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29/01/2005

La Laïcité, c'est quoi?

BREVE DEFINITION DE LA LAÏCITE

Interview parue dans OUEST-FRANCE, 17 JANVIER 2005

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La laïcité, selon Jean Baubérot, c'est quoi ?

La laïcité est la conjonction de trois principes. Le premier, condition de sa réalisation, est l'absence de domination de la religion sur l'État, l'absence de confusion entre le politique et le religieux. La séparation des Églises et de l'État de 1905 est l'aboutissement de ce principe. Mais, on a, parfois, dans le « conflit des deux France », oublié les objectifs de la laïcité, liés aux droits fondamentaux de la personne.
Le premier objectif est la pratique sociale de la liberté de conscience. Il s'agit à la fois de la liberté de conscience et de ses conséquences : liberté de culte, liberté de manifester ses convictions dans les limites de l'ordre public, de changer de convictions ou de les abandonner. L'article I de la loi garantit la liberté de conscience et de culte.
Le second objectif est l'égalité de traitement entre les différentes religions et convictions philosophiques, égalité toujours difficile à atteindre. L'article 2 de la loi, en supprimant les « cultes reconnus » va dans ce sens, surtout que l'article 4 admet la spécificité de chaque religion. Mais, ces jours-ci, le président de la Fédération protestante de France s'est plaint auprès du Premier ministre des tracasseries administratives subies par sa religion. La France a toujours eu du mal à respecter ses minorités.

Cent ans après l'adoption de la loi de 1905, la laïcité vous semble-t-elle en danger ?

Non, pas fondamentalement mais elle doit affronter de nouveaux défis. Aux garanties françaises de la laïcité, s'ajoutent des garanties européennes car la Cour européenne des droits de l'Homme, si elle ne prend pas parti sur le premier principe et admet différents systèmes de relations Églises-États, veille à ce que les objectifs soient globalement respectés. Cela peut faire évoluer les choses. De son côté, la France a reçu un avertissement pour non respect de l'égalité de traitement à la suite d'une plainte de l'Union des athées. Quant à l'islam il est le miroir grossissant et non la cause, des difficultés actuelles de la laïcité.
La laïcité s'est établie, en effet, dans un contexte de croyance dans le progrès et de la possibilité d'un avenir meilleur. Cette croyance a volé en éclat. Les questions sur le sens de la vie redeviennent à l'ordre du jour ainsi que la préoccupation des racines. Les diverses revendications religieuses doivent être analysées dans ce contexte. Ce qui ne veut pas dire qu'il faille les accepter toutes. Mais plus qu'une attitude de refus total, je pense qu'il faut trier à partir du critère de nos amis québécois : l'accommodement raisonnable.

Vous avez été membre de la commission Stasi à laquelle Jacques Chirac avait demandé, voici deux ans, une réflexion sur l'application du principe de laïcité, croyez-vous le rapport entre « principe » et « application » aujourd'hui élucidé ?

Bien sûr que non. L'application de la laïcité est un perpétuel enjeu du débat social, mais cela me semble normal dans une société démocratique. Par ailleurs, la Commission Stasi a fait 26 propositions, or une seule a été réellement retenue, ce qui a provoqué un déséquilibre. Il faut que 2005, année du centenaire de la loi de séparation, permette une double réflexion.
D'abord un retour sur l'histoire : entre le combat de Combes contre les congréganistes et la loi de 1905, on est passé d'un anticléricalisme très militant à une perspective libérale et pacificatrice.
Ensuite, en tenant compte des nouveaux défis, il faut parvenir à établir une laïcité inclusive où chacun sente bien que ses convictions sont respectées, pourvu qu'il les manifeste de façon tranquille. Depuis 1905, on peut être laïque et croyant, le redire fortement isolera les éléments extrémistes.
Recueilli par
Édouard MARET.
Sur le sujet, Jean Baubérot est l'auteur de Laïcité 1905-2005, entre passion et raison, aux éditions du Seuil. Il a dirigé, la rédaction d'un autre ouvrage : La laïcité à l'épreuve, religion et liberté dans le monde, Universalis.

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