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08/03/2006

De la laïcité au Caucase à la "discrimination positive" en France

De l’Azerbaïdjan à la France, la laïcité et ses défis.

Je rentre de Baku, ville de plus de 2 millions d’habitants et capitale de l’Azerbaïdjan, pays de 8 million d’habitants dont  un peu plus de 90% sont musulmans, la majorité étant des musulmans chiites. Certains ne font d’ailleurs pas une très grande différence entre chiisme et sunnisme et estiment que, globalement, leur religion est l’islam.

 Regardez sur une carte si vous ne savez pas où se situe ce très sympathique pays. Il borde la Caspienne. Au Nord, il y a la Russie, à l’Ouest la Géorgie et l’Arménie (qui occupe 20% de son territoire depuis une dizaine d’années), quelques km de frontière avec la Turquie, et au sud, c’est l’Iran. On peut donc dire qu’il constitue une partie du Caucase ex-soviétique, où se produit, depuis quinze ans, de fortes recompositions religieuses, politiques et sociales. De l’autre côté de la Caspienne, il y a les autres anciennes républiques soviétiques dites « musulmanes » (Kazakhstan, Uzbekistan, etc)

Bien sûr, l’objet de ma venue, à l’invitation de l’antenne de Bakou de l’Institut d’Etudes Anatoliennes, était de dialoguer sur la laïcité avec des chercheurs et des personnalités de la société azerbaïdjanaise. La laïcité est inscrite dans la Constitution de l’Azerbaïdjan. Et cela fonctionne : ainsi vous pouvez trouver du porc en vente au marché de Baku sans aucun problème. La pratique de l’islam est très diversifiée selon les gens. Les filles portent ou ne portent pas (en grande majorité) le foulard selon leur conviction propre et les minorités religieuses voient leur liberté garantie par l’Etat.

Le problème majeur est l’occupation d’une partie du territoire (et pas seulement le Karabakh, mais aussi les régions environnantes) et les difficultés qui en résultent (personnes déplacées, camps de réfugiés).Sinon, le pays est en expansion économique, grâce aux ressources pétrolières, avec malheureusement le développement d’inégalités sociales. La sortie du système soviétique a permis une certaine démocratisation. Elle s’accompagne de la fin d’une société pauvre mais assez égalitaire dans la pauvreté et où ces idéaux égalitaires étaient forts. Les prix grimpent sans que les salaires suivent toujours, la population de Baku progresse vite, l’exode rural se développe surtout que la conjoncture actuelle de la grippe aviaire prive les campagnes d’une ressource importante, l’élevage de poulets.

D’où la question de la possibilité d’un discours citoyen, laïque et démocratique qui puisse être mobilisateur, porteur d’avenir. Cela d’abord face à une jeunesse de plus en plus attirée par la société de consommation et qui risque d’être, en partie, laissée pour compte dans les mutations en cours. Ensuite, il semble exister une certaine crise identitaire de la part d’une population qui, au niveau de ses élites, était fière d’appartenir à la « seconde puissance » du monde. Aujourd’hui le paysage social, dans toute la région, se métamorphose avec le développement de la présence de firmes internationales (en Azerbaïdjan, c’est surtout British Petroleum, Total n’a qu’une petite concession), des ONG dont plusieurs veulent propager les droits de l’homme, l’éducation à la démocratie, au pluralisme, à la liberté de la presse (surtout anglo-saxonnes, parfois allemande aussi. La France est peu présente à ce niveau) et des mouvements religieux qui traversent les frontières.

 La laïcité azerbaïdjanaise, quant aux rapports entre les religions et l’Etat, m’est apparue relativement proche du « modèle turc » où l’interventionnisme de l’Etat n’est pas absent.On peut dire qu’existe une certaine nationalisation de la gestion de l’islam. Entre l’héritage de l’ex athéisme d’Etat soviétique et la possibilité d’une relative instrumentalisation de l’islam à des fins de redéfinition identitaire, cette laïcité se cherche. De fait, s’il existe des contacts religieux avec l’Iran du à l’importance du chiisme, depuis que ce pays ne fait plus partie de l’Union soviétique, si, comme dans toutes les ex républiques « musulmanes » soviétiques, une circulation des idées religieuses et une influence relative de réseaux islamiques transnationaux (dont certains peuvent reprendre des méthodes héritées de missions chrétiennes, notamment jésuites) s’est développée, c’est vers la Turquie qu’actuellement l’Azerbaïdjan tourne ses regards sur le plan politique et surtout  sur le plan culturel.

