10/05/2008
PAROLES DE FEMMES MUSULMANES
Depuis l’automne 2006, j’effectue une enquête sur des débats, parfois vifs (comme l’indique les allusions que vous trouverez dans les textes ci après) qui se déroulent au Québec et qui sont révélateurs des tâtonnements des sociétés modernes désormais pluriculturelles.
Ce sera la matière de mon prochain ouvrage. A vrai dire, j’étais en pleine rédaction quand les frasques vaticanes de notre très chéri, mignon tout plein président m’ont temporairement détourné de ce but louable, pour lui écrire une lettre
(La laïcité expliquée à M. Sarkozy et à ceux qui écrivent ses discours, Albin Michel ; en vente dans toutes les bonnes librairies, et même certaines des moins bonnes)
Dans le cadre de cette enquête québécoise, j’ai réalisé des entretiens avec des femmes musulmanes, s’assumant comme telles, parfois à partir du regard d’autrui. Elles portent ou non un foulard. Elles sont en majorité migrantes, une est née au Québec, deux sont des Québécoises d’origine converties. Je vous en donne, en exclusivité interplanétaire (même en dehors du système solaire, c’est dire), certains extraits.
Ces femmes ont entre 25 et 45 ans, elles sont diplômées (comme une bonne proportions de musulmanes québécoises) et la majorité ont une activité professionnelle : ingénieur, chef de projet, juriste, enseignante y compris à l’université,… d’autres sont étudiantes ou travaillent chez elles.
Pour celles qui portent le voile, leur décision a constitué une étape dans un cheminement spirituel. L’une m’a parlé de la réserve de leur père, qui craignait que cela nuise à sa carrière, l’autre de l’opposition de son mari, ayant peur de passer pour « intégriste » ou « peu moderne ».
Naturellement, il m’est impossible de vérifier ces dires, comme de l’ensemble des témoignages de mon futur livre (titre prévu : Liberté, laïcité, diversité. Le Québec, une chance pour la France) Je les livre comme précieux regards.
Assma[1]se dit pratiquante occasionnelle «de culture arabo-musulmane qui se transforme à la québécoise» : « c’est une mosaïque d’une grande richesse. » Elle fête Noël, le ramadan et, à l’occasion, le nouvel an chinois. « Au Maroc, je me définissais comme femme, en France comme marocaine et là, avec les débats, je me suis tout à coup retrouvée musulmane. C’est très curieux. »
Elle travaille dans le développement communautaire : « on a beau être en Amérique du Nord, la participation des femmes au niveau de la gouvernance politique, des conseils d’administration et d’autres postes de direction est loin d’être égalitaire. Et c’est encore pire pour les femmes migrantes : elles méconnaissent le système, ont de l’inexpérience pour trouver un emploi. Quand elles ne sont que francophones, elles réussissent moins bien que les unilingues anglophones, et a fortiori que les bilingues. Et c’est encore deux fois pire pour les femmes migrantes handicapées. »
Donc Assma aide ces femmes à acquérir une prise de parole publique, leur explique ce qu’il faut faire pour être candidate aux élections municipales. Certains élus ne veulent pas qu’il y ait des projets spécifiques pour les migrantes car, affirment-ils « tout le monde est citoyen. » Mais « la citoyenneté en l’air, cela ne veut rien dire. Quand les migrantes ne connaissent pas les rouages, comment peuvent-elles être de vraies citoyennes ? »
Assma ne porte pas de foulard mais, alors qu’on me l’avait décrite comme « critique » elle défend celles qui le portent : « Ces femmes ont quitté leur pays parce qu’elles ne réalisaient pas leur plein potentiel et on les traite en femmes soumises. Ma mère porte le foulard et n’autorisera personne à lui dire comment elle doit être habillée. Elle a eu cinq filles et s’est débrouillée pour qu’elles aillent à l’université. Personne ne pourra venir me dire que ma mère est une femme soumise qui n’a pas une capacité de décision » Elle me déclare avec fierté que « la première femme qui a accédé à la présidence d’une grande banque est d’origine égyptienne. »
