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29/03/2008

FEU LA LAÏCITE REPUBLICAINE

Nouvelle version de la fable du lièvre et de la tortue !

Avec le risque d’aller d’une religion civile à l’autre !

Vous me connaissez bien maintenant, cher z’internautes, et vous savez que, chez moi, la science la plus sophistiquée n’empêche pas la métaphore la plus parlante. De plus vous connaissez mon extraordinaire modestie qui fait que je rougis chaque fois (et c’est souvent !) que je m’autocite.

Allez, rien que pour vous, je vaincs ma timidité naturelle et je vous livre une autocitation, qui devrait vous plaire :

Il y a 2 ans, j’écrivais que la loi du 15 mars 2004 était susceptible de 2 lectures différentes :

La première, «pessimiste où elle apparaît le révélateur des crispations françaises, et peu produire un « communautarisme majoritaire » « catho-laïque » (en analogie avec, aux Etats-Unis, la rencontre des néo-conservateurs et de certains fondamentalistes protestants) ».

La seconde, « plus optimiste où, paradoxalement, cette loi ayant été une sorte d’orgasme républicain, (elle) favorise une détente et permet de s’engager dans une politique plus favorable à la diversité culturelle. »

« Une sorte d’orgasme républicain » ! Certains lecteurs en ont avalé leur dentier. Même que les assurances ont voulu me faire payer la note. Mais je sais bien que vous n’êtes pas ainsi, internautes adorés. Avouez que vous avez mieux compris que si j’avais écrit que cette loi pouvait constituer la « propédeutique à un changement de paradigme dans l’épistémè. »[1]

Or ça revient à peu prés au même.

Désormais, vous proposerez chaque soir à votre chéri(e) d’aller sous la couette, pour changer de paradigme. Vous verrez qu’il/elle y verra une manière fort agréable d’incarner la fameuse « laïcité positive ».

Mais comme le chanoine du Latran m’indique que je m’égare, je me remets derechef dans le droit chemin pour vous poser une angoissante question : et s’il fallait conjuguer les 2 lectures ?

Si avec Sarko Ier, co-prince d’Andorre, chanoine du… (ça, je viens déjà de le dire) et, accessoirement président de la République laïque, nous avions la double tentative  d’une politique plus favorable à la diversité culturelle et un communautariste majoritaire « catho-laïque », pimenté d’un peu de syncrétisme, pour être de sauce plus relevée que les repas chez la Reine ?

Les événements vont vite, en tout cas. Et, en un an, même pas, je trouve que la « laïcité républicaine » a pris un sacré coup de vieux.

Comme on dit, il s’est opéré un « déplacement des lignes ».

Rien n’est irréversible : une provocation style de celle du film que vient de sortir le député hollandais d’extrême droite et qui atteindrait son objectif en faisant que de la haine réponde à cette haine, une série d’attentats terroristes, etc peuvent redonner un coup de jeune à la dite laïcité républicaine.

Mais, précisément, elle me semble avoir bien besoin de heurs et de malheurs pour survivre.

En période calme, il en est autrement. Ce matin même, sur RFI, Joël Toraval, Président de la Commission consultative des droits de l’homme, indiquait que certains indices montrent que de plus en plus les Français considèrent les personnes issues de l’immigration non seulement comme une nécessité économique mais comme une richesse culturelle. Intéressant, non ?

Badaboum, la laïcité républicaine se casse la figure dans l’escalier de la diversité culturelle assumée

(chouette image, vous ai-je déjà parlé de ma candidature à l'Académie?)

Relevons un indice fort de cette dégringolade : l’usage social du terme de « diversité ». Fouinez dans les tréfonds de votre mémoire : il y a quelques années, on parlait d’ « immigrés », même pour des personnes de la seconde ou troisième génération.

Là, à propos des municipales, les médias vous ont parlé de « candidats issus de la diversité » (la plupart du temps, pour regretter qu’il n’y en ait pas plus : c’est vrai, la France avance souvent en regardant en arrière). « diversité » remplaçait « immigrés ».

Ce n’est encore le Pérou, mais ne faisons pas la fine bouche, c’est une étape.

Bien sûr, on pourra remarquer que « la diversité », c’est l’autre. Il y a les candidats pour lesquels on ne donne aucune précision (les normaux ?) et ceux « issus de la diversité ».

Au Canada, où on est moins faux cul qu’en France et où on ne cherche pas à se cacher derrière son petit doigt, on parlera de « minorités visibles ».

J’ai entendu des Français/Française qui se voulaient de gôche, bien antiracistes et tout et tout, trouver cette expression « horrible ». « Issus de la diversité » ne choque personne, or c’est simplement un euphémisme pour « minorités visibles ».