A ce propos, j’ai été questionné sur l’attitude qui apparaît, vu de là-bas, dominante de la France concernant l’opposition à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne. Mes interlocuteurs ont pointé la contradiction qui existe entre le fait que la France se réclame de la laïcité et la prise de position d’un homme politique comme Valérie Giscard d’Estaing. Ses propos sur la Turquie qui  a « une autre culture, une autre approche, un autre mode de vie » ne sont pas restés inaperçus.

Cela m’a semblé très révélateur de nos incohérences françaises. Nous invoquons très facilement et parfois de façon incantatoire, la laïcité et sa « défense » face à un certain islam. Mais, quand cela nous arrange, nous mettons implicitement en avant une ‘identité chrétienne’, alors que la loi de 1905 (je vais y revenir la semaine prochaine en parlant de la crise des « inventaires » en 1906), c’est le fait que l’identité nationale ne comporte pas de dimension religieuse. Et nous nous abritons derrière de faux prétextes, mais les personnes des autres pays qui s’intéressent  à ses questions ne sont pas dupes.

L’enjeu turc constitue, pour l’Europe, un enjeu très important. L’argument ‘géographique’ (très tardivement invoqué !) me semble faible car géographie et histoire sont mêlées et l’histoire de la Turquie est très liée à celle de beaucoup de « puissances européennes ». La Turquie peut représenter un formidable atout pour l’Europe, une Europe qui ne se referme pas sur elle-même mais  n’a de sens que dans ce qu’Edgar Morin appelle une « dialogique » culturelle.

La France, la laïcité française n’a pas toujours une très bonne image en Azerbaïdjan. La France apparaît fermée à la diversité culturelle, et discriminant les minorités. Il y a, bien sûr, une sensibilité forte pour tout ce qui concerne l’islam. Dans ces rencontres, je ne suis pas là pour faire l’apologie des la laïcité française mais pour poursuivre une dialogue avant tout académique, universitaire où il s’agit de présenter et de confronter des analyses. Ceci dit, il y a toujours chez certains auditeurs des visions assez monolithiques ; le fait d’expliquer que la réalité est plus complexe, de remettre les choses dans une perspective socio-historique permet de lever des incompréhensions.

Je ne vais pas poursuivre sur l’Azerbaïdjan. Mon propos est vraiment sans prétention car on ne connaît pas un pays parce qu’on y a passé quelques jours, même si on a discuté avec des gens intéressants. Il vise juste à ce que l’on n’oublie pas l’existence de tels pays où l’on peut dire qu’existe un islam tranquille. Là encore problèmes sociaux, économiques, culturels et religieux sont liés et le risque serait le développement d’une crise sociale doublée d’une crise identitaire.

De retour en France, j’apprends par la radio que TF1 va engager un « présentateur noir », un « présentateur martiniquais »  à partir de cet été, en tandem avec PPDA (pour les internautes non Français qui surfent sur le blog, c’est depuis de nombreuses années le présentateur vedette en France du Journal télévisé le plus suivi). Question du journaliste au responsable de la chaîne de télévision : « mais, ne serait-ce pas de la discrimination positive ? »

« Discrimination positive », le gros mot est lâché : avec tout son ambiguïté. Faut-il rappeler que cette expression est une traduction déformée de l’expression américaine d‘ « affirmative action ». Dans « affirmative action », il n’y a pas le terme de « discrimination ». Si quelqu’un peut me dire quel est l’auteur de cette traduction tendancieuse, quand (et dans quel contexte) l’expression « discrimination positive » a commencé à être utilisée régulièrement en France, je suis preneur. Qu’il me mette un commentaire (merci d’avance).

On reviendra sur cette question car elle devient, de plus en plus, le problème majeur de la laïcité française. Celui qui la rendra dynamique pour le XXIe siècle ou qui, si elle échoue, en fera une nostalgie, avec tous les défauts de la nostalgie. Mais, aujourd’hui, quelques mots sur l’affirmative action.

