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15/01/2005

LAÏCITE ET LIBERTE DE CHOIX

LAICITE ET LIBERTE DE CHOIX

Ce texte est issu d’une conférence de presse qui a eu lieu en 2003 (je ne me rappelle plus la date exacte) et était organisée par une association féministe catholique « pro choice ». Je le publie ici car il traite de sujets qui nous concernent : laïcité et citoyenneté, pluralisme interne des religions, médias, Vatican,…

Il peut sembler un peu étrange qu’un non-catholique intervienne dans le débat proposé par cette conférence de presse. La réponse à l’interrogation ainsi suscitée consiste à dire que je m’entremets à partir de ma spécialité : l’histoire et la sociologie de la laïcité. Mais alors, il faut tout de suite apporter deux précisions. D’abord il faut insister sur l’expression « à partir ». La démarche universitaire, scientifique, telle que je la conçois et que je tente de la pratiquer, suppose en effet une objectivation, une prise de distance par rapport à tout engagement pour pouvoir être une démarche de connaissance. Mais une fois cette démarche faite, le citoyen reprend ses droits et peut utiliser la connaissance acquise au service de son engagement dans la cité. Il en a le droit à partir du moment où il est conscient que l’engagement, en tant que tel, est d’un autre ordre que l’ordre scientifique. Ensuite, il faut spécifier que mon propos sera orienté par le point de vue d’où je me situe : un citoyen non catholique et spécialiste de la laïcité.

Le premier point que je voudrais souligner est non seulement la légitimité de cette conférence de presse, mais la nécessité pour les médias de bien la prendre en considération. Le pape Jean-Paul II, et à travers lui le discours officiel de l’Eglise catholique, occupe beaucoup la scène médiatique. Mais, chacun le sait, le catholicisme, en France comme dans les autres pays, est une réalité religieuse très diversifiée ; il est traversé par divers courants et mouvances. Dans une société démocratique et laïque, s’il est tout à fait normal que la parole pontificale soit portée à la connaissance du public, cela ne doit pas se faire au détriment des autres expressions de la religion, qu’il s’agisse du catholicisme lui-même ou d’autres formes religieuses. Au contraire, les médias d’une société démocratique et laïque ont pour mission de faire connaître les différentes positions qui existent au sein des Eglises et autres religions. Ils doivent visibiliser le pluralisme religieux et ne pas donner le monopole de la parole au discours officiel.

Mon second point consiste à rappeler que toutes les enquêtes réalisées en France, depuis maintenant une bonne vingtaine d’années, montrent que la grande majorité des catholiques français, dans la conduite morale de leur vie, obéissent à leur conscience plutôt qu’aux prescriptions officielles de leur Eglise. Cela ne signifie pas forcément d’ailleurs un éloignement du catholicisme car l’historien sait que, dans l’histoire de cette religion, la référence à la conscience a toujours tenu une grande place. Valoriser le choix en conscience me semble donc correspondre à ce que cherche à vivre une grande partie du catholicisme français. Il ne s’agit pas d’opposer un toujours permis à un toujours interdit mais d’élucider quelle est l’instance qui a l’autorité dernière pour dicter la conduite personnelle de chacun. Etre pour le choix revient à dire que cette autorité dernière est la conscience.

Mon dernier point concerne le statut du Saint-Siège dans un monde globalisé. Il est totalement légitime que le Vatican « prêche » aux catholiques ce qu’il estime être la vérité, aussi bien dans l’ordre dogmatique que dans l’ordre moral. Il apparaît moins normal que le Vatican soit, à la fois, une autorité spirituelle et un Etat, représenté comme tel dans maintes institutions internationales. La laïcité implique ce que l’on appelait jadis « la distinction du temporel et du spirituel » ; outre la liberté de conscience, elle suppose la nécessaire séparation du politique et du religieux. Cette séparation, réalisée depuis 1905 en ce qui concerne la France, doit exister aussi, dans une perspective laïque, à l’échelon international. Comme autorité spirituelle, le Saint Siège peut tout à fait donner des exortations morales qui seront connues dans le monde entier. Par contre, qu’il exerce une pression à un niveau politique apparaît laïquement moins logique. Il me semble –opinion de citoyen- que son message d’ensemble aurait plus de portée spirituelle qu’il s’exerçait strictement dans ce domaine.

Jean BAUBEROt


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