Bien sûr, je préfèrerais que l’on ait conscience que c’est tous ensemble que nous formons une diversité culturelle. Que chacun d’entre nous constitue un élément de cette diversité. Que la diversité, ce n’est pas l’autre, uniquement l’autre.

Mais avoir des convictions n’empêche pas d’être réaliste. Et je prétends que parler de « diversité » vaut beaucoup mieux que de parler « d’immigrés ».

Qu’il s’agit une étape dans la prise de conscience (douloureuse : c’est ainsi) par la France de son aspect durablement, irréversiblement pluriculturel.

 

Cette prise de conscience ne s’effectue pas dans l’altruisme, dans la pleine reconnaissance de l’autre, dans la sainteté, quoi.

Mais puisque les souvenirs-souvenirs de « mai 68 » sont à l’ordre du jour, je me rappelle de mon passé gaucho, la lecture de Lénine découvrant, un peu tard, que les gens ne sont pas des « saints », et qu’il avait projeté un système aux petits oignons, mais pour une population de saints,…

On sait ce qu’a engendré cette légère erreur de perspective !

Depuis la reconnaissance de la parité, le citoyen est sexué ; condition non suffisante mais nécessaire pour qu’il y ait une marche vers l’égalité femme-homme en politique. La reconnaissance que le citoyen possède une culture, une couleur de peau est une condition nécessaire, quoique non suffisante, pour lutter contre les discriminations.

Et cette première victoire, je pense qu’elle est due à un double facteur.

D’abord l’ambiguïté, l’ambivalence de la position des philosophes (dits) républicains eux-mêmes.

En effet, il faut savoir raison garder, ne pas les diaboliser même quand il est nécessaire de polémiquer avec eux. Ils ne me font certes pas de cadeau. Un jour la belle mère d’un de mes fils a assisté à une conférence de l’un d’entre eux où ce dernier a parlé de moi. Il parait de ce n’était pas triste !

Moi-même, j’ai rencontré moult fois des gens déstabilisés car, en m’écoutant, ils s’apercevaient que ce qu’ils entendaient ne correspondait absolument pas aux horreurs que certains (et certaines !) avaient écrit sur moi.

Ma réponse était : « lisez moi au lieu de croire connaître mon point de vue à partir de détracteurs. »

Mais, ne faisons pas la même chose avec eux, sachons que leur défense du « citoyen abstrait » se croit, se veut une défense de l’égalité.

Un de ceux qui a le mieux décrit la « laïcité républicaine » (en la confondant avec la laïcité française, alors qu’elle n’en était que sa forme dominante) est le philosophe québécois Daniel Marc Weinstock :

« En principe, il y a quelque chose d’admirable et d’attirant dans la conception française de la laïcité, affirme-t-il. Il y a derrière ce principe, dans sa forme la plus pure, un profond souci d’égalitarisme. En effet, si nous sommes, sur la place publique, tous dénudés de nos appartenances particulières, la possibilité d’iniquités perpétrées par les majorités religieuses ou ethniques à l’endroit des minorités disparaît. »

Il continue : « S’il en est ainsi en théorie, la pratique est tout autre. Force est de constater que la laïcité est devenue à bien des égards, en France, un moyen de dissimuler de telles iniquités. C’est que les symboles et les pratiques de la majorité peuvent toujours être présentés comme « neutres ». (…) Ils font, pour ainsi dire, partie de l’oxygène. Mais les marques de différence des minorités sautent aux yeux, et sont même amplifiées. »

 

Et il conclut : « Ce qui au départ devait être un principe permettant à tous les citoyens de disposer d’un statut égal sur la sphère publique devient un outil permettant à la majorité de faire valoir son poids numérique tout en se targuant d’un principe apparemment irréprochable. Il n’est donc pas étonnant que les relations ethnoculturelles soient aussi tendues en France, et qu’elles donnent lieu à des débordements comme ceux qu’ont connus les banlieues en 2005. »[2]

A force, une telle contradiction entre théorie et pratique devient de plus en plus intenable.

Les propos tenus par les dits philosophes républicains sont, sauf exception (comme Catherine Kintzler qui continue d’approfondir son sillon) devenus de plus en plus stéréotypés.

Alors certains changent (voyez Régis Debray), d’autres se recyclent et vont en Sarkozyland (voyez Max Gallo, ex-chevènementiste). D’autres, désenchantés, se taisent.

 On trouve alors une nouvelle vague de « républicains » qui cessent d’avoir la moindre ambition philosophique (Redeker en est un bon exemple, mais de façon moins primaire, plus brillante, Caroline Fourest se situe aussi dans une optique analogue), pour être dans la pure dénonciation de « l’obscurantisme », de « l’intégrisme », etc.