Fatima porte un foulard coloré et élégant. Je le lui fais remarquer et elle réplique en souriant qu’elle ne voit aucune contradiction entre la coquetterie et le port du voile. Elle se dit parfois « fatiguée de toujours avoir à se justifier et à affronter les regards, les blagues pas drôles » ou des phrases soit disant laudatives style « toi, Fatima, tu es bien intégrée, mais… » :
« Parfois, j’ai envie de partir dans un pays où on ne me demandera plus rien. » Je lui rappelle que, pour certaines femmes, son foulard est perçu comme une agression au principe d’égalité. Elle affirme le comprendre mais aimerait pouvoir dire que son parcours est différent et qu’elle n’est « pas qu’un foulard. Je ne fais pas de prosélytisme. Ma foi n’est pas égale à la totalité de mon identité : je m’intéresse à l’écologie, à la politique. »
« J’ai très peu de problèmes avec les jeunes qui ont toujours vécu dans la diversité. Ce sont les femmes qui ont entre 45 et 65 ans et monopolisent les positions clefs dans la société qui supportent mal le foulard. Elles veulent des gens aseptisées, asexuées. »
Pour Fatima, une femme a le droit de porter ou de ne pas porter le foulard, « on peut être musulmane de plusieurs façons » Il existe, selon elle, « des femmes soumises partout, y compris dans la communauté musulmane » mais l’association dont elle est membre, Présence musulmane, travaille à une lecture du Coran « à partir d’une perspective féministe.» Il faut « en finir avec une lecture paternaliste, machiste. »
Les femmes doivent se « réapproprier le savoir, les sources. Ce sont des êtres humains qui ont recueilli les hadiths et ils l’ont fait dans un certain contexte. En étant fidèle aux principes, il faut les relire dans un contexte bien différent. »
Je lui demande ce qu’elle pense de la première femme imam désavouée par sa communauté. Elle hésite un peu et déclare : « Elle est allée trop loin, elle s’est sacrifiée mais cela a permis de briser un tabou : le leadership est masculin, ce n’est pas normal. »
Pourquoi serait-elle allée « trop loin » alors ? Parce qu’il est « plus important que des femmes fassent des prêches que de guider la prière. Ce qu’il faut, c’est que des femmes donnent des cours dans des mosquées. » Elle ajoute : « ce sont certaines femmes qui sont les plus résistantes à cette évolution. Elles n’ont pas l’habitude de voir des savants qui ne sont pas des hommes avec de grandes barbes. Que des femmes interprètent le Coran ne leur paraît pas très fidèle au texte divin. C’est pourquoi nous parlons plutôt de lecture féminine que de lecture féministe, ce dernier terme fait encore peur. »
Mireille, Québécoise pure laine portant un foulard, déclare en riant que son hijab est « tricoté serré ». Cette expression québécoise signifie que « les gens se tiennent étroitement entre eux, sont patriotes. »
Elle était souverainiste mais depuis ces débats, elle n’a plus envie d’un Québec souverain « qui restreindrait [ses] droits. » Ce qui manque souvent, affirme-t-elle, « c’est le fait d’écouter avant de juger. Certains me jugent sur le simple fait que je porte un foulard. On présume que je me sens inférieure sans connaître mes raisons. On vient me dire ce qui se passe dans ma tête et comment les choses se passent dans ma religion, alors qu’on ne la connaît pas. Si on a de telles pensées alors il n’est pas étonnant que l’on soit choqué. Mais c’est parce qu’on n’aura rien voulu entendre. »
Elle a parfois envie de dire à son interlocuteur : « mais que voulez-vous que je vous réponde : vous prétendez savoir mieux que moi-même ce que je vis ! »
Elle est devenue musulmane à 24 ans, en 1ère année de doctorat, dans le contexte d’une « aspiration spirituelle ».