Ce mot d’ordre date, aux Etats-Unis, d’il y a 40 ans. Juste après le mouvement des droits civiques et le vote, en 1964, d’une loi sur les droits civiques, le président d’alors (Johnson) a dit : « I want a policy of affirmative action », ce que mon ami Alex Hargreaves (prof. à l’Université de Floride) propose de traduire par « Je veux de l’action concrète ». On pourrait dire avec humour que, face à nos (pseudos) philosophes (dits) républicains qui se focalisent sur l’égalité formelle, Johnson s’est montré un tantinet marxiste et a voulu des progrès concrets vers plus d’égalité au niveau du marché de l’emploi et des recrutements dans les universités notamment.

On pourrait aussi parler d’ « action volontaire » pour progresser vers une égalité qui, normalement, devrait s’effectuer toute seule mais qui, étant donné le mode de reproduction des élites et les discriminations rampantes, ne se fait pas, loin s’en faut.

La situation s’aggrave, au contraire : une étude de l’Institut Montaigne (janvier 2006) indique que « la proportion des élèves d’origine ‘modeste’ dans les quatre plus grandes écoles -Polytechnique, ENA, HEC et Normale Sup.- a fortement chuté, passant de 29% au début des années 1950 à seulement 9% au milieu des années 1990. » (A. Finkielkraut, qui enseigne à Polytechnique, aurait été bien mieux inspiré de dénoncer le fait que seulement 1% des étudiants de cette école viennent des couches sociales qui forment 60% de la population française, que de dire ce qu’il a dit de la crise des banlieues, crise qu’il n’a pas les moyens intellectuels d’analyser, car sa « philosophie » ignore délibérément les sciences humaines!).

Après avoir donné d’autres statistiques qui vont dans le même sens (ainsi un jeune issu d’un « milieu supérieur » a quasiment 20 fois plus de chances de fréquenter les grandes écoles qu’un jeune issu de « milieu populaire »), l’Institut Montaigne conclut : « la France sélectionne ses élites comme si elle ne comptait que 6 millions d’habitants et non 60 ».

Les statistiques portent sur les couches sociales : on sait qu’officiellement il est interdit en France d’établir des statistiques qui prendraient en compte la composante « ethnique ». C’est croire supprimer un problème en refusant de le voir et il y a fort à parier que cette France de 6 millions d’habitants et presque exclusivement blanche et d’origine judéo-chrétienne.

Mais, la perversion du langage est devenue telle que dès qu’un individu standard accède à un poste de haute responsabilité ou est gagnant, on se met à parler de « discrimination positive », sous entendu : cette personne n’a pas vraiment mérité son succès. Ainsi, à un autre niveau, quand Magali a gagné la Star Académie, sous prétexte qu’elle n’avait pas la taille mannequin, on a fait comme s’il s’agissait de « discrimination positive », alors que sa voix valait bien celle d’Elodie, la bimbo qui avait gagné 2 ans auparavant ! De même trouvé extraordinaire qu’il ait un préfet dit « musulman » sur les presque 100 préfet que compte la France alors qu’environ 8% des habitants de ce pays sont de culture ou de conviction musulmane est quand même assez grotesque.

L’expression « discrimination positive » est fausse car elle suggère un renversement des discriminations. C’est bien ainsi que l’interprètent d’ailleurs ses adversaires. Par ailleurs, le volontarisme social qu’elle implique serait nécessaire aux Etats-Unis et pas en France.Dans une conférence en Sorbonne sur ce sujet, j’ai entendu les propos suivants : « On peut comprendre que les Etats-Unis fassent cela, par réaction contre la ségrégation raciale qui y a sévi, mais la France n’a pas à le faire car elle a toujours été dans l’universalisme républicain. » Double erreur, d’abord les discriminations de fait ne sont en rien renversées par une politique d’ « ouverture à la diversité », elles sont simplement atténuées. Ensuite, si la métropole n’a jamais connu de discriminations institutionnelles (à partir du moment où les femmes ont voté et ont eu les mêmes droits que les hommes toutefois, car longtemps on les a confiné dans une sorte de ‘statut personnel’) ; aux colonies a régné le Code de l’indigénat   et ce n’est pas pour rien que certains s’intitulent « Les indigènes de la République ».