A cela, ils ajoutent l’affirmation que l’islamophobie n’existe pas au motif qu’on a le droit de critiquer la religion. Comme si critique et haine = pareil.

Comparez Redeker et compagnie à Catherine Kintzler ou à Pena-Ruiz, quelle dégringolade intellectuelle ! On est passé d’une pensée sur la laïcité, pensée trop abstraite, essentialiste, à un discours où le mot « laïcité » est évoqué de façon incantatoire, sans que la laïcité ne soit jamais pensée.

On ne trouve plus là de « laïcité républicaine » au sens intellectuel du terme.

L’autre raison est que, depuis 1989 et l’expression publique de cette « laïcité républicaine », celle-ci a subit le feu de 1000 critiques, montrant non seulement les contradictions dont parle Weinstock, mais aussi les erreurs manifestes, les reconstructions arbitraires, etc.

Alors ces critiques ne se situaient pas dans le spectaculaire médiatique, et donc elles ont été socialement moins visibles.

Ces critiques étaient, d’autre part, très diverses, elles s’effectuaient à partir de démarches intellectuelles et disciplinaires différentes (historiens, sociologues, politistes, juristes, philosophes, etc). Elle se prêtaient moins à vulgarisation et leurs auteurs ne constituaient pas une école.

Les philosophes républicains martelaient, chacun à sa manière, des leçons de philo apprises auprès de leur maître (un peu « gourou », en tout cas dans la façon dont ils s’en sont servi en répétant ses formules), Jacques Muglioni, doyen de l’inspection de philo.

On dit qu’il est fils de berger corse analphabète. Donc bien sûr, emblématique du citoyen abstrait, puis que l’handicap social et culturel de départ n’a pas empêché sa réussite.

Quoique ce n’est peut-être pas un hasard s’il est moins connu que B.H-L, né dans un panier doré.

Muglioni, en tout cas, a développé chez les philosophes républicains l’hostilité aux sciences humaines, considérées comme des concurrentes dangereuses pour le leadership intellectuel de la philo,… et le cours de philo en classe terminale.

Intérêt corporatiste et œillères intellectuelles ont fait bon ménage.

Et, en général, les débats contemporains de la philosophie ont été peu pris en compte. Cette école s’est montrée très franco-française.

Est-ce en se barricadant ainsi que la philo peut être vivante ? On peut en douter.

A mon sens, non seulement les critiques, mais les analyses faites depuis 20 ans, par de très nombreux spécialistes de sciences humaines, ont fini par saper les bases intellectuelles de cette philosophie dite républicaine.

Morale de l’histoire : nous venons peut-être de vivre la fable du lièvre et de la tortue.

Le lièvre a caracolé en tête, il s’est fait complaisamment admiré et photographié,… mais au final, l’obscure tortue l’a emportée.

Mais un combat à peine fini (et on n’est même pas sûr qu’il soit totalement fini), qu’un autre commence : celui de dire sereinement mais résolument Non à la laïcité positivo-sarkozyste.

Sarkozy a pris conscience de la diversité de la société française. Mais il veut la gérer en sauvegardant le lien social par une religion civile à l’américaine. Encore plus que le discours du Latran, le discours de Riyad est exemplaire de cette vision des choses.

Encore qu’il faille tenir compte des 2 discours, car le mari de Carla sait bien que la France n’est pas l’Amérique. C’est pourquoi ce qui a été dit au Latran correspond aussi à son projet.

De cela nous avons commencé à parler.

Nous en reparlerons bien sûr.

Mais je peux, dés à présent, vous annoncer une grande nouvelle.

Dans un peu plus d’un mois, le 2 mai exactement,

UN GRAND DUEL

va complètement éclipser les Jeux Olympiques (dont j’espère, que la France boycottera la cérémonie d’ouverture) :

LE DUEL JOHN RAWLS – JEAN-MARIE BIGARD

Témoin pour J. Rawls : Jules Ferry

Témoin pour J.-M. Bigard : Nicolas Sarkozy.

L’événement à ne pas rater !!!

Qu’on se le dise.

PS : Comme vous l’avez compris, c’est RFI, ce matin, qui m’a fait carburer. La suite du feuilleton : « Agnostique et croyant » est renvoyée à plus tard. Mais vous n’y couperez pas !

 

 

 



[1] Mon miroir me dit : « ce que tu causes bien, quand même ! ».

[2] D. Weinstock, « Pour le multiculturalisme canadien, contre la laïcité française », Diversité de foi, égalité de droits, Actes du Colloque du Conseil du Statut de la femme (Québec), 23-24 mars 2006.