note, c’était quand même argumenté de façon un peu plus subtile. Que dire alors sans me répéter ? OK, je suis d’accord sur les risques indiqués. Ils existent, et les diplômes ne sont nullement une garantie infaillible. Il n’empêche, on ne peut mettre si facilement de côté la question de la compétence : Michel Naud passerait-il sur un pont fabriqué par des gens qui n’auraient aucun métier, à partir de plans établis par des amateurs ? Habiterait-il au 7ème étage d’un immeuble construit par des gens sans compétence ?

Mon métier consiste précisément à avoir une compétence en matière de laïcité, et pour cela je travaille chaque jour. Je m’exerce à la gymnastique intellectuelle, car on ne l’acquiert pas sans s’entraîner régulièrement. Mon métier consiste aussi à pratiquer et à enseigner ce que l’on appelle la démarche de connaissance, et à juger si elle est respectée ou non. Or, ce que je constate c’est que, de plus en plus, il y a des personnes qui, profitant de leur position politique, sociale et/ou médiatique, ne se privent pas de traiter doctement, avec une complète bonne conscience, de tous les sujets possibles et imaginables dés lors qu’il s’agit de sujets dits « de société »,  comme s’il n’existait que l’opinion et pas la connaissance.

OK, il y a la liberté d’opinion, mais en faire un absolu et ne pas la mettre en tension avec la compétence, c’est permettre aux puissants de dominer sans partage. Et si on n’a plus le droit de dire qu’une ânerie est une ânerie, alors non seulement la liberté d’opinion est à sens unique (du côté des puissants), mais le mensonge le plus complet règne. Car, en général ces gens là prétendent qu’ils sont du côté «  (des) Lumière, (de) l’éducation, (du) progrès, (de) l’émancipation » (dixit Catherine Picard). Ils ne se gène pas, eux, pour prétendre combattre « l’obscurantisme », alors que ce sont les pires obscurantistes qui soient.

Les lois mémorielles, par exemple, montrent le remplacement de la connaissance historique par la vérité d’Etat. Je croyais que fascisme et stalinisme nous avait vacciné contre cela. Eh bien non, et les multiples protestations des historiens n’y font rien, précisément parce que prétendre chercher à être intelligent est devenu politiquement incorrect. Pourtant, étant donné la surinformation due à la communication de masse, due aussi à ce que la culture est devenue une marchandise, il est essentiel d’apprendre (et cela s’apprend de façon continue) à trier entre des marchandises de très piètre qualité (et qui s’affichent, sont lancées avec moult publicité et font ainsi les meilleures vente : renoncer à distinguer intelligence et bêtise risque fort de rendre esclave de critères quantitatifs) et ce qui est de meilleure qualité.

Sinon, il ne faut pas s’étonner si la France s’avère de moins en moins capable de résoudre ses problèmes.

Vous connaissez, le petit enfant qui dit que le roi est nu, parole que chacun trouve scandaleuse. Et pourtant… Si on n’a plus le droit de dénoncer (à ses risques et périls, nous sommes bien d’accord) la bêtise,  alors elle va régner sans partage.

Il ne s’agit naturellement pas de décréter « bête », tout ce qui n’est pas votre opinion. Là, ce serait de la bêtise. Au contraire, il faut lire et fréquenter des gens dont vous ne partagez pas forcément l’avis, mais qui, eux aussi, réfléchissent et travaillent. Et là, je réponds à Isabella Orsini qui me reproche d’avoir écrit la postface d’un ouvrage d’histoire maçonnique Deux siècles de Rite écossais Ancien Accepté en France  et d’être allé dialoguer, rue Cadet,  avec  le Grand Orient.

Et pourquoi pas ? Dialoguer avec les maçons ne signifie pas forcément un complet accord avec eux. Une règle du débat maçonnique est que l’on écoute l’orateur en silence, qu’on le laisse développer son point de vue, sans l’interrompre et manifester approbation ou désapprobation. Voila une éthique intelligente de débat. Elle est très nécessaire dans une société où bruit, fureur, « coups de gueule »’, petite phrase, inflation idéologique, maximalisation et mise en scène de l’émotion tend à nous abêtir, à privilégier les affects primaires sur l’analyse et la réflexion.

Alors oui, ce livre d’histoire maçonne semble écrit (sauf ma postface, of course) par des maçons. Et alors ? Quand j’ai lu les textes que l’on m’a remis je ne me suis intéressé à leur qualité, je n’ai pas cherché à savoir si leurs auteurs étaient ceci ou cela. Et voila ma réponse à Charles Chasson qui prétend qu’à l’EPHE, on accepterait qu’un Témoin de Jéhovah fasse une thèse sur les Témoins. Je n’ai pas dirigé, pour ma part, de thèse sur les Témoins et je ne sais si l’assertion est exacte. Mais peu importe : j’ai dirigé des thèses sur le catholicisme et je n’ai jamais demandé au doctorant(e) s’il était catholique, je n’ai d’ailleurs jamais demandé à mes étudiants et étudiantes ni leur confession ni leur options politiques ni quoique ce soit de ce genre.

Non seulement, ce serait contraire à la laïcité, mais cela n’offre aucun intérêt. Tout choix de thèse comporte des motivations extra-scientifiques et le travail du directeur de thèse consiste à faire progresser le ou la doctorant(e) dans l’objectivation, la connaissance objective. Connaissance objective qui sera jugée au final. Je sais bien que les idéologues de tous poils vont prétendre que l’objectivité n’étant pas absolue, il n’existe pas. Stupidité affligeante : la richesse absolue n’existant pas non plus, autant dire qu’il n’existe aucune différence entre un PDG gagnant 300 fois le smic et un SDF !

J’ai répondu à quatre commentaires sur 34, mais j’arrête là. Juste dire à Anne-Marie Lepagnol qu’elle ne s’inquiète pas, la suite des Notes sur les Lumières arriveront prochainement. Mais ce ne sera pas la prochaine Note, car celle-ci (mise sur le Blog le 2 janvier) va être un scoop mondial et surprenant. Je ne vous en dis pas plus. JUSTE QUE JE VAIS VOUS RAJEUNIR....et gratuitement!

Et très joyeuse année 2007 (et tant que nous y sommes : joyeuse année 2008 itou) à toutes et tous les Internautes et navigatrices/navigateurs sur ce Blog.

PS: il m'est impossible de modérer mon blog quand quelques personnes, qui ont pourtant leur propre blog s'en servent pour écrire moult commentaires répétitifs avec des attaques perso. Il y a là une intention de rendre impossible le bon fonctionnement du Blog qui peut permettre des échanges mais n'est pas une tribune permanente, sauf pour l'auteur du blog (c'est la règle du jeu de tous les blogs). Encore une fois, je suis responsable du contenu et je recois actuellement chaque jour beaucoup de mel de bolgospirit à ce sujet. Je suis donc obligé de prendre des mesures drastiques et, faute de pouvoir passer tout mon temps à trier de supprimer des commentaires pour éviter la mise en cause des personnes. J'en suis désolé et demande à ceux qui ont écrit par ailleurs des choses intéressantes de m'en excuser.

 



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