Il est donc beaucoup plus exact de parler d’ « action volontaire » et non de « discrimination positive » et l’action volontaire c’est finalement assez banal. C’est simplement la connaissance que les choses ne se font pas toutes seules et que ce qui fonctionne quand il n’y a pas cette volonté d’agir, c’est une société ségrégée de fait et qui est pur mensonge par rapport aux idéaux républicains affichés. Il y a bien des politiques d’urbanisme ou d’aménagement du territoire pour que les puissants ne puissent pas faire n’importe quoi et (trop) nuire à l’intérêt général. L’intérêt général est qu’un pays puisse produire ses élites et pas seulement les voir se reproduire.

Pour les internautes parisiens:

Le mercredi 22 mars à 19 heures

je dialoguerai, à propos de mon roman historique:

Emile Combes et la princesse carmélite, improbable amour (éditions de l'Aube, 2005)

avec Catherine Portevin, journaliste à Télérama.

a L'Institut Européen en Science des Religions (IESR), 14 rue Ernest Cresson, 75014 Paris

(en fait c'est à côté du 14, il faut entrer par un grand porche et c'est au fond de la cour.

La rue Ernest Cresson et à 2 minutes du métro Denfert-Rochereau)

Le débat sera suivi d'un pôt convivial. Ne ratez pas cette occasion de rencontre.

Commentaires

Sympathique récit à propos de l'Azerbaïdjan, le genre de pays que nous oublions fort facilement ici.

Vous enchaînez sur les contradictions françaises qui se révèlent ... voilà tout un discours qui fait du bien.

Sinon, pour revenir sur la discrimination positive, au-delà du débat sémantique, il y a une chose qui me gêne. C'est la logique d'action qu'il y a derrière. Ici il est question d'un journaliste noir, peut-être peut-on trouver des sujets qui soulèvent moins les passions sacrées républicaines, mais relevant de la même logique. Finalement, c'est donner plus à ceux qui ont moins. Ici, plus de visibilité à une communauté dépréciée (disons). Mais ce pourrait être donner plus d'argent à des zones en difficulté, et c'est toute la logique de la politique de la ville menée après guerre. A priori, je trouverais cela formidable, comme moyen de rééquilibrer les choses ; sauf que le constat est que ça ne marche pas et JP Sueur l'a montré dans un rapport (dont personne n'a tiré de leçons semble-t-il) en 1998 : les ZEP par exemple sont jugés contre-productifs, c'est-à-dire que les écoles en ZEP ont parfois moins de moyens que les autres, malgré les aides supplémentaires ! Et à cela, il faut y ajouter le phénomène de stigmatisation qui finit de pervertir l'idée fort louable au départ.
Et finalement, on ne peut que constater avec Bourdieu qu'on fait semblant d'agir pour l'égalité, alors qu'on ne le fait pas, mais que, pensant le faire, nous trouvons un argument formidable pour dénoncer encore plus les exclus, les discriminés, ceux qui échouent ("vous vous rendez compte, on les favorise et ce sont des racailles").

C'est donc à mon sens très problématique et puisque vous parlez d'Edgar Morin, je dirais que seule une réforme de nos modes de pensée pourraient nous servir de point de départ à des recherches de solutions nouvelles. Car l'affirmative action aux Etats-Unis n'a pas supprimé le racisme, ni n'a montré au monde comment ce pays savait réduire les inégalités. Donc je pense que nous devons être capables de nous penser comme la fois UN et MULTIPLE : le tout-France (qui n'est qu'une partie du tout-Monde) est incompréhensible sans les parties-Communautés et les parties-Communautés ne peuvent se parler que dans le tout-France. Qu'est-ce que ça sinon la pensée laïque : chacun croit ce qu'il veut (la multiplicité), le droit public permet cette richesse tant que l'ordre public n'en est pas troublé (l'unité). La France a-t-elle compris la laïcité ?

Écrit par : Achtungseb | 08/03/2006

Si malgrès l'aide les ZEPs n'ont pas assez de moyens, c'est qu'il faut leur en donner plus!
Martin Luther King a dit que lorsque quelqu'un est dans les starting blocks avec trois cents ans de retard il faut lui donner un coup de pouce. Si la France accepte aujourd'hui l'action afirmative, elle aura 40 ans de retard sur les Etats Unis. Les dirigeants et les citoyens devront faire plus d'efforts pour surmonter les mentalités, mais ce sera toujours mieux que d'ignorer la diversité ethnique de nôtre pays, ainsi que les discriminations éxistentes.

