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26/03/2009

HELAS, PLUS ON EST DE FOUS, MOINS ON RIT

Chers Amis,

Avec mes problèmes de dos et ma santé hésitante, j’arrive après la bataille, si je puis dire. Les commentaires divers ont été tellement nombreux après les « dérapages » de Benoît XVI (sauf que, quand c’est ainsi à répétition, il ne s’agit plus de ‘dérapages’) qu’il semble qu’il faille passer à autre chose.

J’ai quand même 3 choses à dire, une sur Williamson, l’autre sur l’affaire de la fillette brésilienne, la troisième sur Fadéla Amara ; et ce n’est pas trop tard.

 

D’abord, à propos de « l’affaire Williamson » :

L’immédiateté de l’indignation morale risque, paradoxalement, de court-circuiter la nécessaire ‘rumination’ de ce que signifie ce genre de propos, que l’on entend maintenant de façon récurrente depuis des années.

 Ils sont porteurs d’une violence symbolique absolument terrible.

Que les internautes qui surfent sur ce Blog se mettent, ne serait-ce que quelques minutes dans la peau d’un être humain qui a perdu plusieurs membres de sa familles, parfois même pratiquement sa famille entière parce que leur droit d’exister a été dénié.

Le propos négationniste ravive une douleur extrême et encore à vif. Il redouble symboliquement ce qui s’est passé. Il le complète dans l’horreur, en signifiant symboliquement : non seulement vous n’aviez pas le droit d’exister, mais vous n’avez même pas le droit de dire que l’on a nié votre existence.

 

Alors, je veux bien que là, il s’agisse d’une provocation y compris à l’égard du pape. Celui-ci est sans doute indirectement visé et Williamson cherche aussi à l’affaiblir, voire le discréditer et à montrer que sa tendance a gagné. Mais maintenant que cela a été dit, que va-t-il advenir ?  Quel va être le statut de cet évêque ?

 

Ensuite à propos de l’affaire des excommunications brésiliennes, suivie par les déclarations pontificales sur le préservatif.

De fortes pressions cléricales, l’excommunication de médecins pratiquant des IVG même dans les cas extrêmes (viol, avortement thérapeutique,…) où une législation restrictive le permet n’est pas chose rare dans certains pays d’Amérique Latine, voire d’Europe comme la Pologne.

J’ai une étudiante qui a soutenu à la rentrée 2008-2009 un master sur ce sujet à propos de la Colombie, qui se situe tout à fait dans ce cas de figure.

Et je dirai amicalement, mais fermement, à celles et ceux qui n’ont pas compris la position très critique que j’ai prise face à la prétendue «laïcité positive » à la Nicolas Sarkozy, qui me l’ont reprochée, parfois en termes très vifs, je leur dirai : « est-ce que vous comprenez mieux maintenant ? »

Bien sûr le rôle de la laïcité consiste à construire de la pacification sociale. Mais elle ne doit pas ignorer qu’il existe un dissensus avec les positions officielles de l’Eglise catholique.

 

Ce dissensus est double :

Il est d’abord un dissensus de contenu entre la loi et des normes morales telles qu’elles sont comprises. Mais en soi, cela n’est pas un problème. Je dirai presque : au contraire. Si des personnes, par intime conviction, veulent s’imposer une morale plus  rigoureuse que celle qui est implicitement à la base des lois, c’est leur liberté.

Une société démocratique n’est pas une société uniforme, c’est une société qui comporte une pluralité de conduites et de points de vue. Et c’est cette pluralité même qui empêche la société établie de se sacraliser et de se figer.

 

Le véritable problème, est le second dissensus : la prétention officielle de l’Eglise catholique à connaître et à dire de façon magistérielle, ce qu’elle appelle la loi naturelle, la morale naturelle.

Autrement dit, une loi morale valable pour tout être humain quel qu’il soit. Rappelez-vous la formule de Paul VI : « l’Eglise (catholique romaine) experte en humanité ».

C’est cette prétention qui est cléricale et qui fait qu’il y a un point où la séparation du politique et du religieux achoppe.