Je lui demande si elle est passée de l’athéisme à l’islam ou si elle était auparavant catholique. Sa famille l’est mais elle se trouvait mal à l’aise avec « la multiplication des intermédiaires dans le catholicisme. Les clercs retiennent le savoir. J’ai un côté libre-penseuse, précise-t-elle, je veux me faire une idée par moi-même, avoir une recherche personnelle de savoir religieux. C’est ce que j’ai trouvé dans l’islam avec une véritable responsabilité personnelle. Bien sûr, on peut alors se tromper, commettre des erreurs. C’est le risque. »
Mais, poursuit-elle, « c’est aussi le prix à payer pour pouvoir avoir un lien personnel avec Dieu. Alors il existe une partie verticale, ce lien avec Dieu, et une partie horizontale où l’islam est aussi un mode de vie. La majorité des actes que l’on fait a une portée sociale : ne pas frauder, être honnête,… »
Selon elle, dans un autre contexte, « le projet d’instaurer [au Québec] la supériorité de l’égalité des sexes par rapport au reste et notamment à la liberté de religion aurait pu bien passer auprès de la communauté musulmane.
Mais là, on sait très bien que cela vise les musulmans » et notamment, paradoxe, « les femmes musulmanes» (portant le foulard). Sa crainte : qu’on en arrive à restreindre leur accès à l’emploi. Elles vont se retrouver au chômage, alors qu’elles sont « grandement diplômées ». Elle aussi estime que son combat est « féministe »
Malika, plus musulmane de culture que de pratique, a participé à une table ronde et sa mère est venue, ce qui l’impressionnait : « va-t-elle être fière de ce que sa fille est devenue ? » Malika a mise sa mère au premier rang. Après le débat, elles ont eu une discussion difficile : « ma fille, voila que tu défends les filles à foulard, maintenant ! Je ne comprends pas, avec tout ce que je t’ai raconté sur les efforts que j’ai du faire pour m’affranchir de ces choses là, avec l’éducation que l’on t’a donnée, comment peux tu nous faire ça ? »
Elle a répondu : « Maman, tu m’as mise dans l’école de Voltaire. Eh bien j’applique le précepte de Voltaire : je ne suis certes pas d’accord avec celles qui portent le foulard, mais je défends leur droit de le porter librement. »
Selon son analyse, le Québec s’est trouvé face à une mutation : « ce n’était plus les valeurs de la Révolution tranquille : la modernité, la liberté de conscience, etc qui étaient mises en avant. Tout à coup c’était l’héritage chrétien, le malaise identitaire. » Malika se sent totalement intégrée : elle possède « tous les attributs qui font d’elle une citoyenne québécoise. »
Soraya, étudiante en « région », ne porte pas le foulard. Son père et très pratiquant « mais il n’est pas question qu’il m’oblige à le mettre ». « C’est une très bonne chose que la tentative d’arbitrage islamique en Ontario n’ait pas abouti. On serait allé vers une ghettoïsation alors que la loi canadienne permet l’intégration sans l’assimilation»
Ceci dit, elle précise : « les Ontariens et les Anglophones en général sont plus ouverts au monde. Avant les débats, je me sentais ici chez moi. J’ai pris dans la culture québécoise ce que j’y aime : comment les choses se trouvent définies, la rigueur dans la recherche, la bonne organisation, le système juridique et notamment la façon dont le droit défend la liberté, la démocratie. »
Maintenant, poursuit-elle, je me sens plus vraiment chez moi. Je me dis, si un jour je choisis de mettre un foulard, je ne pourrais pas le faire. On est moins éveillé et ouvert ici qu’à Montréal, les femmes voilées ont des difficultés à trouver du travail. Il y a beaucoup d’ignorance. Les gens ne font pas l’effort d’aller en profondeur. J’adore ce pays, mais cette folie collective me fait poser la question : dois-je rester ? Certaines familles musulmanes sont parties en Ontario. Peut-être le ferai-je moi aussi»
Ce qu’elle trouve de bien dans l’islam, c’est ce qu’un professeur a appelé « l’anarchie des fatwas » : On fait comme si « les fatwas étaient une sentence d’inquisition, mais c’est un avis. Et il y a des fatwas divergentes, cela permet de réfléchir et de faire son idée personnelle. L’islam est très fragmenté, il n’y a pas de porte parole ni de système clos, c’est un bouillonnement intellectuel et les gens ne s’en rendent pas compte. »
Jeune femme portant foulard et qui vient juste d’obtenir un doctorat, Rahia raconte qu’elle est arrivée du Liban il y a dix ans. Elle avait étudié à l’Université américaine de Beyrouth, ce qui fait qu’elle est francophone (elle a appris le français au lycée) et anglophone.