Écrit par : jez | 09/03/2006

Je ne dis pas le contraire, je dis "attention à certaines logiques de pensée qui montrent leurs limites"... Et d'autre part, le retard pris est parfois irrémédiable et plutôt que de copier bêtement avec 3 trains de retard quand la problématique a changé, il me semble préférable de trouver des solutions nouvelles s'inspirant de ce qui a marché ailleurs certes, mais tenant compte du contexte local et actuel. Je prendrais encore un exemple qui n'a rien à voir : la décentralisation. On s'est aperçu dans les années 50 que les pays européens étaient décentralisés, pas nous, alors on a voulu copier. Ok, mais dans le même temps (ou presque), la mondialisation et la construction européenne ont fait leur oeuvre, et du coup, la problématique avait changé ! il ne s'agissait plus simplement de décentraliser, mais de pouvoir attirer également ... ce qui a amené la France à cette contradiction incroyable entre la décentralisation d'une part et le renforcement parisien d'autre part (on voulait à l'époque en faire la capitale de l'Europe). Je crois qu'on a échoué sur les deux tableaux du coup !

Donc ce qui vaut à tel endroit à telle époque ne vaut pas forcément ailleurs à un autre moment. Après, hélas (enfin tant mieux d'un certain côté), je ne sais pas comment résoudre le problème, alors si on me démontre que telle chose favorise la mobilité sociale, go ! Mais dans le cas de l'affirmative action, j'y vois beaucoup de limites et pense qu'une logique de rééquilibrage serait plus judicieuse (plus de mixité sociale donc rétablissement de l'égalité d'accès aux services publics donc plus de mixité sociale etc) sans stigmatiser ("vous les pestiférés, en ZEP ..."). Ce qui est clair, c'est que depuis les ZUS après guerre, nous sommes entrés dans un cercle vicieux avec une logique de "discrimination positive" (pas ethnique bien sûr, mais spatiale). Il nous faut entrer dans un cercle vertueux avec donc certainement une autre logique. Bien malin celui qui pourra dire comment.

Écrit par : Achtungseb | 09/03/2006

Je ne sais pas ce que c'est que ce 'contexte local', ou comme on l'entend parfois, la spécificité française. Comme les Etats-Unis nous avons en Europe des tords a redresser. Nous sommes des anciens pouvoirs coloniaux, et nous traitons encore les minorités de manière néo-coloniale. Je pense que l'histoire française sert trop souvent de justification au status quo. Mais les Américains sont aussi attachés que nous, sinon plus, à leurs grands idéaux soi-disant humanistes. Par ailleurs, la Grande Bretagne est un pays très attaché aux traditions et pourtant l'action affirmative n'y est pas pourfendue comme en France. Pourquoi cela? Je ne vois pas de raison qui empêcherait les Français de voir que l'égalité n'existe pas réellement. Du moment qu'on accepte cela, on doit bien accepter que si deux personnes ne sont pas sur un même pied d'égalité, il faut faire la courte échelle à celui qui est plus bas (excusez la métaphore!).

Pour ce qui est de la décentralisation, elle ne fut mise en place en Grande Bretagne qu'en 1998, et ce n'est pas nécéssairement parfait. Cela ne veut pas dire que c'est une mauvaise chose. On peut très bien militer pour la décentralisation au niveau français et une mondialisation (n'ayons pas peur des mots qui fâchent!) d'autre part. Ce ne sont pas deux notions contradictoires.

Écrit par : jez | 10/03/2006

USA et GB ne connaissent-ils pas des problèmes d'inégalités, de communautarismes, de racisme ... ? On voit bien que ce n'est pas aussi simple que ça ! Et je le répète, malgré les discours, l'affirmative action, c'est ce que nous faisons en France ! J'ai donné l'exemple de la politique de la ville. On pourrait donner celui de la parité. C'est exactement la même logique. Evidemment, avec des critères ethniques, ça choque ici. Mais moi qui au départ était favorable à l'affirmative action, j'en vois désormais les limites ; surtout, je constate que c'est un aveu d'échec général. Nous ne sommes pas capables d'intégrer, d'assurer la mixité et la mobilité sociales, l'égalité des chances => on espère colmater. C'est toujours mieux que rien peut-être, mais on voit que ça ne marche pas. Je pense qu'il y a des choses plus profondes à remettre en cause !

