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29/09/2008

MICHELINE MILOT ET LA SCIENCE DE LA LAÏCITE

HONORES PAR LE CNRS.

Très sympathique cérémonie, jeudi dernier pour la remise du prix Mattéi Dogan du CNRS à Micheline Milot, pour « l’excellence » de ses travaux sur la laïcité. Micheline Milot est la seule « non-française » à avoir obtenu ce prix, en sciences humaines. Non seulement ce prix couronne de beaux travaux, mais il constitue (à mes yeux) une double reconnaissance pour ce que l’on pourrait appeler une science de la laïcité (comme on parle de « sciences religieuses » par exemple

-reconnaissance qu’une approche scientifique de ce sujet est possible.

-reconnaissance que des travaux sur la laïcité peuvent partir de l’étude d’une situation non française (Le Canada/ le Québec) et, à partir de là, s’élargir à une réflexion sociologique et théorique sur la laïcité.

 

En effet, dans ses cours, comme dans des articles et ouvrages Micheline Milot a, la première, appliqué de façon systématique une démarche de sociologie historique de la laïcité à un autre pays que la France. L’ouvrage fondamental qui expose cette perspective est Laïcité dans le nouveau monde, le cas du Québec (Brepols, 2002)

Cela s’est avéré novateur quant à la laïcité, mais aussi quant à l’étude de l’histoire du Québec, à la conjonction de l’héritage français, du lien avec la Grande Bretagne et la continentalité américaine.

Dans l’histoire de la « Belle Province », nous trouvons une Eglise catholique socialement et culturellement majoritaire, mais politiquement dominée, une Eglise anglicane qui pourrait se montrer dominatrice (cf. l’Irlande jusqu’à son désétablissement), mais que le réalisme du politique conduit à renoncer rapidement à ses prérogatives, et des Eglises protestantes minoritaires et actives qui ne veulent surtout pas d’une Eglise établie.

Micheline Milot a insisté sur les aspects morphologiques de la société québécoise qui ont fait surgir une « certaine forme de laïcisation », bien sûr différente de la laïcisation française (parfois d’ailleurs plus précoce) et qu’elle analyse de façon précise, détaillée. Cette laïcisation s’est opérée, nous dit-elle, dans un « silence terminologique » qui perdure encore partiellement aujourd’hui.

Une des raisons historiques de ce silence apparaît due au fait que le terme de laïcité quand il aurait pu être utilisé a été organiquement associé à l’anticléricalisme français : c’était ce que la France donnait à voir de façon dominante. La politique anticongréganiste et l’exil de religieuses et de religieux français au Québec (et ailleurs) à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, en est une des manifestations les plus frappantes.

 

En fait, les internautes qui viennent régulièrement sur ce blog le savent, la construction de la laïcité française a été beaucoup plus complexe que ce l’on a pu en percevoir. Mais il est extrèmement décapant de savoir comment la laïcisation française a été perçue, hors des frontières de l’héxagone.

La perspective de Micheline Milot nous oriente vers la voie d’un comparatisme où la laïcité française, elle-même, peut recevoir un nouvel éclairage. Dans cette voie, elle a notamment dirigée un ouvrage collectif : La laïcité au Québec et en France (numéro spécial du Bulletin d’histoire politique, Vol. 13, printemps 2005)

Cette comparaison, Micheline Milot nous invite à la mener jusqu’aux problèmes les plus importants du XXIe siècle. Et elle a participe également en tant qu’expert, puisqu’elle a mené une enquête sociologique dans le cadre de la Commission qui a laïcisé l’enseignement public québécois et qu’elle est régulièrement consulté par le Conseil de l’Europe

Elle a également donné une contribution forte à la théorisation de la notion de laïcité, à sa confrontation avec les analyses récentes sur les problèmes des sociétés multiculturelles. Cela dans des articles de revues scientifiques, dans les ouvrages mentionnés et dans un magnifique livre de vulgarisation : La laïcité (Novalis, 2008)où elle répond à 25 questions essentielles que l’on se pose en la matière.

 

Dans ma Laïcité expliquée à Nicolas Sarkozy et à ceux qui écrivent ses discours (Albin Michel) je conseillais au Président de lire Micheline Milot (cf. page 82). Je crains n’avoir guère été entendu. Mais à défaut, le jury du CNRS chargé de décerner le prix Mattéi Dogan a lu cette auteure. Et visiblement, il a apprécié.

 

 

 

17:26 Publié dans EVENEMENTS | Lien permanent | Commentaires (5)