Rahia trouve le Québec très bizarre : « On affirme vouloir défendre bec et ongle la langue française, mais dans les entreprises dirigées par des Québécois francophones l’anglais est un critère de sélection prioritaire. On donne cela comme consigne aux RH. Quand s’ajoute à cela le fait qu’après le 11 septembre le fait d’être musulmane a constitué aussi un handicap pour trouver du travail, certaines femmes musulmanes sont retournées (du coup) à l’université et se retrouvent maintenant surdiplômées. Elles sont soit au chômage, soit sous payées. »
Cependant, elle trouve les Québécois sympathiques sur plusieurs plans : « Le Québec a été la première province du Canada à approuver les accord de Kyoto, et à se prononcer contre l’invasion d’Irak (par 30degrés, il y avait 150000 personnes dans les rues précise-t-elle), contre les troupes en Afghanistan : jusqu’à l’an dernier on refusait d’envoyer des soldats. »
Pour elle, c’est en bonne partie pour cela qu’on « a monté la population contre les musulmans, on a parlé des femmes en burka, des femmes esclaves, des femmes maltraitées : il nous faut les libérer en allant en Afghanistan ! » Harper est allé à Saint Rivière du Loup, fief du chef de l’ADQ Mario Dumont qu’elle appelle « le loup de la Rivière du loup » !
Michèle, Québécoise pure laine, toujours pour un Québec souverain, convertie à l’islam, me serrera la main au début de l’entretien, pas à la fin après m’avoir expliqué pourquoi « il est recommandé de ne pas le faire, mais c’est une responsabilité personnelle : je mets la main sur le cœur en signe de convivialité. Un hindou joindra les mains. D’une façon générale les Asiatiques auront tendance à se saluer sans contact physique. »
« En islam, selon elle, il est recommandé de ne pas avoir de contacts physiques entre sexes. Cela prend de la valeur dans un monde où tout est tellement permissif. Quand nous étions jeunes, on ne voyait pas les gens s’embrasser sur l’écran et maintenant, les films montrent des gens tout nus. Nos filles maintenant ont un double message assez contradictoire : elles veulent être respectées mais elles s’habillent comme des potiches, elles sont hypersexualisées. C’est un problème de société. »
Michèle raconte qu’il y a eu une époque de sa vie où elle a été paradoxalement très heureuse : elle était hospitalisée dans le service d’hématologie ; les gens se montraient très gentils avec elle. Jamais ils n’avaient été ainsi depuis les huit ans qu’elle était devenue musulmane. Ils pensaient que si elle portait quelque chose sur la tête, c’est parce qu’elle avait un cancer et perdu ses cheveux. Son foulard peut effectivement passer pour une coiffe.
Michèle mène une action bénévole auprès de migrantes. Elle a reçu une femme guinéenne. « Le mari voulait qu’elle lui obéisse en tout. Qu’elle interrompe même ses prières pour le servir. Il prétendait que le Coran disait qu’une femme devait obéir à son mari quelque soit l’ordre que celui-ci lui donne. Et cette femme me disait : je ne peux pas lui répondre, je ne peux pas lire le Coran, je ne sais pas l’arabe. Je lui ai donné un Coran en français et je lui ai dit : lis-le au moins en français. Tu verras qu’il n’y a pas du tout ce que te raconte ton mari. »
Anis a un mari musulman né d’une union entre une Québécoise d’origine, et un migrant d’Amérique latine. Elle est venue pour ses études, ne comptait pas rester et s’est mariée. Elle affirme n’avoir aucun problème avec les Anglophones, qui sont « soit indifférents soit curieux », mais ses collègues francophones sont « plus obsédés par la question religieuse ».