Sur la décentralisation, je ne veux pas m'éloigner trop du sujet, je répondrais juste deux choses : la GB c'est particulier, il y a toujours eu des sortes de comtés locaux ayant certains pouvoirs, bref on ne peut pas trop comparer. Et pour les rapports globalisation / décentralisation, mon propos n'était pas de dire que c'était contradictoire, mais plutôt que notre manière de gérer ces deux choses l'était. Sinon, globalisation et décentralisation sont à mon avis à la fois antagonistes et complémentaires. D'où la difficulté pour les Etats-nations de gérer tout ça, les problématiques nouvelles leur échappent !

Pour conclure, puisque nous parlons de GB, je rappelle cette remarque de Voltaire, qui disait grosso modo qu'il n'y avait pas 1, ni 2 religions en Angleterre, mais 30 et c'est la raison pour laquelle elle ne s'entretuaient pas mais vivaient en paix (on pourrait objecter que la paix n'a pas été immédiate...). La diversité, c'est difficile à gérer, mais c'est ce qui fait la force ! On pourrait prendre aussi l'exemple de l'imprimerie : elle s'est développée un peu partout en Europe car il y avait plusieurs pouvoirs rivaux ; elle n'est arrivée que 150 ans après en Russie ! Est-ce que la République profite de sa diversité ? Je ne crois pas. Est-ce que la seule affirmative action le permettrait ? Je ne crois pas non plus hélas.

Écrit par : Achtungseb | 10/03/2006

Je ne pense pas que la situation en GB s'explique aussi simplement que le fait qu'il y a de nombreuses communautés religieuses. On voit bien qu'en Irlande du Nord les Protestants et Catholiques s'entretuent, et il y a des confrontations entre ces deux communautés en Ecosse. Bien évidemment qu'il y a des histoires différentes en GB et en France. Cependant, en France comme en GB nous devons faire l'aveu d'un échec. Nous n'avons pas su intégrer (ce qui n'est pas pareil qu'assimiler) les minorités ethniques et religieuses. Il y a bien sûr des conflits en GB comme aux Etats Unis. Il y a différents facteurs qui entrent en jeu. L'affirmative action seule ne saurait être une solution, puisqu'on voit régulièrement des incidents de violence inter-ethnique aux Etats Unis. Je dois dire que de tels incidents sont somme toute assez rares en GB, même si avec la 'guerre contre le terrorisme' menée par le Etats Unis et GB, les choses se gâtent. Les premiers attentats apparemment islamistes en GB se sont d'ailleurs produits depuis l'intervention en Iraq, alors qu'en France on en a connu vingt ans auparavant.
Je le répète: La France n'a pas su intégrer ses minorités et doit donc accepter d'aider ces minorités à accéder à l'égalité, comme il a été fait pour les femmes (toujours pas assez). Le problème est bien sûr que la constitution précise qu'il y a égalité entre toutes origines ethniques, alors qu'il n'est rien mentionné sur l'égalité des sexes. Il est donc possible de favoriser les femmes, mais pas les groupes ethniques.
Je suis français et anglais. J'ai grandi en France, et je ne comprends pas pourquoi il serait tellement choquant de regarder la réalité multiculturelle de ce pays en face au lieu de se voiler la face. De quoi a-t-on peur?

Écrit par : jez | 11/03/2006

OK... Je pense que nous pourrons arriver à un consensus (de 2 personnes, c'est toujours ça héhé). L'affirmative action seule ne peut être suffisante. Donc, ce qui est inquiétant, c'est que les problèmes subsistent malgré une politique d'affirmative action; ce qui aurait pour conséquence de libérer les jalousies, les rancoeurs, les racismes donc les replis identitaires, donc les racismes... un cercle vicieux. Donc il faut plus que ça, être capable de penser les choses dans leur complexité pour voir le fonctionnement démocratique, la politique d'éducation, la politique économique, l'adaptation à la globalisation, la politique européenne, etc etc de manière différente pour y trouver des solutions adéquates. C'est pas demain la veille malheureusement. Dans ce cadre pourtant, le petit coup de pouce initial à certaines catégories de population serait le bienvenu. Mais isolé, ce coup de pouce aurait à mon avis toutes les chances d'être contre-productif. Je suis assez pessimiste quand même... Surtout que ceux qui aujourd'hui proposent de la "discrimination positive" ont aussi dans leur projet, non pas ce que je décris, mais au contraire de donner plus de poids à la religion dans les cités (comme le dit Bayrou, c'est donner raison à Marx : la République vous lamine ? On va vous mettre des imams, ça vous consolera !), un fichier ethnique de la délinquance etc...