La volonté du Vatican de rester un Etat, d’en avoir les prérogatives est, là, significative.

Je peux même maintenant livrer un scoop : après le discours du Latran, des évêques français (j’en ai reçu, en tout cas, le témoignage de l’un d’eux) ont eu très peur qu’il se négocie un nouveau Concordat, par-dessus leur tête, directement entre l’Elysée et le Vatican. Concordat dont, pour leur part, ils ne veulent nullement.

 

Ce blog porte sur la laïcité et j’y parle rarement en tant que protestant. Là pourtant je le ferai en indiquant que cette prétention à édicter la morale naturelle est précisément ce que je refuse, non seulement comme citoyen mais comme protestant.

C’est précisément cette option moraliste et légaliste qui aboutit à une attitude si peu (et c’est un euphémisme) évangélique.

D’un côté, Jésus qui demande qui osera jeter la première pierre à la femme adultère…

De l’autre des pierres jetées à une fillette violée et cette incroyable déclaration relativisant le viol.

 

Enfin, la dernière affaire dont je voudrais parler n’a pas elle, suscité d’indignation, ce qui est tristement significatif. Pourtant dans La Presse (quotidien de Montréal) du 21 mars, j’ai lu une déclaration qu’aurait faite Fadéla Amara à propos de l’éventuelle fin de l’interdiction de pouvoir disposer d’instruments de mesure de la diversité française.

Elle aurait dit : « Notre république ne doit pas devenir une mosaïque de communautés. Plus personne ne doit porter l’étoile jaune ».

S’ils ont été tenus, ces propos sont proprement scandaleux. A leur manière, ils constituent une banalisation extraordinairement dangereuse du génocide. Car enfin, si les mots ont le moindre sens, qu’est ce que cela veut dire ?

Comme l’indique l’article de La Presse, au Canada on recueille ce genre de données « depuis plus de 100 ans pour suivre de près la diversité de la population et faciliter l’application des programmes de lutte contre la discrimination. »

En clair, la sous ministre nous dit que ce qui est arrivé aux juifs, sous Vichy, quand on les a obligé à porter l’étoile jaune, n’est pas différent de ce que vit quotidiennement la population d’un grand pays démocratique comme le Canada.

Canada où émigrent beaucoup de personnes originaires du Maghreb, parce qu’elles y subissent moins de discriminations qu’en France[1]

Et personne ne proteste. Mais c’est extrêmement grave.

Cette banalisation de l’horreur nazie est de plus récurrente, éculée. Rappelez-vous, dés 1989, les 5 dits « intellectuels » et leur « Munich » de l’école républicaine qu’aurait fait ce pauvre Jospin.

On est dans la déraison.

 

Vraiment, tout est à faire en France, si on veut DEVENIR un pays laïque.

 

 

 



[1] J’ai recueilli de nombreux témoignages dans ce sens lors de mon enquête au Québec (on en trouvera certains dans mon ouvrage Une laïcité interculturelle, le Québec avenir de la France ?, L’Aube)

Commentaires

Fadela Amara fait surtout preuve d'une totale inculture historique, mais, derrière l'offensive des néo-obscurantistes, est entretenue une volontaire confusion entre statistiques et fichiers, ce dont témoigne l'outrance scandaleuse du propos de la dame.
Pour les prétendus républicains, il faut surtout éviter que des études scientifiques s'appuyant sur des enquêtes précises, viennent étayer la thèse d'une discrimination négative basée sur les origines et/ou la couleur de la peau. Interdirait-on des enquêtes et statistiques socio-économiques (revenus, emplois, etc.) sous prétexte qu'elles risquent de catégoriser une fraction de la population, comme demande justement Nathalie Mons ?
Les sociologues de l'éducation vont être privé d'outils à cause des néo-obscurantistes qui confondent "base élèves" et fichier EDVIGE, qui s'en prennent même au suivi de cohortes.
La régression fait rage et le futur manque de plus en plus d'avenir !

Écrit par : J. F. Launay | 26/03/2009

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