Elle ne « porte pas le voile » mais « prie plusieurs fois par jour et cela leur parait excessif. » Une fois qu’ils vous connaissent et vous considèrent « comme musulmane et moderne, vous devenez l’exception, ce qui leur permet de ne pas bousculer leur préjugés.» Cette différence entre anglophones et francophone tient, en fait, à leur origine religieuse : « les personnes de culture catholique ne comprennent pas. L’alcool, j’en ai bu, je n’en bois plus. Ils me disent : tu crois que tu fais cela par choix, en fait on te l’impose. C’est l’histoire du catholicisme, différente de celle des autres religions. »
Anis, ne porte pas de foulard, elle s’affirme « socialiste, humanitaire, qui rame à contre-courant ». Elle est fière d’être « citoyenne depuis six ans » et « appréhende les problèmes comme citoyenne. »
Elle ajoute : « en Arabie saoudite, où j’ai été pour le pèlerinage, les musulmans ne sont pas de véritable citoyens. J’aurais vraiment du mal à y habiter. » Elle pense que si elle était restée au Maroc, elle ne serait pas pratiquante, mais vivant au Québec, elle a été amenée à se poser certaines questions, notamment à cause de ce que les gens lui ont « lancé à la figure ». Sinon sa mère, et son père aussi d’ailleurs, étaient « féministes » et les enfants, garçons et filles ont été élevés de façon égalitaire.
Elle est la première à me parler du pèlerinage, je la relance donc sur ce thème : « c’était fabuleux, une expérience spirituelle intense, un resourcement. Habituellement, on vit de façon matérialiste, sans temps d’autoréflexion, de mise en examen de sa vie. »
Mais en Arabie saoudite et au Yémen, elle a trouvé très dur de voir des femmes en nicab, et « des femmes intelligentes. » Elle leur a dit : ce n’est pas une obligation religieuse, elles ont répondu : « on le sait, mais c’est notre choix. » Je lui fais remarquer que leur réponse rejoint la réponse qu’elle accepte de ses amies qui portent le foulard. Elle accepte mon propos mais trouve quand même qu’ « exagérer la pratique, c’est contraire à la pratique. D’ailleurs, il y a plein de permissions en islam. Ce sont de petits cadeaux de Dieu et refuser un cadeau, c’est quand même bizarre."[2]
Les féministes québécoises ne sont pas toutes d’accord, continue Anis. « Le rapport du Conseil du statut de la femme [qui prône l’interdiction du foulard pour les femmes de la fonction publique] a été très critiqué par des féministes. »
Elle ajoute : « Les femmes féministes font partie de la société ; elles ont soit les mêmes préjugés, soit les mêmes ouvertures. Certaines adoptent une attitude très bizarre à notre égard : avant même que l’on commence à parler elles nous demandent «prouvez-nous que vous êtes de vraies féministes » : Que nous portions ou pas le voile, on nous dit : « vous êtes opprimées malgré vous. On va vous aider à vous prendre en charge, à vous responsabiliser», comme si le féminisme n’existait qu’au Québec et que des mouvements féministes dans les pays musulmans n’existaient pas. »
Je donnerai le dernier mot à Dounia, de culture musulmane non Arabe qui a un statut de résident permanent au Canada, ce qui lui donne tous les droits de citoyenne sauf le vote. Elle pense demander la citoyenneté pour pouvoir voter aux prochaines élections. Elle met en cause ce qu’elle appelle « l’ethnonationalisme » de certains Québécois francophones. » et leur « hystérie collective, pour parler comme les médias.»
Dounia se veut féministe mais refuse que « le féminisme soit utilisé pour cautionner une citoyenneté de seconde zone. » Elle est très intéressée par le « féminisme autre [qu’occidental] féminisme afro-américain, ou indien. »
Elle apprécie aussi la publication française Les Nouvelles questions féministes de Christine Delphy « qui n’a pas pu avoir accès à la Commission Stasi » précise-t-elle. Elle dit que le nombre de jeunes femmes en nicab augmente en Grande Bretagne, ce qui la préoccupe. Elle relie cela au « post-modernisme, où tout est vu comme une stratégie de résistance : le voile est anticolonialiste et anti impérialiste. Il y a réappropiation d’un signe dans un contexte de stigmatisation. »
Ces femmes tentent donc d’inventer, chacune à leur manière, un autre féminisme que le féminisme établi, issu (au Québec) de la Révolution tranquille. De même, en France et dans d’autres pays[3], y compris des pays de culture musulmane, un processus analogue est à l’œuvre. Nul ne peut dire quels seront ses effets historiques. Mais sa réussite ou son échec constitue un enjeu majeur de notre devenir.
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