Écrit par : Achtungseb | 11/03/2006

Je ne peux pas affirmer avec certitude que ça se passerait en France comme en GB, mais l'affirmative action à l'anglaise (c'est plutôt un terme américain) ne semble pas libérer plus de rancoeurs qu'il y en a déja en France, pays 'égalitariste'. Je ne pense pas que l'affirmative action ait des effets négatifs qui n'existent déja dans nos sociétés occidentales. Le fait que des inégalité subsistent malgrès l'affirmative action, ne fait que montrer que ce n'est pas assez. Il y a tout de même eu des avancées aux Etats-Unis. Sans doute que sans l'affirmative action il n'y aurait pas autant d'étudiants noirs dans les grandes universités et dans la politique. Evidemment qu'il reste du chemin à faire, mais regardez la situation en France. Je crois qu'on a du chemin à faire. Aussi, le fait que certains cherchent à récupérer l'affirmative action à des fins plus ou moins douteuse, ne me parait pas une raison suffisante pour la rejeter.

Écrit par : jez | 11/03/2006

Bien sûr, je ne rejette pas le principe en lui-même parce que sarko le reprend à son compte. D'ailleurs, c'est à lui que je dois ma réflexion sur le sujet. Il en a parlé, je me suis dit que ça pouvait être intéressant, j'y étais très favorable. Alors j'ai essayé de réfléchir à la logique, et j'ai découvert certaines limites qui me paraissent maintenant flagrantes. Et donc j'estime qu'il faut faire bien plus. Et que tout ce qui est fait de manière isolée, simplifiante, mutilante, est à rejeter car ça ne résout rien et ça accentue du coup les possibilités de démagogie etc... Il faut une vision globale. Si quelqu'un propose une vision globale que je partage, je ne verrais aucun inconvénient à y inclure de l'affirmative action. Hélas, aucun homme politique ne nous fournit une vision globale et complexe de la société. Donc...

Écrit par : Achtungseb | 12/03/2006

Je répète: l'affirmative action a eu des effets positifs aux Etats Unis et en GB. Rien ne prouve que les problèmes de tension raciale qui existe dans ces pays là sont dûs à l'affirmative action. On est d'accord que ce n'est pas un remède miracle, on est sans doute d'accord que ce n'est pas idéal de favoriser un groupe par rapport à un autre. C'est pourtant ce que l'on a fait et ce qu'on continue à faire. Il faut donc pencher la balance de l'autre côté. Que les français blancs-cathos n'aient pas peur: c'est pas demain la veille que 'nous' allons devenir une minorité opprimée. On favorise bien les femmes depuis quelques temps. Les femmes nous dirigeraient-elles tout à coup?
Il faut arréter de s'accrocher aux faux idéaux de la république comme à une divinité. La France ne vaut ni plus ni moins que ses voisins europpéens ou le molosse outre-atlantique. Nous n'avons de leçons à donner à personne.

Écrit par : jez | 12/03/2006

QUEL AVENIR POUR LA LOI DE 19O5 ?
Tel est le thème retenu par l'association "les amis de l'école laÏque" de CHAGNY en BOURGOGNE pour une réunion qui aura lieu le mardi 14 Mars à 2O H 3O à l'école Etienne Jules Marey. Invité de cette soirée, M.Alain BOYER, agréfé d'histoire, spécialiste du droit des religions et auteur de plusieurs ouvrages sur ce sujet. Cette initiative s'inscrit dans le cadre de la célébration de la loi de 19O5.

Écrit par : DERIOT Daniel | 13/03/2006

On n'a pas attendu N.S. pour avoir des personnalités comme M. Hacène (Mahdi), préfet honoraire, conseiller d'Etat en service extraordinaire en 2001, promu Officier de la Légion d'honneur en 1993 et commandeur en 1999.

Écrit par : Henry | 16/03/2006

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